La séance est ouverte à 17 heures 05.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président.
La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Jacques Urvoas, la proposition de loi constitutionnelle de MM. Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas et plusieurs de leurs collègues visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (n° 1618).
Mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi constitutionnelle, présentée par M. Bruno Le Roux, M. Jean-Jacques Urvoas et leurs collègues membres du groupe SRC, visant à autoriser la ratification de la Charte européenne des langues régionales, inscrite à l'ordre du jour de la séance publique à partir du mercredi 22 janvier prochain. Notre commission des Lois s'est déjà penchée sur ce sujet et une série d'auditions nous a permis de publier en décembre 2012 un rapport d'information, présenté par notre président, M. Jean-Jacques Urvoas, sur les implications constitutionnelles d'une ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Plusieurs propositions de loi constitutionnelle ayant le même objet que celle dont nous sommes saisis ont été déposées par des députés appartenant à des groupes différents, nous pouvons espérer qu'il sera possible de parvenir à un consensus, voire à l'unanimité.
Adoptée en 1992 et signée par la France en 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, n'est pas un texte inconnu de notre assemblée. Il a suscité dans notre pays autant d'espoirs que d'inquiétudes car, si les uns veulent y voir l'instrument salutaire d'une libération, il constitue pour les autres l'odieux ferment de toutes les divisions.
À mon sens, les deux parties en présence surestiment considérablement la portée de la Charte. Vingt-cinq pays l'ayant déjà ratifiée en Europe, nous disposons de tout le recul nécessaire permettant d'évaluer ses effets, et l'expérience montre qu'elle n'est ni une poudre de perlimpinpin garantissant, comme par magie, la rédemption de langues moribondes, ni un bacille inoculé par les tenants d'une Europe ethnique en vue de disloquer les États nations. Gardons-nous en conséquence tant des excès d'enthousiasme de ses panégyristes que des théories complotistes véhiculées par ses contempteurs ! Ainsi parviendrons-nous peut-être à nouer ensemble un dialogue fructueux, susceptible de faire honneur, comme à notre habitude, à notre Commission.
La Charte est un outil utile et fécond. En elle-même, elle ne peut rien, ou pas grand-chose, mais, accompagnée d'une réelle volonté politique, elle peut devenir un instrument extrêmement précieux au service d'une politique linguistique ambitieuse et performante. C'est à ce titre que nous sommes nombreux à espérer que la France la ratifie, et que nous cherchons depuis de longues années à convaincre nos interlocuteurs. Il ne s'agira pas d'un aboutissement en tant que tel ; nous aurons seulement déverrouillé un cadenas. Tout restera encore à faire, mais, au moins, tout sera-t-il permis !
Par souci de concorde, je ne reviendrai pas sur l'histoire récente et sur le fait qu'il ait fallu attendre l'élection de M. François Hollande pour rendre cette évolution possible. La voie que je vous propose d'ouvrir ensemble a été tracée grâce aux travaux de notre Commission. En effet, le 29 novembre 2012, nous avons organisé une table ronde réunissant des universitaires afin d'identifier tant les contraintes juridiques susceptibles de faire obstacle à la ratification, que les moyens de nature à les lever. C'est ainsi qu'est née l'idée d'introduire un nouvel article 53-3 dans le titre VI de la Constitution, relatif aux traités et accords internationaux. Cette solution permet de contourner l'ensemble des écueils rencontrés lors du débat constitutionnel de 2008.
Elle permet aussi d'inscrire la ratification de la Charte dans la Constitution sans s'embarrasser des éventuelles clauses incompatibles avec cette dernière. Cette méthode dite de la « révision-adjonction » a largement fait ses preuves depuis une vingtaine d'années. Elle a notamment permis de surmonter les déclarations d'inconstitutionnalité qui ont frappé les traités de Maastricht en 1992, et d'Amsterdam en 1997, mais aussi le traité instituant la Cour pénale internationale en 1998.
L'idée prospéra et le Gouvernement étudia la perspective de déposer un projet de loi constitutionnelle disposant que « La République peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992. Les mesures figurant dans la partie III que la France s'engage à appliquer sont fixées par la loi, dans le respect des articles 1er et 2. » Cependant, cet espoir fut vite déçu après que le Conseil d'État a considéré, dans un avis du 7 mars 2013, qu'une telle ratification introduirait dans notre loi fondamentale « une incohérence profonde ». Le Gouvernement préféra alors écarter cette perspective.
Je ne veux pas revenir sur l'interprétation, à mon sens très discutable, que donne le Conseil d'État de la Charte, mais je souhaite insister sur un point qui me semble absolument crucial dans la mesure où, au-delà de la question qui nous occupe aujourd'hui, il touche à l'idée que nous nous faisons de nos institutions démocratiques. L'avis du Conseil d'État revient à considérer qu'il existe au sein de notre loi fondamentale une sorte de périmètre « supra-constitutionnel » dont il lui appartient de définir les contours. Les dispositions en question, selon lui, ne seraient susceptibles de faire l'objet d'aucune dérogation, atténuation ou remise en cause de quelque espèce qu'elle soit. Il faut bien mesurer la portée d'une telle argumentation, tant elle risque de bouleverser notre conception traditionnelle de la séparation des pouvoirs. Oui ou non la représentation nationale peut-elle s'accommoder de l'émergence d'un bloc intangible de principes supra-constitutionnels qui, s'imposant à elle, limiterait du même coup la souveraineté populaire ? Pour ma part, je ne saurais l'accepter. Je ne conçois pas qu'une disposition, quelle qu'elle soit, ne puisse être surmontée par l'intervention du pouvoir constituant, au moyen d'une révision constitutionnelle. Tel est l'usage, telle est la loi, tel est l'esprit de nos institutions, et rien ne serait plus aberrant que d'y renoncer.
