Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 21h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Comme l’emploi, l’éducation, la santé et la sécurité, le logement est pour nos concitoyens une priorité. C’est d’ailleurs le premier poste de dépenses des ménages, particulièrement pour les plus modestes et les classes moyennes. Mais pour nombre d’entre eux, c’est aussi un problème du quotidien, accentué par la crise économique et financière. Cette crise du logement porte atteinte au pouvoir d’achat des Français et à leur mobilité professionnelle.

Construire plus est la seule réponse efficace et juste pour endiguer la crise du logement. Or, notre pays ne construit pas assez de logements. Il en construit moins que les années précédentes : l’objectif de 500 000 constructions annuelles fixé par le Président de la République ne sera pas atteint, vous le savez, madame la ministre. Vous-même avez parlé de 300 000 logements cette année, et je doute que vous les atteigniez.

Il manquerait 3,7 millions de logements en France pour atteindre un taux d’équipement équivalant à celui que connaissent nos voisins allemands. Or, entre mars 2012 et avril 2013, seuls 336 000 logements ont été mis en chantier, soit une baisse de 18 % par rapport aux douze mois précédents, et les permis de construire accusent un net repli. Ce gel des transactions et de la construction est la cause majeure de la grogne des entreprises du secteur du bâtiment qui souffrent d’une baisse générale et sévère de leur activité et ne voient pas la reprise poindre à l’horizon.

Aussi, permettez-moi de revenir sur certains points qui me semblent importants. Le premier est l’encadrement des loyers. Cette mesure consiste à encadrer les loyers pratiqués par les propriétaires privés, dont le montant ne pourra être supérieur au loyer médian de référence fixé chaque année par le préfet. Résultat : dans les zones tendues, les loyers ne pourront plus dépasser 20 % du loyer médian du quartier à type de bien équivalent.

C’est une intention louable, madame la ministre, mais l’application de cette mesure sera extrêmement difficile, vous le savez. En effet, la carte des zones tendues me paraît finalement difficile à réviser. Pour la Bretagne, vous m’avez fait savoir que compte tenu des éléments que nous avions défendus auprès de vous, cette carte ne serait finalement publiée qu’au 1er janvier 2015. En outre, une telle mesure cumule tous les inconvénients d’un droit rigide et de l’insécurité juridique. Et les arrêtés préfectoraux qui devront être pris en application de la loi sur des périmètres à définir me paraissent reposer sur des critères particulièrement flous. Dans la pratique, ils feront naître de nombreuses incertitudes chez les propriétaires et amplifieront l’insécurité juridique. Ceci me semble être particulièrement préjudiciable à l’investissement dans le secteur du logement locatif.

Pour être réellement efficace, ce dispositif doit s’appuyer sur des observatoires locaux des loyers. Comment ces observatoires vont-ils être alimentés ? Comment seront-ils mis en place ? Dans quel délai ? Nous savons tous qu’en province il faut un minimum de cinq ans pour parvenir à disposer d’un outil fiable. Cette mesure est en fait une véritable usine à gaz. Elle risque encore une fois de créer des charges nouvelles pour nos collectivités territoriales sans transfert parallèle des ressources compensatoires, comme c’est malheureusement trop souvent le cas.

Certes, comme vous l’avez rappelé en réponse à la motion de rejet qui a été discutée cet après-midi, l’Allemagne a mis en place une telle mesure. Mais ce pays connaît un équilibre entre l’offre et la demande et la gestion de ces questions n’est pas centralisée, mais se fait au niveau des Länder.

Ce dispositif ne me parait pas de nature à atteindre vos objectifs. Je crains même qu’il ne soit tout à fait contre-productif. Je suis convaincu que le mécanisme créé par l’article 3 entraînera une augmentation des loyers inférieurs au loyer médian, mais pas des loyers supérieurs. Alors, vous allez abaisser le loyer des plus aisés et augmenter le loyer de ceux qui ont le moins de moyens.

Cette accumulation de réglementations visant à développer le nombre de logements locatifs risque d’aboutir au résultat inverse : les investisseurs privés ne mettront plus de nouveaux logements sur le marché locatif, et nous ne ferons qu’accentuer la baisse de production de logements.

Je veux également m’arrêter sur la garantie universelle des loyers qui sera mise en place à compter du 1er janvier 2016. Particulièrement décriée, votre mesure a subi de nombreuses modifications, à commencer par son mode de financement.

À l’origine, la garantie universelle des loyers devait être financée à 50 % par le locataire et à 50 % par le propriétaire, par le biais d’une cotisation de 1 % à 2 % sur le loyer. Finalement, après nos débats à l’Assemblée nationale et ceux du Sénat, vous avez décidé un financement différent. Mon expérience locale m’a montré à de nombreuses reprises combien il peut être difficile de recourir à une expulsion, notamment quand les locataires sont de bonne foi.

Comme vous, je souhaite que ces locataires puissent être protégés. Je m’interroge cependant sur le financement de cette garantie universelle à partir du moment où elle devient optionnelle et qu’elle n’a plus rien d’universel, puisqu’elle ne se substitue ni à la caution, ni à la garantie des loyers impayés. Je souhaiterais notamment savoir à quel montant vous estimez son financement, et aussi, comme l’a demandé M. Chassaigne tout à l’heure, pourquoi le logement social est exclu de ce dispositif.

Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je souhaite également évoquer devant vous une mesure de ce projet de loi qui me semble particulièrement grave : je veux bien entendu parler du plan local d’urbanisme intercommunal. L’article 63 vise au transfert de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme des communes aux communautés de communes ou aux communautés d’agglomération.

Je ne partage pas votre opinion à ce sujet. En retirant aux communes les plans locaux d’urbanisme, vous leur retirez une grande partie de ce qui fait leur substance : c’est un pas de plus vers la suppression des communes au profit de l’intercommunalité. Or je suis de ceux qui considèrent que la commune doit rester la collectivité de base de notre démocratie. C’est au sein même de cette structure que se reconnaissent les citoyens : c’est à elle qu’ils s’adressent quand ils rencontrent une difficulté. Cette collectivité est, pour moi, le premier acteur de la démocratie locale et les manifestations qui se déroulent actuellement dans les communes à l’occasion des cérémonies de voeux le démontrent encore tous les jours.

Le PLU détermine la physionomie de la commune. Dans des métropoles très denses et sans spécificité communale, le PLU peut effectivement être intercommunal, mais le plan local d’urbanisme intercommunal ne saurait être une règle générale. Un PLU d’en haut produira un urbanisme distancié, indifférencié. Je comprends la nécessité de mutualiser les moyens quand il s’agit de mieux faire ensemble ce que nous faisons moins bien tout seul, mais le plan local d’urbanisme est, pour moi, un acte fondateur, démocratique et politique pour la commune.

Il n’est pas acceptable que les maires soient privés de cette compétence. Les élus doivent rester maîtres de la construction de leurs villes et villages, car ils ont aussi la charge des équipements publics et des infrastructures qui bénéficient aux nouveaux habitants. Ils ont aussi la charge de délivrer les permis de construire, et je ne peux imaginer, madame la ministre, qu’ils exercent cette compétence sans pouvoir décider librement de la stratégie d’urbanisme qui doit être menée dans leur commune.

Complexification à travers la procédure du loyer médian, instauration d’une garantie universelle des loyers de nature à déresponsabiliser les locataires de mauvaise foi, mise en place de plans locaux d’urbanisme intercommunaux : autant d’éléments qui ne peuvent recueillir mon approbation, et qui me conduiront à voter contre ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion