Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 21h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Or, c’est le maire qui est le premier interlocuteur des habitants de son territoire. C’est le maire, monsieur Piron, qui est l’acteur principal de la démocratie locale. C’est encore le maire qui connaît le mieux l’histoire de sa commune, de chaque rue, de chaque ruelle, de chaque intersection et de chaque habitation, pour ne pas dire de chacune et chacun de ses habitants. C’est donc le maire qui est le plus à même de comprendre les défis auxquels sa commune est ou pourra être confrontée. C’est enfin le maire qui peut efficacement définir la politique urbanistique adaptée à son territoire.

Certes, ces dispositions ont été assouplies au Sénat. Mais en les adoptant en l’état, ne risquons-nous pas d’ouvrir la porte à des modifications encore plus larges des pouvoirs attribués aux maires ? Pourquoi ne pas avoir inscrit la mise en place du PLU intercommunal dans une vaste réflexion sur les missions et les moyens dévolus à chaque échelon local ? Était-il vraiment judicieux d’introduire les articles 63 et 64 dans un texte déjà très dense et d’une grande technicité, au moment même où le Président de la République vient à nouveau d’annoncer un grand choc sur la réforme territoriale ? C’est tout de même incroyable : vous avez abrogé le conseiller territorial, sauf que le Président de la République nous a dit le contraire cet après-midi ! Nous ne savons plus où nous en sommes. De grâce, éclairez-nous sur votre vraie vision de l’organisation territoriale.

Supprimées au Sénat, les mesures concernant l’urbanisme commercial et l’obligation pour un SCOT d’inclure au moins deux EPCI ont été rétablies en commission des affaires économiques. Madame la ministre, vous avez le Conseil national de la montagne sous votre coupe et vous êtes responsable de l’aménagement du territoire. Vous devez savoir qu’imposer qu’un SCOT inclue au moins deux EPCI à fiscalité propre revient à faire fi de 25 % à 30 % du territoire national ainsi que de la spécificité de la loi montagne.

Par ailleurs, malgré la réintroduction des dispositions issues de nos travaux après leur suppression au Sénat, une réforme de l’urbanisme commercial s’avère impérativement nécessaire. Nous attendrons donc avec beaucoup d’impatience l’examen des mesures qui figureront dans le projet de loi sur le commerce de Mme Pinel.

Enfin, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové réforme le régime des zones à urbaniser en permettant leur évolution tous les neuf ans. L’objectif poursuivi par l’article 65 est plus que légitime car il cherche à encourager la construction de logements. Une nouvelle fois, sa rédaction, bien qu’elle ait été assouplie suite à son passage au Sénat et à l’introduction de l’automaticité du passage en zone naturelle, reste très contraignante. Les pouvoirs du maire seront strictement encadrés pour ce qui est de la maîtrise de son territoire. Des conséquences non négligeables pour la valeur des terrains en termes de déclassement, de risques financiers pour la collectivité, de contentieux et en matière de successions pourraient également être générées par le changement de nature des terrains situés en zone à urbaniser.

Pour conclure sur une notre plutôt positive, je tiens tout de même à saluer les avancées obtenues au Sénat dans la prise en compte de la spécificité des territoires de montagne et des zones rurales où le contrôle de l’urbanisation doit être mieux encadré que sur d’autres territoires. Ces mesures devront être pérennisées à l’issue de nos débats.

Comme je viens de le démontrer, le texte que notre assemblée s’apprête à examiner reste encore trop technique et beaucoup trop dense. Sa mise en oeuvre sur le terrain découragera inévitablement les professionnels du secteur de l’immobilier et les propriétaires, et là est le fond du débat. Il ne répondra sans doute pas à la crise que traversent actuellement le logement et le bâtiment. Il ne permettra pas non plus d’atteindre l’objectif de 500 000 logements par an fixé par le Président de la République, madame la ministre, et je pense qu’au fond de vous, vous l’avez compris. Il ne va pas non plus dans le sens du choc de simplification que défend ardemment votre majorité ces dernières semaines car il rendra les documents de planification et les procédures beaucoup trop complexes. Enfin, il réduira considérablement les moyens des maires en matière d’urbanisme.

Madame la ministre, je vous connais bien maintenant et je pense sincèrement qu’au fond de vous, vous souhaitez un texte qui contribue à régler la crise du logement et qui permette d’en construire plus dans notre pays. Et je vous dis sincèrement, après vingt ans de mandat local, que le présent texte, s’il est voté en l’état, en dépit de votre bonne foi, aura l’effet strictement inverse. Vous allez geler la construction des logements dans notre pays.

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