Intervention de Stéphane le Foll

Séance en hémicycle du 10 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Article 13

Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt :

Monsieur le président, je souhaite répondre aux questions qui ont été posées sur les articles 13 et 15, qui ont trait au foncier. Ce sont des articles importants, car ils concernent l’installation et le renouvellement des générations, donc l’agriculture de demain. Surtout, ils traduisent une conception de l’agriculture selon laquelle celle-ci repose avant tout sur des chefs d’exploitation, les agriculteurs, les paysans, les éleveurs – je le dis souvent, mais il est très important de le rappeler.

Ce projet de loi va marquer une étape importante, après un cycle qui a débuté par la loi de 2006. Nous revenons en effet à l’idée selon laquelle, pour répondre à la question de l’accès des agriculteurs au foncier, nous avons besoin d’outils et de politiques publiques. Nous avons ainsi décidé de renforcer le rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Cette question a fait débat : fallait-il maintenir les SAFER ? Notre choix, j’en suis responsable et l’assume avec vous, est de garder cet outil très spécifique, qui permet de mener une politique publique d’accession au foncier.

Nous avons donc renforcé non seulement les droits de préemption des SAFER, mais aussi le contrôle des structures, afin de conduire une politique globale.

Les missions des SAFER comprennent des nouveautés importantes. Leur gouvernance est revue ; il fallait faire ce choix, car nous savions que cela faisait partie des éléments qui pouvaient remettre en cause leur existence. Le rôle des opérateurs fonciers est réaffirmé en ce qui concerne les espaces agricoles et naturels – sur ce sujet, le projet de loi présente une cohérence globale. Dans le cadre de la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite loi ALUR, des conventions sont prévues entre les SAFER et les établissements publics fonciers. Plutôt que d’opposer les unes aux autres, nous faisons en sorte que les SAFER assument leur rôle en faveur de l’agriculture, les établissements publics fonciers gérant, quant à eux, de manière plus globale la question foncière. Je pense que c’est une bonne manière d’aborder ces sujets. Des questions ont également été posées sur l’application de l’article 40, mais le président Brottes y a répondu de manière plus précise que moi.

Néanmoins, il reste matière à débat sur la question des SAFER, comme l’a indiqué Dominique Potier tout à l’heure. La discussion entre le Gouvernement et le Parlement a permis de renforcer à la fois le contrôle des structures et le rôle des SAFER. Pour autant, il reste une question qui, je le sais, est essentielle, en particulier là où la valeur du foncier agricole est extrêmement élevée. Il s’agit, non pas d’un paradoxe, mais d’une conséquence. Dans les zones viticoles – Cognac, Champagne – et les zones de montagne, nous nous sommes aperçus qu’un démembrement de l’usufruit et de la nue-propriété permettait parfois des opérations empêchant le respect des objectifs de répartition et de régulation du foncier.

Nous avons longuement débattu de ce sujet en commission et pendant la préparation de la loi. Nous sommes confrontés, non pas à des difficultés, mais à des dispositions relevant du droit constitutionnel de la propriété. Sur la question des démembrements entre usufruit et nue-propriété conduisant à la vente puis au transfert du foncier, la première étape est de donner aux SAFER la possibilité de préemption en cas de changement d’usufruit.

En revanche, il reste une question d’ordre constitutionnel qui n’est pas évidente à résoudre lorsque la SAFER se porte acquéreuse en préemptant la propriété, mais sans usufruit. En effet, la première vocation de la SAFER concerne la destination des terres, et non pas le portage de foncier. Or, dans le cadre de ces démembrements, le délai entre le maintien de l’usufruit et la vente du foncier soulève une difficulté juridique.

Nous allons donc réfléchir à cette question et ferons des propositions, que je ferai valider par le Conseil d’État. En effet, si nous devons légiférer sur un sujet aussi lourd, l’application de la loi ne doit pas pouvoir être contestée devant les tribunaux. Je prends donc cet engagement.

Je ne reviens pas sur les avancées que nous avons ensemble permises en renforçant le contrôle des structures et en coordonnant ce dernier et la capacité à préempter de la SAFER.

Il faut prendre la mesure de l’importance de l’étape franchie grâce à cet arsenal, ces outils et ces capacités nouveaux pour réguler l’accès au foncier. Nous savons que nous en avons absolument besoin dans la perspective d’une agriculture qui, j’insiste, restera demain fondée sur les chefs d’exploitation.

Sur ces sujets très importants, les échanges qui ont eu lieu avec le Parlement, en commission et dans les groupes de travail, dans le cadre de la préparation du projet de loi nous ont permis de franchir les étapes les unes après les autres – même s’il en reste encore quelques-unes devant nous. En tout cas, ce projet de loi témoigne d’un vrai changement d’attitude et permet d’accorder de nouveaux moyens à l’agriculture.

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