La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1548, 1639, 1614, 1604).
Le temps restant pour la discussion de ce texte est de six heures vingt-trois minutes pour le groupe SRC, dont deux cent trente amendements restent en discussion ; sept heures douze minutes pour le groupe UMP, dont six cent quatre-vingt-dix-sept amendements sont en discussion ; deux heures trois minutes pour le groupe UDI, dont cent vingt amendements sont en discussion ; une heure dix minutes pour le groupe écologiste, dont quatre-vingt-huit amendements sont en discussion ; une heure neuf minutes pour le groupe RRDP, dont vingt-neuf amendements sont en discussion ; une heure quatorze minutes pour le groupe GDR, dont soixante-treize amendements sont en discussion ; vingt-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 618 à l’article 3.
Le présent amendement a pour vocation, comme je l’ai dit ce matin, d’ancrer le GIEE dans la sphère des chambres consulaires et, en particulier de reprendre ce qui existe, c’est-à-dire les groupements de développement agricole en précisant leur vocation environnementale, ce qui n’a échappé jusqu’à présent à aucun paysan de notre territoire, mais qui mérite d’être souligné pour l’opinion publique.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
Sourires
et qu’il ne propose plus de supprimer le GIEE, mais seulement d’en modifier le nom. Il y a des progrès et avant la fin de la discussion du texte, nous arriverons à un avis totalement positif !
Sourires.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, mais je laisse à M. le ministre le soin de vous répondre.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, pour donner l’avis du Gouvernement.
Même avis que la commission et le rapporteur.
L’amendement no 618 n’est pas adopté.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 947 .
L’amendement no 947 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans le cadre des GIEE, il faut reconnaître celles et ceux qui vont s’engager collectivement à mettre en oeuvre un projet pluriannuel. Un certain nombre d’acteurs économiques se sont d’ores et déjà engagés dans des processus qui répondent peu ou prou à l’esprit et à la future lettre de la loi. M. le ministre a indiqué qu’une centaine de projets faisait déjà l’objet d’une reconnaissance implicite par le biais de l’appel à projets CASDAR.
Mon amendement vise donc à insérer après le mot « modification », les mots « ou de consolidation » car il serait dommage que ceux qui sont déjà engagés dans ce processus se voient pénaliser par une écriture trop restrictive de la loi.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1260 .
La commission a trouvé l’amendement de nos collègues tout à fait pertinent. Faire des GIEE pour viser la double performance et ne pas consolider les pratiques existantes ne serait pas correct. Avis favorable donc.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 548 .
L’amendement no 548 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1106 .
L’amendement no 1106 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 870 .
Même avis que la commission.
L’amendement no 870 est retiré.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1102 .
L’amendement no 1102 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1109 .
L’amendement no 1109 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’alinéa 8 m’a demandé des efforts de compréhension d’ordre sémantique. Pour moi, le mot « capitalisation » peut prendre une dimension particulière
Sourires.
Mais au final, j’en ai bien compris le sens ! Mon amendement vise à mettre sur le même plan la capitalisation des résultats sociaux et la capitalisation des résultats économiques ou environnementaux et donc à supprimer les mots «, le cas échéant ». Nous avons eu un débat en fin de matinée sur les GIEE. Il est possible de capitaliser des résultats obtenus au plan social par les activités développées, par le renforcement de la formation, par la coopération entre agriculteurs, par l’animation qui accompagnera le développement des GIEE.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 615 .
N’ayant pas réussi ce matin à supprimer le GIEE, nous nous adaptons ! Vous proposez de prévoir les modalités de capitalisation des résultats obtenus sur les plans économiques, environnementaux et, « le cas échéant » sociaux. Quelle n’est pas notre surprise, alors que nous sommes dans une logique de développement durable, avec une partie économique et environnementale et sociale ? Il faut donc supprimer les mots « le cas échéant ».
De même, par l’amendement suivant no 614, nous proposons d’écrire que le projet pluriannuel « comporte » et non « peut comporter » une dimension sociale.
La commission a bien noté que M. Chassaigne a fait la différence entre la capitalisation des expériences et une quelconque démarche permettant de soutenir le capitalisme. Il n’y a donc pas d’ambiguïté.
Sourires.
Si la commission a émis un avis défavorable, monsieur Chassaigne, monsieur Le Ray, quant à la suppression des termes « le cas échéant », c’est parce que le GIEE est un groupement d’intérêt économique et écologique. Il peut avoir une dimension sociale, mais celle-ci n’est pas intégrée au même niveau que la dimension économique et environnementale.
Même avis. Je rappelle en outre que la dimension sociale est, par définition, liée à la dimension collective du GIEE. L’élément nouveau est qu’il n’y a pas de contraintes, ni de cadre formel, mais l’envie de créer des dynamiques collectives. Et une dynamique collective a, par définition, une dimension sociale.
Je peux vous donner l’exemple d’un GIEE développement durable en Ardèche, qui regroupe cinquante-deux exploitations situées sur un plateau où les conditions sont difficiles en hiver. Je peux vous assurer que la dynamique sociale y est évidente. Le fait de se regrouper rompt l’isolement et crée de la dynamique sociale et même, monsieur Le Ray, de la dynamique territoriale car derrière, il y a le territoire et sa socialisation.
La dimension sociale est inhérente aux groupements d’intérêt économiques et environnementaux.
Depuis le début du débat !
Depuis mardi, vous nous vantez la dimension économique, environnementale et sociale de votre projet de loi. Là, alors que nous allons en toute bonne foi dans votre sens, vous nous dites, mais peut-être êtes-vous atteints d’un paralogisme aigu, que la dimension sociale peut « le cas échéant » être prise en compte. Soit nous ne parlons pas de la même chose, soit cela mérite des explications supplémentaires.
L’amendement no 614 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1518 .
Amendement rédactionnel sur la diffusion des résultats obtenus. Il a reçu un avis favorable de la commission.
L’amendement no 1518 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 949 .
Le Gouvernement persiste et signe dans l’erreur. Nous avons un objet indéterminé, indéfini que vous appelez le GIEE, avec des alinéas incompréhensibles et, de plus, répétitifs. Vous êtes tellement empêtrés dans vos contradictions et la volonté, malgré tout, d’essayer de faire plaisir à vos alliés – qui vont ainsi détruire l’agriculture française et supprimer la paysannerie, n’en déplaise à certains de nos collègues – que vous êtes obligés de répéter systématiquement les mêmes phrases. Notre amendement est un amendement de bon sens qui consiste seulement à supprimer ce qui est redondant dans cette loi. Nous ne comprenons pas votre entêtement.
L’amendement no 949 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1110 .
L’amendement no 1110 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Un cadre national précisera les types de critères qui peuvent être pris en compte dans la reconnaissance d’un GIEE. Cet amendement est sous-amendé par le groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 1744 .
Il s’agit d’indiquer que le décret précisera les critères sur la base desquels les aspects économiques, environnementaux et, le cas échéant, sociaux du projet pluriannuel du groupement sont appréciés en vue de sa reconnaissance comme GIEE. Nous ne sommes pas extrêmement fiers de la formulation « le cas échéant ».
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
En cohérence avec ce qui a été dit précédemment, nous en restons là pour l’instant – et en tout état de cause, c’est mieux que « notamment » – et je maintiens le sous-amendement dans sa formulation actuelle.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
Favorable aux deux.
Je ne peux laisser passer cela. Notre excellent collègue Le Ray vient de défendre deux amendements qui allaient dans le même sens que l’amendement et le sous-amendement dont nous discutons. Conformément à la Constitution, qui rappelle que notre société repose sur trois piliers, le pilier social, le pilier économique et le pilier environnemental, il souhaitait réintroduire dans la loi la dimension sociale. Ces amendements, vous les avez refusés alors que vous avez donné un avis favorable au sous-amendement de M. Potier qui vise à préciser que les critères pourront être « économiques, environnementaux et, le cas échéant, sociaux », la formule « le cas échéant » étant susceptible d’être supprimée par la suite comme il l’a reconnu lui-même.
Je tenais à souligner, pour que cela figure au Journal Officiel, que vous vous refusez à adopter des amendements de l’opposition, même lorsqu’ils sont frappés au coin du bon sens.
Le sous-amendement no 1744 est adopté.
L’amendement no 1164 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1111 .
L’amendement no 1111 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 180 .
Pour assurer l’efficacité du dispositif, les GIEE doivent être mis en réseau afin qu’une innovation imaginée sur un territoire donné puisse bénéficier à d’autres et susciter de nouvelles idées. Cette mise en réseau s’inscrit en totale cohérence avec les engagements pris dans le cadre du programme national de développement agricole et rural.
Cet amendement réaffirme également que les membres non-agriculteurs des GIEE ne pourront pas revendiquer l’attribution d’aides spécifiquement destinées aux exploitations agricoles.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 453 .
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 645 .
Avec Antoine Herth et Catherine Vautrin, nous vous proposons d’ajouter un alinéa après l’alinéa 10 afin de rattraper ce qui peut l’être dans le dispositif du GIEE. Il s’agit de donner à l’État un rôle plus central, notamment pour que les réussites potentielles soient mutualisées et partagées à l’échelle nationale. Surtout, nous entendons introduire un élément essentiel, à l’instar de Thierry Benoit, en précisant que les membres non-agriculteurs des GIEE ne peuvent bénéficier d’aides spécifiques.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1028 .
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1586 .
Monsieur le ministre, nous considérons que la création de GIEE ne peut s’improviser. La labellisation de ces groupements relève d’une démarche volontariste mais aussi d’une démarche professionnelle. Cet amendement vise à identifier clairement des têtes de réseau, en tant que partenaires de l’État dans le cadre de projets territoriaux donnant lieu à des GIEE. Cela justifie de réserver exclusivement aux exploitants agricoles, et donc aux professionnels de l’agriculture, les financements publics destinés à la création des groupements, y compris les financements majorés spécifiques.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 1710 .
Cet amendement vise à confier les missions d’accompagnement, de suivi, de capitalisation et de diffusion des innovations aux organismes de développement agricole dont les têtes de réseau auraient conclu avec l’État un contrat d’objectifs.
Cette proposition est en totale cohérence avec les engagements pris par les organismes s’étant engagés à répondre aux orientations du programme national de développement agricole et rural.
La commission a considéré qu’il ne fallait pas enfermer le dispositif dans un monopole attribué à certains organismes pour assurer le suivi, la diffusion des innovations ou l’accompagnement. Divers organismes du secteur agricole peuvent effectuer ce travail. Avis défavorable.
Même avis que la commission.
Les premiers projets que nous avons repérés, préfigurant les GIEE, montrent que les chambres d’agriculture sont pleinement investies, mais au même titre que d’autres organismes de développement. Évitons de cadenasser un dispositif qui doit donner de la liberté et de la souplesse. Jamais il n’a été question d’imaginer que les aides destinées à l’agriculture aillent à autre chose que l’agriculture. Qui pourrait faire qu’il en aille autrement, d’ailleurs ?
Il y a justement des partenariats. Comment se finance aujourd’hui le développement agricole, monsieur Le Ray ? Vous vous êtes posé la question ? Vous savez très bien qu’il y a des solutions.
À ce stade de nos débats, la représentation nationale a besoin d’être éclairée. La majorité a adopté un amendement laconique du rapporteur indiquant, grosso modo, que les informations pourront être diffusées : il ne renvoie pas à un décret et couvre un très large champ. Et maintenant que nous proposons des amendements qui permettent de tracer les lignes de ce que pourrait être l’organisation du développement et de la formation, vous nous répondez que vous ne voulez pas vous enfermer dans un carcan. Mais nous vous posons simplement des questions qui me semblent légitimes : quelle est votre position quant au suivi, au développement et à la formation ? De quelle manière les informations seront-elles divulguées et quelles informations le seront ? C’est tout de même assez simple !
Je prends la parole, madame la présidente, car je n’ai pas pu m’exprimer tout à l’heure sur le GIEE. Le monde agricole a une capacité d’initiative considérable, chacun le sait.
Formidable !
Les agriculteurs ne nous ont pas attendus, ils ne vous ont pas attendus, ils n’ont attendu personne. Il y a les CUMA, les actions sur le bocage et bien d’autres encore. Laissons-les libres ! Ils accompliront bien des choses. C’est là le message que vous adresse l’ensemble du monde agricole.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ils n’ont pas besoin d’un label, ils n’ont pas besoin de signer au bas d’une page, monsieur Le Foll. Ils peuvent faire des choses tout seuls.
Comme votre loi est vide, en bon judoka, vous vous êtes dit que vous alliez utiliser la force des autres pour vous l’approprier : je vais utiliser la capacité d’initiative du monde rural, avez-vous pensé, et comme je donnerai un label, ce sera un peu moi, un peu le Gouvernement, et puis je mettrai quelques sous. C’est ça la logique du GIEE !
Vous avez tout compris !
Ce dispositif a été imaginé par des intellectuels puissants, ceux-là mêmes qui ont inventé le CTE.
Ils sont partis de cette réalité bien connue des sociologues, à savoir qu’il se passe des choses dans le monde agricole. Pourquoi pas, à la limite ?
On va y arriver !
La vraie question, c’est que le ministre veut laisser une pierre pour marquer son passage. Il faut bien qu’il explique qu’il ne s’est pas occupé uniquement de la rue de Solférino, mais qu’il était aussi rue de Varenne, c’est bien normal. Comme l’argent public est rare, il faut définir des critères pour le focaliser sur les GIEE. Et cet argent public, les agriculteurs le solliciteront car, comme les élus des secteurs ruraux, ils sont un peu des chasseurs de primes. Si l’on nous demande de mettre un nez rouge et une cravate verte, nous mettrons un nez rouge et une cravate verte pour avoir les quelques sous nécessaires.
Je n’ai pas osé !
Vous nous renvoyez aux décrets, monsieur le ministre, mais la vraie question est de savoir quels seront les critères. Comment seront retenus les GIEE ? Quelles sommes d’argent peuvent-ils espérer ? Quelles exigences seront posées pour l’octroi des subventions publiques ? N’y aura-t-il pas des contraintes exagérées ? Enfin, comme d’autres l’ont souligné avant moi, n’y a-t-il pas un risque de dérive ? Dans nos campagnes, certains se demandent si cet argent n’ira pas à la « Conf ».
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je suis convaincu que vous êtes capable de nous démontrer le contraire. Mais pour ce faire, il faut que vous nous indiquiez, premièrement, de quelles sommes disposeront les groupements dans les années à venir, deuxièmement, comment cet argent sera octroyé et, troisièmement, quelles seront les garanties d’indépendance apportées pour que cet argent ne soit pas alloué selon des considérations politiques contestables.
Or à ces questions, je n’ai aucune réponse : c’est le vide ! Je voudrais donc, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions. Ne nous dites surtout pas que ces sujets relèvent de décrets. Je comprends parfaitement qu’une partie du dispositif soit du domaine réglementaire mais en tant que ministre, vous pouvez tout à fait nous dire ce que vous envisagez de faire figurer dans les décrets. C’est le propre du débat législatif que d’anticiper la partie réglementaire, sur laquelle nous avons moins de prise et sur laquelle nous souhaitons, bien évidemment, être informés. À ce stade de nos débats, il nous faut des éclaircissements.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vos interventions ont un mérite, monsieur Le Fur : elles révèlent souvent les contradictions qui sont celles de votre groupe. Les interventions précédentes ont insisté sur la nécessité de savoir exactement qui allait s’occuper des GIEE, sous-entendant qu’il fallait éviter tout enjeu politique. Mais vous savez, monsieur Le Fur, sur toutes ces questions, particulièrement celles du financement, il faut faire très attention. Ici, il n’est pas question de cela. Que vous ai-je dit depuis le départ ? La logique des GIEE est différente de celle des CTE : il ne s’agit pas de mettre tant d’argent pour obtenir tel engagement.
Vous n’avez donc pas voulu regarder. À quoi ont servi les CUMA ? À mutualiser le matériel agricole.
Oui, mais les agriculteurs représentent 100 % des CUMA et seulement 50 % des GIEE !
La modernisation de l’agriculture dans les années soixante est passée par le matériel agricole. Aujourd’hui, pourquoi la modernisation de l’agriculture ne passerait-elle pas par la combinaison de l’économie et de l’environnement ? C’est ce simple déclic intellectuel que nous vous demandons ; le reste en découle logiquement.
Combien d’argent ? demandez-vous. Ce sera fonction du nombre de projets ! Chaque fois qu’un ministre se déplace, on lui demande combien il a dans ses poches, comme si tout projet politique se réduisait à une seule question : « combien avez-vous d’argent dans votre poche ? ». Vous êtes les premiers, monsieur Le Fur, à répéter à longueur de journée qu’il faut diminuer la dépense publique, et lorsque vous débattez, vous n’êtes pas capables d’assumer le fait que l’on peut avoir un projet politique sans être obligés de mettre en regard une certaine somme d’argent.
Le financement viendra-t-il du CASDAR ? En partie. Viendra-t-il du deuxième pilier et des régions ? En partie. Viendra-t-il de certaines initiatives ? En partie.
Respirons un peu ! Arrêtons de parler comme on l’a fait pendant vingt ans. Agriculture, cela ne veut pas dire argent. Agriculture, cela veut dire : hommes, femmes, projets. C’est cela le changement !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
À ce stade de nos débats, les Françaises et les Français doivent être informés de quelques éléments. Tout d’abord, monsieur le ministre, quelles que soient vos qualités et la sympathie personnelle que vous inspirez, votre réponse est relativement surréaliste. En effet, vous avez organisé au cours de la matinée l’abandon d’un des rôles régaliens majeurs confiés à l’État par la nation au profit des féodaux d’aujourd’hui que sont les présidents de région. Ceux-ci pourront contractualiser comme ils le souhaitent et donner à leurs vassaux les financements nécessaires pour exploiter des terres, non pas en France, mais en Ukraine ou en Allemagne, où elles seront exploitées par de grands groupes capitalistiques.
Quelles seront les conséquences de votre projet de loi ? Toutes les exploitations entre 100 et 200 hectares disparaîtront à terme de ce pays ; ceux qui possèdent des exploitations plus grandes sont de toute manière dans une autre logique et survivront à toutes vos réformes. Vous maintiendrez ainsi une paupérisation, une prolétarisation de quelques petites exploitations. À court terme, vous tenterez d’avantager certaines zones d’élevage de montagne, mais elles aussi seront touchées.
Ainsi que je le disais tout à l’heure, depuis les années 1980, à chaque fois qu’un gouvernement socialiste est au pouvoir, il organise un système qui favorise d’un côté le grand capital et de l’autre une paupérisation et une destruction de toutes les entreprises indépendantes, aujourd’hui les entreprises agricoles. C’est donc exactement ce qui se produira : la féodalisation des aides européennes, la disparition d’une politique nationale ambitieuse, qui a toujours été une des forces de la France depuis plus de mille ans, et dans le même temps l’organisation politique du territoire avec l’utilisation de moyens tels que des animateurs ou la circulation de fonds.
Vous ne savez même pas vous-même, en tant que ministre, de combien d’argent vous disposerez. Vous allez donc, comme pour la réforme des rythmes scolaires, obliger les collectivités territoriales à augmenter les impôts. L’État central pourra ainsi afficher une baisse d’impôts, que vous ferez supporter aux mêmes contribuables au niveau territorial. Telles seront les conséquences de votre texte : la féodalisation et l’abandon de toute politique nationale en faveur de l’agriculture.
Vous aussi, monsieur le ministre, vous restez constant : constant dans la non-réponse à nos questions concernant le financement de ces GIEE. Nous restons dans le flou ! Depuis le début, nous vous demandons de préciser vos intentions, car ce que nous entendons sur le terrain n’est pas très favorable à ces structures.
Sur le fond, nous ne sommes pas contre l’existence d’une structure juridique réunissant les acteurs sur des projets locaux : nous y sommes bien entendu tous favorables. Mais votre projet de loi prévoit des subventions majorées : dès lors que vous avez l’intention d’y consacrer de la dépense publique, il est bien naturel que la représentation nationale vous demande des précisions. Voilà tout ! Les questions que nous nous posons sont finalement très simples, et nous attendons une réponse de votre part.
Si l’on se place dans un contexte de baisse des dépenses publiques – ce qui n’est du reste pas le cas puisque M. Cazeneuve a indiqué mardi dernier, lors des questions au Gouvernement, qu’il y aurait simplement une moindre augmentation ; mais admettons que nous soyons en situation de stabilité des dépenses publiques –, vous devrez alors procéder à une nouvelle répartition de votre budget agricole, car j’imagine mal que vous preniez sur le budget de la culture, de l’enseignement ou sur tout autre budget, dans le but de majorer les subventions accordées à ces GIEE.
Admettons dès lors que l’on prenne sur le budget de l’agriculture : à quelle agriculture allez-vous prendre de l’argent pour accorder des subventions majorées aux GIEE ? Pour quels projets ? À qui allez-vous les accorder ? À quels GIEE ?
Vous avez la carte depuis cet après-midi, madame !
Sur la base de quels critères ? Voilà ce dont nous voulons débattre aujourd’hui !
Dans le cadre de ce débat, nous attendons des précisions sur les GIEE. Nous nourrissons des inquiétudes concernant les GIEE parce que nous avons l’impression que vous avez déjà décidé sur quels types d’agriculture, sur quels types de projets, sur quels types de filières vous allez prendre des subventions pour les donner ensuite à certains GIEE : c’est de cela que nous discutons aujourd’hui. Nous aimerions obtenir des réponses ; or nous les attendons toujours.
L’amendement no 6 est défendu mais, une fois de plus, concernant les GIEE : quel avantage ? Quelle procédure ? Quel montant financier ? Quel avantage peuvent espérer les porteurs de ces projets ? Quelle procédure doivent-ils engager et qui décide ? Quelles garanties avons-nous que cette procédure sera relativement équilibrée entre les différentes sensibilités qui traversent le monde agricole ? Enfin, quel montant financier peuvent-ils espérer ? Laure de La Raudière vous a posé la question ; je la pose à nouveau. À ce stade, je n’ai aucun élément de réponse, monsieur le ministre, mais nous vous écoutons. L’entêtement n’est pas un défaut, mais une qualité, monsieur le ministre !
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1585 .
Dans le même esprit que ce que vient d’indiquer Marc Le Fur, cet amendement a pour objet de préciser les enjeux et les objectifs des groupements d’intérêt économique et environnemental.
Même avis.
Depuis le début de l’examen de ce texte, vous avez pour l’essentiel joué sur les mots : « éventuellement », « notamment », « le cas échéant ». Ici c’est « peuvent » ! Nous vous demandons par conséquent d’être beaucoup plus clair.
L’alinéa 12 dispose que les agriculteurs « peuvent bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques ». Or vous n’osez pas aller jusqu’au bout, et je vais vous expliquer pourquoi : vous savez pertinemment que la création des GIEE entraînera de facto des coûts de fonctionnement – vous avez évoqué les animateurs, les entrées de collectivités : tout cela aura forcément un coût, et donc des conséquences sur le volume des aides au niveau national. En suivant cette démarche, vous serez dans l’impossibilité de majorer les aides pour les agriculteurs qui feront partie des GIEE ; tout juste pourrez-vous les maintenir. Dès lors, pour ceux qui n’appartiendront pas aux GIEE, les aides diminueront. Je vous demande donc de clarifier cette disposition en remplaçant « peuvent » par « permettent ».
