Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Ne serait-il pas préférable, comme le suggère M. Piron, d’engager une expérimentation dans quelques départements avant la généralisation ? Ne faut-il pas tester le système avant de mettre en place une administration de plusieurs dizaines d’agents, pour finalement traiter les 200 000 dossiers de contentieux tout au plus qui sont produits dans le système actuel de caution ou d’assurances ? Il est vrai que la déresponsabilisation que vous allez provoquer peut rapidement faire augmenter ce nombre et autoalimenter l’administration que vous allez mettre en place. Elle accroîtra considérablement aussi le budget à y consacrer, alors que la production de logements mérite que tous les moyens disponibles y soient alloués. Vous comprendrez que si nous nous réjouissons de la liberté retrouvée pour les bailleurs, nous ne pouvons le faire des nouvelles charges qui pèsent sur l’État !

Nous ne pouvons pas davantage agréer la rigidité et la méfiance dont vous parez les professionnels de l’immobilier. Nous ne sommes pas opposés à plus de formation et d’encadrement – obligation de formation continue, conditions de compétence et encadrement de l’activité des agents commerciaux, ou encore responsabilité disciplinaire. Nous restons cependant très vigilants quant à ces nouvelles mesures afin qu’elles ne deviennent pas une charge administrative trop contraignante et inefficace pour les agents comme pour les clients.

À ce propos, nous ne pouvons pas non plus vous suivre, madame la ministre, s’agissant de la complexification de l’action des professionnels. Je ne peux citer ici la totalité des dispositions, mais il est certain que les frais d’agence – qui ne sont plus envisagés comme le paiement d’une prestation globale, mais qui sont désormais à l’acte – ou l’augmentation des mentions à inscrire sur les annonces immobilières sont bien des contraintes nouvelles.

Ainsi, la complexification des démarches de location et les dispositions d’encadrement des loyers en zone tendue allongeront la file d’attente pour trouver un logement et en outre dégraderont progressivement la qualité des logements. Comment ne pas voir l’évidence, madame la ministre, du repli du secteur locatif privé dû aux conditions que vous créez ? Déjà, les mesures fiscales décidées par le Gouvernement avaient instauré la défiance. Vous allez provoquer un sentiment d’ingérence dans la faculté à gérer le bien dont on est propriétaire et réduire la qualité d’aménagement des logements existants. En effet, à quoi bon aménager convenablement une cuisine ou une salle de bains si les loyers restent les mêmes ? Vous les découragez également en déséquilibrant dangereusement les rapports entre locataire et propriétaire

À l’issue de la première lecture, vous avez parfois pris en considération les bailleurs en acceptant l’amendement instaurant des pénalités pour retard de paiement de loyer. Nous regrettons que le Sénat ait supprimé ces dispositions et que la commission ne les ait pas rétablies en deuxième lecture. Nous sommes réservés sur l’élargissement des préavis à un mois et regrettons que ce qui était l’exception tende à devenir la règle. De même, nous sommes opposés à l’imputation exclusive des frais d’agence au bailleur ou à l’instauration d’un délai de sept jours pour compléter l’état des lieux. Pourquoi un tel déséquilibre ? Vous allez rompre l’équilibre financier de maints petits propriétaires parmi lesquels on compte, vous le savez madame la ministre, 17 % d’employés, 25 % de retraités et 20 % de cadres moyens, dont vous diminuez par ailleurs les ressources par bien d’autres mesures fiscales.

Les petits investisseurs se retireront du secteur et les grands investisseurs, en particulier les investisseurs institutionnels, auront d’autres champs de profit à explorer. Et si l’on constate à Paris une baisse du prix de l’immobilier, je ne sais s’il faut s’en réjouir, car elle traduit sans doute les premiers effets de la défiance que vous avez provoquée. On y constate en effet, comme le souligne le patron d’un grand réseau immobilier, « une désaffectation des particuliers investisseurs, ceux qui achètent pour louer leur logement ». « Ils ont pris peur », constate-t-il, « à cause de la politique gouvernementale qui parle de réquisitionner des logements ou d’encadrer les loyers ». Dès lors, nous défendrons bien évidemment un amendement de suppression de l’article 3.

Vous vous apprêtez à allonger la file d’attente d’un logement locatif, madame la ministre, pour les raisons qui viennent d’être avancées mais aussi parce que, depuis votre arrivée au pouvoir, la production de logements neufs et particulièrement de logement locatif social est en baisse. Je ne développe pas, c’est la matière du débat qui vient de vous opposer à M. Benoist Apparu. Réduire la file d’attente pour trouver un logement, soutenir l’emploi et les entreprises du bâtiment, cela consiste à construire et à tenir votre engagement de 500 000 logements. Nous craignons que l’inversion de la courbe soit aussi introuvable que celle de la courbe du chômage, car les mesures que vous proposez depuis dix-huit mois n’inspirent pas confiance aux investisseurs. C’est pourquoi nous avons soutenu certaines de vos ordonnances visant à relancer la construction, en particulier celle qui vise à lutter contre les démarches contentieuses injustifiées.

Vous pensez que le PLU élaboré à l’échelle intercommunale est susceptible de faciliter la production de logements. Nous le pensons aussi mais nous ne pouvons admettre qu’on agisse une nouvelle fois par la contrainte. Certes, vous ne rendez plus obligatoire le transfert de compétences mais vous l’assortissez de conditions de majorité de blocage telles que celle-ci sera réunie dans la plupart des cas, ce qui rendra le transfert quasiment automatique. On ne peut continuer à prendre les élus locaux pour de grands naïfs ! Il y a là une nouvelle remise en cause des communes que les élus locaux, en particulier ruraux, apprécieront à sa juste valeur à la veille des élections municipales.

Je vous encourage à tout faire, madame la ministre, pour que votre loi soit promulguée avant l’échéance électorale. Nous soutenons quant à nous les propositions de l’association des maires de France qui ménagent plus de place à un vrai débat et à un transfert de compétences par adhésion plutôt que par contrainte. Voilà, madame la ministre, l’ensemble des raisons qui nous conduiront à ne pas soutenir le projet en dépit de notre appui tout à fait sincère aux mesures relatives au logement indigne, aux copropriétés dégradées et à la gouvernance des copropriétés.

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