C'est pour moi un grand plaisir de répondre à votre invitation qui me permet de vous présenter le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger, ainsi que le plan d'actions que j'ai élaboré pour le consolider et le renforcer afin de répondre à la demande croissante des familles françaises et étrangères.
Quelques chiffres illustrent l'importance de notre dispositif. À la rentrée 2013, 320 000 élèves, dont plus de 200 000 élèves étrangers, sont scolarisés dans nos 488 établissements scolaires situés dans 130 pays. Si le nombre d'élèves scolarisés est celui d'une académie moyenne en France, l'enseignement français à l'étranger ne constitue pas, malheureusement, la 31ème académie.
Tous nos établissements sont pilotés ou accompagnés par un opérateur public, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, et en collaboration avec de nombreux partenaires associatifs dont le plus important est la Mission laïque française (MLF).
Le réseau des établissements scolaires français à l'étranger est unique de par sa taille, son importance et son lien avec l'État. A titre de comparaison, 80 000 élèves sont scolarisés dans les écoles allemandes, 40 000 dans les écoles espagnoles et 30 000 dans les écoles italiennes. Quant aux écoles anglaises et américaines présentes dans tous les pays du monde, elles sont privées et ne sont donc pas organisées en réseau.
Nos établissements, bien que très majoritairement privés et par conséquent payants, constituent une projection hors de nos frontières de notre système éducatif puisqu'ils sont tous soumis à une procédure d'homologation qui atteste leur conformité aux programmes, aux objectifs pédagogiques et aux règles applicables aux établissements publics d'enseignement en France.
Le contexte local étant naturellement pris en compte, chaque établissement adopte des modalités particulières en ce qui concerne la mise en oeuvre des programmes, notamment d'histoire et géographie, le contrôle des corps d'inspection, les objectifs pédagogiques comme le multilinguisme, l'aménagement du calendrier et des rythmes scolaires – ainsi la rentrée scolaire, dans l'hémisphère sud, a lieu en mars et non en septembre – dans le respect du volume annuel des heures d'enseignement.
Les établissements privés sont gérés par un comité de gestion. L'État français n'a pas, à l'étranger, une obligation de scolarisation envers ses ressortissants. Un amendement parlementaire a d'ailleurs modifié, lors de l'examen du projet de loi de programmation et d'orientation pour la refondation de l'école, l'article L. 452-2 du code de l'éducation qui précise désormais que les missions de l'AEFE sont conditionnées par les capacités d'accueil des établissements.
Notre politique éducative extérieure dépasse largement le cadre des établissements français à l'étranger puisque la langue française est utilisée dans le cadre de l'enseignement de diverses disciplines, souvent basé sur des pédagogies privilégiant le raisonnement à l'accumulation de savoirs. L'enseignement bilingue francophone dans les systèmes éducatifs étrangers concerne près de 2 millions d'élèves, majoritairement en Europe.
Notre réseau scolaire doit faire face à d'importants défis.
Le premier d'entre eux est d'ordre quantitatif. Dans un contexte budgétaire contraint, nous assistons à une demande croissante, tant de la part des expatriés dont le nombre augmente de près de 4 % par an – même s'il a connu une inflexion en 2013 avec une augmentation de seulement 2 % – que des publics étrangers., L'apparition dans les pays émergents de classes moyennes à la recherche d'une éducation internationale accroit en effet l'attrait pour l'enseignement français en raison des valeurs dont il est porteur et parce que la langue française, comme l'anglais, est parlée sur les cinq continents.
Le second défi est d'ordre qualitatif. Nous devons en effet consolider la qualité de notre offre éducative à la fois pour satisfaire des familles de plus en plus exigeantes, non seulement vis-à-vis des contenus et des méthodes d'enseignement mais aussi de l'organisation de la vie scolaire et des infrastructures, et pour faire face à un secteur éducatif international très concurrentiel.
Pour répondre à ces défis, nous avons élaboré un plan d'actions suivant une méthode basée sur la concertation et la réalité du terrain. Nous avons ainsi réuni, durant deux jours, près de 90 partenaires – acteurs de la société civile, syndicats, entreprises, représentants des parents d'élèves, des différents ministères, élus. Un comité de pilotage, composé de cinq personnalités, dont un parlementaire, votre collègue Philip Cordery, un diplomate, un représentant des entreprises, un représentant du ministère de l'éducation nationale ainsi que le vice-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ce comité de pilotage a formulé un certain nombre de propositions qui ont servi de matrice au plan d'actions que j'ai présenté en Conseil des ministres fin août et qui a été validé.