Sur les amendements identiques nos 427 , 700 , 1027 , 1587 , 484 et 1714 , je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 427 .
Cet amendement va dans le même sens que l’amendement no 180 que je viens de défendre : il s’agit de favoriser une capitalisation des expériences menées dans les GIEE au sein des organismes de développement agricole et de ne pas attribuer d’aides agricoles spécifiques aux membres non agriculteurs de ces GIEE.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 700 .
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1027 .
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1587 .
Avec cette série d’amendements, nous poursuivons les débats engagés ce matin avec M. le ministre. En effet, nous considérons que dès lors que des aides publiques majorées sont attribuées en matière agricole, il y a lieu d’en préciser la destination. Tel est le sens de cet amendement, qui nous tient particulièrement à coeur, afin de soutenir une agriculture de production et une agro-écologie de professionnels.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 484 .
Monsieur le ministre, nous sommes à un moment crucial pour le texte et également pour vous, puisqu’il y va de la crédibilité du GIEE. Nous vous avons posé un certain nombre de questions auxquelles vous n’avez apporté aucune réponse.
Ce qui nous inquiète davantage, car vous passez pour un ministre très sérieux, c’est que vous donnez le sentiment depuis quelques instants qu’il y a un flottement et que vous êtes incapable de répondre ; voilà qui nous inquiète vraiment !
Permettez-moi donc d’insister sur le contenu de ce projet de loi tel qu’il est rédigé. Il prévoit par exemple la possibilité d’évoquer « le cas échéant » le pilier social, ce qui, je le répète, nous choque profondément à l’UMP, et je pense pouvoir associer nos collègues de l’UDI.
Par ailleurs, je vous suggère de réécouter ce soir les explications que vous nous avez données – d’ici à dimanche après-midi, nous avons le temps de revenir pour en rediscuter. Vous avez quasiment osé affirmer que, le cas échéant, il y aurait de l’argent. Imaginez le trouble dans le monde agricole qui nous écoute depuis un quart d’heure ! Le monde agricole français doit être tout retourné par de tels propos !
Le cas échéant, il y aurait de l’argent : mais vous êtes incapable de nous dire combien, où vous le prenez, sur quelles autres affectations vous le prélevez, qui sera favorisé ou qui sera pénalisé ! Quant au volet formation et information, vous êtes incapable de nous apporter le moindre début de commencement d’éclaircissement sur la façon dont cela sera réalisé.
Le GIEE est au coeur de votre projet ; vous ne pouvez donc pas, monsieur le ministre, je vous le dis très amicalement, en rester à l’explication que vous nous avez donnée tout à l’heure, car c’est votre crédibilité, celle du Gouvernement et de la majorité qui est en jeu dans ce débat sur le GIEE.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 1714 .
Le groupe RRDP est attaché à cet amendement : il nous paraît en effet utile de préciser que la majoration des aides sera bien destinée aux agriculteurs membres du groupement du GIEE.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour soutenir l’amendement no 813 .
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je voudrais lever quelques ambiguïtés. Nous avons déjà eu ce débat dans la matinée, monsieur Benoît. De toute évidence, le GIEE est fait prioritairement pour les agriculteurs : il n’est pas conçu pour d’autres groupements ou d’autres personnes en dehors du monde agricole. En êtes-vous d’accord ?
Cela signifie qu’il est conçu pour les agriculteurs ! Mais, monsieur Saddier, vous comprenez bien qu’il peut exister un projet sur votre territoire dans lequel vous serez amené, en tant qu’élu local, à intervenir au nom de votre collectivité. C’est une évidence absolue !
Vous le faites déjà, du reste !
Qu’en avez-vous fait, de l’argent ?
N’essayez donc pas de fermer les portes et de chercher des problèmes où il n’y en a pas ! « Prioritairement », le GIEE s’adresse aux agriculteurs, cela est bien évident, même si cela n’exclut pas la participation d’autres organismes, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres pays. Vous ne cessez de citer l’Allemagne : allez voir en Allemagne, vous y trouverez des exemples de travail en commun entre agriculteurs, coopératives et collectivités. De ce point de vue, nous ne pouvons donc qu’être d’accord !
Monsieur Le Fur, votre région a besoin d’étendre l’expérience de méthanisation. Pouvez-vous affirmer, concernant les agriculteurs, qu’il n’arrivera jamais à une communauté de communes de mettre à disposition des terrains ? Une collectivité n’apportera-t-elle pas les déchets verts qu’elle collecte ?
La collectivité n’apportera-t-elle pas des déchets hors végétaux ? Mes chers collègues, nous devons être clairs : les GIEE concernent en priorité les agriculteurs. C’est une évidence : ne nous faites donc pas un faux procès !
Pour en revenir au terme « peuvent », vous ne cessez de nous reprocher de mettre l’agriculture dans un carcan, de la sur-administrer, de créer sans arrêt des règles nouvelles ; et pourtant, vous voudriez que tout soit encadré dans la loi à la virgule près ! Je vous répondrai donc ce que M. Le Fur a dit tout à l’heure : faites confiance aux acteurs locaux !
Cela vous est très difficile, car vous avez tellement peur de l’avenir et de l’innovation que vous ne faites confiance à personne !
Faites confiance aux acteurs de terrain comme nous faisons confiance aux agriculteurs. Monsieur Le Fur, je reprendrai votre expression en disant à mon tour : laissons-les vivre ! Et n’essayons pas, alors que nous élaborons une loi de portée générale, d’entrer dans le détail.
La commission a émis un avis défavorable sur cette série d’amendements.
Puisqu’il faut répéter les choses, je veux revenir sur le « cas échéant » concernant le cadre social. En la matière, je me demande ce qu’est pour vous le cadre social. Est-ce le respect des règles sociales ? Je l’espère pour vous.
Mais qu’est-ce que la capitalisation sociale, monsieur Le Ray ? Il faudra que vous y réfléchissiez bien.
Oui, mais je souhaiterais que vous soyez capable de préciser. Les GIEE ont pour objectif de combiner la dimension économique et la dimension écologique. Et, par définition, ils ont une dimension sociale liée à l’action collective.
Vous avez parlé également des financements. Prenons l’exemple des CUMA qui est très explicite.
Les CUMA peuvent bénéficier d’aides spécifiques : il y a des cotisations, des aides du deuxième pilier et des régions, parfois des aides des collectivités pour des actions spécifiques. On est bien dans un cadre que vous connaissez : c’est ce cadre-là qui se développera et se mettra en oeuvre avec les groupements d’intérêt économique et environnemental.
Vous sous-entendez que nous irions chercher des aides sur le premier pilier pour sélectionner les agriculteurs, parce que bien sûr, politiquement, nous chercherions à exclure les uns ou les autres – ce que je n’ai jamais fait, ni quand j’ai parlé d’élevage, ni quand j’ai parlé des céréales, car j’entends l’agriculture dans sa globalité, avec des dynamiques collectives.
Puisque vous nous accusez et que vous avez parlé de ma crédibilité, je vous réponds.
Comme je l’ai dit ce matin à Thierry Benoit, il va falloir clarifier ce que l’on entend par aides publiques majorées. Vos interrogations pourraient en effet, logiquement, être reprises par des agriculteurs de bonne foi.
Monsieur Le Fur, je veux vous répondre de manière précise, car pour votre part vous l’êtes toujours. Vous trouverez la réponse au financement des GIEE en regardant ce qui se passe avec les CUMA. C’est le même principe : cela peut venir de plusieurs sources, avec comme objectif d’accompagner le projet et de permettre à ceux qui s’organisent collectivement de pouvoir porter un projet.
Prenons l’exemple du projet de GIEE dans les Côtes-d’Armor qui doit regrouper soixante-quinze exploitations. Ce n’est pas rien ! Cela peut fonctionner non parce que des exploitants font individuellement un choix et discutent de temps en temps ensemble, mais parce que des exploitations ont un projet commun.
Il faut donc aider ces agriculteurs à partager, discuter, mettre en oeuvre. Et, pour reprendre l’exemple de la méthanisation, s’ils ont besoin d’aides, ils pourront se tourner vers l’ADEME, les régions et le deuxième pilier.
Je vous demande de ne pas engager le débat avec des « combien ? ». Combien il y aura de GIEE ? Je n’en sais rien. Cela dépendra de l’intérêt que les agriculteurs porteront à cette formule. Combien cela coûtera ? Je n’en sais rien. Cela dépendra de la dynamique. Ce dont j’ai envie, c’est qu’il y ait de l’investissement, de la dynamique, de la valeur ajoutée.
Comment fonctionnera le GIEE de la Haute-Vienne qui prévoit de combiner production bovine et de châtaignes ? Tout ce que je sais, c’est que des agriculteurs ont imaginé combiner deux objectifs, et c’est cela qui m’intéresse, comme cela intéresse ici ceux qui croient à cette capacité qu’ont les agriculteurs à être innovants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.
Monsieur le ministre, je reviens vers vous car je considère que ce sujet est important. Dans votre projet d’agroécologie, cet outil qu’est le GIEE va être mis à l’épreuve. Si j’ai bien compris, il s’agit d’une labellisation.
Tout à fait !
Imaginons que, dans un territoire de l’ouest que je connais bien, les acteurs se fédèrent de l’amont à l’aval – agriculteurs, transformateurs, distributeurs et associations de consommateurs – et créent à l’échelle des bassins de vie une filière nutrition, une agriculture à vocation santé. Immédiatement, cette initiative étant labellisée GIEE, se pose la question des aides publiques, qu’elles proviennent de la nation ou de l’Europe. Or j’ai en tête le montant de la dette publique qui s’élève à 2 000 milliards et celui du déficit qui est de 80 milliards. Je ne vais donc pas faire rêver les bénéficiaires potentiels de ces aides puisque je sais que le périmètre sera restreint et contraint. En tout cas, les agriculteurs l’ont bien compris, ils n’attendent pas la loi d’avenir pour l’agriculture pour toucher des biftons, des euros ou des subventions car ce n’est pas ce qu’ils demandent.
En revanche, ce que nous proposons à travers cet amendement, c’est de cibler l’attribution de financements publics, quelle qu’en soit l’origine, budget national ou aides européennes. Je veux que les actions soient identifiées clairement. Va-t-on financer les actions, l’animation ? Comment définit-on les projets qui sont éligibles à des financements ? Tel est le sens de cet amendement. Je souhaite que, quelles que soient les options que vous retiendrez quant à l’orientation des financements, que l’on finance des actions concrètes, de l’animation ou des projets territoriaux, les bénéficiaires soient l’agriculture française et les exploitants agricoles.
L’objet des GIEE est de faire émerger des projets dans les territoires, de fédérer des acteurs. Or chacun va chercher, et c’est normal, à être éligible à des financements, alors que ce n’est pas forcément le but. Mais comme nous sommes les élus de la nation et que nous avons à parler régulièrement des finances de l’État, nous devons circonscrire l’attribution de ces financements publics à l’agriculture et aux exploitants agricoles, que vous décidiez de financer de l’animation, des projets ou de l’action concrète sur les territoires.
Monsieur le ministre, mettez-vous un instant à la place d’un agriculteur. Dans ces GIEE, vous allez mélanger du pique et du carreau. On ne connaît toujours pas les limites juridiques, la responsabilité sociale des uns et des autres, et vous ne nous avez toujours pas dit quel sera le contour de ces GIEE. Or cela est essentiel.
Un autre point m’est venu à l’esprit tout à l’heure en vous écoutant. J’ai l’impression que vous êtes en train d’enfermer les agriculteurs dans un système extrêmement malsain.
Pour pouvoir obtenir des aides publiques, vous allez les mettre sous perfusion. Ils vont devenir dépendants des aides publiques, ce qui entraînera des clivages sur le territoire national.
Mes collègues ont dit quelles étaient les raisons de leurs interrogations et je partage les propos de M. Benoit et M. Le Ray.
Monsieur le ministre, c’est autant sur le fond, qui vient de vous être rappelé, que sur la forme, c’est-à-dire sur la façon dont vous sollicitez le Parlement sur ce sujet, que je veux vous interroger.
En commission, vous aviez pris l’engagement de présenter devant le Parlement le contenu des ordonnances avant le début de l’examen de ce texte en séance publique. Mais l’autre jour, lorsque nous vous avons rappelé cela en séance, vous avez eu l’audace de dire : laquelle ?
À la page 439 du rapport no 1639, il est précisé que vous aurez connaissance des projets d’ordonnance avant la deuxième lecture.
Très bien ! Mais il faudra donc que l’on s’entende sur la notion de séance publique. En général, il s’agit de la première lecture.
Vous dites que les modalités d’agrément des GIEE seront précisées par décret, que les conditions de maintien de l’agrément seront précisées par décret et que la façon dont seront sélectionnés les projets sera précisée par décret. En somme, tout ce qui fait le coeur de la mécanique que vous nous présentez sera précisé ultérieurement par décret, c’est-à-dire bientôt, c’est-à-dire en fait plus tard. Dès lors, vous devriez comprendre que le Parlement vous interroge sur ce que vous avez dans la soute, si je peux me permettre d’être trivial.
Très franchement, je n’ai pas l’habitude de faire des procès d’intention, ici comme ailleurs. Mais je crains que vous ne nous présentiez un scénario que nous avons déjà connu, c’est-à-dire que vous nous demandiez de vous habiliter à prendre des ordonnances parce que vous ne savez pas encore très bien ce que vous allez y mettre. On a déjà vu cela, il n’y a pas très longtemps. Du reste, j’ai interrogé la garde des sceaux à ce sujet il y a quelques semaines.
Ce que je crains également – cela arrive malheureusement de manière assez constante, et pas seulement depuis que vous êtes aux affaires –, c’est que l’administration fasse du zèle par rapport à la loi que nous allons voter et que, faute d’avoir défini des objectifs politiques extrêmement précis, vous soyez débordé en ce qui concerne vos intentions, sur lesquelles vous n’avez par ailleurs pas réussi à nous rassurer ni à nous convaincre.
Donc, l’articulation entre ordonnance et décret, le recours à un décret pour mettre en branle tout ce que vous voulez faire avec l’article 3, suscitent de notre part davantage d’interrogations que d’assurances et de conviction.
Monsieur le ministre, la question des budgets est tout de même la question essentielle. D’abord parce que nous sommes dans un contexte de réduction des dépenses de l’Union européenne à l’égard de l’agriculture, suivant en cela le modèle anglo-saxon. Ensuite parce que, en raison de notre histoire, la France a une organisation étatique alors que l’Allemagne est constituée de Länder puissants. Nos régions sont donc totalement inégales. Votre loi vise à transférer progressivement la décision de l’échelon national à l’échelon régional. L’échelon national perdant son influence, où sera la capacité de vision et de prospective qui va équilibrer les politiques entre les éleveurs purs, les exploitations mixtes, les exploitations de plaine et les exploitations de montagne ?
S’agissant des fonds, j’ai en tête un budget éloigné de celui de l’agriculture mais qui touche largement à la souveraineté. Vous nous dites : si cela marche bien, tant mieux. Mais où trouverez-vous l’argent ? Quel collègue ministre transfèrera de l’argent de ses budgets vers le vôtres ? En disant cela, je pense aux opérations extérieures : une partie de leur coût est prise sur le budget de la défense, une autre partie devant normalement bénéficier d’un financement interministériel. Mais, quel que soit le gouvernement, le ministre de la défense ne parvient jamais à récupérer de l’argent chez ses collègues de l’agriculture, de l’éducation nationale, de l’enseignement, etc. Nous avons donc un exemple macro-économique majeur dans le budget de la nation ; et dans le domaine des politiques régionales, qui est entre le macro et le micro-économique, on peut toujours s’interroger sur l’inflation des dépenses de fonctionnement – nous verrons cela en 2015 –, avec des inégalités flagrantes entre territoires. Permettez-nous donc d’être très inquiets. À l’horizon 2020, les aides moyennes à l’hectare pour l’exploitant hongrois seront de l’ordre de 310 euros, de 295 euros pour l’exploitant allemand alors qu’elles seront de l’ordre de 200 euros pour l’exploitant français si l’on suit votre plan.
Moi, je ne comprends pas comment vous allez justifier auprès du peuple français cette situation dans laquelle la France, qui avec l’Italie est le dernier contributeur net au budget de l’Union européenne, va continuer à subventionner des agricultures extérieures concurrentes des nôtres.
Comment allez-vous expliquer ce dumping entre les régions, dont certaines, ne pouvant boucler leur budget, ne pourront pas aider les exploitants agricoles, pendant que d’autres le feront ? Et cela sur des critères qui demeurent totalement flous – et fous, car votre GIEE, encore une fois, c’est le Snark de Lewis Carroll : cet objet qu’on décrit dans un long poème et qu’on ne voit jamais ! Moi, je ne sais pas ce qu’est le GIEE : quand je vais retourner voir mes exploitants agricoles, souvent à la tête d’exploitations mixtes, mais aussi les vignerons, qu’est-ce que je vais pouvoir leur expliquer ? Qu’est-ce que nous allons pouvoir expliquer à nos compatriotes qui nourrissent le pays ?
Nous allons leur dire : « Vous allez devoir adhérer à un GIEE et si le souverain local, c’est-à-dire le président de la région, décide de vous accorder des aides, vous les aurez. Et si le souverain local, éventuellement, décide de promouvoir quelques jeunes qui cherchent un emploi, qui votent bien, qui pensent bien, nous dépenserons l’argent des impôts des Français à favoriser les futurs militants de la rue de Solférino… » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons de grosses inquiétudes sur votre conception politique et votre vision de la France. Monsieur le ministre, ce n’est pas sérieux.
Vous tuez les exploitations agricoles de cent à deux hectares. Dans les dix ans qui viennent, nous n’aurons plus d’exploitations de cette taille en France.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 813 .
Je voudrais expliquer pourquoi j’ai soutenu cet amendement de mes amis martiniquais et pourquoi je souhaite le retirer, en accord avec eux bien sûr, après avoir écouté les différentes explications.
L’idée de limiter le bonus d’aides publiques aux exploitants agricoles venait du constat qu’il existait un risque de dérive, comme on peut voir avec le cas d’un méthaniseur dans la Saône, pour prendre un exemple au hasard. Nous souhaitions éviter le risque que des budgets soient captés par des projets disproportionnés et sans cohérence avec la réalité de notre agriculture, que ce soit quant à leur taille, à leur ancrage territorial ou à leur lien avec les exploitations.
Cela dit, j’ai été convaincu par les explications données par M. le ministre. On ne peut aujourd’hui enfermer les GIEE en devenir dans une formule excluant d’emblée des aides qui pourraient être apportées au groupement dans son ensemble. Je crois même que ce serait en contradiction avec ce que j’ai déclaré ce matin, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’accumuler des projets individuels, mais de construire ensemble un projet collectif. Il n’est pas question de mettre des limites, des normes, qui interdiraient d’avoir des projets innovants.
Pour terminer, je pense à René Char qui avait une très belle formule : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. »
C’est très beau !
Nous avons un texte qui sera sans doute inaccompli, mais il bourdonne d’essentiel et c’est pour cette raison qu’il ne faut pas trop l’enfermer, qu’il faut laisser écrire le récit du GIEE !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.
L’amendement no 813 est retiré.
Monsieur le ministre, je regrette de quitter les limbes de la poésie – moi aussi, j’aime beaucoup René Char – pour revenir à des considérations terre à terre.
Nous sommes un certain nombre, dans cet hémicycle, à gérer des budgets locaux. Votre réponse, M. le ministre, me plonge dans une grande perplexité. Vous nous dites ignorer ce que coûtera votre réforme et combien de personnes elle concernera. Moi, je ne connais pas de politique publique, au niveau local ou au niveau national, qui ne soit assortie d’un objectif chiffré. Franchement, cela me pose un problème. Si, demain, on peut dans nos collectivités conduire des politiques en s’affranchissant totalement des objectifs et du financement, je dirai que passées les bornes, il n’y a plus de limites.
Monsieur le ministre, dans votre étude d’impact, il n’y a rien et je comprends pourquoi. On ne peut assurer qu’une chose d’après l’étude d’impact : c’est que cela ne coûtera pas d’argent au budget. Cela veut dire, fatalement, qu’il faudra bien trouver l’argent auprès de quelqu’un.
Qui paiera ? Qui en fera les frais ? Qui fera les frais de cette politique fondée sur les GIEE ?
Je le dis calmement, mais la colère est profonde et partagée sur ces bancs. C’est la troisième fois que vous faites allusion ici aux emplois fictifs, après avoir évoqué le financement de la « Conf », et votre collègue il y a peu parlait de la rue de Solférino… Mais dans quel débat sommes-nous ? Je vous appelle simplement, sur ces sujets-là, à un petit peu de dignité et au sens de la morale publique, s’il vous plaît.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je voudrais simplement préciser, pour notre information à tous, ce que disait Lewis Carroll à propos du Snark : « Toute signification satisfaisante que l’on peut trouver dans mon livre, je l’accepte avec joie… »
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
C’est un peu cela, monsieur le ministre : vous venez avec un brouillon en poche et vous nous dites que c’est bien. Je rappelle que Lewis Carroll a aussi écrit Alice au pays des merveilles…
Au vingtième siècle, nous avons eu Pierre Dac et le Schmilblick. C’est exactement la même chose.
Je voudrais que chacun mesure bien qu’il y a différentes manières d’interpréter un texte.
L’intelligence, c’est de trouver la bonne interprétation.
Monsieur Poisson, connaissez-vous un projet de loi examiné en même temps que ce qui le préfigure ? Vous avez parlé comme si j’arrivais sans rien. Quelqu’un hier a évoqué le CM2. Ce n’est pas très respectueux, d’autant que, je vous l’ai dit, des groupements d’intérêts économiques et environnementaux existent dans vos départements. Il y a eu 469 projets ; plus de vingt mille agriculteurs et exploitations se sont mobilisés. Vous avez dans vos départements des GIEE qui vont de soixante-quinze à quinze exploitations et vous voudriez, parce que vous êtes complètement bloqués et que vous ne parvenez pas à imaginer ce qu’apportera la loi, que je vous dise combien elle concernera d’exploitations et combien elle coûtera !
Je vous renvoie donc dans vos départements, où vous prendrez contact avec ceux qui, dans les chambres d’agriculture, ont mis en oeuvre des GIEE. Vous verrez qu’ainsi, vous allez enfin comprendre ce qui se passe sur le terrain.
Je terminerai sur la question européenne, puisqu’il y a un député qui est intervenu, avec d’étranges propos… Quand on veut parler d’un sujet, il faut le connaître. Vous avez fait référence à vos études scientifiques, mais vous ignorez que tout le débat sur la convergence des aides porte sur l’idée d’aller vers des aides uniques à l’hectare : la solidarité à l’égard des pays d’Europe centrale et orientale, qui coûte effectivement 250 millions d’euros, vise justement à compenser l’écart existant entre les pays qui bénéficiaient depuis longtemps de la politique agricole commune et les nouveaux membres. Vous nous dites des choses fausses.
Deuxième point : vous parlez de la place de l’État, dans la négociation de la politique agricole commune à l’échelle européenne. Si je vous interrogeais sur la différence de montants entre le premier et le deuxième pilier, je crains que vous ne puissiez me répondre.