Limitation du droit d'asile, parité entre les femmes et les hommes, transferts de compétences à l'Union européenne, définition du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie : on ne compte plus les occasions où le pouvoir constituant s'est employé à appliquer des mesures préalablement jugées non compatibles avec la Constitution. Le Conseil constitutionnel n'y voit d'ailleurs nulle objection : dans une décision du 2 septembre 1992, il a considéré que le « pouvoir constituant est souverain ».
Aucun argument juridique ne peut donc venir contrarier la volonté de la représentation nationale de ratifier la Charte, si du moins cette volonté s'exprime avec suffisamment de force. Ce constat m'a conduit avec le groupe SRC à relancer le processus interrompu à la suite de l'avis rendu par le Conseil d'État.
Pour sortir de l'impasse où nous nous trouvions, seules deux solutions étaient envisageables.
La première, sans doute audacieuse, aurait consisté à déposer une proposition de loi ordinaire, sans procéder à une révision constitutionnelle préalable.
Certes, saisi en 2011 d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a dénié à l'article 75-1 de la Constitution la qualité de droit ou de liberté que la Constitution garantit. Cependant, le même raisonnement a été tenu à propos de l'exigence de transposition des directives européennes, ce qui n'exclut nullement que le législateur doive, constitutionnellement, transposer les directives, que les lois de transposition fassent l'objet d'un contrôle de constitutionnalité spécifique et enfin qu'une loi de transposition manifestement contraire aux objectifs de la directive puisse être, pour ce motif, censurée.
On peut aussi considérer que, la Constitution comportant désormais un article 75-1, il convient de donner à celui-ci un contenu et une portée. Comment en effet admettre qu'existent dans la Loi fondamentale des dispositions sans portée normative, purement déclaratives ? Si les interprètes de la Constitution que sont le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ne consentent pas à leur donner un sens, alors il nous revient de le faire. Bref, l'idée n'est pas absurde d'appréhender l'article 75-1 comme une norme d'habilitation sur le fondement de laquelle le législateur aurait pu, en vue de satisfaire une exigence de sauvegarde des langues régionales en tant que composante du patrimoine de la France, décider d'autoriser la ratification de la Charte.
En substance, les conditions, notamment de majorité, dans lesquelles une telle loi pourrait être votée seraient évidemment déterminantes, mais ce n'est pas cette voie qui a été retenue par le groupe SRC car elle laissait intact la capacité d'intervention du Conseil constitutionnel.
Le choix opéré, plus sûr, a donc consisté à reprendre le chantier de la révision institutionnelle en optant pour le dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle.
Sa rédaction a été conditionnée par deux préoccupations majeures. Il s'agissait d'abord de s'assurer la mise en place d'un dispositif solide juridiquement, à l'abri de toute nouvelle invalidation par le Conseil constitutionnel. Elle visait ensuite à présenter un texte consensuel, susceptible de rassurer les plus rétifs de nos collègues, de manière à rassembler une majorité politique aussi large que possible, seule en mesure de garantir l'aboutissement du processus de ratification.
Comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de se faire plaisir en déposant une proposition de loi constitutionnelle « idéale » de nature à ravir les militants basques, bretons ou corses, mais condamnée à l'échec ! Nous cherchons plutôt un compromis fructueux en misant sur la bonne volonté et l'esprit de tolérance de l'ensemble des sensibilités représentées au Parlement. Parce que la politique est l'art du possible, nous laissons les rêves aux rêveurs.
Le contexte politique se prête à ce compromis comme cela n'a pas été le cas depuis très longtemps. Lors de la signature à Rennes du pacte d'avenir pour la Bretagne, le 13 décembre 2013, M. le Premier ministre a fait part de son souhait de voir se renouer « le fil du processus initié il y a près de quinze ans ». Le soutien du Gouvernement doit nous permettre de faire aboutir le processus de ratification que des vents contraires avaient enterré entre 2002 et 2012. Sachons tirer un parti optimal de cette fenêtre législative ! Il ne s'en ouvre pas suffisamment souvent sur les langues régionales pour que nous gâchions une telle opportunité.
Monsieur le président, je me permets de rappeler qu'au moins trois des membres du groupe SRC, issus des rangs du Mouvement républicain et citoyen ne sont pas signataires de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons.
À quels enjeux de fond sommes-nous confrontés ?
Ce débat vise d'abord à nous compter et à savoir si un texte visant à ratifier la Charte des langues régionales peut réunir les trois cinquièmes des voix du Parlement afin que le Gouvernement puisse déposer un projet de loi constitutionnelle qui serait soumis au Congrès.
