Voilà deux sujets qui se sont conjugués : le premier porte sur l’article 22 et l’ANSES, le second sur le débat concernant les phytosanitaires dans les DOM-TOM. Je vais tout d’abord répondre à M. Letchimy. J’ai parfaitement conscience qu’il y a une difficulté de production en outre-mer. Mais un texte spécifique n’aurait rien changé : la question aurait toujours été traitée par le ministère, la DGAL et les autres instances de décision que nous connaissons.
Et puis, monsieur Letchimy, il y a une question stratégique : si les productions des Antilles copient ce qui se fait en Amérique latine, par exemple pour la banane Chiquita, en termes de production et d’utilisation de produits phytosanitaires, certes on sera en situation d’équivalence de coût et d’utilisation des phytos, de manière dérogatoire au droit européen et au droit français, mais je crains que leurs conditions d’utilisation ne soient moins strictes et moins surveillées qu’ici ! Au regard de ce que vous avez rappelé s’agissant des conséquences du chlordécone, je dis : attention aux dérogations !
Autre point : stratégiquement, en termes économiques, la canne et la banane sont des productions d’exportation à la fois en dehors de la zone européenne et sur le marché européen. La stratégie de la banane durable est intéressante car elle montre qu’il est possible de segmenter cette production pour arriver à valoriser un produit des Antilles face aux grandes multinationales qui utilisent les méthodes que l’on sait en Amérique latine. Si l’on s’en tient seulement à la compétitivité-coût, si l’on utilise les mêmes produits phytosanitaires, il y a à peu près équivalence, mais les questions sociales étant ce qu’elles sont, et tant mieux, il existe une différence qui ne sera pas comblée.
Le Gouvernement va faire des propositions, parce qu’on ne peut pas laisser la situation en l’état. Il faut évidemment prévoir une aide particulière, parce que les cultures en milieu tropical ne peuvent être appréhendées comme celles de la métropole. Depuis trois à quatre ans, 1,6 million d’euros ont été débloqués en ce sens au travers du plan Écophyto. Par ailleurs, comme je crois à la segmentation des productions agricoles dans les Antilles avec un objectif de durabilité, il faut trouver des modèles et des produits de substitution. Nous avons à cet effet engagé un programme à hauteur de 1,9 million d’euros, deux ingénieurs y travaillent au niveau de mon ministère, parce que nous avons besoin de coordonner nos efforts, de trouver des axes stratégiques et de valoriser une production antillaise ayant des objectifs d’agro-écologie et de durabilité.
C’est aussi l’un des éléments de la compétitivité que nous serons capables de retrouver ensemble. Sur ces questions, nous proposerons un amendement au cours des débats. J’ai parfaitement compris l’importance de ce sujet qui est revenu à plusieurs reprises. J’avais alerté mes services sur la nécessité de trouver des solutions et d’élaborer des stratégies. C’est un vrai débat de fond.
Venons-en à l’ANSES. M. Bapt a rappelé qu’en ce qui concerne l’Agence du médicament, il n’y a pas de dissociation entre l’évaluation et la décision de la mise sur le marché. Il n’y a pas de renvoi vers le ministère à l’instar de ce qui existe entre l’ANSES et la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture.
Il y a deux niveaux dans la décision. Au niveau européen se prend une décision politique sur la molécule elle-même. Les évaluations sont faites par l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, et l’ensemble des instituts qui travaillent au niveau européen. Ces organismes rassemblent les données scientifiques pour déterminer si les molécules que nous mettons sur le marché ont des conséquences négatives sur la santé ou pas. C’est une décision politique et qui doit le rester, car il s’agit d’un choix majeur.
S’agissant du niveau national, Antoine Herth m’interpellait lors d’un débat en me reprochant d’être en train de me dessaisir de ma responsabilité. Je répondrai par quelques exemples. Ainsi, pour une seule molécule chimique autorisée par les politiques se fondant sur les avis scientifiques fournis à l’échelle européenne, il peut y avoir plus de 300 usages différents, sur plus de soixante-dix cultures ou groupes de cultures différents : abricotiers, agrumes, ail, amandiers, arbres et arbustes d’ornement – je me suis fait faire une note ! (Sourires) – et encore des asperges au tabac, la vigne et la tomate en passant par la forêt ou les plantes aromatiques !
Une même molécule va donc entraîner plusieurs dizaines d’autorisations de mise sur le marché. Le ministère de l’agriculture donne près de 2 000 autorisations par an et je mets au défi n’importe lequel de mes prédécesseurs de me dire les choix qu’il a faits concernant tel ou tel insecticide par exemple, sachant que le même produit peut avoir des AMM différentes en fonction de la variété à laquelle on le destine.
Prenons l’exemple du chou. L’AMM d’un insecticide donné sera différente si le chou est pommé ou feuillu. Il en est de même pour les haricots qui peuvent être écossés…