Oui : 7,7 milliards d’euros pour le premier pilier et 1,4 pour le deuxième. Ayez bien ces chiffres en tête. Le premier pilier, ce sont les aides qui vont directement aux agriculteurs et qui sont versées à l’hectare.
L’amendement no 586 n’est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 789 .
Cet amendement vise à insérer un alinéa pour préciser que les financements comprennent ceux liés à l’animation des projets.
Nous estimons que cet amendement est satisfait et en demandons le retrait.
Même avis.
L’amendement no 789 est retiré.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 812 .
L’amendement no 812 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 790 .
Par cet amendement, je propose de conditionner l’octroi des aides publiques aux GIEE à vocation environnementale ou territoriale à l’élaboration de projets visant à augmenter l’autonomie des exploitations et à la valorisation des ressources du territoire sur lequel se met en place le projet.
La commission a émis un avis défavorable, considérant que cet amendement était déjà satisfait.
Même avis. La définition de l’agro-écologie, c’est l’autonomie.
Monsieur le ministre, vous évoquez régulièrement les coopératives d’utilisation de matériel agricole. Le vrai problème des CUMA aujourd’hui, c’est qu’elles ne bénéficient pas du crédit d’impôt compétitivité-emploi : elles perdent chaque année une subvention qui représente 6 % de la masse salariale versée. C’est cela la priorité, pour elles : elles ne me parlent pas tellement de vos projets, elles me parlent surtout de leur financement.
Le débat que nous venons d’avoir est révélateur : vous n’avez rien dans la besace, c’est extrêmement clair. Vous êtes tel un funambule, sans moyens, faisant passer l’illusion d’une politique en utilisant des mots, en lançant des débats, mais sans rien avoir, ou plutôt en ayant l’argent des autres, l’argent des régions. Ce faisant, vous ne seriez pas le premier, monsieur le ministre, je veux bien en convenir, à utiliser l’argent des régions.
Il en est de même, plus concrètement, de l’argent du deuxième pilier, dont on oublie de dire qu’il reste celui des paysans.
Bien sûr !
Son montant s’est accru dans les différents pays d’Europe, y compris chez nous, via la réduction de celui du premier pilier – il y a eu un phénomène de compensation. D’une manière ou d’une autre, l’argent du deuxième pilier doit donc revenir aux paysans et non à des tiers. Or, vous êtes en train d’organiser un système de siphonnage pour le retirer du deuxième pilier au détriment des paysans et au bénéfice de je ne sais quelle structure que vous souhaitez favoriser !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Vous ne disposez pas du premier sou et vous utilisez l’argent des autres !
Cela me rappelle, monsieur le ministre, ce qui s’est passé en Bretagne avec le « pacte breton » : il n’y a pas le premier sou, hors les 15 millions dont il était question tous les deux jours, en boucle, sur BFM. Il en est en l’occurrence de même et vous nous faites croire depuis un certain temps qu’il y a de l’argent ! Qu’est-ce que cela signifie, à la fin ?
C’est du rêve et c’est de la décrédibilisation de la parole publique ! C’est grave, monsieur Le Foll, parce que vous êtes ministre de la République et que vous décrédibilisez la parole publique !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, vous avez dit que l’un de nos collègues n’avait pas été très respectueux à votre égard tout à l’heure mais je trouve, quant à moi, que vous n’avez pas été très respectueux vis-à-vis de la représentation nationale lorsque vous nous avez demandé de retourner dans nos territoires pour voir comment fonctionnent les GIEE et pour nous confronter avec la réalité. Nous connaissons les GIEE mais, vous, vous ne répondez pas à nos questions !
M. le rapporteur a fait valoir tout à l’heure à Mme Allain que l’amendement qu’elle a défendu avec le groupe écologiste était satisfait. Vous avez ainsi indirectement répondu à la question de M. Le Ray qui demandait si les animateurs des projets, et donc les structures que vous voulez financer, étaient inclus dans le financement des GIEE. M. le rapporteur a donc assuré que tel était bien le cas, puisque l’amendement de Mme Allain est satisfait. Je souhaiterais connaître votre point de vue à ce sujet, monsieur le ministre, même si cet amendement a été retiré…
…c’est-à-dire avoir une réponse à nos questions : les subventions majorées pour les GIEE incluront-elles ou non les frais de certaines structures que vous voulez financer ?
Je reviens à l’amendement no 790 dont nous sommes censés discuter maintenant.
Lorsque je parle d’ « autonomie », je souhaite que la participation des collectivités locales au développement des projets agricoles territoriaux soit spécifiée. Cet amendement vise donc à privilégier la constitution de GIEE qui tendent à l’autonomie et au développement des projets agricoles territoriaux, dont la structuration d’approvisionnement de la restauration collective en produits biologiques et locaux.
L’amendement no 790 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 791 .
Cet amendement est particulièrement important pour nous puisqu’il tend à réserver les soutiens publics aux méthaniseurs collectifs. Pourquoi ?
Les méthaniseurs sont des installations particulièrement coûteuses, notamment en argent public lorsque des fonds leur sont bien sûr alloués. La constitution d’un méthaniseur collectif, c’est l’assurance de sa durabilité puisqu’il fonctionne à partir de plusieurs élevages. Si un seul élevage est utilisé, il suffit que ce dernier cesse son activité pour que le méthaniseur s’arrête ; ou alors, on sera contraint de fournir ce méthaniseur pour produire de l’électricité et, parce qu’il a coûté de l’argent, d’y consacrer des cultures qui seraient dédiées à l’agriculture. Voilà déjà deux bonnes raisons pour éviter de gaspiller l’argent public.
En outre, cet amendement évite d’avoir, non pas un méthaniseur adapté à un atelier, mais au contraire de construire des ateliers adaptés à des méthaniseurs, ce qui, vous en conviendrez, pose un vrai problème quant à la taille des ateliers.
Avis défavorable.
Sur le fond, il est toujours possible de discuter, mais je ne suis pas quant à moi persuadé qu’un méthaniseur même individuel ne présenterait aucun intérêt sur un territoire.
Ce n’est pas toutefois la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable : la véritable raison, c’est que cela relève du domaine réglementaire et non législatif. Je vous suggère donc, madame Allain, de retirer votre amendement.
Même avis.
Je ne suis pas rassurée par ces réponses. Le domaine réglementaire est d’autant plus sûr que la loi fournit des orientations en matière de financements.
Une exploitation unique dont dépendrait un méthaniseur peut s’arrêter pour X raisons, et pas seulement par arrêt de l’élevage – cela peut aussi résulter, par exemple, d’une procédure judiciaire, ou de toute autre cause. Dès lors, l’argent public qui aura été investi dans le méthaniseur n’aura plus d’utilité.
J’avoue que je ne comprends pas. Pour la première fois cet après-midi, le groupe écologiste fait preuve d’incohérence.
Si nous sommes en retard quant au nombre d’unités de méthanisation par rapport à l’Allemagne, et si nous voulons favoriser les circuits courts sur le plan national en augmentant leur nombre, pourquoi présenter un amendement qui brisera cette dynamique ? Il existe certes des dérives en Allemagne, que vous dénoncez à juste titre, avec le maïs, éventuellement le porc ; mais si nous soutenons les unités de méthanisation, je ne vois pas au nom de quoi une entreprise qui disposerait de la masse critique suffisante en nombre de têtes de bétail pour produire les éléments nécessaires au fonctionnement de son unité ne serait pas pérenne. Et ce au moment même où vous êtes censés soutenir une loi visant précisément à renforcer et à maintenir en vie ces unités-là ! Cela me semble donc incohérent quant aux objectifs nationaux que, par ailleurs, vous défendez.
De surcroît, cela constitue une injustice flagrante : au nom de quoi interdirait-on à une entreprise privée de produire une unité parce qu’elle est seule et autoriserait-on plusieurs entreprises privées à le faire ?
Enfin vous parliez du terrain mais, précisément, nous en venons et lorsque l’on connaît nos exploitations agricoles, nous savons bien que l’adoption de votre amendement entraînerait automatiquement la destruction massive de tous les projets qu’elles soutiennent.
Je comprends la démarche de Mme Allain et du groupe écologiste mais je ne les suivrai pas sur ce terrain-là. Voici pourquoi.
Le plus important, ce sont les critères d’attribution de l’aide publique. Si, pour faire fonctionner le méthaniseur, il est indispensable de disposer de cultures dédiées, il est bien évident selon moi qu’il ne saurait y avoir d’aide publique. Celle-ci doit être soumise à des critères définis en fonction de la conception que nous avons de notre agriculture et de ce que nous voulons faire de nos territoires.
De plus, l’adoption de cet amendement – et cela donnerait raison à nos collègues de l’opposition – signifierait que le GIEE est le seul outil possible. Or, ce n’est pas bien ! Je vous donne un exemple concret.
Un GAEC, comptant je crois quatre associés, est en train d’installer un méthaniseur, avec des critères respectant complètement la nature de la production et l’absence de cultures dédiées. Pour l’alimenter de façon pérenne, il a passé une convention commerciale avec des collectivités locales, lesquelles pourront participer à l’exploitation. Ce serait se tromper que d’imposer la mise en place d’un GIEE alors qu’une structure comme celle-là, dans le cadre d’accords avec les collectivités territoriales, peut faire fonctionner un méthaniseur.
Je pense donc que cet amendement est contre-productif et alimente l’idée selon laquelle le GIEE constituerait une forme de parcours obligatoire alors que ce n’est pas le cas.
Je suis du même avis que M. Chassaigne.
Je souligne également – nous en avons discuté en commission – qu’il importe certes de définir un modèle français de méthanisation, afin d’éviter un certain nombre de dérives ainsi que les concurrences d’usages, mais que nous nous situons en l’occurrence à la frontière de la politique agricole et de la politique énergétique. Les questions du bénéfice des tarifs de rachat et des aides à l’investissement issues du fonds « déchets » de l’ADEME pour soutenir les projets de méthanisation ne relèvent pas du code rural, mais du règlement, ou de la loi de transition énergétique plutôt que de celle dont nous discutons.
Parfait !
Compte tenu de ce débat et de ce que je défendrai plus tard un amendement concernant les cultures dédiées, je retire cet amendement.
L’amendement no 791 est retiré.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 181 rectifié , 454 et 646 rectifié .
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 181 rectifié .
Nous avons longuement discuté de la question des semences lors de la XIIIe législature dans le cadre de la loi du 8 décembre 2011 adaptant le code français de la propriété intellectuelle en matière d’obtention végétale. Votée après vingt ans de débats et d’échanges entre les pouvoirs publics et les organisations professionnelles, elle fait de la France le dix-huitième pays européen à adopter une telle législation.
La filière semencière française peut être considérée comme un pôle d’excellence puisqu’elle est la première en Europe et la troisième dans le monde après les États-Unis et la Chine par son chiffre d’affaires.
C’est ainsi que les 72 sélectionneurs qui font de la recherche en France créent chaque année plus de 600 nouvelles variétés, qui viennent renouveler les 6 000 variétés de toutes les espèces proposées aux agriculteurs dans le catalogue français.
La loi autorise pour au moins vingt-et-une espèces la pratique des semences ou des plants de fermes de variétés nouvelles protégées.
La filière semence est confrontée à la nécessité d’offrir aux consommateurs des semences bénéficiant d’une qualité sanitaire attestée. Si l’on prend l’exemple de la pomme de terre, les épidémies de mildiou ont notamment causé de graves famines par le passé comme celle qu’a connue l’Irlande au milieu du XIXe siècle.
Aujourd’hui, les plants certifiés de pommes de terre sont analysés à chaque étape pour garantir à l’agriculture de bénéficier de plants sains. Ils sont donc exempts de parasites de quarantaine qui peuvent contraindre un agriculteur à détruire sa récolte.
Par ailleurs, ils permettent de limiter le risque de contamination par des champignons et des virus pouvant entraîner une perte de levée et un moindre rendement, voire être toxiques pour l’homme.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer la possibilité d’échanges de semences. Je comprends certes l’idée d’entraide, mais la sécurité sanitaire est primordiale.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 454 .
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 646 rectifié .
Nous vous proposons de supprimer les alinéas 13 et 14 voire, éventuellement, de les revoir.
Le principe des échanges ? Pourquoi pas ! En revanche, trois problèmes se posent : celui de la traçabilité sanitaire, dont M. Cinieri a parlé excellemment, mais surtout, deux problèmes qui mettent en cause la nécessaire équité.
Si l’échange relève de l’entraide, qu’en est-il sur un plan fiscal ? Un tel volume, sur le plan économique, doit faire l’objet d’une comptabilité.
Ensuite, et c’est le pompon, si je suis convaincu que l’échange d’azote organique entre les exploitants est positif et utile, je crois que nous pouvons tous en convenir, vous exigez pour cela de constituer une sorte de déclaration annuelle, demain sans doute un fichier, et pourquoi pas, après-demain, une taxe azote – nous en reparlerons – ; mais ici vous autorisez soudainement des échanges sous forme d’entraide dans le plus grand flou. Je vous demande simplement une équité de traitement.
La commission a émis un avis défavorable à la série d’amendements tendant à supprimer l’alinéa relatif aux échanges de semences. Nous estimons en effet que le fait de pouvoir échanger des semences au titre de l’entraide est de nature à faciliter la vie des agriculteurs qui se sont engagés dans un projet commun – je rappelle que la mesure s’applique au sein d’un groupement d’intérêt économique et environnemental.
Ce dispositif n’est pas de nature à développer un échange massif de semences, et nous avons à l’esprit les risques sanitaires qui pourraient en découler.
S’agissant de l’entraide, monsieur Le Ray, vous m’interrogez sur le régime fiscal qui lui sera appliqué. Mais il existe un régime fiscal de l’entraide ! L’entraide consiste en des échanges de services à titre gratuit, et c’est dans ce cadre que s’inscriront les échanges de semences. Avis défavorable.
En matière de fiscalité, le régime de l’entraide est connu de tous. Il a précisément été créé pour faciliter les échanges et il s’appliquera aux semences. C’est un vieux débat et je crois avoir été clair.
La question de l’azote vous intéresse particulièrement, monsieur Le Ray, et je sais pourquoi. Pourquoi avons-nous choisi, pour l’azote minéral, le régime déclaratif ? Parce que tout l’enjeu de la procédure de l’azote total est de faire en sorte que là où il y a des excédents d’azote organique, on puisse le substituer à l’azote minéral. Mais encore faut-il, pour cela, savoir combien l’on consomme d’azote minéral ! Voilà ce qui est en jeu.
J’ai discuté avec les professionnels concernés, particulièrement en Bretagne : tous demandent que l’on applique cette idée de l’azote total. Des travaux avaient déjà été conduits par l’ancien préfet de région sur ce sujet et nous mettons aujourd’hui en oeuvre un dispositif nouveau. Si nous demandons que l’azote minéral soit déclaré, c’est justement pour permettre que l’azote organique excédentaire soit utilisé en remplacement de l’azote minéral jusqu’ici consommé. C’est aussi simple que cela.
Derrière tout cela, il y a aussi, comme vous le savez, la Directive Nitrates. Dans ce cadre, notre objectif est d’éviter la pollution des rivières et de résoudre enfin le problème que connaît la Bretagne depuis vingt-cinq ans, celui des algues vertes. Or le problème aujourd’hui, c’est que la quantité d’azote organique utilisable est calculée par rapport aux surfaces d’épandage, ce qui constitue un véritable carcan. Monsieur Le Fur, monsieur Le Ray, monsieur Benoit, vous qui connaissez le sujet, vous savez que c’est bien le problème qui se pose depuis vingt à vingt-cinq ans ! Vous ne cessez de le répéter !
Ce que je vous propose, c’est d’ouvrir une porte, pour faire en sorte que l’excédent d’azote organique dont dispose la Bretagne puisse se substituer à l’azote minéral qu’elle achète. C’est une manière de réduire les importations, ce qui n’est pas anodin quand on parle de concurrence et de la compétitivité de la France. Quand on considère que l’alimentation animale est elle aussi importée, cela veut dire que l’on importe deux fois, à la fois pour l’alimentation et pour la fabrication d’azote minéral.
L’idée relève donc, là encore, de l’agro-écologie : il s’agit d’avoir plus d’autonomie,…
…d’être capables d’utiliser les matières organiques excédentaires dont nous disposons pour les substituer à l’azote minéral. C’est quand même une belle voie qui s’ouvre devant nous, une capacité nouvelle qui est offerte, en particulier à une région comme la Bretagne.
Avis défavorable.
Monsieur le ministre, je vous prends au mot et je suis tout à fait convaincu de votre bonne foi sur ce sujet. Il existe, au sujet de l’azote, une contradiction que les agriculteurs vivent très péniblement, particulièrement en Bretagne : ils se voient bridés dans leur utilisation de l’azote organique – les déjections animales, pour parler clair –, dont l’usage est limité à 170 unités azote par hectare, alors qu’il n’y a aucun équivalent pour l’azote minéral.
Vous proposez donc de prendre en compte l’ensemble de l’azote. Mais alors soyons conséquents ! Cela signifie que l’on peut, s’agissant de l’azote organique, dépasser la barre des 170 !
Mais non !
Dans ce cas, quel est l’intérêt de votre mesure ? Admettons que l’on soit à 300 unités d’azote : si, au lieu de mettre de l’azote minéral, c’est-à-dire de l’azote importé du Maroc, nous mettons de la déjection animale, alors il faut pouvoir passer les 170 unités d’azote. Sinon, cette mesure ne sert à rien ! Si l’on autorise la substitution, cela signifie que l’on donne la possibilité d’augmenter la part de l’azote d’origine animale. Ma question est donc très précise : vous dites que l’on peut conjuguer les deux formes d’azote – c’est là une décision de bon sens, dont je vous sais gré –, mais ce qu’attendent tous ceux qui réfléchissent sérieusement à la question, c’est que l’on puisse, en contrepartie, s’affranchir de la barre des 170 unités et mettre davantage d’azote d’origine animale.
Puis-je dire un mot sur cette question ?
Monsieur le ministre, trois parlementaires ont déjà demandé la parole. Je vous propose de les entendre d’abord.
La parole est à M. André Chassaigne.
L’alinéa 14 peut donner le sentiment que la question des semences fermières est résolue, puisqu’il précise, après la discussion en commission, que relèvent de l’entraide « les échanges entre agriculteurs de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication ». Le fait d’interdire l’utilisation libre de variétés protégées par un certificat d’obtention végétale peut donner l’impression que le problème est résolu.
Je pense cependant qu’il y a un risque réel. Dans les textes européens, et même dans certains textes en cours de discussion en France, les semences de ferme sont qualifiées de contrefaçons. Cela pose une question quant à la rédaction de cet alinéa. Un agriculteur ne disposant pas des factures d’achat de ses semences sera-t-il considéré, a priori, comme contrefacteur ? Derrière la question des semences se pose toute la question de la propriété intellectuelle. Si le texte qui nous est proposé constitue indéniablement une avancée, je suis persuadé qu’il demandera à être précisé. Sinon, très rapidement, ce sont les paysans qui devront apporter la preuve que leurs semences ne sont pas tirées de gènes brevetés.
S’il venait à se produire une contamination, comme c’est arrivé par exemple aux États-Unis avec des OGM, qui devra apporter la preuve qu’il ne s’agit pas de contrefaçons ? Il y a là un vrai problème. J’ignore si nous pourrons le résoudre à l’occasion de la seconde lecture, mais en tout cas il faut bien prendre conscience que la rédaction actuelle de cet alinéa ne résout pas définitivement la question des semences fermières.
Pour autant, je ne suis pas favorable à sa suppression, car il constitue déjà une avancée appréciable, même s’il ne s’agit que d’une première étape.
Monsieur le ministre, je voudrais, comme M. Chassaigne, revenir à l’article 3. Je sens bien que vous êtes beaucoup plus prolixe sur la question de l’azote, qui interviendra à l’article 4, que sur l’article 3, relatif au groupement d’intérêt économique et environnemental et à toutes les interprétations dont il peut faire l’objet. Mais revenons-en donc à l’article 3, ce sparadrap qui vous colle au doigt.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé tout à l’heure que l’entraide est un échange de services. Or vous prévoyez de qualifier d’entraide un échange de produits et de matières, en l’occurrence des semences. Mais ce n’est pas de l’entraide ! Si je viens avec mon tracteur labourer votre champ et qu’en contrepartie vous venez chez moi tailler mes noyers, c’est de l’entraide. Mais si je vous donne mon blé et que vous me donnez vos pommes de terre, c’est de l’échange, pas de l’entraide.
La rédaction de ce texte présente donc une difficulté sémantique. Je comprends bien que vous voulez intégrer juridiquement cet échange sous la catégorie de l’entraide, laquelle échappe, vis-à-vis de Bercy, à la facturation de la TVA et à l’établissement d’une facture. Mais cela renvoie à la question de M. Chassaigne : dès lors qu’il n’y a pas de trace écrite, comment voulez-vous vérifier la quantité, la variété et le fait que celle-ci est protégée, ou non, par un certificat d’obtention végétale ? Telle est la difficulté que présente cette partie de l’article 3, comme le reste de l’article, qui est un brouillon mal ficelé.
Je voudrais revenir sur trois points.
Antoine Herth a souligné une subtilité qui n’est pas sans intérêt au sujet des concepts d’entraide et d’échange. Puisque nous sommes en train d’écrire la loi, je pense qu’il serait du plus grand intérêt de préciser la définition de cette notion d’entraide.
S’agissant des semences et de la possibilité donnée aux exploitants de les échanger, la vraie question est d’ordre sanitaire. Notre collègue Laure de La Raudière la posera tout à l’heure au travers d’un amendement, que l’UDI soutiendra.
Sur la question de l’azote, introduite tout à l’heure par Marc Le Fur, je pense que votre idée de prendre en compte de manière globale les apports en azote, qu’ils soient d’origine organique ou minérale, est du plus grand intérêt, notamment dans les zones d’élevage qui connaissent un excédent structurel.
Permettez-moi néanmoins, monsieur le ministre, de vous poser à nouveau la question que je vous ai posée en commission : comment donner à cette idée une traduction formelle et concrète sur le terrain ? Quels seront les documents à remplir par les agriculteurs, les coopératives et les négociants ? Il est vrai que certains documents certifient déjà les achats et les transactions relatives aux engrais d’origine minérale, mais le risque est d’introduire une complexité administrative supplémentaire pour les éleveurs, puisqu’il va bien falloir remplir un document administratif qui recense l’origine de l’azote, minéral et organique. Pouvez-vous nous indiquer les documents, les concepts ou les protocoles simplifiés que vous avez imaginés, afin de prendre en compte l’ensemble de l’azote dans les bassins et les exploitations ? À condition que le protocole soit simple pour les agriculteurs, le principe me paraît présenter un intérêt indéniable, notamment pour une région comme la Bretagne.
Monsieur Le Fur, qui m’a fait savoir qu’il devait s’absenter pour participer à une émission télévisée, m’a interrogé sur la barre des 170 unités. Cette limite restera inchangée, parce qu’elle a été fixée par une directive européenne, qui a été votée en 1991 et que nous ne pourrons pas changer.