Ce plan d'actions s'articule autour de trois grands axes.
Le premier axe consiste à mettre en place un pilotage politique renforcé, car l'enseignement français à l'étranger est une composante majeure de notre action extérieure. Ce pilotage passera par une concertation interministérielle annuelle, sous la présidence du ministre des affaires étrangères, qui réunira les ministres en charge de l'éducation nationale, du budget, du commerce extérieur, de l'enseignement supérieur, de la francophonie et des Français de l'étranger, avec pour objectif de définir, dans le cadre d'une politique globale de l'enseignement français à l'étranger, les orientations stratégiques du réseau. La présence de tous ces ministres témoigne de notre ambition d'insérer l'enseignement primaire et secondaire à l'étranger dans un ensemble, et celle du ministre du commerce extérieur montre l'importance du réseau pour notre diplomatie d'influence et notre diplomatie économique. Les services du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale (MEN) prépareront les réunions interministérielles et assureront le suivi des décisions. Cette concertation interministérielle permettra d'assurer la gestion dynamique de notre offre éducative à l'étranger.
Pour réussir, ce pilotage politique devra reposer sur la réalité du terrain, et pour cela les ambassades concernées seront invitées à présenter une stratégie locale de développement de notre offre éducative qui sera basée sur l'analyse de la demande, l'examen de la concurrence et l'évaluation des moyens mobilisables localement. Nul doute que les futurs conseils consulaires joueront un rôle important dans l'élaboration de ces propositions.
Le deuxième axe de notre action consiste à consolider l'excellence pédagogique de nos établissements, ce qui justifie l'implication plus importante du ministère de l'éducation nationale. Notre réseau scolaire doit d'abord son succès à la qualité de l'enseignement qu'il délivre. En témoignent les résultats qu'il obtient : plus de 95 % de réussite au baccalauréat, dont plus de 20 % de mentions « Très bien ». Si nous voulons renforcer la position de notre pays dans le secteur de l'éducation internationale, nous devons consolider cette qualité.
Nous devons également tirer parti de la loi de refondation de l'école qui renforce l'enseignement précoce des langues étrangères, introduit un nouvel enseignement moral et civique afin d'approfondir les valeurs de la République, place le numérique au coeur des apprentissages – ce qui sera l'une des priorités du prochain plan d'orientation stratégique de l'AEFE – et développe la formation artistique et culturelle.
Notre réseau à l'étranger poursuivra le développement de la dimension internationale de son enseignement par le biais d'une politique ambitieuse et systématique d'apprentissage renforcé des langues. Le plurilinguisme est l'une des signatures du réseau. C'est pourquoi priorité sera donnée au développement de l'enseignement bilingue, en particulier à travers les sections internationales, sans pour autant négliger la maîtrise du français. L'ouverture de sections « Langue et culture du pays d'accueil » sera expérimentée, selon des modalités définies avec le ministère de l'éducation nationale.
L'AEFE examinera la possibilité, dans certains pays, d'ouvrir des classes technologiques dans des spécialités comme STMG – Sciences et technologies du management et de la gestion – et STI2D – Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable – qui ne nécessitent pas d'infrastructures particulières et n'entraînent pas de coûts supplémentaires pour l'État ni, si cela est possible, pour les parents.
Je vous indique à ce propos que deux parlementaires, votre collègue Philip Cordery et la sénatrice Claudine Lepage, se sont vus confier par le ministère des affaires étrangères une mission d'étude des frais de scolarité des lycées français à l'étranger en vue d'enrayer leur augmentation.
Dès cette année, la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGES), l'AEFE, la MLF et le ministère des affaires étrangères vont entreprendre un dialogue qui se concrétisera par l'établissement d'un contrat pluriannuel d'objectifs éducatifs et pédagogiques. Les inspecteurs qui seront détachés à l'AEFE recevront une lettre de mission cosignée par l'Agence et par l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN). Les corps d'inspection du MEN renforceront leur participation à l'évaluation des personnels et des établissements, à l'animation pédagogique du dispositif, à la formation des personnels, au suivi et au contrôle de l'homologation.
Les partenariats entre les académies et les pays d'implantation des écoles françaises seront rationalisés et réorganisés. C'est un point très important.
