Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Présentation

Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement :

Inefficace, parce que cette sécurité est une fausse sécurité : dans de très nombreux cas, la caution ne peut pas être mise en jeu par le propriétaire, soit parce qu’elle a été mal libellée, soit parce que les ressources du garant se sont elles-mêmes effondrées.

Injuste parce que la caution est la négation de l’autonomie. On peut avoir quarante ans, deux enfants, travailler et se trouver soumis à l’obligation de trouver une caution pour se loger. Injuste encore parce qu’elle fait parfois reposer l’accès au logement non sur la situation réelle du locataire mais sur son carnet d’adresses, sa famille, ses relations.

Cette injustice n’est pas le fait des propriétaires : il est légitime qu’ils cherchent des moyens de protéger ce qui est souvent un complément de salaire ou de retraite indispensable. Cette injustice est née d’un manque. C’est ce manque que j’ai voulu combler en créant un outil nouveau pour défendre un droit nouveau.

La GUL, cette garantie universelle des loyers, c’est un projet d’émancipation. C’est permettre à chaque locataire de remplacer la caution par une garantie publique ; c’est permettre à chaque propriétaire de savoir qu’il peut accéder à une vraie sécurité si le locataire fait défaut.

C’est un projet frappé du sceau du réel. Nous savons tous que les propriétaires auront intérêt à recourir à la GUL. Je ne doute pas que la gratuité de cette nouvelle forme de sécurité les convaincra très rapidement de renoncer à une caution qui ne les protège que très imparfaitement.

C’est aussi un projet pour prévenir les expulsions locatives. À la différence du parc social dont les locataires sont plus souvent connus et suivis et les difficultés repérées, le parc privé est diffus, constitué d’une myriade de petits propriétaires. Lorsqu’un locataire est confronté à une difficulté, personne ne la détecte immédiatement et tous les services qui pourraient concourir à accompagner le locataire, à l’aider, à prévenir l’expulsion locative ne sont pas mobilisés. La GUL permettra de détecter ces difficultés, de les affronter et finalement de prévenir l’expulsion au plus tôt, à la naissance de l’impayé, quand il est encore temps.

J’ai entendu les craintes de tous ceux qui redoutaient que les locataires, sachant leur propriétaire indemnisé, arrêtent de payer leur loyer. Je suis certaine que ce risque est un pur fantasme. Ce n’est pas parce qu’on est couvert par la Sécurité sociale qu’on va chez le médecin : c’est parce qu’on tombe malade. Ce n’est pas l’assurance qui crée le risque. Mais il est également normal que le contribuable ne finance pas la petite minorité des comportements abusifs. C’est le sens de ce dispositif qui ne pourra pas s’appliquer à ceux, fraudeurs ou de mauvaise foi, qui n’ont jamais fait la démarche de tenter d’apurer leurs dettes ou qui ne peuvent démontrer qu’ils ne peuvent plus faire face à celles-ci. C’est le sens du recours au Trésor public qui offre à la fois les garanties d’un service public du recouvrement au locataire, la sécurité de pouvoir contester ses créances, de trouver une solution amiable avec un agent public et des moyens réels de recouvrer lorsque le locataire dispose de ressources.

Le projet de GUL que nous avons co-élaboré aura une vertu sur laquelle je veux insister : il récompensera le propriétaire solidaire.

Un propriétaire solidaire, c’est un propriétaire qui joue le jeu de la modération des loyers. Les loyers ne seront en effet indemnisés que jusqu’à hauteur d’un plafond qui correspond au loyer médian dans les zones bénéficiant d’un observatoire des loyers. Si un propriétaire loue cher, il aura un reste à charge en cas d’impayé.

Un propriétaire solidaire, c’est aussi un propriétaire qui fait le choix d’accepter de ne pas loger que des personnes qui sont fonctionnaires ou en contrat à durée indéterminée, mais aussi des étudiants, des précaires, des chômeurs. Ce propriétaire-là sera mieux indemnisé, pour récompenser tous ceux qui font le choix de la solidarité et les rassurer si a lieu un impayé : pour eux, la GUL jouera pleinement.

Vous le voyez, nous avons tiré les leçons des produits spécifiques destinés aux plus fragiles qui visent à intégrer mais qui, en réalité, stigmatisent. Il n’y a pas si longtemps, on voyait des petites annonces indiquant : « Locapass, s’abstenir ». La GUL est un dispositif pour tous, mais équitable, plus affirmé pour ceux qui en ont le plus besoin.

Toutefois, l’accès au logement passe aussi par le fait d’en faire baisser les coûts. La hausse continue des loyers au cours des quinze dernières années a gravement obéré le pouvoir d’achat d’une grande partie des locataires du parc privé. On ne le répétera jamais assez : un locataire sur cinq du parc privé consacre plus de 40 % de son revenu à se loger. C’est un fléau qui mine notre pays. Il faut agir pour réguler et enrayer ces abus du marché. C’est une évidente question de justice sociale. S’en détourner, c’est laisser se déliter notre cohésion nationale. Parce que la cohésion d’une nation ne se fonde pas uniquement sur des valeurs, mais aussi sur l’effectivité des droits des citoyennes et des citoyens.