Grâce à la discussion en cours avec les professionnels, le futur plan régional d’action fera de la Bretagne une région d’expérimentation. C’est pourquoi nous n’avons pas proposé d’étendre ces solutions à toutes les régions. Chaque région fera ses propres choix.
Thierry Benoit vient de rappeler l’enjeu de notre dispositif : aujourd’hui, l’excédent est cadré, normé par rapport aux surfaces d’épandage, ce qui est extrêmement difficile à gérer, les plans d’épandage étant plus ou moins bien calibrés, et donc plus ou moins bien suivis. Quelle est notre idée ? Un plan régional d’action, des discussions à l’échelle régionale et la définition des zones où il s’appliquera. On reste à 170 unités d’azote organique, conformément à la directive, et on regarde comment les choses évoluent. L’objectif, c’est que la quantité totale d’azote n’augmente pas et que l’on remplace l’azote minéral qu’on achète par l’azote organique que l’on a en excédent. Il s’agit de créer cette dynamique.
Les préfets de région. Les choix seront faits selon les demandes et les discussions menées avec les professionnels. Là-dessus, je peux tout à fait accepter de laisser les régions choisir librement. La région Bretagne a les problèmes que nous connaissons, et ce ne sont pas les mêmes que dans la région Languedoc-Roussillon.
Cela dit, je suis convaincu que, pour la région Bretagne, la possibilité d’expérimenter sera un élément dynamique permettant de résoudre les problèmes d’excédents d’azote que nous connaissons.
Quant aux semences réalisées par un fermier, elles peuvent être destinées à sa propre ferme, mais aussi, dans un cadre collectif, à ses associés au sein d’un groupement d’intérêt économique. Cela ne va pas plus loin.
Sur le plan sanitaire, tant qu’il n’est pas prévu de dérogation, la loi s’applique.
Les amendements identiques nos 181 rectifié , 454 et 646 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1200 .
Il est normal que nous débattions de ce sujet. Il s’agit d’un nouvel alinéa ajouté par la commission, et nous voudrions savoir comment vous allez le mettre en oeuvre, car il pose certains problèmes, qui ont été soulevés par mes collègues à l’instant.
Sur la traçabilité, en particulier, quelles garanties allez-vous apporter aux semenciers que les semences échangées ne bénéficieront pas de certificats d’obtention végétale ? Cela figure certes dans la loi, mais quelle traçabilité et quels contrôles garantiront le respect des certificats d’obtention végétale par le nouveau dispositif créé ?
L’amendement 1200 a trait à un autre aspect majeur de cette nouvelle disposition, celui des risques sanitaires. Comme l’ont rappelé Philippe Le Ray et Marc Le Fur, certaines semences, telles que les pommes de terre, sont extrêmement sensibles. Il ne faudrait pas que l’entraide conduise à des échanges qui multiplient les maladies des plantes. Je souhaite donc que l’on précise la rédaction en ajoutant, après le mot « végétale », les mots « ne présentant pas de risques sanitaires particuliers ».
Cela garantirait que les types de semences susceptibles d’être échangées ne seront pas trop sensibles aux maladies, afin d’éviter tout risque sanitaire.
Elle a émis un avis défavorable. Je suis toujours surpris d’entendre mes collègues de l’opposition, qui réclament sans arrêt un choc de simplification, demander en même temps que l’on rajoute contrôle sur contrôle.
J’ai tendance à faire confiance aux professionnels que sont les agriculteurs. Un agriculteur vérifiera la qualité sanitaire de ses semences, car c’est dans son propre intérêt. Je ne vois pas pourquoi il faudrait chercher par avance des difficultés, alors que tout est dit dans la loi et que les échanges concernent des semences non protégées par un certificat d’obtention végétale. Ces semences sont donc libres de droit, et respectent la réglementation en matière sanitaire. Je crois par conséquent que votre amendement est satisfait, et c’est pourquoi la commission l’a repoussé.
Même avis.
L’amendement de notre collègue Laure de La Raudière est essentiel, non seulement s’agissant des maladies que se transmettent les végétaux, mais aussi par rapport à la santé humaine. L’ergotisme a disparu, mais il a tout de même existé. L’échange de semences est une question ancienne, et nous pouvons comprendre cette démarche, mais rien ne garantit qu’elle ne pose pas de questions pour la santé humaine. Il serait donc sage d’adopter l’amendement 1200 .
L’amendement no 1200 n’est pas adopté.
Sur l’article 3, je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 7 .
Je tiens à défendre cet amendement de M. Le Fur, que nous sommes un certain nombre à avoir cosigné. Il tend à favoriser les circuits courts en matière de vente de semences.
Défavorable. Je m’étonne que l’opposition propose de supprimer l’obligation de passer par un organisme stockeur.
L’amendement no 7 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Après ces très longs débats sur le GIEE, vous venez de démontrer que tout n’est toujours pas clair. Aujourd’hui, on ne peut pas imaginer une généralisation de ces GIEE tant que les choses ne sont pas plus claires. Bien sûr, comme le ministre l’a rappelé, il en existe deux exemples en Vendée.
Deux excellents exemples !
Mais justement, monsieur le ministre, nous vous demandons de passer par une phase d’expérimentation dans un premier temps.
Nous y sommes déjà !
Laissons les agriculteurs expérimenter et, dans un second temps, nous pourrons envisager une généralisation. Tel est l’objet de cet amendement, car nous ne pouvons pas aller plus loin aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 1380 .
Je voudrais remercier nos collègues de l’opposition, car nous sommes sur le bon chemin. Je ne doute pas que, d’ici le début de la semaine prochaine, quand l’examen de ce texte sera achevé, ils seront totalement favorables au GIEE. Ils nous ont proposé d’abord de le supprimer, puis d’en changer le nom. Nous progressons heure par heure, puisqu’ils nous proposent aujourd’hui de l’adopter à titre expérimental !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Encore un petit effort mes chers collègues, et nous allons y arriver…
Plus sérieusement, la commission a émis un avis défavorable, car elle est favorable à la mise en place immédiate du GIEE.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour une explication de vote sur l’article 3.
Le groupe UDI s’abstiendra sur cet article qui consacre les groupements d’intérêt économique et environnemental, et qui constitue le coeur de votre projet, monsieur le ministre. Nous ne sommes pas opposés au principe général de l’agroécologie ni à la trajectoire que vous souhaitez prendre, et les groupements d’intérêt économique et environnemental représentent à nos yeux un nouvel outil, un nouvel arsenal juridique. En revanche, nous déplorons de ne pas avoir obtenu de réponses plus précises à l’issue de nos discussions et de l’examen des amendements de nos collègues de l’UMP et de notre groupe, notamment sur le rôle des GIEE et sur les bénéficiaires des aides publiques majorées.
En l’absence de ces précisions, nous ne sommes pas en mesure de voter cet article.
Monsieur le ministre, le groupe UMP votera contre cet article 3, et ce pour vous rendre service. Vous nous présentez en effet un texte qui n’est pas suffisamment stabilisé pour que l’Assemblée nationale puisse avaliser l’inscription d’un tel dispositif dans le cadre législatif français, car des risques de dérives et de discrédit de l’action publique existent. Le rapporteur nous disait avec malice que nous avalisions le principe du GIEE, mais ce n’est pas le cas : nous pensons qu’il faut d’abord faire confiance au terrain, voir ce qu’il est capable de produire, et ensuite l’entériner dans la loi. Vous mettez les boeufs avant la charrue…
Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.
Non, c’est le contraire : vous voyez, le paysan revient au détour d’une phrase ! Vous mettez la charrue avant les boeufs et, pour vous éviter cette erreur, nous invitons l’ensemble de nos collègues à voter contre l’article.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 81 Nombre de suffrages exprimés: 80 Majorité absolue: 41 Pour l’adoption: 57 contre: 23 (L’article 3, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 792 portant article additionnel après l’article 3.
Cet amendement porte sur l’aide bénévole. De nombreux agriculteurs accueillent des personnes qui les aident de façon bénévole, parmi lesquelles ces personnes que l’on appelle wwoofers. Or, ces agriculteurs manifestent leur crainte de voir cet accueil requalifié en travail déguisé par des instances telles que la MSA.
L’amendement a pour objet de clarifier le statut de l’aide bénévole et d’encourager ce type d’échange, utile aux agriculteurs qui peuvent ainsi bénéficier d’un coup de main et transmettre leur passion comme aux bénévoles qui découvrent un nouveau métier et une nouvelle culture.
Il est vrai que l’aide bénévole fait question, notamment s’agissant des enfants des agriculteurs. Le cas s’est présenté dans mon département : dans certaines exploitations, la MSA a reproché aux enfants d’agriculteurs d’aider leurs parents pendant l’été.
Mais l’amendement qui nous est présenté porte sur un autre sujet, celui des wwoofers, qui vont dans les fermes pour bénéficier d’une expérience tout en apportant une aide. Si la commission estime qu’il faut travailler sur le statut de l’aide bénévole, elle s’est prononcée contre cet amendement, car son adoption effacerait la limite entre l’aide bénévole et le travail au noir, sujet extrêmement sensible dans notre pays.
Même avis.
Est-ce que le ministre ou le rapporteur pourrait nous dire ce qui est envisagé pour résoudre le problème des wwoofers ?
Il est difficile, sur cette question des wwoofers, d’utiliser un terme français. Le rapporteur l’a très bien dit : nous sommes à la limite entre ce qui relève du bénévolat et ce qui pourrait rapidement se transformer en travail au noir ou en d’autres situations difficilement acceptables.
Sur l’aide, le bénévolat et la formation, nous avons engagé un travail qui doit être poursuivi. D’ici la deuxième lecture, nous essaierons de définir des règles : nous pourrons alors en rediscuter.
Pour l’heure, nous sommes confrontés à une difficulté. L’aide bénévole existe, mais inscrire cette pratique dans la loi reviendrait à ouvrir une perspective que nous ne maîtriserions plus.
Je vous demande donc pour l’instant, madame Bonneton, de retirer votre amendement. Ce sujet est extrêmement lourd de conséquences en matière sociale ; je m’engage à présenter une réflexion sur cette question du bénévolat et des wwoofers en agriculture.
Nous prenons acte de vos engagements, monsieur le ministre, et nous comptons sur vous pour trouver une solution d’ici la deuxième lecture. Je retire mon amendement.
L’amendement no 792 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
L’administration française est efficace : elle travaille et invente sans cesse. Il existe aujourd’hui un contrôleur pour dix exploitants agricoles et, avec cette loi, nous arriverons bientôt à la parité absolue entre contrôleurs et exploitants.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
En termes de développement durable, sans vouloir rappeler le deuxième principe de la thermodynamique, l’obligation de remplir les différentes déclarations entraînera l’abattage de grandes surfaces de forêt amazonienne. Je pense aussi aux problèmes de photos satellitaires, notamment, qui occuperont beaucoup l’administration française.
Il se trouve toutefois – et ce problème est connexe au projet de loi, monsieur le ministre – que cette même administration impose, dans sa grande sagesse, une nouvelle directive « nitrates » qui désespère – le mot est faible – les exploitations agricoles situées dans des secteurs où la seule présence d’une pente de 15 % les empêche de travailler. Les organisations agricoles proposent pourtant des solutions alternatives : elles sont prêtes à fractionner les apports de nitrates, à laisser quelques bandes enherbées, ou encore à labourer dans un sens opposé de sorte à retenir les matières polluantes, qui ne seraient pas rejetées dans les cours d’eau. Ces nouvelles normes sont d’autant plus aberrantes que la dernière directive vient d’être appliquée.
Monsieur le ministre, mes excellents collègues professionnels qui viennent du terrain, comme nous, sauront vous le rappeler : cet article 4 va extrêmement simplifier la vie des agriculteurs, puisqu’il risque d’éradiquer l’élevage autour des points de captage, et de faire disparaître toutes ces exploitations agricoles qui font la richesse de notre territoire !
Je le dis avec sérieux : la profession souffre, et son taux de suicide est extrêmement élevé. Monsieur le ministre, les exploitations agricoles n’en peuvent plus de cette directive que votre excellente administration persiste à vouloir mettre en oeuvre, en dépit de tout bon sens. En effet, nous allons demander à nos exploitants de laisser moins de nitrates que la nature elle-même n’en laisse parfois, dans sa grande sagesse.
Je ne souhaitais pas m’exprimer sur l’azote, mais ce que nous avons entendu est stupéfiant ! M. Dhuicq a parlé d’engagements pris par le précédent gouvernement.
C’est vrai !
À quoi cela sert-il d’avoir un gouvernement et une représentation nationale, alors ?
Tous les efforts du gouvernement actuel visent justement à corriger et adapter ces mesures dans le sens de la défense de l’économie de l’élevage. Mais, sur ce sujet, je laisserai la parole au ministre qui répondra largement à ces questions.
Je souhaite m’exprimer sur un autre point important de cet article 4, qui nous tient à coeur et a été l’occasion de beaux débats avec mes collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen : je veux parler du bail environnemental. L’idée nous a séduits, et nous avons en même temps voulu réaffirmer très fortement notre attachement à la conquête sociale importante qu’est le statut du fermage.
Nous avons donc demandé au ministre – et nous lui demandons à nouveau aujourd’hui – de nous assurer que le futur décret protégera l’essentiel du statut du fermage, et que nous trouverons les voies d’une modération qui permettra à la fois de progresser sur des éléments importants en matière environnementale et de protéger le droit du travail et la liberté d’entreprendre dans de bonnes conditions. Nous sommes sûrs que nous obtiendrons ces garanties, et que nous pourrons soutenir avec sérénité l’article 4 dans toutes ses dimensions.
Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, cet article 4 est majeur. Avec l’article 3, il constitue le coeur de la trajectoire que vous prônez en matière d’agroécologie. Le groupe UDI souhaite toutefois appeler votre attention sur deux points qui requièrent notre vigilance.
Le premier est la prise en compte des azotes, qu’ils soient d’origine minérale ou organique, comme nous l’avons vu tout à l’heure. Nous appelons votre attention sur la nécessité de trouver avec les professionnels, là où les régions décideront de prendre en compte l’azote total, un protocole administratif simple, compréhensible et lisible, dans la cadre de la recherche de l’efficacité que vous avez évoquée tout à l’heure.
L’UDI souhaite également appeler votre attention sur la question des baux environnementaux. Nous sommes convaincus que nous pouvons soutenir une agriculture de production, y compris dans une orientation ou une trajectoire d’agroécologie. Nous sommes aussi convaincus qu’il faut concilier l’urgence économique et l’urgence écologique : il y a bien urgence sur ces deux points ! Il ne faut pas opposer ces deux piliers, comme c’est le cas dans certaines régions. La région Bretagne souffre depuis dix ans parce que certains se sont plu à organiser cette confrontation entre l’agriculture de production et l’écologie.
En Bretagne, les premières victimes ont été les agriculteurs et la filière agroalimentaire. Les questions posées aujourd’hui sur les suppressions d’outils de transformation et d’abattage sont aussi, en Bretagne, liées à cette confrontation.
Monsieur le ministre de l’agriculture, monsieur le ministre de l’industrie agroalimentaire, monsieur le rapporteur, nous appelons votre attention sur la généralisation des baux environnementaux. Il s’agit d’un point de grande vigilance, de « vigilance ++ » comme diraient les professionnels de santé dans les hôpitaux. La généralisation des baux environnementaux me paraît très préoccupante.
Certes, il faut identifier les points vulnérables, les zones sensibles, les bassins versants : il y a là tout un travail à effectuer. Mais nous devrions nous attacher à évaluer tous les efforts réalisés par la profession agricole depuis une dizaine et même une vingtaine d’années. Ces efforts sont réels ! Si, en Bretagne, nous sommes en train de gagner le pari de la reconquête de la qualité de l’eau, c’est avant tout grâce aux efforts réalisés par les agriculteurs.
Monsieur le ministre de l’agriculture, il faut à tout prix corriger la trajectoire, et surtout ne pas aller vers une généralisation des baux environnementaux. Il convient de circonscrire ceux-ci à des périmètres vulnérables, à des périmètres sensibles, puisque l’objectif est la reconquête de la qualité de l’eau. Nous devons concilier l’urgence économique et l’urgence écologique en soutenant une agriculture de production. Je vous appelle vraiment à une « vigilance ++ » sur cette question des baux environnementaux !
Nous en venons à une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 8 .
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 91 .
Les agriculteurs travaillent plus de soixante-dix heures par semaine, et je ne crois pas utile de les surcharger de nouvelles démarches administratives. Le présent amendement propose donc de supprimer la déclaration annuelle obligatoire des quantités d’azote à usage agricole vendues ou cédées.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 952 .
Sourires.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1202 .
Je propose moi aussi la suppression des alinéas 1 à 6. Au nom des agriculteurs, de ces hommes et de ces femmes qui travaillent minutieusement leurs terres et qui s’occupent avec passion de leurs animaux chaque jour, nous vous en supplions : n’en rajoutez pas !
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous avez dit que vous faisiez confiance à nos agriculteurs : il faut donc ici traduire vos paroles en actes. Depuis trois jours, tous mes collègues, de l’UMP en particulier, se sont évertués à démontrer que la profession en a ras-le-bol. Nous sommes en train de perdre nos éleveurs les uns après les autres : n’en rajoutons pas ! Vous voulez favoriser l’élevage : faites donc un geste, acceptez cet amendement de suppression de la déclaration annuelle des quantités d’azote.
Monsieur le ministre, soyez un ministre pédagogue et non un ministre père-fouettard. Surtout, ne vous cachez pas derrière cette directive « nitrates ». Prenons l’exemple de la Vendée, puisque vous avez voulu parler de ce département tout à l’heure. Plus de 2 500 plans de fertilisation sont aujourd’hui accompagnés par la chambre d’agriculture, avec des études précises quant aux besoins exacts des plantes, et nous avons des résultats concrets : la qualité de l’eau s’améliore.
Le Président de la République parle de choc de simplification : c’est maintenant que ce choc doit commencer. Encourageons nos agriculteurs ! Cessons de les infantiliser avec une nouvelle déclaration, et donc encore un nouveau contrôle !
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1588 .
Monsieur le ministre, en l’absence d’un protocole assez précis de transposition de votre volonté de prendre en compte l’ensemble des azotes, d’origine minérale comme d’origine organique, nous proposons, par précaution, de supprimer les alinéas 1 à 6.
Je suis préoccupé. Il faut vraiment que nous trouvions une solution pour faciliter la vie de nos éleveurs. En Bretagne, les bonnets rouges nous ont alertés et nous ont demandé, avant toute chose – Guillaume Garot, ici présent, le sait –, la simplification administrative. Faisons gaffe ! C’est le sens de cet amendement.
La commission a considéré que la simplification administrative ne pouvait pas aller de pair avec le laisser-faire environnemental, monsieur Benoit.
Je suis désolé, mes chers collègues : je suis stupéfait d’entendre vos propos.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Vous nous reprochez de ne pas être dans la réalité, mais je crois que vous aussi, vous êtes dans une autre réalité. Il ne s’agit absolument pas d’imposer cette déclaration des quantités d’azote à tous les agriculteurs, sur l’ensemble du territoire national ! Il ne s’agit même pas d’imposer cette déclaration dans toutes les zones vulnérables, mais uniquement dans les zones vulnérables atteintes par la pollution.
Pensez-vous vraiment que, dans les zones vulnérables atteintes par la pollution, il n’y a strictement rien à faire et qu’il faut continuer comme cela ? Faut-il continuer à faire payer à nos concitoyens la dépollution des eaux, le nettoyage des plages et l’enlèvement des algues vertes ? Non, ce n’est pas sérieux, mes chers collègues ! Même la profession agricole ne vous suit pas sur ce terrain-là.
La profession agricole a envie de travailler dans les meilleures conditions possibles. Comme le ministre vous l’a expliqué tout à l’heure, le fait de déclarer l’azote permettra de contrôler, dans un bassin aujourd’hui touché par la pollution, quelles sont la part d’azote organique et la part d’azote minéral.
Chers collègues de l’opposition, je crois sincèrement que vous ne rendez pas service à la profession agricole en tenant de telles positions. En tout cas, la commission des affaires économiques ne vous a pas suivis et a donné un avis défavorable à ces amendements identiques.
Ce débat sur l’azote est très important. Je passe sur tout ce que j’ai déjà dit sur la Bretagne. Comme l’a expliqué le rapporteur, il ne s’agit pas de remettre en cause ce que sont, par définition, les objectifs environnementaux, mais il ne s’agit pas non plus d’imposer aux agriculteurs des contraintes supplémentaires.
Après des discussions de travail, j’annonce que l’évaluation de l’azote minéral, et donc l’obligation de déclaration, concernera les distributeurs et les vendeurs d’azote, et non les agriculteurs.
L’enjeu étant la substitution de l’azote organique à l’azote minéral, nous pourrons mesurer les quantités épandues grâce aux déclarations des vendeurs d’azote minéral. C’est un élément important. L’objectif est garanti, les choses sont claires. Cela permet aussi de répondre négativement à la question du risque de surréglementation.
J’ajoute un point sur la directive « nitrates », définissant les zones vulnérables. Là encore, sur la question des coteaux et des vignes, une discussion a été menée par l’administration et par mon cabinet pour trouver des solutions aux difficultés créées par l’arrêté de février 2011. Toutes les améliorations proposées aujourd’hui ont été négociées par nous.
Concernant les parcelles affichant une pente jusqu’à 15 %, il faut de l’herbe ou un talus pour pouvoir utiliser de l’azote minéral ou liquide – cela paraît logique, car cela évite qu’il parte dans tous les sens. Si vous utilisez de l’azote qui a de la consistance, il n’y a pas de limite sur la pente. Il s’agit d’une disposition qui a été négociée avec les professionnels, et sur laquelle un accord a d’ailleurs été trouvé.
En outre, nous devons tenir compte de la contrainte européenne, que nous essayons à chaque fois d’adapter à la réalité du terrain. Cela a été le cas pour l’application de la directive délimitant les zones vulnérables, que nous avons redéfinies en en réduisant l’espace et la superficie – je m’en souviens très bien.
Il s’agit donc d’un débat que nous n’avons pas engagé nous-mêmes, mais qui a été ouvert par la réglementation européenne, et nous essayons de trouver des solutions.
La vraie solution – et je vous renvoie à notre précédent débat – est de passer d’une logique de normes et de contraintes à une dynamique propre aux agriculteurs et aux acteurs eux-mêmes, d’un « contrôle des moyens » à un « contrat d’objectifs ». C’est l’enjeu des GIEE, qui fixent des objectifs : réduction des produits phytosanitaires, des engrais, de la consommation d’énergie, production respectueuse de la biodiversité.
Derrière ce débat, il y a donc un changement profond d’approche par rapport à l’environnement. Depuis très longtemps, nous nous demandons si l’environnement est une contrainte - et il a d’ailleurs été considéré comme tel durant ces vingt ou vingt-cinq dernières années. Aujourd’hui, nous essayons de montrer qu’il peut être, au contraire, une véritable chance.
J’ajoute que Guillaume Garot m’a confirmé que, dès l’obtention des statistiques sur la question du gaspillage, il sera naturellement à la disposition de la commission des affaires économiques pour faire le point sur ce que vous avez demandé hier.
