Intervention de Nicolas Dhuicq

Séance en hémicycle du 9 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dhuicq :

Monsieur le ministre, la question des budgets est tout de même la question essentielle. D’abord parce que nous sommes dans un contexte de réduction des dépenses de l’Union européenne à l’égard de l’agriculture, suivant en cela le modèle anglo-saxon. Ensuite parce que, en raison de notre histoire, la France a une organisation étatique alors que l’Allemagne est constituée de Länder puissants. Nos régions sont donc totalement inégales. Votre loi vise à transférer progressivement la décision de l’échelon national à l’échelon régional. L’échelon national perdant son influence, où sera la capacité de vision et de prospective qui va équilibrer les politiques entre les éleveurs purs, les exploitations mixtes, les exploitations de plaine et les exploitations de montagne ?

S’agissant des fonds, j’ai en tête un budget éloigné de celui de l’agriculture mais qui touche largement à la souveraineté. Vous nous dites : si cela marche bien, tant mieux. Mais où trouverez-vous l’argent ? Quel collègue ministre transfèrera de l’argent de ses budgets vers le vôtres ? En disant cela, je pense aux opérations extérieures : une partie de leur coût est prise sur le budget de la défense, une autre partie devant normalement bénéficier d’un financement interministériel. Mais, quel que soit le gouvernement, le ministre de la défense ne parvient jamais à récupérer de l’argent chez ses collègues de l’agriculture, de l’éducation nationale, de l’enseignement, etc. Nous avons donc un exemple macro-économique majeur dans le budget de la nation ; et dans le domaine des politiques régionales, qui est entre le macro et le micro-économique, on peut toujours s’interroger sur l’inflation des dépenses de fonctionnement – nous verrons cela en 2015 –, avec des inégalités flagrantes entre territoires. Permettez-nous donc d’être très inquiets. À l’horizon 2020, les aides moyennes à l’hectare pour l’exploitant hongrois seront de l’ordre de 310 euros, de 295 euros pour l’exploitant allemand alors qu’elles seront de l’ordre de 200 euros pour l’exploitant français si l’on suit votre plan.

Moi, je ne comprends pas comment vous allez justifier auprès du peuple français cette situation dans laquelle la France, qui avec l’Italie est le dernier contributeur net au budget de l’Union européenne, va continuer à subventionner des agricultures extérieures concurrentes des nôtres.

Comment allez-vous expliquer ce dumping entre les régions, dont certaines, ne pouvant boucler leur budget, ne pourront pas aider les exploitants agricoles, pendant que d’autres le feront ? Et cela sur des critères qui demeurent totalement flous – et fous, car votre GIEE, encore une fois, c’est le Snark de Lewis Carroll : cet objet qu’on décrit dans un long poème et qu’on ne voit jamais ! Moi, je ne sais pas ce qu’est le GIEE : quand je vais retourner voir mes exploitants agricoles, souvent à la tête d’exploitations mixtes, mais aussi les vignerons, qu’est-ce que je vais pouvoir leur expliquer ? Qu’est-ce que nous allons pouvoir expliquer à nos compatriotes qui nourrissent le pays ?

Nous allons leur dire : « Vous allez devoir adhérer à un GIEE et si le souverain local, c’est-à-dire le président de la région, décide de vous accorder des aides, vous les aurez. Et si le souverain local, éventuellement, décide de promouvoir quelques jeunes qui cherchent un emploi, qui votent bien, qui pensent bien, nous dépenserons l’argent des impôts des Français à favoriser les futurs militants de la rue de Solférino… » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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