Si la supra-constitutionnalité ne peut évidemment être opposée au Constituant, comme l'a souligné notre rapporteur, il faut ensuite surtout se demander à quels besoins répond la ratification que nous engageons.
Grâce notamment au rapport intitulé « Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne », présenté le 15 juillet 2013 à Mme la ministre de la Culture et de la communication par le comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, présidé par M. Rémi Caron, nous connaissons la situation actuelle.
Dans nos écoles, collèges et lycées, les familles qui le souhaitent peuvent aujourd'hui obtenir que leurs enfants suivent des cours en langue régionale. Pour la période 2011-2012, plus de 272 000 élèves dans treize académies ont bénéficié de cette possibilité. Même si les textes permettent d'aller plus loin, ce qui est souhaitable, un tel bilan n'est pas négligeable. L'enseignement en question peut être dispensé une heure et demie par semaine ou devenir la langue de la vie de l'école, la langue régionale étant alors la langue des activités des élèves pour la moitié de l'horaire. L'enseignement peut même se faire intégralement en langue régionale. Des expérimentations en ce sens ont déjà été conduites au Pays basque par exemple. Outre le secteur associatif, qui contribue activement à cet enseignement, ces vingt dernières années, plus de six cents postes ont été ouverts aux candidats d'un CAPES de langue régionale. L'État contribue donc, dans le secteur public comme dans le secteur privé sous contrat, au financement de l'enseignement de ces langues. Quant à ceux d'entre nous qui redouteraient leur déclin, je les rassure : leur enseignement est en progression régulière ; tous niveaux scolaires confondus, il s'est encore accru de 24 % ces trois dernières années.
Dans le secteur de l'administration et des services publics, la loi actuelle autorise également l'usage des langues régionales. L'État permet la traduction de tous les actes administratifs. Il autorise les documents bilingues dans tous les services publics y compris pour ce qui concerne les transports – sont évidemment concernées la toponymie et la signalisation routière.
Enfin, dans le secteur culturel, la France préserve et promeut les langues régionales qui constituent, nous sommes tous d'accord sur ce point, une véritable richesse commune. L'État et nos grandes institutions publiques permettent de valoriser ces langues. L'accord passé entre la Bibliothèque nationale de France, la région Languedoc-Roussillon et la ville de Béziers a par exemple permis la création d'un Centre interrégional de documentation occitane à Béziers, qui met la langue et le patrimoine occitans en valeur et les rend accessibles au public.
Nous constatons que la loi française permet très largement et légitimement de faire rayonner les langues régionales. Il appartient aux acteurs d'en faire un usage plus volontariste et de soulever la question des moyens. Si la Révolution française a poursuivi une politique d'unification linguistique dont la symbolique a très fortement marqué certains d'entre nous, notre République a déjà beaucoup évolué et elle cherche aujourd'hui à valoriser le patrimoine linguistique dont elle dispose.
Mais que veut-on de plus en ratifiant une Charte dont certaines des dispositions conformes à notre Constitution sont déjà en vigueur, alors même que le rapport Caron montre que le développement du rayonnement des langues régionales peut se faire sans modifier le droit positif et qu'il ne préconise que l'adoption d'une loi à portée symbolique ?
On peut penser que trois avancées sont recherchées qui me paraissent toutes périlleuses tant pour l'égalité devant les services publics que pour la cohésion nationale.
Il pourrait tout d'abord s'agir d'instaurer une obligation pour tous les services publics de formuler l'intégralité de leurs actes en langue régionale. Si l'on passe sur la lourdeur des procédures pour nos administrations, dont on essaie aujourd'hui pourtant de simplifier le fonctionnement, est-il souhaitable que certains usagers disposent, contrairement à la pratique actuelle, d'actes administratifs dans une langue autre que le Français sans aucune traduction. Je sais qu'une réserve interprétative a été émise concernant ce sujet, mais il me semble qu'elle manque de clarté.
Ensuite, s'agissant plus particulièrement de la justice, la ratification la Charte répondrait à la volonté d'établir la « co-officialité » selon laquelle l'acte émis en langue régionale a la même force juridique que s'il était émis dans la langue nationale. Un testament en breton s'imposerait à votre petit-fils auvergnat qui serait dans l'incapacité de le lire ! J'avoue que j'ai du mal à percevoir qu'une demande s'exprime en la matière.
Enfin, on peut penser que la proposition de loi constitutionnelle recherche une extension considérable de la place des langues régionales à l'école. Nous avons relevé, lors de l'examen du projet de loi pour la refondation de l'école de la République soutenu par M. Vincent Peillon, une forte offensive conjointe de nos collègues Verts et UMP pour tenter de faire adopter l'obligation d'enseigner en langue régionale et d'imposer cet enseignement aux familles…
…de proposer cet enseignement aux familles dans certains de nos territoires. De nouvelles écoles entièrement dévolues aux langues régionales verraient peut-être alors le jour. Elles deviendraient un droit commun régional et constitueraient un service public réservé à certains mais payé par tous. Soyons sérieux ! À l'heure où la loi Peillon fait de l'acquis des savoirs fondamentaux un élément essentiel de la lutte contre les inégalités scolaires – les langues étrangères ayant un rôle à jouer –, le budget de l'État et, demain, celui des régions peuvent-ils se permettre de financer des ouvertures de postes en nombre considérable pour enseigner en langue régionale ? Il me semble que si l'argent public devait être investi pour le développement des langues, l'effort devrait porter sur certaines langues patrimoniales comme le latin et le grec – aujourd'hui en régression alors qu'ils sont particulièrement utiles à la compréhension et à la maîtrise de la langue française –, mais aussi sur l'apprentissage du chinois, du russe et de l'arabe, langue de nos migrants, afin de permettre à nos jeunes de s'intégrer dans une économie mondialisée et un monde multipolaire.