Je souhaite simplement, après les propos de M. le ministre, apporter un témoignage. Nos collègues considèrent ces déclarations d’azotes comme des contraintes. Or, il faut les regarder comme de véritables atouts. Il ne sera pas difficile, au demeurant, de les produire car, dans nos exploitations, nous avons besoin d’enregistrer ce que nous faisons – les entrées, les sorties,… – afin de bien gérer nos productions. Ce n’est donc pas une contrainte ; il suffit de reprendre ces enregistrements. Il est dommage, mes chers collègues, que vous n’observiez pas précisément la façon dont est gérée une exploitation. Je ne dis pas que vous n’en avez pas la connaissance, mais je vous jure que, dans le détail, cela se passe ainsi.
Effectivement, il faut être précis. Je suis d’accord avec le rapporteur et avec le ministre sur le problème posé par l’azote, essentiellement en Bretagne, mais aussi dans d’autres régions françaises, en certains endroits. En revanche, nous sommes gênés par la grande imprécision des alinéas du texte : où s’arrête une « zone vulnérable » ? S’agit-il d’une région, d’un canton, d’un bassin versant ?
Elles sont délimitées par la directive européenne !
Laissez-moi finir, s’il vous plaît ! La question posée au quotidien par l’azote organique – et mes collègues, notamment l’orateur précédent, ne diront pas le contraire – est la suivante : certains cantons, situés dans des zones d’excédent structurel, dépassent parfois les 170 unités d’azote par hectare, et l’objectif est qu’une partie de cet azote organique puisse être déplacée vers des secteurs qui sont en déficit. Sommes-nous bien d’accord, monsieur le ministre ? À cette fin, il faut faciliter les échanges d’azote organique, tout en substituant celui-ci à l’azote minéral. Je pense que nous sommes d’accord sur l’objectif.
En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur la possibilité de substituer l’azote organique à l’azote minéral dans les zones déficientes. Je ne vois absolument pas l’utilité de faire remplir une déclaration annuelle par l’ensemble des professionnels qui possèdent cet azote. Il suffit de répertorier ceux qui en importent et ceux qui en exportent ! C’est ce que je n’ai pas arrêté de vous dire en commission. C’était là ma première observation.
En second lieu, je souhaite soulever un problème qui est, à mon avis, plus discret, mais qui sera engendré par cette disposition. Vous êtes en train de créer ce que j’appellerais une « année de référence » de l’azote minéral.
Oui !
Vous le dites clairement, vous êtes donc d’accord. Cela signifie qu’à partir de 2013, ou de 2014, vous établirez un niveau de référence national ou régional, par rapport auquel vous demanderez que l’on réduise l’utilisation de l’azote minéral. Il faut que les termes du débat soient clairs !
Je finirai par un autre point, en réponse à ce que disait notre collègue Daniel. Bien sûr, les agriculteurs font déjà leurs déclarations et gèrent eux-mêmes leur propre exploitation. Ils font tout simplement leur plan de fumure, ils réalisent leur bilan de fertilisation chaque année. Ils sont même parfois, voire souvent, contrôlés. Tous les outils sont donc déjà en place. Il suffit simplement de laisser circuler l’azote organique. C’est tout.
Il faut que la rédaction de l’article soit très claire, car il s’imposera à la profession, et qu’il soit bien compris par tout le monde, notamment par les agriculteurs. L’alinéa 5 dispose que le dispositif s’applique « aux personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes azotées dans cette zone ». Or, monsieur le ministre, vous venez de répondre que les déclarations seront faites par les sociétés qui commercialisent l’azote, ce qui n’est pas indiqué par l’article, dans sa rédaction actuelle.
À mon avis, les personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes sont bien les agriculteurs. Nous pouvons certes diverger dans l’interprétation de la loi mais, si votre interprétation est la bonne, monsieur le ministre, cela nécessite une nouvelle rédaction de l’alinéa 5.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Sur ce sujet, des choses sont déjà prévues. Vous me demandez si, pour connaître les quantités d’azote épandues, nous imposerons aux agriculteurs des déclarations supplémentaires relatives à l’azote minéral. J’ai répondu non.
Croyez-vous que les préfets de région, qui négocient aujourd’hui avec les organisations professionnelles, n’aient pas intégré tous ces éléments ? Les négociations des plans régionaux sont en cours. Chaque région choisira – je l’ai rappelé.
Quant à la substitution de l’azote organique à l’azote minéral, il suffirait, à en croire M. Le Ray, de faire circuler l’azote organique. Mais, si l’azote minéral ne diminue pas, la question posée par la pollution par l’azote ne sera pas résolue.
Laissez-moi terminer ! Vous avez fait une confusion en parlant d’importations et d’exportations et en disant qu’il fallait laisser l’azote organique circuler pour compenser les déficiences d’azote de certaines zones. Or, par définition, il n’y a pas aujourd’hui de déficiences d’azote. En Bretagne, les deux tiers de l’azote proviennent d’apports organiques, un tiers provenant d’achats d’azote minéral.
Nous connaissons déjà les quantités d’azote organique épandu, puisque nous disposons des déclarations. Par contre, nous ne connaissons pas encore le niveau global de l’azote minéral. C’est cela que nous allons définir dans chaque région, et nous jouerons sur les deux, en fixant un niveau global à un moment T. Cela donne de la souplesse et permet de traiter globalement la question de l’azote, car ce n’est pas seulement la quantité d’azote organique épandu qui est intéressante à connaître.
Je ne vais pas rappeler tous les débats sur ces sujets ; vous connaissez la sensibilité de la Bretagne sur la question des algues vertes.
Vous connaissez par exemple la position de l’association Eau et rivières de Bretagne sur les installations classées pour la protection de l’environnement.
Nous avons donc un objectif de réduction de la pollution azotée, car elle crée des nuisances, comme les débats sur les algues vertes en témoignent. Ne cherchez pas à compliquer les choses sur la question de la quantité d’azote globale ; restons simples. Aujourd’hui, il existe en Bretagne une quantité globale d’azote provenant d’apports minéraux et organiques. Or, certaines zones de Bretagne disposent d’un excédent d’azote organique. Le dispositif vise donc, non pas simplement à faire circuler l’azote organique, mais à substituer cet excédent d’azote organique à l’azote minéral acheté. C’est quand même simple, clair, et net !
Les agriculteurs n’auront pas à faire des déclarations supplémentaires relatives à l’azote minéral, puisque ce sont les vendeurs et les distributeurs de l’azote minéral qui seront chargés de déclarer ce qu’ils vendent.
Il est procédé au scrutin.
Article 4
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 284 .
Cet amendement concerne également l’azote total. Les agriculteurs que je rencontre me disent qu’il est effectivement possible d’épandre 170 unités d’azote d’origine animale par hectare. Or quand il s’agit, par exemple, de répandre 500 unités sur un hectare d’artichauts, de l’azote d’origine minérale doit être apporté en complément. C’est un non-sens. En effet, comme il lui est impossible de se servir de l’azote d’origine animale de son voisin, l’agriculteur est contraint d’acheter de l’azote minéral, ce qui pose un problème de compétitivité.
Nous nous sommes interrogés sur le moment auquel nous pourrions aborder cette question. L’azote est sorti du chapeau dès l’examen de l’article 3, alors qu’il ne devait pas en être question à cet endroit. L’article 4 me paraît plus approprié pour ce faire.
Je n’oublie évidemment pas les problèmes et les enjeux liés à l’eau et la condamnation de la France par la Communauté européenne, mais pouvoir substituer à de l’azote d’origine minérale de l’azote d’origine animale est un enjeu primordial.
Notre amendement tend à permettre aux préfets de fixer un taux maximal d’azote. C’est déjà plus ou moins le cas dans les bassins versants pour lutter contre les algues vertes, mais nous voulions évoquer la question.
La réponse du ministre m’a tout de même un peu inquiété. Si les 170 unités par hectare sont un horizon indépassable, cela nous pose problème, et j’aimerais donc voir comment l’on peut dépasser ce seuil.
La commission est défavorable à cet amendement, non sur le fond mais sur la forme, car cela relève du décret, auquel il est d’ailleurs fait référence dans l’exposé sommaire.
Cela relève effectivement du décret, monsieur Molac, et surtout des plans d’action régionaux. Nous ne sommes pas dans le domaine législatif.
Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit : 170 unités d’azote organique par hectare, c’est la norme qui s’applique à l’échelle européenne, c’est la directive « nitrates », qu’il n’est pas prévu de renégocier. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement.
L’amendement no 284 est retiré.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 793 .
Il faut laisser aux préfets une marge de manoeuvre pour apprécier l’opportunité d’un tel dispositif. La commission est défavorable à cet amendement.
Défavorable également.
L’amendement no 793 est retiré.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1589 .
Je continue de penser qu’il y a des ambiguïtés dans l’alinéa 5 et qu’il faudra apporter des précisions en deuxième lecture, mais ainsi va la vie…
Notre amendement tend à insérer le mot « appliquées ». Des azotes sont en effet épandus pour le compte des agriculteurs par des professionnels, lesquels peuvent être des coopératives ou des distributeurs d’engrais, qui appliquent les fertilisants dans les sols.
J’ai bien entendu ce que vous nous avez dit, monsieur le ministre, et je vous fais confiance quant au fait que les agriculteurs ne seront pas concernés par les déclarations, mais je continue de penser que, tel qu’il est rédigé, l’alinéa 5 n’est pas suffisamment précis. S’il y a deux lectures, c’est aussi pour améliorer le texte.
Nous avons bien noté, monsieur Benoit, que l’UDI demandait plus de précisions sur les déclarations d’azote, alors que certains de vos collègues de l’UMP s’y sont opposés. L’agriculteur faisant déjà une déclaration, il nous paraît inutile que le prestataire de services en fasse une lui aussi. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Défavorable.
Votre amendement, monsieur Benoit, concerne les prestataires de services de travaux d’épandage, à qui vous souhaitez imposer une déclaration. Votre souhait est tout à fait louable, mais, comme les agriculteurs en font déjà une, je ne vois pas pourquoi il faudrait demander une autre aux prestataires de services travaillant pour le compte d’un agriculteur. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Après avoir écouté vos arguments, j’accepte votre proposition, monsieur le rapporteur.
L’amendement no 1589 est retiré.
Nous proposons d’insérer après l’alinéa 6 la phrase suivante : « La déclaration annuelle relative aux quantités d’azote mentionnée aux deux alinéas précédents» – dont nous avons bien compris qu’elle ne devrait pas être effectuée par les agriculteurs et que la rédaction desdits alinéas précédents serait modifiée – « ne peut en aucun cas être utilisée aux fins d’établissement d’une taxe ou de tout autre prélèvement fiscal, parafiscal ou social de quelque nature qu’il soit, sur les matières fertilisantes. »
« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.
Ce n’est ni l’objet de la loi ni celui de l’article. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Défavorable, pour la bonne et simple raison que ce sont des procédures liées à des choix par région : c’est optionnel, il n’y a pas de définition générale.
Cet amendement a surtout le mérite de poser un vrai sujet et de lever une ambiguïté.
Au cours des débats, le rapporteur nous a présenté ce texte comme une loi d’orientation agricole. Si vous confirmez que c’est bien une loi d’orientation, monsieur le ministre, elle pourra servir de point d’appui à des dispositions dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la Sécurité sociale. Si vous me dites que ce n’en est pas une, j’ai la faiblesse de vous croire.
C’est un vrai sujet. L’amendement défendu par M. Lurton et soutenu par l’ensemble du groupe UMP a vraiment sa raison d’être et j’invite mes collègues à l’adopter, car c’est une précaution nécessaire.
L’amendement no 92 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 794 .
De nombreux débats ont eu lieu en commission sur notre proposition d’autoriser des associations ou des collectivités locales à exploiter du foncier et le mettre en fermage. L’amendement que nous avions proposé prévoyait l’autorisation du bailleur, mais il semble que sa rédaction n’était pas satisfaisante.
L’amendement no 794 tend à permettre au ministre d’élargir les zones géographiques d’application de la déclaration des flux d’azote. La commission y est défavorable, non pas sur le fond, bien entendu, mais sur la forme : ce n’est pas la peine de le préciser, puisqu’il est prévu dans la loi que cette disposition pourra s’appliquer dans les zones vulnérables. Si une zone du territoire national en a besoin, elle deviendra vulnérable, et le préfet pourra mettre en place un système de déclaration des flux d’azote. Je vous remercierai donc, madame Allain, de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement no 794 est retiré.
C’est un amendement quasi rédactionnel, puisqu’il est de conséquence.
Il était mentionné dans l’étude d’impact qui nous a été fournie avant l’examen du texte en commission que la déclaration d’azote était très demandée par les éleveurs de la région Bretagne. Cela prouve, monsieur le ministre, et cela vous honore, que vous avez engagé en amont une discussion avec les gens de terrain.
Toutefois, pour rassurer les éleveurs qui ne sont pas en Bretagne et qui se sentiraient injustement concernés par cette disposition, je propose de préciser que les dispositions sur la déclaration d’azote s’appliquent dans les départements des Côtes-d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Vous pourriez éventuellement sous-amender pour ajouter la Loire-Atlantique,…
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs.
M. Herth ne manque pas d’humour à l’occasion, et l’on voit bien toute la malice cachée derrière cet amendement.
Monsieur Herth, imaginons un seul instant – cela n’arrivera jamais – que la plaine d’Alsace, dans la région de Colmar par exemple, devienne tout à coup une zone vulnérable. Il faudra bien que la déclaration s’applique. Vous comprenez donc vous-même, sans que j’aie besoin de développer, que la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement no 627 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, sur lesquels je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 93 .
Nous arrivons à un autre moment important, à une étape clé de la discussion.
Dans un même article, monsieur le ministre, se trouvent à la fois, ce qui confirme d’ailleurs une fois de plus le côté brouillon de votre rédaction, la déclaration d’azote, dont nous venons de parler, et l’élargissement du bail environnemental. Si je regarde dans le rapport le tableau de l’ensemble des zones dans lesquelles le bail environnemental est désormais susceptible de s’appliquer, je constate que, finalement, la France entière pourrait être couverte.
Dans la loi d’orientation de 2006, qui a créé cette notion de bail environnemental, nous avions pris la précaution de cibler le dispositif sur des zones qui le méritent, qui ont un caractère naturel et environnemental particulier, qu’il convient de préserver, et d’inscrire le dialogue entre bailleurs et preneurs dans ce cadre.
Vous faites exploser ce cadre. Cela crée de l’insécurité juridique dans les relations entre bailleurs et preneurs, ce qui sera source de contentieux inutiles. Je prends simplement l’exemple des zones Natura 2000. Nous savons bien qu’elles ont été définies sous la pression de l’administration de Bruxelles. Parce qu’il fallait atteindre un chiffre, les préfets ont été sommés de trouver des terrains à inscrire en Natura 2000 sans qu’il y ait forcément derrière une réalité pédologique, agronomique ou environnementale.
Enfin, selon les caractéristiques du parcellaire agricole, comment va-t-on traiter des exploitations dont, par exemple, seule une parcelle se trouverait à l’intérieur d’une zone considérée comme importante et bénéficiant du bail environnemental ? Regardera-t-on l’ensemble de l’exploitation, ou bien sera-ce à la parcelle ? Une fois de plus, nous constatons que le sujet n’a pas été assez réfléchi ni assez encadré. Nous proposons donc la suppression pure et simple de ces alinéas.
Votre projet de loi entraîne une remise en cause gravissime du statut du fermage et de la liberté d’entreprise. Les possibilités de clauses environnementales dans les baux doivent être strictement encadrées, limitées aux zones classées, et sous cahier des charges.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1244 .
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 1287 .
Il faut absolument supprimer ces alinéas 7 à 11. Une fois de plus, l’insertion de clauses environnementales dans un bail, cela devient insupportable si c’est généralisé. Encore des contraintes ! Halte aux contraintes, ai-je envie de dire. Ces contraintes intégrées dans les baux sont une cause supplémentaire de stress pour les exploitants et entraînent des risques de résiliation des baux.
Nous l’avons compris, vous voulez une nouvelle agriculture, bien plus basée sur l’agroécologie, ajoutant aux critères économiques des critères environnementaux. Dont acte. Mais ne donnez pas un nouveau pouvoir aux bailleurs, avec de nouvelles contraintes pesant toujours sur les mêmes, à savoir les agriculteurs. Ces clauses, cela a été dit par Antoine Herth, peuvent éventuellement se concevoir sur des zones géographiques présentant des contraintes particulières, mais, surtout, ne généralisons pas, ce serait trop grave ! Ce serait la fin d’un pilier fondamental du statut du fermage : la liberté d’exploitation pour l’agriculteur. Nous vous supplions de supprimer ces alinéas, dont l’adoption serait une erreur majeure. La simplification, c’est maintenant !
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1590 .
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sincèrement, vous y allez fort ! Avec la généralisation des baux environnementaux, nous nous ferons collectivement taper sur les doigts, sans pour autant régler les problèmes environnementaux rencontrés dans nos territoires. Si l’on veut trouver des solutions sans créer de tensions entre les bailleurs et les exploitants, il ne faut pas généraliser le bail environnemental. Il faut au contraire identifier les zones vulnérables, sensibles, et prendre des dispositions pour que l’outil proposé puisse s’y imposer naturellement. Le bail environnemental, selon moi, doit être un outil qui aide à la préservation, à la reconquête, mais qu’il ne faut pas généraliser à l’ensemble du territoire national en considérant que tout bail rural doit comporter des clauses environnementales.
À l’UDI, nous craignons que ce soit source de contentieux, de tensions entre bailleurs et exploitants, et d’inefficacité.
Défavorable. Je rappelle que le bail environnemental a été créé en 2006, sous un ministre de droite, M. Bussereau.
Ce n’est pas une création de l’actuelle majorité. Si cette possibilité a été offerte, c’est bien qu’elle correspondait à un besoin. Aujourd’hui, vous avez compris que nous souhaitons donner à l’agriculture française une orientation de performance économique et environnementale. C’est une politique que nous assumons, et le bail environnemental fait pleinement partie de ce projet de loi, au même titre que le GIEE.
L’intérêt général de notre pays est-il que 70 % des masses d’eau soient polluées, par des nitrates ou des résidus de pesticides, comme c’est le cas aujourd’hui ? Combien cette situation coûte-t-elle, en termes de santé, de dépollution, d’attractivité de notre territoire ?
Monsieur Saddier, je vous ai entendu nous reprocher de vouloir stigmatiser une profession. J’ai passé ma vie à défendre la profession agricole et je continue de le faire.
Les agriculteurs – parlez-en avec eux – ont pleinement conscience des difficultés actuelles. Combien sont-ils à dire qu’ils regrettent d’avoir employé des produits qui ont nui à notre santé ! Combien sont-ils à dire que, s’ils avaient su ce qu’ils faisaient il y a trente ans, ils ne l’auraient pas fait ! Il faut en avoir conscience, car c’est la réalité de notre pays.
Monsieur Saddier, vous êtes comme moi amoureux des abeilles, et nous défendons ensemble l’apiculture.
Sourires.
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir à quel point les colonies d’abeilles sont attaquées par des produits phytosanitaires, que l’on retrouve dans les plantes jusqu’à deux ou trois ans après les récoltes. Les professionnels de l’apiculture en Lot-et-Garonne sont obligés, au moment de la floraison du colza, de déménager l’ensemble de leurs ruches dans la haute lande, dans le département voisin. Tous nos concitoyens savent que l’on ne peut continuer ainsi. Si l’orientation donnée à notre agriculture par le ministre Stéphane Le Foll trouve un tel écho, c’est bien parce qu’elle correspond à un besoin. L’intérêt général de notre pays est d’aller vers des méthodes culturales plus respectueuses de l’environnement. C’est l’objet de cette loi, de laquelle on ne peut soustraire le bail environnemental.
En ce qui concerne, ensuite, la liberté d’entreprendre, je vous rappelle que le bail est un contrat, signé à deux, et que le bailleur a déjà la possibilité d’imposer des clauses. Un grand professionnel et responsable agricole me disait, lors d’une audition, qu’il y a trois décennies que le bailleur lui impose, comme cela avait été imposé à son père et à son grand-père, de souscrire une assurance contre la grêle. Le bailleur veut tout simplement être sûr d’être payé. La liberté d’entreprendre que vous citez n’est pas totale pour le preneur aujourd’hui, de même qu’un commerçant qui loue des murs n’a pas la possibilité de faire n’importe quoi à l’intérieur.
J’entends M. Benoit dire que nous allons vers la généralisation du bail environnemental. Il faut savoir raison garder. Nous n’avons pas écrit dans la loi que le bail environnemental serait obligatoire. Un tel bail ne se fera que s’il y a accord entre les parties. Une couverture nationale par le bail environnemental n’est donc pas pour demain ; cela prendra du temps, d’autant qu’il ne peut y avoir de résiliation. C’est seulement au moment de la signature du contrat que pourront être introduites des clauses environnementales.
Enfin, je souhaite aborder la question des droits du bailleur. Vous le savez, le statut du fermage date de 1946. C’est un statut absolument nécessaire à notre pays, puisque plus de la moitié des terres, quasiment 60 %, sont louées. Il faut à tout prix le conserver, car c’est lui qui a permis à des gens qui n’avaient pas de terre de devenir exploitants agricoles et de le rester. Mais regardons aussi les évolutions. Ce statut n’a quasiment pas bougé depuis 1946, alors que la société, elle, a bougé.
Dans certains territoires, parmi lesquels mon propre département, il est de moins en moins facile de trouver des terres à louer, parce que les bailleurs ne veulent plus louer aux agriculteurs,…
…sachant parfaitement que, s’ils ne sont pas eux-mêmes exploitants, ils ne récupéreront jamais leur terre.
Si je me permets de vous dire cela, c’est que la chambre d’agriculture de la Dordogne a organisé en octobre dernier un colloque sur ce thème, en me demandant d’essayer de trouver des assouplissements dans le cadre de cette loi. Je ne l’ai pas fait et je ne me suis même pas attaqué au problème, tant c’est un sujet tabou. Mais vous savez que c’est devenu, dans des régions de polyculture, de petites parcelles, un frein à la location.
De même, le président de l’APCA nous a expliqué, toujours en audition, qu’il existait une deuxième sorte de difficultés pour les locations, qui ne concernent plus les petites parcelles mais des ensembles plus importants. Les propriétaires de ces terrains deviennent également de plus en plus réticents pour louer, car ils s’aperçoivent qu’ils gagneraient plus en s’installant et en prenant eux-mêmes le statut d’agriculteur. De ce point de vue, chers collègues, vous m’accorderez que la politique agricole commune ne nous aide pas, car les aides à l’hectare poussent les gens, non seulement à s’agrandir, mais aussi à reprendre leurs terrains. Il faut avoir cela aussi à l’esprit.
Je suis pour la défense des droits du fermier, j’ai fait cela toute ma vie, mais prenons en compte la réalité d’aujourd’hui, en prenant également garde de ne pas trop charger la barque du bailleur. Il y a des propriétaires qui sont prêts à mettre leurs terrains à la disposition d’un agriculteur mais ne veulent pas voir utiliser des pesticides. Il faut l’entendre car c’est l’évolution de notre société.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Même avis.
