L’article 3 dont nous allons débattre est le plus novateur du projet de loi, en proposant la mise en oeuvre de l’agroécologie par la reconnaissance des groupements d’intérêt économique et environnemental. L’objectif est bien de promouvoir la transition déjà en cours vers des systèmes agroécologiques en s’appuyant sur des projets collectifs entrepris depuis la base par nos paysans dans leurs territoires, avec toutes leurs spécificités.
Monsieur le ministre, si vous nous avez déjà dévoilé en partie des chiffres et des lieux concernés par des projets qui s’engagent dans cette voie – nous pouvons d’ailleurs les consulter sur internet depuis quelques heures –, nous sommes, pour l’instant, globalement, dans l’incertitude en ce qui concerne la concrétisation et l’efficacité de ces groupements. Bien entendu, puisque nous sommes dans la période des voeux, nous souhaitons tous ici prospérité et bonheur aux GIEE, et j’espère que nous en parlerons dans quelques années comme un exemple de réussite audacieuse grâce à l’entraide agricole qu’ils vont conforter.
Mais la souplesse de leur définition et les décrets prévus par le texte, que nous ne connaissons pas encore, leur donnent aujourd’hui un contour flou et une portée juridique et une applicabilité peu lisibles. Les députés radicaux regrettent ainsi que ces initiatives locales ne soient pas liées à la recherche scientifique et à l’innovation technique. Ils restent donc, pour l’instant, largement perfectibles. Cela dit, si ces GIEE peuvent participer au maintien et au développement de nos exploitations agricoles pour inverser les courbes inquiétantes du déclin agricole français, nous les soutiendrons et nous en serons les relais sur le terrain.
Car aujourd’hui, nous le constatons tous dans nos circonscriptions, l’effritement de l’agriculture française menace nos territoires. Les chiffres de la production française concernant les surfaces cultivées, le nombre d’agriculteurs exploitants et de salariés ou le nombre d’exploitations démontrent un délabrement alarmant. Je prendrai un seul exemple que je connais bien : dans le département du Lot, nous comptons dix disparitions d’exploitations, pour seulement quatre reprises.
Nous avons la chance, en France, de disposer d’un territoire encore aménagé, cultivé et entretenu. Nous sommes quasiment dépourvus de zones désertées ou laissées à l’abandon, grâce au bon entretien de nos forêts et surtout à des milliers de petites exploitations tenues par des milliers de paysans qui résistent, travaillent leur terre avec passion et s’occupent des espaces. Leur disparition constituerait une catastrophe pour de nombreux départements ruraux et pour des centaines de filières de niches. Ainsi, l’apiculture du Lot est confrontée à des problèmes importants. Or tout est lié, car défendre l’apiculture, c’est assurer la bonne pollinisation de nos arbres fruitiers.
Nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de faire venir des ruches car nous n’avons plus assez d’abeilles en raison de la pollution et du frelon asiatique, pour la destruction duquel l’accompagnement des particuliers doit être amélioré. Pour l’heure, ils sont contraints de faire appel à des entreprises privées rares et dont les prestations, surtout, sont onéreuses. La disparition des diverses petites entreprises agricoles constituerait aussi une perte significative en matière de sécurité et de qualité de notre alimentation. En effet, en aval de l’agriculture, c’est bien de notre alimentation quotidienne qu’il est question. Nous ne devons jamais oublier que le maintien de la sécurité et de l’autonomie alimentaires de la France est un objectif crucial.
Nous pouvons même aller plus loin et nous fixer comme objectif d’assurer une alimentation saine et de bonne qualité à chacun de nos concitoyens, en particulier les plus défavorisés. Il y a là une exigence de justice sociale que nous ne devons jamais abandonner. Dans ce but, nous devons faire tous les efforts nécessaires pour éviter la délocalisation de la production agricole. Comment expliquer que soient servis dans nos restaurants collectifs publics, des cantines scolaires aux cafétérias et même au restaurant de l’Assemblée, des pommes du Chili, des poires et des oranges du Brésil ou encore des kiwis prétendument bio de Nouvelle-Zélande ?
Nous devons promouvoir l’harmonisation des règles de salaire minimum et de protection sociale des salariés agricoles dans l’Union européenne en vue d’une réciprocité accrue et d’échanges plus équitables. Nous savons bien qu’il est absurde et vain de fermer nos frontières européennes, d’autant plus que nous exportons chez nos voisins. Mais qu’en Normandie on mange plus de pommes d’Amérique du Sud que de pommes normandes, que l’on exporte par ailleurs, voilà qui frise le surréalisme !