S’il m’arrive, monsieur Herth, de dire du mal de la politique qui a été menée par les gouvernements de droite, je n’en ai jamais, pour ce qui me concerne, de mal ni de vous ni de nos autres collègues de l’UMP : vous savez à quel point j’ai de l’estime pour vous.
Ces amendements ont le mérite de poser un vrai problème et vous le savez pertinemment, tout comme Mme Alain, puisque c’est celui que j’avais déposé en commission et que vous avez recopié mot pour mot, et même photocopié… J’avais précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel car je voulais appeler l’attention du Gouvernement – de reste pleinement conscient du problème – sur ce qui est en train d’advenir dans notre pays. La loi sur la consommation du ministre Benoît Hamon, a tenté d’y remédier ; si Mme Le Loch était présente, elle pourrait vous confirmer que ce texte a cherché à corriger la loi de modernisation de l’économie et à faire en sorte que la contractualisation soit plus respectueuse de la répartition de la valeur ajoutée – qui vous tient à coeur, monsieur Chassaigne, comme à nous tous –, mais aussi des contrats eux-mêmes.
Or la situation, et c’est pourquoi j’avais tenu à vous alerter, est devenue proprement catastrophique. Les quelques opérateurs de la grande distribution se livrent une guerre des prix effrénée, chacun essayant de manger les parts de marché de son voisin. On pourrait s’en satisfaire, comme c’est parfois le cas du côté de Bercy, en considérant que cela pèse sur les prix et donne par conséquent du pouvoir d’achat aux Français. Malheureusement, à force de vendre moins cher, on est en train de détruire une partie du tissu industriel agroalimentaire, une partie du secteur productif de notre pays. Or s’il y a bien un point sur lequel nous sommes tous d’accord depuis le début de cette discussion, c’est sur la nécessité de produire. Les uns et les autres, nous avons reconnu que la France a reculé, et que nous devons produire plus et mieux.
Un vrai danger guette notre pays, c’est que, petit à petit, cette guerre des prix fasse disparaître des pans entiers de la production française et que la grande distribution s’approvisionne de plus en plus sur les marchés extérieurs. On veut faire croire que l’on veut le bonheur des Français en leur offrant des prix très bas ; en réalité on détruit leur emploi. Notre pays sera-t-il gagnant au bout du compte ? Combien d’emplois détruits, à côté de ceux qui sont créés ? Chacun connaît le problème de la disparition des emplois dans les commerces de nos centres-villes, qui sont tous partis dans de grands ensembles à la périphérie ; mais désormais, la menace pèse sur la production et les industries de transformation. Nous paierons moins cher notre alimentation, mais elle sera produite ailleurs, et ce sera autant de chômeurs en plus dans notre pays.
Cette mécanique infernale, il faudra – c’est pour cela que j’avais déposé cet amendement et sans doute pour cela que vous l’avez repris – trouver les moyens de l’enrayer. Honnêtement, je n’ai pas de solution. Si j’en avais une qui soit simple et efficace, je vous la proposerais. Je ne l’ai pas, mais je voulais appeler l’attention de la représentation nationale sur ce phénomène. Tous les industriels de l’agroalimentaire nous disent à quel point les négociations se déroulent dans des conditions inacceptables, qui n’ont rien à voir avec des relations commerciales normales, établies, et qui s’apparentent davantage aux méthodes de la mafia. Ces industriels n’ont aucun moyen de résister contre la grande distribution, qui commence par leur dire qu’elle leur a déréférencé dix produits, ou qu’elle les a déférencés pendant un trimestre, ou qu’elle va le faire pendant six mois ou un an… Les relations sont totalement déséquilibrées, et ceux qui trinquent, ce sont les industriels de l’agroalimentaire et surtout les producteurs. Néanmoins, faute d’être en mesure de proposer une solution, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.