Ce qu’a dit le rapporteur est tout à fait vrai. La liberté contractuelle existe aussi en matière de statut du fermage, même si ce dernier est un statut d’ordre public. Des clauses peuvent déjà y être insérées, des clauses qui ne sont pas forcément environnementales, mais qui sont de nature à faire respecter le bien du propriétaire.
S’agissant de l’insécurité juridique dont vous parliez tout à l’heure, cher collègue, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Je pourrais vous citer des situations où ce sont des propriétaires qui ont demandé des résiliations de bail, à la suite de pratiques de certains fermiers. Il existe donc déjà, dans ce domaine, une forme d’insécurité juridique. Aujourd’hui, il est proposé de définir clairement une orientation, grâce à un certain nombre de clauses. Les dispositions qui accompagneront le vote de ce texte permettront de créer de la sécurité dans les relations entre le preneur et le bailleur.
Toutes les conséquences évoquées par le rapporteur sont déjà constatées dans les faits. Il ne s’agit pas de freiner le fermage, mais de le conforter en l’inscrivant dans un cadre souhaité par les deux parties. Cela permettra également d’assurer aux preneurs sécurité et confort. J’ai en effet eu l’occasion de rencontrer un conflit entre un bailleur et un preneur, au motif que ce dernier faisait pousser de l’herbe dans ses rangs de vigne, alors qu’il était en train de reconstituer un couvert végétal et une vie microbienne. Il y a un problème qu’il faut savoir régler, et l’on doit pouvoir inscrire ces clauses sans passion, en posant clairement les orientations qui sont celles de l’agriculture de demain.
Nous sommes de nouveau au coeur d’un sujet sur lequel nos positions sont très différentes – nous devons l’assumer –, comme elles différaient sur cette vision administrée et administrative, complexe et complexifiée, du GIEE. Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que vous souhaitez une agriculture forte sur les plans environnemental et économique ; nous souhaitons une agriculture forte sur les plans environnemental, économique et social. Or, à ce jour, vous n’acceptez toujours pas ce pilier social…
…que nous souhaitons fortement.
Deuxièmement, comme l’a rappelé Antoine Herth, nous avions proposé ce bail environnemental. Mais il y a, ici encore, une différence gigantesque entre vous et nous : alors que nous proposions une initiative par zones sensibles, car nous reconnaissons qu’il peut y avoir des problèmes dans certaines zones, vous l’imposez systématiquement et vous le généralisez à l’ensemble du territoire, en témoignant d’une vision uniforme, administrative et administrée, de celui-ci, comme pour le GIEE.
Nous martelons aussi une autre différence, et ce depuis la discussion générale, chers collègues, c’est que, plus maladroitement que volontairement sans doute, vous ne cessez de véhiculer l’image d’une agriculture systématiquement polluante. Ce n’est pas acceptable. Plusieurs d’entre nous déjà, à l’occasion de la discussion générale et de l’examen des précédents articles, l’ont dit et répété : certes, l’agriculture peut, dans certains cas et dans certaines zones, causer des pollutions. Je précise tout de même qu’il n’y a pas que les agriculteurs qui regrettent les techniques d’il y a trente ans ; dans cet hémicycle, il y a trente ans, on ne travaillait pas non plus de la même manière. Dans toutes les professions, il y a eu des progrès techniques et scientifiques qui font que nous pouvons tous regretter ce qui a été fait par nos parents, quelle que soit la profession.
Pour autant, nous considérons sur nos bancs qu’un certain nombre de territoires, au contraire, font aujourd’hui la richesse de la biodiversité, notamment pour l’eau potable, et que c’est bien l’agriculture qui a, au fil des décennies, contribué à protéger et à faire prospérer cette richesse : je pense aux forêts, à toute une partie de l’agriculture extensive qui n’utilise pas ou peu d’intrants, et au pastoralisme. Dans ces territoires, l’agriculture ne doit pas être montrée du doigt : elle doit, au contraire, être montrée en exemple, d’autant que cela représente une partie significative de notre territoire.
Un autre exemple, monsieur le rapporteur, à propos des abeilles. Vous m’avez cité trois fois, alors que je n’étais pas encore intervenu, et je vous en remercie. Assurément, se pose au sujet des abeilles la question des produits phytosanitaires, mais le grand progrès de ces dix dernières années est d’avoir reconnu que la cause de la mortalité des apoïdes sauvages et des abeilles était multifactorielle. Les intrants sont problématiques, mais pas seulement eux. Ce débat est dépassé, mais il demeure une volonté de montrer systématiquement du doigt ces seuls intrants.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que la situation est complexe. Plutôt que de l’aggraver en généralisant le bail environnemental, essayons de trouver des solutions. Dans les zones touristiques, frontalières ou industrielles, le foncier est d’une rareté exceptionnelle, et plus encore pour le monde agricole. Il est déjà quasiment impossible de convaincre une famille de signer un bail agricole tel qu’il est aujourd’hui. Quand vous y rajouterez la notion de bail environnemental, les gens n’y comprendront plus rien et le peu de baux qui étaient encore signés ne le seront plus. En effet, quand vous aurez donné un caractère obligatoire…
… ce bail environnemental, plus aucun agriculteur – encore moins les jeunes – ne réussira à obtenir un bail.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous êtes en train de tuer l’avenir des jeunes agriculteurs dans notre pays.
Les agriculteurs redoutent le bail environnemental. Je vous assure qu’ils le redoutent, parce qu’ils craignent des contraintes supplémentaires. C’est pire que le GIEE ! Au moins, le GIEE est consenti et les agriculteurs s’engagent volontairement dans la démarche.
Ah ! Je vois qu’on progresse !
Le bail environnemental s’impose, quant à lui, partout. Il peut s’imposer partout et à tous et devenir un outil du bailleur à l’égard du fermier. Vous avez d’ailleurs, monsieur le rapporteur, lié cette question du bail environnemental avec la reprise des biens de famille. Cette association est tout à fait symptomatique. C’est donc bien qu’il y a dans ce bail environnemental une possible menace pour les fermiers.
Je suis attristé par le mutisme du ministre, qui visiblement a trouvé dans le rapporteur un homme de main…
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
…qui exécute froidement ses volontés. Monsieur le ministre, vous faites de l’humour sur un sujet extrêmement sérieux, et moi je n’en ferai pas sur ce thème-là, croyez-le bien.
C’est vous qui en faites !
Quelles sont donc ces clauses environnementales ? Si je décrypte les propos du rapporteur – vous feriez d’ailleurs peut-être mieux, monsieur le rapporteur, de parler moins car cela donne beaucoup d’idées à certains –, les propriétaires ne veulent pas d’azote, afin de protéger l’eau. J’en conclus que le propriétaire aurait la possibilité d’introduire une clause demandant au preneur de s’engager sur l’application de sa fertilisation. Tout à l’heure, M. le ministre nous disait qu’il existait une directive européenne et que cela suffisait comme règle. Là, vous créez un débat entre le preneur et le bailleur. C’est très grave. Monsieur le rapporteur, vous nous parlez également du colza en Dordogne et du problème des abeilles.
En Lot-et-Garonne ou même en Alsace, si vous préférez. Vous nous parlez des phytosanitaires. J’en conclus que le propriétaire pourra demander des comptes au preneur sur sa façon de protéger ses cultures et d’utiliser les produits phytopharmaceutiques. Monsieur le rapporteur, nous avons une réglementation, nous avons des lois et des contrôles qui sont dans la main de l’État : pourquoi voulez-vous que ce débat ait lieu désormais entre le propriétaire et le preneur ? C’est encore un facteur d’instabilité.
Pour vous donner un autre exemple : entre le blé et l’herbe, quel est le meilleur pour l’environnement ? C’est l’herbe, bien évidemment. Elle stocke le carbone dans le sol, elle protège les terres de l’érosion, elle favorise les vers de terre : c’est parfait, l’herbe ! Mais, demain, cet argument va être utilisé par des propriétaires pour justifier le fait, en zone périurbaine en particulier, qu’ils voudraient reprendre leurs terres pour y mettre trois poneys ou un cheval. Or, vous savez à quel point la profession agricole est mobilisée aujourd’hui sur ce sujet. Voilà, une fois de plus, les graines perverses que vous semez dans le code rural et qui créeront autant de difficultés sur le terrain.
Je voudrais à présent répondre à M. Clément, dont les interventions sont toujours extrêmement bien argumentées, et je salue une fois de plus l’intérêt de sa contribution à nos débats en commission. Toutefois, monsieur Clément, il y a quelques défauts dans votre argumentation. Le premier, c’est que vous partez du principe qu’il n’y a que des baux écrits. M. Saddier vient d’exposer la situation dans son département et c’est exactement la même chose dans le mien : la plupart des baux agricoles sont des baux verbaux.
À ce titre, ils relèvent d’une règle de droit commun. Ajouter des clauses, cela suppose de passer au bail écrit, qui complique les relations. Certains ne le voudront jamais. C’est en quelque sorte encourager le preneur à essayer par tous les moyens d’acheter le foncier, et donc faire la promotion du faire-valoir direct. Le ministre se félicitait au début de la discussion qu’en France le prix moyen des terres agricoles soit le plus bas d’Europe. Je vous fiche mon billet que, bientôt, ce ne sera plus le cas.
Sur la question du prix, monsieur Clément, dans le bail cessible – une autre forme de bail que nous avions conçue dans le cadre de la loi d’orientation de 2006 et qui a, je le reconnais, connu très peu de succès –, il y avait, en quelque sorte, perte de jouissance du propriétaire, puisqu’il acceptait que le preneur puisse transmettre, en dehors du cadre familial, le bail à une autre personne. Avec toutefois deux contreparties à cela : l’augmentation du prix du loyer et l’impossibilité pour la SAFER, au bout de deux ans, de faire valoir son droit de préemption. Il y avait donc des contreparties équilibrées. Mais vous, que mettez-vous dans la balance ? Vous rajoutez une contrainte pour le preneur et, en face, le bailleur ne donne rien. Quelle est cette négociation déséquilibrée que vous êtes en train d’inscrire dans nos textes de loi ?
Ensuite, monsieur Clément, si l’on veut imposer une clause, il faut d’abord savoir ce qui se passe, ce qui suppose qu’un état des lieux ait été fait. Où est cet état des lieux ? Qu’a-t-on prévu comme type de photographie ? Quels sont les éléments qu’un candidat à la location d’un terrain devrait fournir pour donner des éléments de jugement objectifs au propriétaire, pour que ce dernier puisse exposer les conditions de signature du bail ?
Je me permets de faire un parallèle avec le texte de la loi ALUR. Mme Duflot est intervenue très fortement sur les relations des propriétaires et des locataires. On peut dire objectivement, et sans se fâcher, que les propriétaires ont vu leurs contraintes augmenter. Il y a cependant, même si nous la contestons, une contrepartie, qui est la garantie universelle du loyer. À un moment donné, on considère qu’il faut une corde de rappel pour que les propriétaires, dans tous les cas de figure, puissent avoir droit à leur paiement. Or, il n’y a absolument rien de prévu dans cette loi-ci. Vous êtes en train de déséquilibrer les relations entre les propriétaires et les locataires et vous n’avez aucun filet ni aucune corde de rappel. C’est pour cette raison que notre amendement de rejet de cette disposition est totalement justifié.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Traditionnellement, vous vous placiez en défenseurs des fermiers. Traditionnellement, vous évoquiez la mémoire de Tanguy Prigent, à l’origine du statut du fermage.
Et quelle mémoire !
Cela doit évoquer des choses pour vous, monsieur le ministre, et aussi du fait de vos origines. Or vous êtes en train de déséquilibrer totalement les rapports entre le propriétaire et le fermier…
…alors qu’ils sont déjà compliqués. Nous avions réussi un progrès gigantesque : le fermier était devenu un vrai chef d’exploitation, patron chez lui. Il n’avait avec le propriétaire que des relations de nature financière. Certes, comme l’a évoqué le rapporteur, il peut y avoir sujet à discussion sur le montant des baux, mais s’il payait régulièrement son bail, il était maître chez lui. Bref, c’était un patron. Vous êtes en train d’en faire un domestique. Telle est l’évolution que vous nous proposez. Il devra, pour pouvoir pratiquer certaines méthodes culturales ou exploiter certaines cultures, demander l’autorisation à son bon maître.
Quel retour en arrière ! Je ne comprends pas comment des gens issus de votre tradition politique puissent admettre cela.
Pardonnez une remarque d’ordre personnel, monsieur le ministre : je suis issu de six générations de fermiers. Ils ont toujours été très respectueux vis-à-vis de leur propriétaire, ils le recevaient bien quand il venait… mais ils étaient maîtres chez eux. Ils n’avaient pas à rendre compte de ce qui se passait sur l’exploitation tant que le bail était payé.
C’est à voir.
Et vous revenez là-dessus. Le propriétaire pourra interdire l’utilisation de produits phytosanitaires, mais aussi d’engrais, ou de certains d’entre eux, ou alors fixer des seuils. Il pourra également, M. le rapporteur l’a confirmé, et c’est très embêtant dans certaines régions, interdire l’épandage de certains produits sur les terrains qui lui appartiennent. En Bretagne, un fermier peut accepter sur les terres qu’il exploite des épandages provenant d’autres exploitations. Demain, le propriétaire pourra lui dire qu’il refuse les épandages de tel autre fermier, simplement parce que sa tête ne lui revient pas !
Nous allons avoir également un problème considérable autour d’un certain nombre de villes ou d’usines agroalimentaires lorsque les propriétaires pourront refuser l’épandage de certains produits, sachant par ailleurs que les épandages de boues urbaines posent de vrais problèmes environnementaux. Et puis, sans aller jusqu’à la caricature, « Madame de » ou « Monsieur de » pourront aussi estimer qu’il ne faut pas planter de maïs car cela gêne la perspective du château…
Sourires.
Les hobereaux sont là ! (Sourires.)
Je sollicite le pardon de Laure de La Raudière, mais voilà ce qui peut se passer.
En tout état de cause, on revient en arrière, dans des proportions considérables. La relation entre le fermier et le propriétaire doit être certes une relation contractuelle, qui obéit à des dispositions relevant de l’ordre public, mais le propriétaire n’a pas à interférer dans la gestion de l’exploitation.
« Tout à fait ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Voilà ce que nous devons réaffirmer, et j’espère, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nos arguments, partagés par l’ensemble des exploitants agricoles de ce pays, quelle que soit leur sensibilité, seront écoutés !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
M. Denis Baupin remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.
Stéphane Le Foll, ministre. Oh non !
…il y aura dorénavant déséquilibre entre les propriétaires et les fermiers. Il nous faut donc soutenir l’installation des jeunes agriculteurs en préservant leur liberté de choix de culture – les clauses environnementales insérées dans les baux ne doivent pas se retourner contre les agriculteurs – en prévoyant la cessibilité des baux ruraux aux jeunes installés, c’est le phénomène des pas-de-porte, et en renforçant la vigilance du tribunal paritaire sur les conditions de reprise à travers les contrôles de structure.
Il nous faut ouvrir des perspectives économiques en adoptant des mesures sur les contrats issus des accords interprofessionnels en faveur des producteurs installés depuis moins de cinq ans. Il faut en outre soutenir la création d’un répertoire des actifs agricoles pour flécher la politique agricole française et européenne vers ceux qui sont les véritables cultivateurs de chaque jour. Nous devons aussi impulser la dynamique d’innovation et la viabilité économique dont a besoin l’agriculture française pour retrouver une compétitivité vacillante. À cet égard, la professionnalisation des activités agricoles doit apparaître comme un enjeu décisif.
En outre et surtout, il nous faut veiller à la préservation du foncier agricole, un impératif national maintes fois réaffirmé et malheureusement maintes fois esquivé, dont les SAFER et les CDCEA doivent être les instruments puissants. Sur ce sujet, le code de l’urbanisme et celui de l’environnement doivent enfin devenir compréhensifs et cohérents. Le contrôle des structures doit également constituer un outil utile à l’installation. Enfin, les perspectives agroalimentaires mondiales doivent ouvrir à notre agriculture un formidable carnet de commandes. C’est une chance que nos entreprises, nos agriculteurs et nos territoires souhaitent saisir.
Je vais essayer d’être le plus objectif possible, comme à mon habitude.
Oh ouais ! (Sourires.)
Je pense que l’on peut être d’accord avec l’objectif de départ, qui est de renforcer les droits du preneur. C’est-à-dire que si celui-ci souhaite exploiter avec des impératifs environnementaux poussés, il faut le protéger. En revanche, et comme s’agissant des mises à disposition, dont nous discuterons tout à l’heure, il y a un problème dans la rédaction. En effet, bien que voulant renforcer la protection du preneur, vous l’affaiblissez par ailleurs en généralisant un certain nombre de contraintes que le bailleur pourra demain lui imposer. Il y a un souci dans la rédaction : soit vous vous adressez au bailleur, soit vous vous adressez au preneur ! Il aurait fallu écrire que le bailleur peut laisser le preneur exercer son travail librement. Vous vous y prenez à l’envers.
Il est procédé au scrutin.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 485 et 1191 rectifié .
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 485 .
Il est défendu, monsieur le président. Mais, monsieur le ministre, au nom du groupe UMP, je constate très solennellement que vous venez de rompre avec l’histoire de l’agriculture de l’après-guerre en instaurant l’obligation et la généralisation du bail environnemental. Les Françaises et les Français, notamment les agriculteurs, ne sont pas près de l’oublier.
« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 1191 rectifié .
Monsieur le ministre, la France a la chance d’avoir des territoires extrêmement variés, aux topographies diverses. Vous avez sagement répondu s’agissant des nitrates et des problèmes de pente, question très importante pour la Champagne. Du reste, il existe dans ma circonscription des zones sans nitrate, avec des eaux de très belle qualité. Il y a pourtant de l’élevage. Nos agriculteurs font donc de gros efforts.
Par ailleurs, des jugements sont ici portés a posteriori, comme si l’on pouvait juger les pratiques de n’importe quelle profession à l’aune des connaissances d’aujourd’hui. Mais dans tous les domaines de l’activité humaine, nos aînés ont travaillé en fonction des connaissances du moment. Par conséquent, monsieur le ministre, en matière de pollution, il ne faudrait absolument pas mélanger ce qui était fait auparavant avec ce qui est fait aujourd’hui. Les agriculteurs, vous le savez, ont accompli d’énormes efforts pour diminuer les intrants, ne serait-ce que pour des raisons économiques – il n’y a pas besoin de loi, c’est la rationalité économique qui pousse à la diminution des intrants. Je le dis au moment même où nombre de nos éleveurs sont au bord du suicide, parce que nous sommes dans une société où la part que les ménages consacrent à l’alimentaire ne cesse de baisser, vous le savez pertinemment, et a atteint un niveau extrêmement faible. Cela pose vraiment un problème, auquel d’ailleurs les écologistes sont parfois sensibles quand ils s’occupent vraiment d’écologie. Nous ne pouvons certainement pas continuer avec une économie mondiale dans laquelle les produits alimentaires et l’énergie sont si peu coûteux.
J’en viens à nos amendements. En zone périurbaine, les surfaces agricoles disparaissent dans des proportions gigantesques. L’équivalent de la superficie d’un département disparaît tous les sept à dix ans, alors que le besoin en terres arables n’a jamais été aussi intense. Et dans le même temps, vous ne cessez de complexifier les démarches administratives auxquelles les exploitants doivent se soumettre. Certes, c’est votre droit mais de surcroît, vous rendez maintenant systématiquement plus compliqués les baux à signer, dans un esprit de système qui vous amènera à appliquer de manière absolue des règles environnementales non définies sur des territoires totalement différents, au lieu de laisser la liberté aux intéressés !
De grâce, écoutez-nous : supprimez les alinéas 8 et 9, qui vont complexifier considérablement les installations, soit le contraire de l’objectif de ce projet de loi ! Il serait salutaire que mes collègues de la majorité entendent cet appel solennel. De grâce, ne détruisez pas ce système de partenariat et de contractualisation entre celui qui exploite la terre et celui qui la possède ! Sinon, à terme, nous n’aurons plus d’exploitants agricoles sur le territoire national.
Même argumentation que précédemment. Je pense que la sécurisation, monsieur Dhuicq, n’est pas de votre côté. Elle réside dans la définition de règles claires entre un bailleur et un preneur. C’est ce que nous proposons. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos 485 et 1191 rectifié , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1591 .
Dans mon intervention sur l’article, j’ai attiré l’attention sur les risques que l’on prend à utiliser de manière systématique la notion des baux environnementaux généralisés. Le jour même où le Président de la République réitère son idée de choc de simplification – on en est plutôt maintenant à une amplification du choc de simplification – nous allons créer des contraintes nouvelles et complexifier les choses pour les exploitants agricoles, créer des tensions entre les propriétaires et les exploitants, exacerber les esprits s’agissant des questions environnementales et écologiques.
En effet, la traduction sur le terrain de cette disposition, ce sera l’exacerbation des esprits. Monsieur le ministre, je pensais qu’avec votre concept d’agroécologie, vous pourriez concilier l’urgence économique et l’urgence écologique. Mais au lieu de réconcilier ces thématiques – la production agricole, le domaine économique, l’agroécologie, l’agroindustrie – on crée des tensions. En effet, comme Antoine Herth et Marc Le Fur l’ont bien expliqué, certains propriétaires poseront des exigences insurmontables pour les exploitants agricoles. Dans votre texte, vous ne mettez pas les garde-fous et vous ne prenez pas les précautions nécessaires.
Ce que propose le groupe UDI par cet amendement no 1591 , conjointement avec le groupe UMP, c’est que ces clauses environnementales s’appliquent dans des secteurs, dans des zones bien spécifiques, identifiées, où les dimensions écologiques et environnementales revêtent une importance particulière.
Il est en effet nécessaire d’envisager des clauses spécifiques dans ces zones. Mais de grâce, soyons raisonnables ! En commission, Charles de Courson et Antoine Herth ont évoqué la gestion et la contractualisation de baux ruraux « en bon père de famille ». Bon sang de la vie, nous sommes en 2013, à l’ère moderne ! Laissons les Français respirer, laissons-les vivre ! Personne ne peut croire, en 2013, que les agriculteurs sont de dangereux terroristes pour la planète.
Si des erreurs ont été commises durant les cinquante années écoulées par des exploitants agricoles, et même peut-être par certains industriels, c’est par méconnaissance.
En Bretagne, je le répète, nous sommes sur une bonne trajectoire. Nous sommes en passe de remporter la victoire en matière de reconquête de la qualité de l’eau, parce que les agriculteurs ont fait les efforts nécessaires depuis vingt ans. Nous allons dans la bonne direction.
Personne ne peut croire que depuis cinquante ans, des générations d’agriculteurs auraient agi au mépris de la planète et de la terre qu’ils exploitent, qu’ils labourent, sur laquelle ils sèment, élèvent et produisent. Personne ne peut croire qu’ils auraient pollué par plaisir.
C’est pourquoi je propose cet amendement no 1591 qui est un amendement de raison. De grâce, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, examinez-le attentivement et donnez-lui un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La commission a émis un avis défavorable pour des raisons déjà exprimées que je ne vais pas répéter. Mais je voudrais revenir sur deux points. D’abord, il n’est pas question de stigmatiser les agriculteurs comme vous venez de le faire vous-même, monsieur Benoit, dans ce discours.
