Intervention de Jean-Claude Mathis

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 21h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Mathis :

Plus que les textes qui l’ont précédé, propose-t-il de vraies solutions pour mettre fin à la grave crise du logement qui nous frappe ? Son objectif est d’oeuvrer contre la fracture résidentielle et de favoriser l’accès de tous à un logement digne et abordable. Beau et vaste programme. Ce projet de loi se veut également une réponse à la tension que subit le secteur locatif.

L’intention est bonne, évidemment, et nous ne pouvons qu’y souscrire. Mais le moins que l’on puisse dire est que ce texte se trompe d’objectif en s’attaquant certes à des sujets sensibles, tels que les rapports entre locataires et bailleurs, les copropriétés ou l’habitat participatif, mais en omettant le problème essentiel, urgent et prioritaire, qui est l’effondrement de la construction.

Ce constat est d’ailleurs partagé, puisque pour pallier la crise du logement, l’objectif du Président de la République pendant la campagne présidentielle était de passer de 430 000 logements construits chaque année à 500 000. Or, seulement 337 000 logements ont été mis en chantier en 2013, soit une baisse de 6,2 % sur les douze derniers mois. Tous les segments du marché, logements collectifs ou individuels, sont touchés. En outre, aucun redressement n’est attendu, selon les économistes, au premier semestre 2014.

L’enjeu essentiel est donc de produire des logements en plus grande quantité, en mettant fin à la crise de confiance, à l’instabilité juridique et fiscale chronique et à la défiance manifestée à l’égard des investisseurs. Je regrette vivement que, s’empêtrant dans des considérations dogmatiques, le projet de loi passe à côté de cet objectif.

Ce projet réforme ainsi les rapports locatifs en instaurant un dispositif général d’encadrement des loyers. Or les loyers élevés ne sont que les conséquences de la situation de tension que nous déplorons tous. La rareté des logements fait que les loyers ne baissent pas, ne baisseront pas et deviennent insupportables pour de très nombreux locataires.

Par ailleurs les dispositifs fiscaux ne sont pas suffisamment incitatifs pour les investisseurs. En outre, il est à craindre que l’encadrement des loyers ne décourage de nombreux propriétaires et investisseurs et entraîne le retrait du marché de trop nombreux logements, l’abaissement des prestations d’aménagement et la perte de confiance dans l’investissement locatif. L’encadrement des loyers risque de précipiter la dégradation du parc existant, de porter un nouveau coup d’arrêt à la construction et de pousser définitivement les investisseurs institutionnels à sortir de ce marché, entraînant une diminution encore plus importante de l’offre.

Le Gouvernement a également souhaité créer une garantie universelle des loyers pour lutter contre les impayés. Après bien des imprécisions, des attaques de la presse, des lobbies et des groupes de pression ont eu raison de cette idée forte. En effet, après avoir été amendé par le Gouvernement, l’article 8 du texte initial est désormais vidé de son contenu. La garantie universelle des loyers n’a maintenant plus rien d’universel puisqu’elle n’est plus obligatoire. Elle ne se substitue ni à la caution, ni à la garantie des loyers impayés. Certains sur ces bancs l’ont qualifiée de nouvelle version de la garantie des risques locatifs, à ceci près qu’elle serait financée par l’État par le biais d’un impôt supplémentaire, et non plus par les propriétaires.

Il est vrai que les dispositions permettant de lutter contre les copropriétés dégradées et l’habitat indigne, celles qui tendent à améliorer la prise de décision en copropriété ou celles qui prévoient la constitution de provisions destinées à financer d’importants travaux de rénovation ou de modernisation sont très intéressantes. Mais en tant que président d’un office départemental, j’aurais souhaité que ces mesures soient complétées par d’autres visant à fluidifier le marché et favoriser la création de nouveaux logements publics et privés, à accompagner les bailleurs sociaux pour renouveler l’offre par la démolition des logements vétustes ou obsolètes et à proposer une offre neuve, cohérente en volume et en prix avec le marché. Il est aussi nécessaire de prendre des mesures pour la gestion du dossier de l’amiante dans le parc social, dont le coût accentuera de fait la baisse de la production neuve. En effet, les coûts de désamiantage ne sont pas compatibles avec les moyens financiers des bailleurs sociaux. Ils obéreront donc leurs finances, et cela entraînera encore une baisse de la production neuve.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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