Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 10 janvier 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Article 34 a

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Rassurez-vous, madame la présidente, je ne serai pas très long, mais j’aurai mauvaise grâce à rester dans cet hémicycle sans expliquer les raisons de ma présence aux côtés de mon collègue Stéphane Le Foll. Le Président de la République, comme vous le savez, a pris un engagement fort, consigné en lettres de feu dans son opuscule intitulé « les trente engagements de François Hollande pour les outre-mer ». Cet engagement était le suivant : « J’engagerai l’élaboration d’une loi d’orientation et de modernisation agricole spécifique aux outre-mer ».

Nous avons examiné cette question en bonne intelligence avec Stéphane Le Foll. Compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire, il nous a paru intelligent et pertinent de mutualiser ce projet de loi. Nous avons ainsi décidé d’inclure dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt un volet consacré aux outre-mer. Je ne crois pas que cela atténue, ou édulcore, notre ambition. J’ai moi-même été, dans une vie antérieure, directeur d’une chambre d’agriculture. Je connais donc un peu ces questions, bien que je m’en sois un peu éloigné ; mais elles sont tellement récurrentes, tellement capitales, qu’on ne peut s’en écarter durablement.

De quoi s’agit-il ? Comme Chantal Berthelot l’a dit, il s’agit de rappeler que tous les modèles de production agricole sont issus des années 1960 et des grandes lois d’orientation agricoles. C’était l’agriculture familiale à deux UTH, unités de travail humain, qui n’était pas très adaptée dans les agricultures dites parcellaires. Un agronome a écrit dans un essai qu’il fallait repenser le modèle agricole des pays sans hiver et tropicaux, subéquatoriaux, ou équinoxiaux comme la Guyane.

Par ailleurs, compte tenu de la dispersion des textes du corpus juridique de la République française, on ne s’y retrouve plus. Il y a le code rural, le code civil, le code de l’environnement, le code de l’urbanisme, le code forestier, que sais-je encore ? Il faut donc repenser tout cela et trouver des modèles adaptés. Il faut comprendre que dans un contexte de décentralisation, de plus grande autonomie du niveau local, tout ne peut pas se faire depuis Paris, quels que soient les dispositions du texte et les pouvoirs que l’on donnera aux élus locaux.

Premièrement, Stéphane Le Foll et moi avons donc décidé que le volet « outre-mer » de cette loi d’avenir pour l’agriculture serait ramassé : il ne compte que quatre articles, qui s’étendent sur onze pages au total. Nous aurions pu faire plus long, mais nous avons préféré nous concentrer sur des mesures relevant du domaine législatif. Deuxièmement, nous avons décidé d’autoriser le Gouvernement à adapter, par ordonnance, toute cette législation. Il s’agit de réaliser une sorte de codification à législation constante. Ce travail est déjà commencé : c’est Jean-François Merle qui s’occupe de ce dossier au

Conseil d’État.

Une question se pose à propos des dispositions réglementaires. Le présent projet de loi autorise le Gouvernement à adapter et codifier les dispositions, mais seulement de niveau législatif. Restent les dispositions de niveau réglementaire : cela demandera une réflexion plus poussée.

Je suis également d’accord pour dire que tous les sujets ne sont pas évoqués, même si le titre VI de ce projet de loi, consacré aux « dispositions relatives à l’outre-mer », est déjà très riche. Il faut encore approfondir les aspects mentionnés par Hélène Vainqueur-Christophe : la formation, l’assurance, le financement, l’accès au foncier. J’ai bien lu les comptes rendus des débats qui ont eu lieu en commission et depuis le début de la discussion en séance publique, et je suggère une clause de rendez-vous sur la question du foncier guyanais. Le Président de la République s’est récemment rendu en Guyane. Il s’est engagé publiquement et solennellement à conclure un pacte d’avenir pour la Guyane. Il a chargé le ministre des outre-mer de cette question. Ce pacte de confiance doit faire une place particulière au foncier. Il n’est pas concevable que 95 % des terres appartiennent à l’État. Aucun impôt n’est payé sur ces terres, cela ne circule pas, on ne peut prendre de garantie, ni en accorder, ni accorder de privilège. Un pays qui ne libère pas son foncier, c’est un pays qui se condamne au sous-développement. C’est tout le sens des travaux d’Amartya Sen : il faut de la démocratie, libérer ses femmes et libérer son foncier, le faire circuler. Il s’agit de prendre des mesures : peut-être une clause de rendez-vous, et une mission d’inspection qui nous permettrait de connaître l’ampleur du problème et nous donnerait quelques pistes pour le résoudre.

Je resterai aux côtés de mon collègue jusqu’à la fin des débats. Si l’occasion s’en présente, j’interviendrai, mais puisque l’heure est tardive, je pense que nous ferons vite et bien.

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