Nous connaissons la source industrielle des problèmes de pollution de notre pays depuis plus d’un siècle. Nous connaissons leur source urbaine, chers collègues qui êtes maires, et nous savons à quel point le combat pour l’assainissement n’est pas encore gagné dans les communes. Mais ces problèmes de pollution ont aussi, c’est une évidence absolue, une origine agricole.
Monsieur Saddier, peut-être que le nord des Alpes, chez vous, est une espèce de paradis sans aucune source de pollution… Mais soyons sérieux, nous savons très bien dans quel état se trouvent la nature et nos sols.
Nous serions en train de remporter la victoire en matière d’assainissement de l’eau, dites-vous, monsieur Benoit ? Je suis désolé, c’est totalement faux.
Demandez à M. Le Drian : en Bretagne nous sommes sur la bonne trajectoire ! Il faut arrêter de raconter des histoires !
La vérité, monsieur Benoit, se traduit dans un chiffre tout simple. Une directive-cadre européenne impose à la France d’avoir 70 % de ses masses d’eau en bon état écologique en 2015. Or savez-vous quel est l’état des masses d’eau dans notre pays ? C’est exactement l’inverse : 70 % sont dans mauvais état écologique ! Voilà la réalité. Arrêtez de raconter des histoires.
Nous en sommes à un tel point, mes chers collègues, que l’on ne peut plus manger les poissons du Rhône en aval de Lyon, que la pêche professionnelle y est interdite. On ne peut plus manger les anguilles de la Garonne en aval de Toulouse, à cause des pollutions. C’est cela la réalité. N’essayez pas de faire croire que nous vivons dans un paradis.
Il faut donc raison garder. Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que nous imposons la généralisation du bail environnemental. C’est un mensonge absolu, je suis désolé de le dire. C’est totalement faux. Il ne s’agit que d’une possibilité. Je peux vous relire l’alinéa 9, qui est parfaitement clair : « Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques culturales mentionnées au deuxième alinéa, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures écologiques, peuvent être incluses dans les baux. » Il n’y a donc strictement aucune obligation et, comme Jean-Michel Clément l’a rappelé tout à l’heure, il s’agit de clauses contractuelles.
Mes chers collègues, je crois que vous dramatisez à l’envi cette affaire.
En fait, l’agroécologie est un concept qui ne vous plaît pas, comme nous l’avons constaté tout au long des débats. Après avoir combattu tant que vous avez pu le GIEE, vous vous acharnez le bail environnemental. Mais si l’on veut que les choses s’améliorent à terme dans notre pays, c’est en respectant mieux l’environnement que l’on y parviendra.
Notre objectif, à tous, est de faire en sorte que l’agriculture et la société de manière globale réussissent une mutation. Les problèmes que rencontrent les agriculteurs et l’économie agricole se posent en effet de manière générale.
Nous connaissons l’état du Rhône et de la Garonne en aval des grandes villes, que vient de décrire Germinal Peiro. Certes nous faisons des progrès, mais nous avons encore des marches à franchir. Finissons-en avec ce débat entretenu autour de l’idée que les agriculteurs sont par définition des pollueurs. C’est complètement absurde.
Vous ne pouvez pas faire ce procès d’intention. Personne n’a dit cela ici.
Non, il n’a pas dit cela, monsieur Le Fur.
En ce qui concerne les baux environnementaux, vous pensez bien que nous n’allons pas laisser imposer n’importe quels critères sans aucun contrôle ! Les décrets, l’État, cela existe ! Des baux environnementaux existent d’ailleurs déjà dans le cadre de Natura 2000.
Vous pensez bien que des critères spécifiques seront définis dans le cadre du décret. Ce ne sera pas n’importe quoi.
Deuxième point très important : en contrepartie de ces exigences, le niveau du fermage doit baisser. C’est donnant-donnant, un principe tout simple.
Bien sûr, mais je le dis dans ce débat ! J’essaie d’apporter des réponses aux inquiétudes qui s’expriment, que je comprends. Nous n’allons pas partir sur cette idée, qui se devine dans vos interventions, d’un bail environnemental généralisé qui mettrait les preneurs dans une situation si difficile qu’ils ne pourraient plus trouver du foncier ni exploiter !
Je vous ai dit qu’il y aurait des décrets, monsieur Le Fur. D’ailleurs, il y en a déjà un, et même un article L. 411-11 du code rural. Je vous garantis que l’on n’y mettra pas n’importe quoi. Nous assumons nos responsabilités devant les agriculteurs et devant les Français !
Ce bail environnemental soulève aussi la question de la transmission du patrimoine. Prenons l’exemple de la Bretagne et des six générations de Le Fur, qui ont dû commencer avec quatre ou cinq hectares, comme chez moi.
Ils ont démarré à 500 hectares, ils ont tout perdu et c’est pour ça que Marc Le Fur fait de la politique !
Sourires.
Sourires.
Quoi qu’il en soit, c’est Tanguy-Prigent qui a fait progresser les choses, à une époque où les propriétaires exerçaient une pression terrible sur les fermiers, au point qu’il ne semblait pas aussi évident que cela que le servage ait été aboli. Nous devons avoir à l’esprit qu’avec ce patrimoine, c’est une partie des conditions environnementales de la durabilité du développement de notre société, par exemple la matière organique des sols, qui seront transmises.
Nous sommes engagés dans un processus visant à améliorer la situation. Faut-il continuer ou reculer ? La question est posée pour la société de manière globale. Il ne s’agit pas d’instaurer une contrainte mais de déterminer le sens dans lequel nous voulons aller. En matière d’environnement et de rapport à la propriété, quel sens donnons-nous à l’intérêt général de la durabilité ?
Sur ces questions, il y a un cadre. Nous ne faisons pas n’importe quoi. Pour résumer : la disposition n’est pas obligatoire, il s’agit d’un contrat, le décret existe déjà et sera précisé et enfin la contrepartie d’éventuelles contraintes est une adaptation du fermage. Voilà pourquoi, comme le rapporteur, je suis défavorable à vos amendements.
Je n’ai toujours pas de réponse à mes questions. Est-ce qu’un propriétaire pourra interdire l’épandage d’effluents d’élevages sur ses terres ? Pourra-t-il interdire certaines cultures comme le maïs ? Pourra-t-il interdire certaines pratiques culturales comme l’emploi de phytosanitaires ou d’engrais ? Ce sont des questions précises, monsieur le ministre. On ne peut pas en permanence être dans le propos général, exercice dans lequel vous excellez au demeurant.
N’est-ce pas ?
Pardonnez-moi, mais je suis un paysan bas-breton, donc je suis assez précis.
La Bretagne est d’ailleurs souvent attaquée dans ce genre de débat, et je voudrais aussi m’exprimer sur ce sujet. D’autres que moi auraient pu le faire et je suis d’ailleurs surpris qu’il n’y ait pas plus de députés socialistes bretons dans l’hémicycle.
J’imagine, car avons beaucoup de visites ministérielles en ce moment : ils viennent quasiment tous les jours !
Bref, ils ne sont pas là aujourd’hui. Je voudrais donc évoquer les progrès réalisés par cette région souvent attaquée. Cet été, il n’y avait pas d’algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc, contrairement aux années précédentes, alors que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il y en ait, en particulier la chaleur qui accentue l’eutrophisation. De deux choses l’une : soit des progrès considérables ont été faits et il faut en prendre acte, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur…
…soit l’azote et les élevages de porcs n’étaient peut-être pas à l’origine de ces algues vertes ! Il faudra en effet nous expliquer pourquoi on trouve des algues vertes au large de la Kabylie, où la production porcine n’est quand même pas considérable.
Monsieur le ministre, pour démontrer les progrès dus à nos agriculteurs, j’interroge les pêcheurs, qui sont des vigies attentives de la qualité des eaux. Ils nous expliquent que la richesse piscicole est revenue. Il y a deux marqueurs importants vers nos rivières – je parle du Trieux et du Gouët, et je pourrais parler de l’Oust, du Lié, du Couesnon et d’autres.
Et il y a toujours des Le Fur !
Cela veut dire que les marqueurs significatifs sont là. Cela veut dire également, monsieur le ministre, que l’on peut avoir une agriculture intensive, ce qu’elle doit être pour créer de l’emploi, tout en ayant une richesse environnementale que d’autres nous envient.
Arrêtez donc d’intenter des procès, monsieur le rapporteur.
N’imposez pas au fermier des contraintes supplémentaires. Il doit déjà faire face aux contraintes de la loi, il devrait en plus subir les contraintes que lui imposera son propriétaire ? Les gens vont se décourager, c’est tout ce que vous aurez gagné.
Dans la démonstration que vous venez de faire, monsieur le rapporteur, il y a une contradiction. Vous avez dit que le Rhône et la Garonne étaient pollués en aval de Lyon et de Toulouse. C’est bien la preuve que la source majeure de la pollution est la ville et non la campagne !
Ceux d’entre nous qui sont maires le savent d’ailleurs bien : les schémas directeurs d’assainissement permettent de reprendre des défauts considérables. On y consacre des budgets énormes. Il y a beaucoup à faire en matière de remise à niveau des stations d’épuration. C’est là, selon moi, qu’il faut chercher les marges de progrès.
Je constate que les propos du ministre ont vraiment évolué depuis le début de la discussion sur le bail.
Je n’ai rien dit !
Sourires.
De fait, vous l’avez bien compris à la lecture du texte, il y a un problème. Il faut absolument renforcer la protection de celui qui prend le bail. Or, vous l’affaiblissez. J’insiste et je persiste : il vaut mieux se retourner vers le bailleur.
Le sujet est si intéressant que je suis certain qu’un certain nombre de nos concitoyens nous écoutent.
Monsieur le ministre, comme je vous le dis depuis mardi, vous empruntez une trajectoire, celle de l’agroécologie. Je pense que vous savez où vous allez. Le problème est que nous, de notre côté, nous ne savons pas où vous nous conduisez. Je vais étayer mon propos.
Vous nous avez fait voter les groupements d’intérêts économiques et environnementaux sans que nous sachions de manière précise comment vont êtres attribuées les aides publiques. Sans doute y aura-t-il des décrets, mais pour l’instant nous ne savons pas. S’agissant de la prise en compte de la quantité totale d’azote, les alinéas sont imprécis. C’est ce qui nous a conduits à demander leur suppression. Vous avez dû vous justifier ici en expliquant que les agriculteurs n’auraient pas de nouvelle déclaration à remplir. Quant aux baux environnementaux, vous nous expliquez qu’au final, ce sera du donnant-donnant : si le bail est assorti de contraintes environnementales, vous tenez pour évident que le prix diminuera.
On voit bien que tout cela est imprécis. J’ai l’impression que le texte n’est pas très bien ficelé. Je n’étais pas pour le rejet préalable, mais j’ai soutenu la demande du groupe UMP de renvoi du texte en commission, parce que ces différents sujets n’ont pas été approfondis.
Enfin, pour ce qui est de l’eau, en particulier en Bretagne, et je m’adresse plus particulièrement au rapporteur, je voudrais confirmer le propos de Marc Le Fur. En tant que député de la circonscription des marges de Bretagne – Fougères, le bassin du Couesnon, au pied du Mont-Saint-Michel – je puis en témoigner : s’agissant de la qualité de l’eau, nous sommes en train de triompher. Les saumons et les anguilles reviennent dans le Couesnon.
Je déplore que, dans le Rhône et autour de Toulouse, vous ne puissiez plus manger les poissons de vos rivières, mais de notre côté, nous sommes en train de gagner le pari de la reconquête de la qualité de l’eau. Demandez à M. Le Drian ! Et pourquoi sommes-nous en train de gagner ? Parce que, collectivement, en Bretagne, nous avons pris notre destin en main.
C’est vrai !
Les agriculteurs ont fait les efforts nécessaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous vous demandons un transfert de compétences dans ce domaine, dans le cadre d’une nouvelle loi de décentralisation. Laissez-nous faire pour ce qui concerne l’eau ! Nous savons faire et nous allons réussir. Nous acceptons naturellement votre aide et celle de l’Europe, mais nous avons des idées pour la reconquête de la qualité de l’eau. Transférez la compétence en la matière à la région Bretagne : je vous assure que nous triompherons et que nous continuerons à manger les poissons de nos rivières, grâce aux efforts consentis par les professionnels, notamment les agriculteurs.
Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué avec force et conviction que nous avions raison d’être inquiets mais qu’il ne fallait pas l’être, parce que l’État est là et que des décrets seront pris. Je vous le dis franchement : depuis le début de nos débats, vous nous proposez de voter une grande coquille vide en nous assurant, la main sur le coeur, que vous vous chargerez de la remplir au moyen de décrets et d’ordonnances. Mais, sur des sujets aussi importants que le GIEE ou le bail environnemental, vous pouvez comprendre qu’il y a lieu d’être inquiet !
Nous avons passé quatre jours et quatre nuits ensemble, à la veille de Noël et vous avez alors pris un certain nombre d’engagements. Vous nous avez promis la transparence sur des projets de décrets et d’ordonnances. Or nous n’en avons vu aucun. Vous comprendrez que l’on ne puisse accepter une généralisation du bail environnemental sans avoir au moins connaissance d’un début de projet de décret.
Il est vrai, monsieur le rapporteur, que vous ne généralisez pas le bail environnemental,…
…mais dans votre rapport, vous écrivez que dorénavant, toute personne pourra conclure un bail environnemental, et ce, sur tout le territoire.
C’est donc que l’on s’oriente vers une généralisation du bail environnemental.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Tout le monde « peut » acheter une Ferrari, mais tout le monde ne le fait pas !
Enfin, monsieur le ministre, et c’est là un point très important car toutes les femmes et tous les hommes ici présents sont des gens de terrain, comment osez-vous laisser croire qu’un jeune agriculteur qui va s’installer pourra négocier à la baisse le montant de son bail sous prétexte que le Parlement lui a permis de signer un bail environnemental au lieu d’un bail rural ? Qui peut croire une chose pareille ?
Je vous répète, mes chers collègues, que toute une partie du territoire est protégée aujourd’hui sur le plan environnemental par l’agriculture, par la forêt et par le pastoralisme. Dans ces zones, le foncier n’a plus de prix. Il en va de même d’ailleurs pour les zones où la situation du logement est tendue, celles dont s’occupe Mme Duflot, pour les zones frontalières chères au ministre des affaires européennes Thierry Repentin, pour les zones industrielles et pour les zones où la pression touristique est forte : la rareté du foncier fait que les terrains n’y ont plus de prix.
Croyez-vous donc très sincèrement que le bail environnemental fera baisser le prix des terrains ? C’est complètement faux ! Non seulement il ne fera pas baisser les prix, mais il ajoutera à la complexité administrative. Le bail environnemental découragera encore un peu plus les gens de signer des engagements écrits avec de futurs jeunes agriculteurs.
Je suis sûr que M. Le Fur était là en 2006 pour le vote de la loi de M. Bussereau. J’ai vérifié dans le compte rendu : la loi créant le bail environnemental a été votée sans que soit précisée la nature des décrets qui allaient en fixer les modalités d’application.
Il est vrai qu’à l’époque, le ministre était M. Bussereau : vous aviez moins de doutes sur ses intentions.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je l’ai bien compris et je l’accepte.
Le décret d’application a créé l’article R. 411-9-11-1 du code rural, qui fixe des règles extrêmement précises. Nous nous appuierons donc sur ce décret. Il y est d’abord question du non-retournement des prairies. Soit dit en passant, cela relève non du bail environnemental, mais de la réforme de la politique agricole commune, avec le maintien des prairies permanentes.
Parce que jusqu’ici, ce bail environnemental était réservé aux zones Natura 2000.
Avant d’avoir peur, regardez ce qu’il y a dans ce décret. Êtes-vous oui ou non d’accord avec le non-retournement des prairies ?
Sourires.
Il m’arrive en effet d’y faire référence, mais pas toujours au même !
L’article évoque également la création, le maintien et les modalités de gestion des surfaces en herbe. Vous avez quelque chose contre ? Il est aussi question des modalités de récolte, de l’ouverture d’un milieu embroussaillé et du maintien de l’ouverture d’un milieu menacé par l’embroussaillement. Je ne sais pas si vous êtes contre, mais moi, j’y suis favorable !
Vous voyez bien ! C’est sur la base de ce décret, approuvé par M. Le Fur, que nous mettrons en oeuvre le bail environnemental, en précisant les conditions dans lesquelles il doit s’appliquer. Voilà qui est, je l’espère, de nature à vous rassurer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cela ne me rassure pas, monsieur le ministre, et cela ne va surtout pas rassurer les agriculteurs ! Vous savez bien, car vous les connaissez aussi bien que moi, si ce n’est mieux, que leur grande angoisse est que leurs terres soient classées en zones Natura 2000 ! Nous avons bien compris que vous alliez classer l’ensemble de notre territoire en zone Natura 2000,
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC
au moins en ce qui concerne la relation entre le propriétaire et le bailleur. Vous rendez-vous compte de ce que vous nous proposez, monsieur le ministre ? Nous ne voulons pas du tout de cela !
Par ailleurs, vous croyez faire une fleur aux propriétaires. Or ce n’est pas du tout le cas, car ils seront confrontés à des contentieux. En effet, à partir du moment où ils auront la possibilité d’imposer des choses à leurs locataires, ils pourront être poursuivis par des tiers qui leur reprocheront de ne pas avoir fait respecter sur les terres dont ils sont propriétaires un certain nombre de prescriptions.
Il y aura donc des complications pour les propriétaires, lesquels jusqu’à présent n’étaient pas poursuivis et ne voyaient pas leur responsabilité engagée quand leurs fermiers faisaient des dégâts.
En outre, comme l’a parfaitement dit Antoine Herth, c’est vraiment là le moyen, pour un propriétaire, de se débarrasser de son fermier.
Mais non, justement !
Il suffira d’imposer des clauses. Un bail, cela se renouvelle. Au moment du renouvellement du bail, au moment du changement de propriétaire…
Faut-il comprendre qu’il faut un nouveau locataire ? C’est très important : cela signifie que le bail environnemental ne s’applique pas aux baux en cours, évidemment, mais qu’il ne s’applique pas non plus au renouvellement des baux en cours quand le fermier reste le même, pas plus que quand le bail est transmis à son fils. Il faut que le ministre le dise très explicitement. Cela ne vaudrait-il donc qu’en cas de changement de locataire ?
Oui !
Il nous faut des précisions expresses, car c’est très important. Je préfère interrompre mon propos à ce stade afin de laisser la possibilité au ministre de répondre, si le président en est d’accord.
Nous sommes dans le cadre du temps programmé, monsieur Le Fur. Le président n’a que peu de rôle en la matière…
M. Le Fur est un homme formidable : il est en train d’interroger le ministre sur les dispositions d’une loi qu’il a lui-même votée ! Mais monsieur Le Fur, c’est à vous de nous dire à qui s’applique le bail environnemental, puisque c’est vous qui avez voté la disposition actuellement en vigueur.
Elle s’applique aussi dans les zones vulnérables, dont je peux vous donner la liste. Vous avez donc voté le bail environnemental en 2006 pour une partie des Bretons.
Vous croyez tellement peu à cette mesure que vous essayez de me l’attribuer !
Soyez un peu raisonnable, monsieur Le Fur, c’est vous qui avez voté le bail environnemental pour toute la partie de la Bretagne qui est classée en zone vulnérable ! Vous pouvez faire semblant de vous offusquer, dire que nous sommes en train de trahir toute la paysannerie française, mais en vérité, nous ne faisons rien d’autre que vous n’ayez fait vous-même, monsieur Le Fur. C’est vous qui l’avez fait pour les Bretons.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Moi, je tiens à prendre sa défense : non, M. Le Fur n’était pas inconscient en 2006. Il savait parfaitement ce qu’il faisait, et s’il a été capable de voter la loi instituant le bail environnemental pour les zones vulnérables, et donc pour une partie de la Bretagne, c’est parce qu’il était persuadé que cette loi servait l’intérêt général et qu’elle n’allait pas bouleverser les relations entre bailleurs et preneurs. C’est cela, la réalité ! Je vous connais suffisamment, monsieur Le Fur, pour savoir que si cela n’avait pas été le cas, vous n’auriez pas voté cette loi.
Voilà la réalité, mes chers collègues. Arrêtez donc de dramatiser cette affaire, alors que ce dispositif ne pose aucune difficulté dans notre pays.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Cela fait huit ans que le bail environnemental existe : nous avons suffisamment de recul pour en juger. Si ce dispositif soulevait des problèmes aussi importants, cela se saurait ! Ce n’est donc pas le cas.
Vous n’avez pas répondu à notre question sur le renouvellement des baux !
Cet amendement a déjà été défendu en grande partie. Je souhaite néanmoins ajouter quelques éléments.
Monsieur le ministre, à chaque fois que nous soulevons un problème posé par la rédaction de la loi, qui est parfois vraiment imprécise, vous nous répondez que ce n’est pas comme cela qu’il faut la comprendre. C’était le cas tout à l’heure avec les déclarations d’utilisation de produits azotés, dont vous nous avez dit qu’elles ne concernent pas les agriculteurs, mais les professionnels qui commercialisent l’azote. C’est le cas à présent avec l’alinéa 9 sur la question des contreparties financières. Il aurait été plus simple d’ajouter une courte phrase précisant que l’ajout de contraintes au bail donne lieu au versement d’une contrepartie financière sur le montant du loyer.
Je tiens, à l’occasion de la présentation de cet amendement, à vous alerter à propos du risque qu’il y a à insérer des clauses environnementales supplémentaires dans les baux. Cela risque, à mon avis, d’engendrer des différences de traitement injustifiées selon que l’exploitant est fermier ou propriétaire. Ainsi, sur un même territoire, les exploitants fermiers subiraient des contraintes environnementales selon le bon vouloir du propriétaire des terrains qu’ils exploitent, tandis que les exploitants propriétaires y échapperaient. Cela me paraît contraire à l’égalité des citoyens devant la loi.
Monsieur Lurton, je ne reviendrai pas sur tous les arguments que vous avez développés. Sachez simplement que la compensation financière existe déjà. Elle est prévue par la loi d’orientation agricole de 2006 et vous la retrouverez dans le code rural, à l’article L. 411-11. Il est donc possible d’avoir une compensation financière quand on conclut un bail avec des clauses environnementales. Pour le reste, l’avis de la commission est défavorable.
Même avis.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 1194 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai dans le même temps le no 1195.
Monsieur le ministre, mes collègues ont évoqué quelques cas concrets. On y voit l’intérêt d’exercer, à côté des fonctions de parlementaire, des fonctions d’élu local.
Notre société dite moderne est confrontée au problème des déchets ultimes. Il conviendrait que nos stations d’épurations, surtout celles qui sont situées sur le territoire de communes rurales d’une certaine taille, puissent recycler des boues, dans le cadre d’accords conclus avec les exploitants agricoles. Cela serait beaucoup plus intelligent que d’utiliser du pétrole pour brûler ces boues et en faire un déchet ultime, totalement stérilisé. Je pense très sincèrement que ce que vous proposez posera problème à certains propriétaires qui ne résident pas forcément sur le territoire où sont situées leurs propriétés exploitées par des agriculteurs.
