Intervention de Gérard Bapt

Séance en hémicycle du 10 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

Cet article nous permet d’évoquer des situations d’actualité, comme celle que vient de nous exposer notre collègue. Lorsqu’il y a des situations d’urgence, notamment en cas de risque sanitaire, il est justifié d’avoir recours à tel ou tel phytosanitaire, de manière exceptionnelle, ou à telle ou telle méthode d’utilisation, comme celle de l’épandage aérien. Mais je dois rendre hommage, monsieur le ministre, à votre gestion. En effet, les épandages aériens étaient devenus l’ordinaire sur le territoire hexagonal, puisque toutes les demandes de dérogation générale étaient acceptées, y compris concernant des produits qui n’avaient même pas encore été autorisés ! J’avais fait appelé l’attention de votre prédécesseur sur cette situations, mais sans succès.

L’ANSES est tout à fait en mesure aujourd’hui de nous donner non seulement des avis d’évaluation mais aussi de prendre des décisions, car il s’agit bien de cela dans l’article 22, non pas sur les substances mises sur le marché, mais sur les produits – l’autorisation des substances relevant des domaines gouvernemental et européen.

Cet article, néanmoins, a soulevé des interrogations, je peux en témoigner en qualité de président du groupe de suivi du Plan national de santé environnementale, en particulier parmi les associations qui ont fait la preuve, depuis plusieurs années, non seulement de leur sérieux et de leur militantisme mais aussi de leur capacité de discernement. Leurs réactions vis-à-vis de ce qui est proposé sont contradictoires, la préoccupation de certaines étant qu’on continue à séparer l’évaluation de la décision, d’autres par contre admettant tout à fait l’argumentation sur laquelle vous avez fondé cet article, monsieur le ministre, qui repose en particulier, au-delà du raccourcissement des délais et des économies de fonctionnement, sur une amélioration de la cohérence, permettant ainsi d’éviter des distorsions, révélées ici ou là dans la presse, entre les avis de l’ANSES et les décisions prises par le ministère à travers la direction générale de l’alimentation. Et puis il y a aussi des différences dans les pratiques des professionnels en matière d’équipements de protection individuels, se traduisant par un certain décalage entre les prescriptions de la direction générale du travail et la façon dont les produits phytosanitaires sont utilisés.

Je remarque toutefois qu’une agence, qui vient d’être reconfirmée à la fois dans sa configuration, dans son financement et dans ses missions, l’Agence du médicament, ne sépare pas, elle, l’évaluation de la décision. Ce qui justifie l’absence de séparation, c’est la notion de transparence. Les décisions politiques doivent être prises sur la base de données scientifiques, au terme d’un débat contradictoire et transparent, conformément à la notion même d’expertise publique, au travers de procédures où la gestion des liens d’intérêt est très rigoureuse et, elle aussi, transparente.

Néanmoins, concernant le cas particulier de l’ANSES et même si elle est déjà à la fois pouvoir d’évaluation et de décision s’agissant des produits vétérinaires, je pense qu’un compromis peut être recherché afin d’inscrire dans le marbre le fait que l’évaluation reste indépendante – étant bien entendu qu’au final, il s’agit toujours d’une décision politique. Voilà pourquoi le groupe écologiste a déposé un amendement, peut-être un peu trop complexe, et pourquoi pour ma part je propose un article additionnel à l’article 22. Il vise à ce que, évidemment sur la base de données scientifiques, la décision politique soit prise par l’ANSES mais en tenant compte de tous les éléments, notamment de la position des différents ministères concernés, et à ce que l’Institut de veille sanitaire participe à la préparation des décisions de l’Agence, puisqu’il faut bien prendre en compte les données sanitaires.

Je conclus en soulignant, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas d’une question anodine. Elle concerne la sécurité sanitaire des professionnels exposés, et je rappelle que plusieurs tribunaux de Sécurité sociale ont désormais admis des liens de causalité, dans des décisions d’ailleurs éclairées récemment par l’expertise collective de l’INSERM, qui a bien montré l’existence de ces liens, entre certaines catégories de pesticides et certaines pathologies. On peut se réjouir que l’Agence européenne elle-même, dont on se plaint parfois de la timidité, de la prudence excessive et des délais que prennent ses avis, ait été alertée par des travaux récents publiés par des équipes japonaises qui montrent comment des pesticides, même à dose très filée, peuvent avoir un effet neurotoxique. Je pense notamment au Gaucho qui, bien qu’il ait été reconnu comme un des grands responsables de la surmortalité des abeilles, est toujours autorisé dans certaines circonstances et sur certaines cultures. Il est donc très positif que l’Agence européenne ait demandé qu’on réduise drastiquement les doses journalières admissibles s’agissant de ces types de néonicotinoïde.

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