Ce dialogue plus étroit permettra également au MEN de bénéficier des innovations réalisées par notre réseau scolaire extérieur qui, dans de nombreux domaines, constitue un véritable laboratoire, en particulier pour ce qui est de l'enseignement des langues et de la dématérialisation de la correction des copies du baccalauréat. Il s'agit bien d'un partenariat gagnant-gagnant.
Le troisième axe de notre plan d'actions est basé sur l'élargissement de l'accès aux offres éducatives complémentaires de l'enseignement homologué. Jusqu'à présent, les outils dont nous disposions se trouvaient en concurrence. Ils seront désormais complémentaires.
Nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande par le seul enseignement homologué : il convient donc d'orienter une partie de cette demande vers d'autres offres éducatives. La transmission de la langue et de la culture sera satisfaite dans le cadre des filières bilingues implantées dans les établissements locaux, par l'offre de cours du CNED et le renforcement du dispositif FLAM – Français Langue Maternelle – pour les enfants qui souhaitent pratiquer une activité extra-scolaire.
Je souhaite articuler notre offre d'enseignement homologué avec l'ensemble de ces propositions éducatives dans le cadre d'une politique d'ensemble cohérente et ambitieuse, apportant ainsi notre contribution à la cause de la francophonie.
Le développement du label FrancEducation constitue pour nous une priorité. Il s'agit de regrouper ces établissements au sein d'un nouveau réseau mondial qui s'ajoutera à celui des lycées français. Les freins actuels à l'essor de ce réseau seront levés et le label sera étendu très rapidement à des pays francophones comme le Maroc, dont la langue d'enseignement n'est pas le français. Son attribution sera gratuite pour les établissements publics – qui ne font pas payer les frais de scolarité aux élèves. En revanche, les tarifs appliqués aux établissements privés seront revus à la hausse.
Les conditions d'obtention du label seront assouplies, principalement par l'abaissement à 20 % du volume d'enseignement en Français. La labellisation de filières technologiques et professionnelles sera encouragée. Enfin, l'Institut français, qui apporte un soutien important au développement de ce réseau, sera associé à la commission de labellisation.
Dans le même esprit, nous encourageons le développement à l'étranger de l'offre du CNED en permettant aux élèves qui ne souhaitent pas suivre la totalité de l'enseignement français de bénéficier de l'enseignement à distance de seulement trois matières qu'ils auront choisies. Cet enseignement complémentaire sera particulièrement utile à nos jeunes compatriotes scolarisés dans un système éducatif étranger et souhaitant conserver un lien fort avec notre système d'enseignement qu'ils pourraient être amenés à rejoindre ultérieurement.
Le dispositif FLAM (Français Langue Maternelle) sera renforcé. Il apporte un soutien aux initiatives extra-scolaires visant à conserver la pratique de notre langue chez les enfants français scolarisés à l'étranger dans une autre langue que la nôtre.
J'espère avoir démontré que notre réseau scolaire extérieur est un outil précieux pour notre diplomatie, l'un de ses piliers et certainement un atout important pour notre pays et nos entreprises qui peuvent ainsi proposer aux cadres une plus grande mobilité. Un nombre de plus en plus important d'entreprises françaises souhaitent que les enfants de leurs employés puissent bénéficier de l'apprentissage du français. Le nombre de binationaux connaissant une forte augmentation, il est important de multiplier les outils et l'offre d'éducation pour leur permettre de conserver un lien fort avec la communauté nationale et faciliter leur éventuel retour en France.
Notre réseau constitue également un soutien à la diversité linguistique et culturelle. En effet, avec 200 000 élèves étrangers scolarisés chaque année, nous faisons la promotion du pluralisme des langues et des cultures.
Enfin, ce réseau est un instrument essentiel de notre diplomatie d'influence car il diffuse les valeurs que porte notre langue dans toutes les régions du monde. En outre, près de la moitié des élèves qui passent le baccalauréat dans nos établissements viennent poursuivre leurs études supérieures en France.
Quant aux étrangers, certains poursuivent leurs études supérieures dans le pays où ils sont nés mais beaucoup viennent en France pour leurs études puis retournent dans leur pays où ils deviennent des décideurs. Ce sont des partenaires naturels pour la France ainsi que des relais pour son influence.
Je conclurai en disant que notre objectif principal n'est pas de former des citoyens globaux, mais de les aider à construire une identité plurielle.