Notre société est coupée du réel. La majorité de la population vit dans des zones urbaines où, par miracle, l’eau coule quand on ouvre le robinet, sans que l’on sache d’où elle vient, et où par miracle les ordures que l’on dépose sur le trottoir sont enlevées le matin sans que l’on se rende du cycle complet que nécessite leur traitement. Dans les zones rurales, on sait cela et le tri des déchets y est souvent plus efficace. Il y a une population urbaine, surtout chez les jeunes, qui pense que les poissons sont rectangulaires et panés d’origine, je caricature à peine !
Vous parlez de pollution, mais nous sommes nombreux à nous effrayer de tous ces continentaux qui débarquent sur les plages au moment des grandes marées, qui retournent toutes les pierres et s’emparent du moindre bigorneau, de la moindre crevette vivant dans les flaques d’eau chaude laissées par les marées d’un coefficient supérieur à 100 !
Il est clair que cette société est coupée du réel, n’est plus en phase avec les rythmes biologiques auxquels les éleveurs et les agriculteurs sont sans cesse confrontés. À cause de la disjonction entre la possession de la terre et son exploitation, les conséquences que mes collègues prédisent à juste titre se produiront : d’eux-mêmes ou sous pression, les propriétaires fonciers fixeront des exigences qui bloqueront l’installation de nouveaux agriculteurs. Je le répète encore une fois.
Si vous n’acceptez pas nos amendements, de grâce, revenez en deuxième lecture avec une rédaction qui inverse les propositions, qui donne la possibilité aux exploitants de décider des normes environnementales qu’ils s’imposent ! La rédaction actuelle aboutira à un système absolu, qui se systématisera sur l’ensemble du territoire et compliquera encore plus la vie d’une profession qui lutte déjà simplement pour survivre.
L’amendement no 1194 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 1195 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements identiques.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 184 .
Ces dispositions bouleversent les dispositions régissant aujourd’hui la mise à disposition des baux. Elles doivent être retirées compte tenu de l’insécurité juridique qu’elles instaurent.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 455 .
Je profite de cette occasion pour vous poser à nouveau, monsieur le ministre, la question de Marc Le Fur : nous avons vraiment besoin de savoir à quel moment, dans votre esprit et donc dans la loi, les dispositions concernant le bail environnemental seront applicables. C’est un point important, monsieur le ministre.
Cet amendement no 455 est lui aussi très important. Vous avez ouvert les GIEE à tout le monde et ainsi remis en cause la spécificité de la profession agricole. Le monde agricole se retrouvera dans ces groupements avec un certain nombre de personnes dont nous ne pouvons pas, à l’heure actuelle, faire la liste puisque nous n’avons pas obtenu de réponse suffisamment précise à ce sujet. Les ordonnances et les décrets nous les donneront peut-être. Je rappelle au passage que cela implique forcément un partage des fonds actuellement alloués à l’agriculture.
Selon la rédaction actuelle du projet de loi, si nos amendements ne sont pas adoptés, les dispositions concernant le bail environnemental auront des conséquences gravissimes sur l’avenir de l’agriculture dans les zones où le foncier est tendu. Dans certaines parties du territoire national, c’est déjà la guerre lorsqu’une parcelle se libère. Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre : le fait que des professions ou des structures autres qu’agricoles puissent prendre position sur des questions relatives au foncier causera la mort de l’agriculture !
Mais non ! Pourquoi employer ces mots ?
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 647 .
Par cet amendement, mes collègues Antoine Herth et Catherine Vautrin et moi-même vous proposons de supprimer les alinéas 12 à 14 de cet article 4. Nous avons bien compris qu’il sera compliqué de vous convaincre. Nous voulons néanmoins attirer votre attention sur un point qui, à mon sens, est essentiel. La question qu’il faut se poser est la suivante : qui pourra être titulaires du bail environnemental ? Quelles formes de sociétés pourront l’être ? C’est une question de fond.
Ces trois alinéas posent un petit problème : jamais vous ne renforcez la possibilité de la mise à disposition. À notre sens, il faut que le bail reste individuel et qu’ensuite, l’agriculteur titulaire du bail puisse le mettre à la disposition d’une société dont il est membre.
Deuxième point : à l’heure actuelle, on peut être titulaire d’un bail et le mettre à disposition d’un groupe agricole d’exploitation en commun. Le droit actuel permet également au titulaire d’un bail de le mettre à disposition d’une société, par exemple une société civile d’exploitation agricole, en informant le propriétaire. Vous proposez qu’à présent, le titulaire du bail puisse mettre à disposition les terres qu’il exploite à une espèce d’association à objet agricole. C’est quasiment révolutionnaire ! À mon sens, il vaut mieux protéger le titulaire du bail, c’est-à-dire l’exploitant, et limiter les possibilité de mise à disposition aux exploitants eux-mêmes.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement no 1248 .
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1593 .
Avis défavorable. Nous avons entendu en commission les explications de Mme Allain sur son amendement proposant d’ouvrir aux associations la possibilité de bénéficier d’une mise à disposition de bail. L’exposé sommaire de son amendement citait l’association Terre de Liens, qui accomplit depuis plusieurs années un travail très important sur le plan national, précisément pour permettre l’installation de jeunes agriculteurs.
Nous avons donc accepté cet amendement permettant de louer un terrain à une association qui, à son tour, le mettra à la disposition d’un agriculteur. Vous voulez revenir sur cette disposition : cela se comprend bien. La commission est défavorable à vos amendements qui veulent la supprimer. En revanche, elle est favorable à ce que l’accord du bailleur soit nécessaire. Nous examinerons bientôt un amendement gouvernemental qui précisera ce point.
Je présenterai en effet dans quelques instants un amendement du Gouvernement afin de clarifier ce point. Cet amendement tient compte de ce qui a été évoqué : il ne faut pas que malgré leurs bonnes intentions, les dispositions concernant les associations posent des problèmes aux preneurs.
Elles n’étaient pas infondées : cela arrive !
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir repris les dispositions qui résultent de l’adoption de mon amendement afin qu’elles soient bien intégrées dans le texte sans pouvoir poser de problème.
La parole est à M. Germinal Peiro, pour soutenir l’amendement no 1115 .
L’amendement no 1115 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 797 est retiré.
C’est l’amendement dont je parlais il y a quelques instants. Il s’agit de subordonner à l’accord du bailleur la mise à disposition du bail.
Pour être sûr que cela figure au Journal officiel, je tiens à redire, car M. Herth était un peu loin du micro tout à l’heure, que l’amendement du Gouvernement est la preuve que notre combat de près de trois quarts d’heure était fondé et que nos amendements étaient justifiés.
L’amendement no 1749 est adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 804 .
Le présent amendement vise à sécuriser les intérêts des parties en améliorant les conditions de sortie de bail par le calcul d’une indemnité plus juste. Les indemnités seraient déterminées en fonction d’une valeur d’usage, et non plus d’une valeur comptable. Cela remédierait au problème que pose la valeur comptable, qui est un frein à l’investissement des fermiers, qui craignent de ne pas récupérer leur mise.
Les modalités de sortie d’un bail sont déjà strictement encadrées de manière réglementaire. La commission et le rapporteur ne veulent pas rompre l’équilibre entre le bailleur et le preneur, car l’indemnité de sortie pourrait augmenter. Avis défavorable, madame Allain, et je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement.
Même avis que la commission : cela ne relève pas de la loi.
L’amendement no 804 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 248 .
Le régime du bail rural cessible doit être harmonisé avec celui du bail rural d’usage commun. Il est proposé de le renouveler pour neuf ans.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 1197 .
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1594 .
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 250 .
Le bail cessible déroge d’une part au prix normal du bail, puisque l’article L. 418-2 prévoit de majorer les maxima de 50 %, et d’autre part à l’application de l’article L. 411-74, comme l’indique l’article L. 418-5 qu’il est proposé d’abroger ici. La remise d’argent ou de valeurs non justifiée à l’occasion d’un changement d’exploitant est punie d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Le bail cessible n’étant pas soumis à cette disposition, l’entrée d’un fermier sur les terrains peut faire l’objet de remises d’argent qui renchérissent l’accès au foncier agricole et créent une distorsion par rapport aux autres baux. L’amendement prévoit donc que la cession du bail prévue par l’article L. 418-2 se fasse dans le cas général à titre gratuit.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 805 .
Il prévoit que la cession de bail prévue à l’article L. 418-2 soit dans le cas général une cession à titre gratuit. En effet, la remise d’argent ou de valeurs non justifiée à l’occasion d’un changement d’exploitant est punie d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Le bail cessible n’y étant pas soumis, l’entrée d’un fermier sur les terrains concernés peut faire l’objet de remises d’argent qui renchérissent l’accès au foncier agricole, et créent une distorsion par rapport aux autres baux.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement no 1737 .
Avis défavorable. Le pas-de-porte était la contrepartie du bail cessible, madame Allain. Si l’on veut que le bail cessible soit attractif, il faut arriver à le conserver sinon personne n’aura intérêt à en signer un.
Même avis.
Je profite de ces amendements pour poser à nouveau ma question. À quel moment un propriétaire désireux d’appliquer un bail environnemental peut-il introduire des clauses environnementales dans le contrat le liant à son locataire ? Est-ce au terme du bail ? Au moment du changement de locataire ?
Notre crainte est que cela pèse surtout sur les jeunes agriculteurs. Ce sont eux les vraies victimes du bail environnemental, c’est l’évidence.
« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
On ne sait pas ce que contient le bail environnemental et on ne sait pas à quel moment il peut être mis en oeuvre car vous ne nous avez pas donné de réponse, monsieur le ministre.
C’est vous qui l’avez voté !
Pas de procès d’intention, monsieur le rapporteur ! Les zones Natura 2000 représentent un millième du territoire.
Pour ce que je connais, ce sont des zones de landes : ce n’est pas le sujet. Moi, je vous parle de véritables zones agricoles. À quel moment le bail peut-il être transformé pour introduire des éléments de nature environnementale ? Il me semble qu’une interruption de séance serait bienvenue, car j’ai rarement vu un ministre se pencher si près de ses collaborateurs pour entendre leur réponse !
Il risque même de se blesser. On n’est pas loin des troubles musculo-squelettiques !
Sourires.
Je maintiens mon amendement. Les pas-de-porte atteignent aujourd’hui des niveaux de prix inadmissibles. On ne peut le tolérer plus longtemps.
Je suis surpris des propos de M. Le Fur sur des dispositifs qui existent déjà.
Ils figurent dans le code rural ! Vous demandez, monsieur Le Fur, quand il est possible de mettre en oeuvre le bail environnemental. Le contrat le dit. Vous savez ce qu’il en est d’un bail : lorsqu’il est renouvelé, c’est un nouveau bail. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le droit commun.
On ne va tout de même pas aller au-delà du droit commun. Et je vous rappelle que c’est exactement ce que vous avez voté en 2006. Il semble que vous ayez perdu la mémoire.
Pas du tout, monsieur Le Fur. Ne détournez pas le sujet. Le droit s’applique, ni plus ni moins.
S’agissant du bail cessible, je suis également surpris de vos propos. Pourquoi avez-vous créé le bail cessible ? Vous savez bien que les pas-de-porte existent, déguisés. Dans certaines régions, ils sont même financés, tout le monde le sait. Le code rural l’interdit, mais c’est une réalité. Pour mettre un terme à cette hypocrisie, on a choisi la solution du bail cessible, en justifiant la création d’un fonds agricole et la possibilité de monnayer. Si vous affirmez que le surcoût n’est pas permis au moment de la cession, autant arrêter le bail cessible.
Vous savez ce qu’il en est du bail rural : la seule liberté du propriétaire, c’est la possibilité d’autoriser ou non la cession du bail, sinon il ne retrouve jamais l’usage de son bien. Au terme du bail, il peut le céder aux enfants, c’est ce que prévoit le code, mais avec l’autorisation du bailleur, voire avec celle du tribunal paritaire. Or, vous le savez, les tribunaux paritaires ne donnent jamais l’autorisation de céder le bail. On se heurte donc à un mur. Lorsque le bail prend fin, c’est l’entreprise qui s’arrête. L’instauration du bail cessible, et vous en étiez l’un des instigateurs, devait permettre à l’entreprise de perdurer à travers la cession du bail. On monnayait en quelque sorte le prix de cession. C’est un équilibre. Faire sauter ce dispositif reviendrait à faire sauter le bail cessible et, indirectement, à faire réapparaître les pas-de-porte. Le problème de l’équilibre est là.
Monsieur Le Fur, vous essayez de nous embrouiller et d’expliquer ce que vous n’avez pas fait par le passé.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il faut savoir assumer ses responsabilités, monsieur Le Fur. En 2006, vous avez voté une loi et créé le bail environnemental. C’est vous, votre majorité qui l’avez fait. Et aujourd’hui, vous dites que la France n’est pas en zone Natura 2000.
Vous croyez si peu à vitre dispositif que vous l’attribuez à d’autres !
Monsieur Le Fur, je vais vous rafraîchir la mémoire sur le décret que votre gouvernement a publié. Je vais vous lire le code rural. Contrairement à ce que vous dites, le bail environnemental s’applique dans toutes les zones où l’autorité administrative peut réglementer les usages de l’eau sur la base de prescriptions nationales ou particulières, soit une grande partie de la Bretagne, dans les zones de servitude d’utilité publique, dans les terrains riverains des cours d’eau, dans les zones relevant de la compétence du conservatoire du littoral, dans les parcs nationaux, dans les réserves naturelles classées, dans les périmètres de protection autour des réserves naturelles, dans les parcs naturels régionaux, dans les sites classés monuments naturels, dans les zones retenues pour constituer la trame verte et bleue, dans les zones de protection de biotopes, dans les sites Natura 2000, dans les zones de plans de prévention des risques naturels, dans les périmètres de captage, dans les zones soumises à érosion… Cette liste, monsieur Le Fur, émane de votre gouvernement !
C’est vous qui l’avez décidé, monsieur Le Fur. N’essayez pas de travestir la vérité ! Cessez de prétendre que nous voudrions transformer la France en zone Natura 2000. C’est faux. Nous nous contentons de poursuivre ce que vous avez entamé.
Juste une précision avant le vote. Le statut du fermage – on en revient à Tanguy-Prigent – protège le preneur. Cela ne peut être remis en cause par le propriétaire. Le statut du fermage s’applique et il est protecteur. C’est le droit commun.
C’est au moment du renouvellement que les conditions du bail peuvent se rediscuter, en dehors du cadre du statut du fermage. À ce moment, c’est une situation contractuelle, comme le rappelait Germinal Peiro. Et le prix, et cela fera l’objet du décret, peut être un élément de la contrepartie demandée.
Bien sûr, sinon il n’y a pas de contrat.
Je suis très contrarié, monsieur le rapporteur, car vous donnez dans la polémique. Ce n’est pas digne du rôle de rapporteur. Je regrette que M. Clément n’ait pas été nommé rapporteur pour avis, car ses arguments sont intéressants et constructifs. Certes, ils sont contraires aux nôtres, mais c’est une vraie discussion.
Pour tous les cas de la liste que vous avez citée, monsieur le rapporteur, il y a, à chaque fois, des organismes publics ou parapublics, des cahiers des charges, qui ont été décidés après enquêtes publiques, qui sont de notoriété publique. Les gens les connaissent et savent dans quel cadre on peut envisager des clauses environnementales. Dans le dispositif que vous présentez, et c’est la grande différence, on est dans une négociation de gré à gré, en dehors de tout cadre connu. Voilà là difficulté à laquelle vous ne répondez pas.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 285 .
L’amendement no 285 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1341 .
L’amendement no 1341 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Nous en venons au vote de l’article 4. La parole est à M. Antoine Herth pour une explication de vote.
Cet article fournit l’une des clefs de la compréhension de ce projet de loi. Vous jouez avec des bâtons de dynamite sans vous rendre compte des conséquences concrètes de vos mesures sur le terrain. Vous ne mesurez pas leur impact sur la gestion de l’azote et sur les relations entre bailleurs et preneurs, qui reposent sur un équilibre fragile.
En tant que rapporteur de la loi d’orientation agricole de 2006, des reproches m’ont été adressés sur ces sujets. Dieu sait que j’avais conscience qu’il fallait être extrêmement attentif aux conséquences des mesures que nous votions. Vous nous dites que certains dispositifs n’ont pas fonctionné. C’est la preuve que j’avais raison à l’époque d’être si méfiant.
Aujourd’hui, vous êtes emporté par un élan d’idéalisme : c’est un peu Alice au pays des merveilles. C’est dommage, car l’impact de ces mesures sur le terrain va être considérable. Nous sommes toujours aussi fermement opposés à cet article 4.
Je viens d’apprendre la publication d’une étude très intéressante de l’université de Reading, financée par l’Union européenne. Elle nous révèle que l’Europe manque à peu près du tiers des colonies d’abeilles dont elle aurait besoin pour polliniser ses cultures d’oléoprotéagineux, non en raison de la pollution mais du fait du développement même de ces cultures, nécessaires à l’indépendance protéique de nos élevages. Autrement dit, les manquements à l’agroécologie sont source de difficultés. L’agroécologie n’a rien d’un mythe, elle a un fondement réel et je me plais à dire qu’il est démontré par des scientifiques qu’il est bon de s’occuper des abeilles et de se préoccuper du génie écologique montré par la nature et les espèces pour la productivité de nos cultures et même de nos grandes cultures. Il n’y a pas d’opposition entre l’agroécologie et la production agricole. Merci aux abeilles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
J’aimerais à mon tour, donner la position de mon groupe sur cet article. D’emblée, j’avais appelé l’attention du ministre et du rapporteur sur les points qui nécessitaient une vigilance particulière : les baux environnementaux et l’azote. À l’issue de la discussion de l’ensemble de l’article restent des zones d’ombre et beaucoup d’imprécisions. Vous faites peser de nouvelles contraintes sur la profession agricole, j’en suis convaincu.
L’UDI comprend très bien l’esprit qui anime le ministre et la direction qu’il souhaite prendre. Sans doute dispose-t-il de précisions sur les décrets et des ordonnances qui seront pris pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article 4. Il demeure que j’ai de fortes craintes quant à leur application sur le terrain. Aussi, l’UDI votera contre cet article.
L’article 4, amendé, est adopté.
Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 4.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 406 .
Nous abordons une série d’amendements extrêmement importants relatifs aux installations classées. Cette question préoccupe énormément nos éleveurs : nos éleveurs bovins certes, mais plus encore nos éleveurs avicoles et nos éleveurs porcins dont l’élevage dépasse la taille des installations classées. Or une installation classée, c’est le droit de travailler, le droit de construire, le droit de bâtir, le droit d’investir.
Le problème tient au fait que l’ensemble de la réglementation des installations classées est de nature industrielle. Elle a été conçue en 1976 à une époque où personne n’avait à l’esprit l’agriculture. Petit à petit, le monde agricole a évolué, et la taille des élevages s’est accrue selon un mouvement naturel de l’histoire. Moralité : nous sommes confrontés à une difficulté, d’autres que moi pourraient en parler – je vois notre collègue rapporteur, député du Morbihan, qui acquiesce.
Je n’ai pas l’intention, monsieur le président, de défendre un à un les amendements que j’ai déposés après l’article 4, je serai plus global. Vous avez compris, monsieur le ministre, qu’il y avait un problème, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de la discussion générale. Je veux bien admettre que vous ayez intégré cette difficulté. Toutefois, vous n’allez pas au bout de votre logique. Vous ignorez totalement le secteur avicole, alors que c’est celui qui a été le plus affecté par la crise dont il a été beaucoup question dans les médias récemment. Il n’est absolument pas pris en compte dans les évolutions que vous avez intégrées dans votre projet de loi, si tant est qu’elles soient positives.
Par ailleurs, vous compliquez la vie des éleveurs bovins utilisant des installations classées, qui devront désormais noter dans quels pâturages va leur bétail. Quand Marguerite ira au champ, il faudra cocher la bonne case : tel clos, tel animal… Il y aura obligation de préciser ces éléments de manière à éviter les dépassements au titre du surpâturage.
Restent donc beaucoup de choses à faire. L’amendement no 406 vise à faire évoluer les ZES, les zones en excédent structurel. J’emploie un mot qui, je le sais, ne dit pas grand-chose à la majorité de nos collègues, et je ne leur en veux pas. Ces zones sont particulièrement présentes en Bretagne, ce qui fait que nous sommes soumis à des contraintes encore plus strictes qu’ailleurs alors même que nous avons consenti des efforts énormes. Il est temps d’en finir avec ce dispositif, d’autant que ces zones sont, écoutez bien, classées par canton. Donc le canton va disparaître pour les circonscriptions électorales du fait du charcutage de M. Valls …
Il ne faut pas parler de charcuterie, on l’a déjà dit !
…mais il va être conservé pour la définition des ZES en tant qu’élément contraignant pour les agriculteurs. C’est un paradoxe absolu ! Nous atteignons ici un sommet. Je vous propose donc par cet amendement de mettre un terme aux ZES.
La commission a émis un avis défavorable non à l’ensemble de vos propositions, monsieur Le Fur, mais à chacun de vos amendements.
Rires sur les bancs du groupe UMP.
En effet, mais je vous donnerai au moins une raison essentielle à cela : la plupart de vos revendications relèvent, vous le savez, du domaine réglementaire. Vous faites d’ailleurs référence de manière récurrente à des décrets dans vos exposés sommaires.
Je tiens tout d’abord à préciser que si M. Brottes s’est absenté, c’est qu’il rencontre une délégation taïwanaise qui est sur le point, semble-t-il, d’annoncer que Taïwan rouvre son marché au porc français. Je le dis au passage pour tous ceux qui sont les amis du cochon. Et comme vous le dites, monsieur Le Fur, dans le cochon…
Je voulais voir si vous suiviez.
Concernant les dispositions de l’arrêté du 27 décembre relatives à la présence des animaux dans les pâturages, je vous précise qu’elles n’ont rien d’obligatoire. En cette fin de mois de décembre, vous avez dû lire un peu vite.
Je le répète, c’est facultatif !
Quant au système des ZES, il est prévu d’en sortir dès lors que des plans d’action régionaux auront été mis en place, pour aller vers le système de l’azote total. La question de la surveillance relèvera de décrets une fois ces plans adoptés. Le changement interviendra à ce moment-là.
En mars ou avril, je l’espère.
Monsieur Le Ray ! 2014, bien sûr. Avis défavorable.
L’amendement no 406 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement no 424 .
Cet amendement se situe dans le prolongement de l’amendement sur les recours abusifs avec lequel vous étiez presque d’accord, monsieur le ministre. Et je voudrais saluer le début de courage dont vous avez preuve, voire vous remercier pour ces arrêtés du 27 décembre qui vont dans le bon sens, même si l’on peut regretter que vous vous soyez arrêté avant d’avoir parcouru la moitié du chemin.
Le présent amendement vise à aligner les seuils français en matière d’installations classées sur ceux de la directive européenne du 24 novembre 2010. Pour le porc en effet, vous êtes parvenu à une harmonisation mais pas pour la volaille : le seuil, à l’échelon européen, est de 40 000 emplacements alors qu’en France, il est fixé à seulement 30 000.
Même avis.
L’amendement no 424 n’est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron