Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Réunion du 14 janvier 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

…de proposer cet enseignement aux familles dans certains de nos territoires. De nouvelles écoles entièrement dévolues aux langues régionales verraient peut-être alors le jour. Elles deviendraient un droit commun régional et constitueraient un service public réservé à certains mais payé par tous. Soyons sérieux ! À l'heure où la loi Peillon fait de l'acquis des savoirs fondamentaux un élément essentiel de la lutte contre les inégalités scolaires – les langues étrangères ayant un rôle à jouer –, le budget de l'État et, demain, celui des régions peuvent-ils se permettre de financer des ouvertures de postes en nombre considérable pour enseigner en langue régionale ? Il me semble que si l'argent public devait être investi pour le développement des langues, l'effort devrait porter sur certaines langues patrimoniales comme le latin et le grec – aujourd'hui en régression alors qu'ils sont particulièrement utiles à la compréhension et à la maîtrise de la langue française –, mais aussi sur l'apprentissage du chinois, du russe et de l'arabe, langue de nos migrants, afin de permettre à nos jeunes de s'intégrer dans une économie mondialisée et un monde multipolaire.

En définitive, mes chers collègues, c'est bien la question de la cohésion nationale qui nous est posée. La République, fondée sur l'unité du peuple français, n'est pas achevée. Nous voyons tous les jours l'effet centrifuge des tentations communautaristes dont le repli régionaliste est l'une des variantes. Ce repli a notamment pour effet d'exclure plus encore les populations immigrées puisque la Charte exclut explicitement la langue des migrants, réservant nécessairement aux groupes « de souche » les possibilités qu'elle ouvre. L'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle s'attache d'ailleurs à lever un obstacle posé par la définition ethniciste du groupe. Il nous propose de vider de ses dangers cette notion de groupe, mais l'exercice est périlleux car il est impossible de prétendre que la référence à un groupe présent sur un territoire et pratiquant la même langue ne renvoie pas à l'ethnicité.

Pour certains d'entre vous, de bonne foi, la République est une oeuvre achevée et si solide qu'elle pourrait aujourd'hui tolérer l'ouverture qui nous est proposée. À mon sens, s'engager dans la démarche qui nous est proposée reviendrait à fermer les yeux devant les nombreux défis qui se posent aujourd'hui à notre pays parmi lesquels la fragmentation et le risque de dresser les Français les uns contre les autres par l'exclusion ne sont pas les moindres.

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