Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du 10 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment de l’examen de l’article 22, lequel prévoit de confier à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, la mission de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques utilisés dans l’agriculture, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation préoccupante de la protection phytosanitaire des produits agricoles cultivés et récoltés en outre-mer. Certes, le plan Écophyto DOM, lancé en 2008, a permis de faire passer la couverture des besoins en produits phytosanitaires de 13 à 29 % en cinq ans. Cela pourrait apparaître comme un progrès, mais cela signifie aussi que pour encore 71 % des maladies ou des ravageurs qui s’attaquent aux cultures ultramarines aucun produit phytosanitaire n’est autorisé.

En outre, s’agissant des 29 % de besoins pour lesquels il existe une parade phytosanitaire, dans la plupart des cas, une seule matière active est autorisée. Cela rend la portée de la couverture phytosanitaire très fragile, car on sait bien que les maladies mutent fréquemment et qu’elles finissent par s’accoutumer aux traitements. Bien entendu, monsieur le ministre, les agriculteurs ultramarins sont entièrement convaincus que l’utilisation des produits phytosanitaires doit se faire en dernier recours, après avoir mis en oeuvre toutes les solutions agro-écologiques : mesures prophylactiques, variétés tolérantes ou résistantes ou encore vitroplants.

Néanmoins, ces méthodes ne permettent certainement pas à ce jour de se passer complètement de produits phytosanitaires. Voici quelques exemples pour illustrer mon propos. S’agissant de la banane, les producteurs doivent faire face au développement de la cercosporiose noire, maladie arrivée depuis 2010 après l’arrêt du traitement aérien. Quant aux agrumes, nos cultures sont en proie au greening, une affection qui rend les fruits non commercialisables. En 2012, certains producteurs avaient perdu 50 % de leurs récoltes. L’année dernière, sur la côte sous le vent, principale région productrice d’agrumes de Guadeloupe, les plantations ont enregistré des pertes à hauteur de 90 % de leurs récoltes totales. L’igname est de son côté en butte à la maladie de l’anthracnose. Les producteurs de mangues sont démunis face aux attaques d’insectes comme les cochenilles qui peuvent anéantir l’ensemble d’une production. La canne à sucre et l’ananas, deux cultures tropicales majeures, sont dans un état nécessitant une intervention urgente.

Au total, ce sont toutes les cultures ultramarines qui sont atteintes. Face à cela, les agriculteurs disposent d’un panel de produits phytopharmaceutiques nettement insuffisant. Cela est d’autant plus préoccupant que, dans le même temps, des fruits et des légumes tropicaux venus de pays non membres de l’Union européenne et traités avec un grand nombre de pesticides, directement concurrents de ceux de l’agriculture ultramarine, arrivent tous les jours sur les marchés locaux. C’est ainsi qu’il se dessine, en ce domaine, une concurrence déloyale et une inégalité cruciale entre les contraintes régissant les agricultures des outre-mer et celles qui régissent l’agriculture des pays tiers situés dans notre bassin géographique proche.

Dans ce cadre, monsieur le ministre, la délégation aux outre-mer souhaiterait, pour répondre aux difficultés que je viens de vous exposer, que l’ANSES puisse veiller tout particulièrement à la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires destinés à l’agriculture pratiquée en milieu tropical. À cette fin, elle a déposé deux amendements que je vous présenterai d’ici quelques minutes. Nous espérons qu’ils recueilleront un avis favorable de la part du Gouvernement.

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