Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Nous y sommes ! Aujourd’hui, près de 3 700 normes encadrent et trop souvent entravent la construction d’un logement ! Un tel empilement pèse de plus en plus lourd sur les délais et les coûts de construction qui ont augmenté de 50 % au cours des douze dernières années. Or, selon les professionnels, les deux tiers de la hausse sont dus à la seule profusion de normes nouvelles. Voilà, madame la ministre, les questions appelant des réponses urgentes qu’il nous semble indispensable d’opposer à la crise actuelle. Malheureusement, nous ne les voyons guère poindre dans le projet de loi ALUR ni dans la politique conduite depuis dix-huit mois. Ne désespérons pas ! Le chef de l’État semble avoir décidé de soutenir l’activité en baissant les charges et en simplifiant les normes. En soufflant la première bougie du plan d’investissement pour le logement du 21 mars 2013, il annonce de nouvelles mesures et en appelle au financement privé pour relancer la construction de HLM. Toute initiative positive est la bienvenue et je ne me permettrai pas d’émettre un jugement a priori.

Force est néanmoins de constater qu’en matière de construction, le choc de compétitivité et le choc de simplification sont demeurés à ce jour des annonces non suivies d’effets. Quant au contenu du projet de loi ALUR dont le millésime 2014 n’est plus tout à fait celui de 2013 sur bien des aspects, que dire de l’ampleur des évolutions de certains articles pourtant présentés initialement comme fondateurs ? Je ne trancherai pas, au nom même du dialogue entre exécutif et législatif. Le texte contient des mesures intéressantes, en particulier le PLU intercommunal qui anime nos discussions depuis fort longtemps dans cet hémicycle, particulièrement en 2010.

Je me réjouis qu’il ait enfin trouvé sa place dans le projet de loi et qu’il ait survécu au double couperet du Sénat et de notre président de la commission des affaires économiques, le cher François Brottes. Dans la mesure où 60 % des 36 500 communes françaises comptent moins de 500 habitants et 27 000 moins de mille, un tel outil est pour le moins indispensable. Son instauration demain constituera selon nous un pas très important, au moins pour bien établir le lien entre logement et zones d’activité, de services et de mobilité, mais aussi pour construire plus et favoriser la mixité sociale et fonctionnelle. Bien entendu, les modalités du transfert de compétence des communes aux intercommunalités nous opposent parfois à nos amis sénateurs. Mais la minorité de blocage qu’ils souhaitent conférer aux communes tuerait dans l’oeuf la réforme et je me félicite que nous ayons fait le choix, lors de nos débats en commission, de rétablir une procédure de majorité qualifiée.

Les débats du mois de décembre ont par ailleurs mis au jour des lacunes dans d’autres domaines, celui-ci en particulier, que nous essaierons de combler. Au sujet de la garantie universelle des loyers, présentée comme une mesure emblématique du projet de loi, nous constatons une évolution notable de la part du Gouvernement. Dès le début de nos discussions, nous avons considéré qu’une telle garantie est justifiée, pour répondre tant aux difficultés de celui qui ne dispose pas du cautionnement nécessaire pour se loger qu’à celles du propriétaire dont le locataire ne paie pas les loyers.

Nos critiques ne portaient donc pas sur le bien-fondé d’une garantie universelle mais sur son financement et les modalités de sa mise en oeuvre, afin de répondre à la question suivante : comment mutualiser sans déresponsabiliser ? Dans le cadre du texte, les bailleurs ne préféreront-ils pas toujours recourir au cautionnement, comme c’est aujourd’hui le cas à plus de 80 % dans les zones tendues ? La question reste ouverte. Afin que la montagne n’accouche pas d’une souris, nous proposerons un amendement visant à mener une expérimentation dans différents territoires de typologies diverses et représentatives, afin d’en évaluer précisément l’applicabilité et les effets. Ainsi pourrions-nous adapter le dispositif avant d’en envisager la généralisation à l’ensemble du pays.

Quant à l’encadrement des loyers, nous persistons à penser qu’il constitue une très mauvaise réponse à une vraie question. Nous comprenons la nécessité de réguler les augmentations de loyers pour protéger les ménages modestes mais restons régulateurs sur ce point. Dans les zones tendues comme l’Île-de-France tout spécifiquement, je crains que votre texte tel qu’il est conçu n’aboutisse au résultat inverse de celui que vous escomptez, madame la ministre. Même si vous avez pris en compte un certain nombre de nos remarques, je répète ici que la référence à des loyers médians conduira inévitablement à des effets pervers majeurs. Dans le coeur des grandes villes, les loyers les plus élevés des ménages les plus aisés bénéficieront de baisses importantes alors que les ménages plus modestes qui bénéficient actuellement de loyers inférieurs au marché risquent de voir leur facture mensuelle augmenter. L’autre effet pervers, vous le connaissez, fera renoncer des bailleurs à investir ou effectuer des travaux de rénovation faute de pouvoir les répercuter sur les loyers.

Ainsi, partant d’une bonne intention, l’encadrement des loyers pourrait avoir des conséquences économiques et sociales très négatives alors même que notre pays connaît les difficultés que l’on sait. En revanche, disons-le, la possibilité pour les collectivités territoriales et les EPCI de créer des observatoires nous paraît très positive. Mais, là encore, analysons bien les informations recueillies avant de généraliser un dispositif. Je ne m’étendrai pas davantage sur d’autres dispositions dont nous reparlerons, en particulier les relations entre propriétaire et locataire dont il me semble qu’elles sont plutôt déséquilibrées au profit du locataire.

Plusieurs dispositions sont attendues et bienvenues, comme celles visant à prévenir l’endettement et la dégradation des copropriétés ainsi que le renforcement de la lutte contre l’habitat indigne. La lutte contre les marchands de sommeil obtient également notre approbation, sous la forme d’un amendement présenté par Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes aussi favorables à la plupart des dispositions visant à faciliter la densification. Malheureusement, ces mesures sont noyées au milieu d’une loi de 320 pages qui ne parviendra que difficilement et probablement pas du tout à compenser le décalage par rapport à la gravité de la crise actuelle qui la caractérise. J’en reviens à la première question : quel article du projet de loi apporte une réponse forte au problème majeur de l’insuffisance de l’offre de logement ? C’est d’abord ce manque qui explique que le groupe UDI ne puisse adopter le texte.

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