J’ajoute que lutter contre les loyers exorbitants, c’est également agir pour la compétitivité de notre pays. À tous points de vue, une logique de régulation est un levier essentiel d’une politique d’efficacité économique. C’est le sens de l’encadrement des loyers que prévoit ce projet de loi. Vous en avez validé le principe lors de la première lecture du texte et les sénateurs en ont fait de même. Il vous revient maintenant la responsabilité d’en arrêter définitivement les modalités pour en faire une réalité.

Redonner du pouvoir d’achat aux locataires commandait aussi de s’attaquer à la question des honoraires de location. Il ne tient qu’à vous que ce soit désormais chose faite. Si personne ne nie que tout travail mérite salaire et que le rôle des professionnels de l’immobilier en tant qu’intermédiaires des rapports locatifs est utile, voire indispensable, le statu quo n’est pas possible. Nous devons mettre fin à la pratique qui veut que le locataire qui ne choisit pas l’intermédiaire, ne le mandate pas, assume tout de même l’essentiel de sa rémunération. Peut-on accepter que la location d’un deux-pièces de 35 mètres carrés soit facturée 1 400 euros au locataire ? Poser la question, c’est y répondre.

La double peine qui veut qu’à des loyers élevés correspondent aussi des honoraires élevés pour le locataire doit cesser.

J’ai adressé un message clair à la profession immobilière, notamment au président de la FNAIM, avec lequel j’ai des échanges réguliers. Le dialogue a été constant, parfois musclé, mais toujours soutenu par une conception volontariste du rôle de la loi.

J’ai souhaité que la responsabilité l’emporte sur toute autre considération. Ainsi, certaines prestations bénéficiant au locataire pourront continuer à lui être facturées pour partie, comme cela a été confirmé en commission : c’est normal et légitime. Mais le montant global payé par le locataire devra baisser – je souhaite qu’il soit divisé au moins par deux dans les zones tendues. C’est une nécessité pour le pouvoir d’achat des ménages ; ce n’est en aucun cas une attaque contre une profession qui a elle-même conscience aujourd’hui que ses pratiques doivent évoluer.

C’est le sens du chapitre III titre Ier du projet de loi qui crée un nouveau cadre de régulation de la profession. Oui, ces mesures proviennent pour partie des propositions que la profession avait formulées dans son Livre blanc ; c’est une bonne chose car la régulation ne sera efficace que si les professionnels s’en approprient les enjeux. J’ai la conviction que les esprits sont mûrs pour cela. Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière créera le cadre institutionnel qui portera la voix de la profession, sans verser dans la création d’un ordre. Les obligations de formation, le code de déontologie, les commissions de contrôle permettront de sévir contre la minorité de la profession, ces braconniers de l’immobilier, qui ne respecte pas les règles et dégrade la réputation de tous. Il y va de l’intérêt général, de l’intérêt de tous : locataires, propriétaires ou copropriétaires mais également, je le répète, de l’intérêt des professionnels eux-mêmes.

La première lecture, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, a également confirmé le volet du projet de loi visant à s’attaquer aux copropriétés dégradées et à l’habitat indigne. Les mesures qui vous sont proposées constituent des réponses attendues de longue date par toutes celles et tous ceux qui agissent chaque jour, parfois impuissants pour lutter contre ce fléau que constitue l’habitat dégradé. Je sais que ce sujet emporte l’adhésion sur tous les bancs de cet hémicycle, car c’est une question qui touche à la morale républicaine elle-même : il nous faut réaffirmer qu’égales en dignité, les personnes doivent l’être également dans leur vie quotidienne et qu’il n’y a pas de place dans notre République pour l’habitat indigne.

Enfin, au chapitre des mesures structurelles qui détermineront aussi l’avenir de nos territoires, il y a bien évidemment les conditions dans lesquelles ceux-ci pourront mobiliser l’ingénierie disponible auprès des services de l’État et des établissements publics fonciers – qu’ils soient d’État ou locaux –, développer des stratégies foncières et mettre en place une planification permettant un développement équilibré.

En outre, nous proposons de clarifier la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme en précisant le rôle respectif des SCOT et des PLU. Vous le savez, je suis convaincue que l’aménagement durable de nos territoires passe par l’élaboration de documents d’urbanisme à l’échelle intercommunale. Cette élaboration à l’échelle intercommunale, par la mutualisation des moyens et des compétences qu’elle permet, exprime la solidarité entre les territoires que nous appelons de nos voeux. Tous ceux qui sont passés au PLU intercommunal – tous, sans exception – s’en félicitent aujourd’hui.

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