En définitive, mes chers collègues, c'est bien la question de la cohésion nationale qui nous est posée. La République, fondée sur l'unité du peuple français, n'est pas achevée. Nous voyons tous les jours l'effet centrifuge des tentations communautaristes dont le repli régionaliste est l'une des variantes. Ce repli a notamment pour effet d'exclure plus encore les populations immigrées puisque la Charte exclut explicitement la langue des migrants, réservant nécessairement aux groupes « de souche » les possibilités qu'elle ouvre. L'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle s'attache d'ailleurs à lever un obstacle posé par la définition ethniciste du groupe. Il nous propose de vider de ses dangers cette notion de groupe, mais l'exercice est périlleux car il est impossible de prétendre que la référence à un groupe présent sur un territoire et pratiquant la même langue ne renvoie pas à l'ethnicité.
Pour certains d'entre vous, de bonne foi, la République est une oeuvre achevée et si solide qu'elle pourrait aujourd'hui tolérer l'ouverture qui nous est proposée. À mon sens, s'engager dans la démarche qui nous est proposée reviendrait à fermer les yeux devant les nombreux défis qui se posent aujourd'hui à notre pays parmi lesquels la fragmentation et le risque de dresser les Français les uns contre les autres par l'exclusion ne sont pas les moindres.
Je m'exprime à titre strictement personnel. Mes compétences ne me permettent guère de porter un jugement définitif sur le fond, et mes convictions ne sont pas aussi assurément établies que celles de certains de mes collègues. Je respecte toutefois profondément le souhait maintes fois exprimé sur tous les bancs de notre assemblée, et dans diverses régions de notre pays, de voir avancer la cause des langues régionales. L'idée que notre pays ratifie la Charte européenne ne me choque pas.
En revanche, la démarche qui nous est proposée me préoccupe. Il aurait été logique que la ratification d'un traité dont certains éléments sont contraires à la Constitution donne lieu à l'examen d'un projet de loi constitutionnelle. L'initiative de la ratification aurait évidemment dû revenir à l'exécutif, signataire du traité, d'autant, je le rappelle, que l'adoption définitive d'une proposition de loi constitutionnelle ne peut passer que par la voie du référendum.
Je n'ose pas croire que la démarche en cours ne puisse avoir pour seul objet de « tâter le terrain » et de compter les voix avant que le Gouvernement ne reprenne éventuellement la main. Je m'oppose à ce type de pratique.
À titre personnel, je suis par ailleurs particulièrement hostile à l'introduction dans la Constitution de dispositions qui ne pourraient pas être lues de façon claire et immédiate par tous les Français. S'il est parfaitement légitime que la lecture de la loi ordinaire complexe puisse être difficile, cela ne doit pas être le cas de la Loi fondamentale. Or les circonvolutions du texte que nous examinons seront incompréhensibles pour nos concitoyens. En ce sens, j'estime qu'elles porteraient atteinte à la nature même de notre Constitution.
Pour l'ensemble de ces raisons, je ne formule pas aujourd'hui de position définitive sur cette proposition de loi constitutionnelle, même si j'avoue être très gêné par l'approche qui nous est proposée.
Je suis depuis longtemps déjà partisan de l'adoption de la Charte européenne des langues régionales par la France.
Il faut tout d'abord se souvenir que la France l'a signée en 1999 en s'engageant à n'appliquer que trente-neuf des quelque quatre-vingt-dix mesures qu'elle comporte. Certaines des dispositions évoquées servent souvent d'épouvantail alors qu'elles n'auront pas à s'appliquer à notre pays si nous ne le souhaitons pas.
Ensuite, il faut rappeler que certaines des trente-neuf mesures sont d'ores et déjà en vigueur sur tout ou partie du territoire – une zone comme le Pays basque bénéficie par exemple d'accords spécifiques.
J'estime pour ma part que nous aurions pu nous dispenser d'une révision constitutionnelle. Bien sûr, le risque d'inconstitutionnalité n'aurait pas été nul, mais il existe toujours lorsque nous légiférons. Quels obstacles aurions-nous rencontrés ? L'avis rendu par le Conseil d'État le 7 mars 2013 a certes été rendu public et pris très au sérieux, mais combien de fois le Gouvernement a-t-il décidé de passer outre ce qui n'est qu'un avis ? Quant à la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999, si on l'examine de près, elle ne crée pas à mon sens un obstacle insurmontable. J'ajoute qu'elle est déjà ancienne, que les membres du Conseil ont été depuis largement renouvelés, et que la révision constitutionnelle de 2008 a introduit les langues régionales dans la Constitution à l'article 75-1 – mais la majorité actuelle a peut-être du mal à admettre le bien-fondé d'une révision constitutionnelle qu'elle n'a pas votée lorsqu'elle était dans l'opposition.
La voie de la révision telle qu'elle a été choisie me semble contestable sur deux points.
Je crains tout d'abord qu'il ne s'agisse d'une impasse en termes de procédure. Le référendum me paraissant exclu, elle ne peut en effet mener nulle part. S'il s'agit de « se compter » – et pourquoi pas ? –, cela signifie qu'il faudra tout reprendre à zéro dans un deuxième temps ce qui n'est jamais si aisé. L'engagement n° 56 du candidat François Hollande, qui plus est sur un sujet international, devrait en tout état de cause donner lieu au dépôt d'un projet de loi constitutionnelle qui permettrait de réunir le Congrès – option plus raisonnable que le référendum.
Je constate aussi que le texte que vous avez retenu constitutionnalise une déclaration interprétative. Autrement dit, quinze des seize lignes de la proposition de loi constitutionnelle que vous nous soumettez sont, en quelque sorte, des clauses négatives. Les associations et les militants concernés sont très inquiets car ces dispositions, ainsi placées au sommet de la hiérarchie des normes, pourraient être utilisées demain contre des actes réglementaires ou des mesures législatives favorables aux langues régionales. Souvenez-vous que la constitutionnalisation du français comme langue de la République, qui, dans l'esprit du constituant visait à faire obstacle à l'expansion de la langue anglaise, a constitué un frein au développement des langues régionales ! Il serait préférable d'en rester à une formulation simple autorisant l'exécutif, qui pourrait par ailleurs procéder à une déclaration interprétative, à ratifier la Charte. C'est la solution proposée par une proposition de loi constitutionnelle n° 1656 que j'ai déposée avec plusieurs de mes collègues.
Sur le fond, évitons les mistigris ! Il ne s'agit ni de faire la révolution ni de reconnaître tel ou tel groupe. Nous ne traitons, par ailleurs, que des langues traditionnellement parlées sur notre territoire, des langues de l'Europe et de l'outre-mer, car les langues de l'immigration doivent faire l'objet d'un autre débat. Quant à la République, elle n'est pas uniquement uniformité : Paul Vidal de la Blache ne nous a pas attendus pour affirmer que la France était diversité. Pourquoi ne pourrions-nous pas associer intelligemment, comme d'autres pays le font, l'unité nationale et la diversité ? Pourquoi nous en tenir à une vision exagérément crispée de l'unité ? La France s'enrichit de ses différences ; elle a tout à y gagner à condition qu'elles soient vécues de manière sereine. Enfin, évidemment, il ne s'agit en aucun cas d'aller à l'encontre de la langue française. Je rappelle que le réseau des écoles Diwan, en Bretagne, bat des records en termes de succès scolaires. En l'espèce, au bilinguisme répond l'épanouissement total de la langue française.
Évitons de demeurer, avec la Turquie, l'un des seuls pays qui s'oppose à la ratification de la Charte ! Et, en admettant qu'il faille en passer par une révision constitutionnelle, simplifions la procédure !
L'origine parlementaire du texte dont nous débattons nous permettra peut-être d'aborder ce débat plus sereinement et de façon moins politicienne que si nous avions dû discuter d'un projet de loi constitutionnelle. Cela est d'autant plus nécessaire que la question divise au-delà des clivages habituels au sein des familles politiques – hormis peut-être la nôtre.
Depuis l'adoption de la Charte en 1992, le blocage que nous constatons dans notre pays traduit le refus de reconnaître légalement une diversité culturelle reposant sur une exceptionnelle richesse linguistique. Paradoxalement, la France défend la richesse culturelle hors de ses frontières alors qu'elle ferme les yeux sur celle de son propre territoire. Comment réagirait notre pays si le Canada devenait un État unitaire et décidait que son administration ne devait plus pratiquer partout que l'anglais ? Il est également paradoxal de constater que ceux qui sont les premiers à affirmer que la France est la patrie des droits de l'homme – il y eut d'abord la Corse et les États-Unis – traînent des pieds pour suivre les recommandations du Conseil de l'Europe, de l'UNESCO ou du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, qui l'engagent à reconnaître les différences linguistiques.
Pour en venir à ce qui est vécu sur le terrain, contrairement à ce que j'ai pu entendre, l'enseignement bilingue n'est pas synonyme de surcoûts car il ne nécessite pas de créations de postes d'enseignants : le nombre d'élèves et d'heures de cours n'est pas modifié. Si, au Pays basque, environ 33 % des élèves bénéficient d'un enseignement bilingue proposé dans 55 % des écoles, en Bretagne, seulement 4 % de la population scolaire a accès au bilinguisme, ce qui est insuffisant pour pérenniser l'usage de la langue. Madame Bechtel, croyez-en mon expérience personnelle : inscrire son enfant dans une classe bilingue est un véritable parcours du combattant ! En 1993, il m'a fallu convaincre la mairie, réunir les parents, trouver un enseignant bilingue, occuper l'inspection académique et utiliser les médias pour obtenir l'ouverture d'une classe bilingue. Depuis, les choses se sont certes pacifiées, mais des difficultés demeurent. C'est parce que nous avons besoin d'une réelle sécurité juridique que nous demandons la ratification de la Charte.
L'insécurité juridique concerne également les traductions. Elles sont autorisées par le Conseil constitutionnel mais, lorsque le maire de Carhaix établit un livret de famille bilingue, on lui explique qu'il doit rédiger un document annexe.
On sait aussi qu'à Villeneuve-lès-Maguelonne, le tribunal administratif a exigé le retrait des panneaux signalétiques portant le nom de la commune en occitan, au motif que cela risquait de provoquer des accidents. Je vous laisse pourtant imaginer le tollé que provoquerait la suppression de toute la signalétique bilingue dans nos régions, sans compter que nous deviendrions la risée de l'Europe.
Un mot également sur les médias en langue régionale, trop rares, alors qu'ils sont importants pour la pérennité de ces langues.
Le rapport Caron, auquel j'ai contribué, parle d'un « acte juridique fort » : cela peut être une loi – je rappelle qu'à l'époque où ce rapport a été commandé, le Gouvernement ne souhaitait pas ratifier la Charte européenne –, mais la solution privilégiée reste évidemment la ratification de la Charte, bien qu'elle nous laisse à des années lumières de la co-officialité.
Les langues régionales ne sont pas forcément le fait de groupes ethniques installés depuis des générations sur un territoire. Je connais des gens d'origine étrangère qui parlent couramment le breton. Je suis pour ma part le premier membre de ma famille, depuis le XIVe ou le XVe siècle, à parler breton, puisque mes parents parlaient plutôt le gallo.
Les associations de défense des langues régionales s'inquiètent aussi de l'usage obligatoire du français dans le cadre des missions de service public. C'est impossible dans les territoires d'outre-mer, où le créole, parlé par 90 % de la population, est la langue vernaculaire. Par ailleurs, on peut craindre que certains chefs de service prennent prétexte de cette obligation pour interdire aux membres de leur administration d'user entre eux de ce qu'ils n'hésiteraient pas à qualifier de jargon ou de baragouin.
Lors de la révision de l'article 2 de la Constitution, en 1992, certains souhaitaient mentionner le « respect des langues régionales ». Il leur avait été rétorqué que c'était inutile car il s'agissait avant tout de se défendre contre l'hégémonie de l'anglais. En vérité, l'article 2 a essentiellement servi à lutter contre les langues régionales, c'est-à-dire contre notre patrimoine linguistique.
L'examen de cette proposition de loi s'inscrit dans un long processus, entamé il y a un quart de siècle. Les voies de passage sont en effet étroites ; nous sommes en France, dans une vieille république, et on ne bouscule pas une dame qui a plus de deux cents ans. Face aux réticences et aux résistances, il convient donc de ne pas agiter le chiffon rouge.
Je considère, cela étant, comme un point positif, le fait que cette proposition de loi ait été déposée par plusieurs groupes politiques, ce qui prouve que le sujet est transpartisan. Je souhaiterais néanmoins connaître les intentions véritables du président de la République et du Gouvernement sur cette affaire. Je ne doute pas que le Président ait à coeur de respecter l'engagement pris lors de sa campagne.
L'UDI, et avant elle, l'UDF, ont toujours été favorables à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, car nous avons toujours milité pour une Europe des peuples. Or qui dit langues régionales dit échanges culturels, communication et dialogue entre les peuples.
Il s'agit également de faire fructifier le trésor que sont pour l'Europe les langues régionales. À une époque marquée par le développement de nouvelles technologies de communication, il est primordial de redonner toute son importance à l'histoire de nos langues. Faire prospérer les langues régionales ne menace en rien l'unité républicaine.
Les récents événements en Bretagne ont mis au jour le sentiment de défiance qui se développe dans certaines régions à l'égard du pouvoir central. Cela n'empêche pourtant pas une profonde loyauté envers l'État républicain, dont ces régions attendent néanmoins davantage de reconnaissance et la mise en oeuvre d'une véritable politique de décentralisation.
La France est signataire de la Charte européenne des langues régionales, et il est donc tout naturel que nous la ratifiions et que nous rejoignions la cohorte des vingt-cinq États l'ayant déjà fait.
Je réitère enfin ma question sur les voies juridiques que souhaite emprunter le Gouvernement car, comme l'ont souligné Guy Geoffroy et Marc Le Fur, personne ne peut croire au référendum.
En 1999, alors que j'oeuvrais pour la ratification de la Charte, les arguments des opposants étaient les mêmes et déjà à l'époque, ils n'étaient pas nouveaux : ce ne sont que des arguments de procédure et des arguties juridiques car, dans le fond, les langues régionales ne menacent évidemment pas la République, dont elles sont, au contraire, l'une des richesses.
Tant que nous n'aurons pas ratifié la Charte, nous débattrons et incriminerons en vain le ministre de l'Éducation nationale et les recteurs, comme nous le faisons depuis quinze ans. Une porte s'ouvre aujourd'hui, il faut s'y engouffrer. Quant à la stratégie à adopter ensuite, tout dépendra du vote de l'Assemblée nationale. S'il est massivement favorable à la ratification, cela peut changer la donne, influer sur la position du Gouvernement et, pourquoi pas, déboucher sur un projet de loi. En attendant ne nous obligez pas à traduire en français sur les panneaux de signalisation les beaux noms de nos villages d'Alsace : Willgottheim, Handschuheim, Breuschwickersheim…
Je remercie le rapporteur d'avoir évoqué la relation entre le pouvoir constituant et le pouvoir constitué, qui est un point-clé dans l'affaire qui nous occupe. Je souscris évidemment aux propos de Marc Le Fur et me réjouis par ailleurs qu'avec Armand Jung, nous puissions nous retrouver sur ce sujet d'intérêt général qu'est la Charte européenne des langues régionales. Il s'agit d'un sujet auxquels nous, Alsaciens, sommes viscéralement attachés, car il en va de notre langue maternelle, consubstantielle à notre identité.
Cela étant, nous craignons que la rédaction de votre proposition de loi conduise à une interprétation restrictive des mesures pouvant être prises en faveur de nos langues régionales. En effet, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999, déclarant inconstitutionnelle la reconnaissance de droits collectifs à un groupe défini par une communauté de langue, une interprétation s'est développée, selon laquelle toute forme de disposition juridique prise en faveur des langues régionales s'analyserait comme un droit collectif au bénéfice d'un groupe linguistique. De même, le principe constitutionnel d'égalité a été opposé aux mesures favorisant les langues régionales.
Or la proposition de loi constitutionnelle qui nous est soumise comporte des réserves d'interprétation de la Charte, se référant notamment à l'exclusion de droits collectifs au bénéfice de groupes linguistiques. Il existe donc à mon sens un risque sérieux que, contrairement à l'intention des auteurs de la proposition, ces réserves soient interprétées de manière extensive et servent à fonder de nouvelles oppositions à une politique active en faveur des langues régionales, au motif qu'elle serait inconstitutionnelle. J'en veux pour preuve l'argumentation développée par Mme Bechtel.
Il est pourtant essentiel que le texte qui sera adopté écarte clairement de telles interprétations, faute de quoi la Charte européenne des langues régionales pourra sans doute être ratifiée, mais guère mise en oeuvre. Nous préconisons donc que soit adoptée une formulation qui autorise la ratification de la Charte sans que soient mentionnées les réserves actuellement précisées dans le texte. Une ratification purement formelle de cette charte, qui ne s'accompagne pas d'une action résolue de promotion de nos langues régionales telle que prévue à l'article 7 de la Charte serait en effet vaine : nous aurions franchi une étape sans pouvoir aller plus loin.
C'est pourquoi le texte adopté par notre Parlement devra exprimer clairement le mandat donné aussi bien au législateur qu'au Gouvernement de créer, au bénéfice de nos langues régionales, un statut juridique leur donnant, sans préjudice du rôle incontesté de la langue française, une place reconnue dans notre république et leur assurant des conditions effectives de transmission et de mise en valeur.
J'interviens ici comme représentante de notre Assemblée au Conseil de l'Europe, lequel a pris position à plusieurs reprises en faveur du développement des langues régionales et minoritaires en Europe. Plusieurs résolutions et recommandations ont été votées, demandant aux États concernés de ratifier la Charte et de l'appliquer, ce que la France a jusqu'à présent refusé, arguant de la nécessité de garantir la cohérence avec nos autres lois.
Cette proposition de loi constitutionnelle nous donne aujourd'hui l'occasion de franchir cet obstacle. Elle permettrait à la France d'être partie prenante d'un dispositif international, en rappelant que nous tenons à ce que les droits des personnes soient reconnus. Les États n'hésitent pas à reconnaître des droits économiques individuels, y compris lorsque ces derniers peuvent menacer leur souveraineté ; ils sont en revanche plus réticents lorsqu'il s'agit de droits culturels, quand bien même il ne s'agit pas de droits-créances. Ratifier la Charte permettrait de corriger ce déséquilibre et constituerait une nouvelle étape dans la reconnaissance des langues régionales et minoritaires.
Des blocages institutionnels subsistent dans notre pays sur des sujets aussi importants que celui dont nous traitons ici, ce qui nous vaut l'honneur de figurer avec la Belgique mais surtout la Turquie, parmi les pays n'ayant pas ratifié la Charte. Je rappelle qu'en Turquie, trente millions de Kurdes sont empêchés de parler leur langue historique et que les Assyro-Chaldéens, chrétiens d'Orient qui parlaient l'araméen, ont pratiquement tous été poussés à l'exil car leur langue était condamnée. Un tel compagnonnage est problématique à mes yeux. C'est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi, même si les risques sont réels. Il s'agit d'un long parcours, mais sans doute la politique des petits pas sera-t-elle, à terme, efficace et permettra de faire entendre raison à ceux qui s'opposent à une évolution naturelle.
Certes, madame Bechtel, la République n'est pas achevée, loin de là ! Car la République ne va pas de soi, elle est un combat quotidien. Mais elle peut parfois se fourvoyer, et je pense que ce fut le cas au XIXe siècle sur les questions touchant aux minorités ou à la colonisation. La mise en oeuvre de l'idéal républicain n'a pas toujours été à la hauteur de cet idéal, et faire disparaître des langues minoritaires qui font partie de notre culture commune ne me paraît pas conforme à notre devise de « Liberté, égalité, fraternité », pas plus qu'aux principes de tolérance et de respect de l'autre que nous défendons.
J'ajouterai pour conclure que la première fois que les idéaux républicains et les principes des Lumières ont été mis en oeuvre en Europe, c'était vers 1760, alors que la France subissait encore le joug monarchique. Une petite république a mis en oeuvre le droit de vote pour les femmes et le droit de cité pour les Juifs : la Corse. Comme quoi, la République n'est pas toujours là où on l'imagine !
Les députés présents ici sont majoritairement favorables à la ratification, mais je doute que nous soyons majoritaires dans l'hémicycle. Cosignataire de la proposition de loi constitutionnelle de Marc Le Fur, j'ai évidemment pris connaissance de celle que nous propose aujourd'hui le rapporteur. Or il me semble qu'elle manque d'ambition, la déclaration interprétative empêchant l'application de certaines mesures auxquelles nous serions favorables.
La ratification de la Charte des langues régionales constituait l'engagement 56 du candidat François Hollande. Or lorsque le président de la République veut faire respecter l'un de ces engagements, il n'hésite pas à le faire porter par son Gouvernement. Au vu du véhicule retenu – une proposition de loi –, j'ai donc des doutes sur sa volonté de mener le processus à son terme.
Nous aurons, les uns et les autres à convaincre du bien-fondé de la ratification. Je m'inscris ici en faux contre les arguments de Mme Bechtel qui évoque le communautarisme et pour qui les langues régionales menacent la cohésion nationale.
Bien d'autres mesures prises par le Gouvernement favorisent aujourd'hui un communautarisme auquel l'UMP est farouchement opposée.
Ce texte, qui doit nous permettre de lever les obstacles juridiques qu'a notamment évoqués Paul Molac, se réfère aux langues régionales ou minoritaires : s'agit-il d'un « ou » exclusif ou inclusif, et pourrait-on avoir une définition claire ou une liste de ces langues régionales, voire minoritaires ? Le breton, le gallo, l'alsacien, l'occitan, la langue mosellane, le basque, le béarnais, le créole en font-elles partie ?
Si je soutiens la démarche du rapporteur, j'estime que nous sommes encore loin du but, puisque non seulement la date du vote sur cette proposition de loi n'a pas été arrêtée mais que, de surcroît, les conditions d'un référendum sur cette question ne me paraissent pas réunies aujourd'hui, dans la mesure où, dans un référendum, chacun sait que l'on ne répond pas à la question mais à celui qui la pose.
Je suis perplexe. Conscient de la richesse que représentent pour le développement culturel et économique ou la création artistique dans nos régions les langues régionales dont la République, malgré les dragonnades, n'a pu empêcher le développement en Corse, en Bretagne, au Pays basque ou en Alsace, je n'en suis pas moins un héritier des jacobins, qui ont toujours défendu le français comme langue de la République. Je sais aussi que, si les girondins chantaient en français sur la charrette qui les conduisait en 1794 à la guillotine, les soldats de 14-18 recevaient leurs ordres en français mais mourraient en parlant breton ou corse, ce qui justifie en soi la défense des langues régionales.
Dans mon groupe, siège le président du conseil régional de la Corse, qui nous a démontré qu'il fallait soutenir ce texte. Je le soutiendrai donc par amitié pour mes amis corses, non sans avoir livré les observations suivantes :
Les langues régionales ne doivent pas compromettre nos efforts – encore insuffisants – en faveur du développement de la francophonie, sachant qu'en 2050, 80 % des locuteurs parlant le français dans le monde ne seront pas français.
Concernant la forme ensuite, j'ai du mal à comprendre pourquoi on nous soumet une proposition de loi, à moins qu'il ne s'agisse que d'un texte d'appel. Il est clair en effet que passer par le référendum est la meilleure façon de tuer les langues régionales, puisqu'il n'existe actuellement en France aucune majorité référendaire. Étudions donc, avec le Gouvernement, un texte sur lequel il sera possible d'obtenir la majorité des trois cinquièmes au Parlement, car il ne me semble pas que l'opposition y soit hostile. Quoi qu'il en soit, malgré mes préventions jacobines et mon amour pour l'Incorruptible, je voterai ce texte.
Je me réjouis de la qualité de notre débat d'aujourd'hui. L'inscription de ce texte à notre ordre du jour est le résultat d'un long processus fait de patience, d'abnégation, d'opiniâtreté et, à certains égards, de blessures profondes que notre majorité est sur le point de panser – et je salue ici toutes celles et ceux qui se sont battus pendant des années pour faire avancer la question des langues régionales.
Les langues régionales de France sont au coeur de notre identité. Nos langues ont une histoire, une syntaxe, un phrasé, une musique, une originalité. Elles sont des trésors qu'il est un devoir de préserver. Nier les langues régionales françaises, c'est nier l'histoire de la France. Ces langues ne mettent pas en péril, bien au contraire, la langue française. Si nous voulons sauver notre langue, il faut d'abord sauver les langues régionales. Le monolinguisme ne sauvera pas la langue de Molière, il finira par la tuer elle aussi.
Posséder deux, trois ou quatre langues, c'est disposer d'une ouverture extraordinaire sur le monde, réfléchir autrement, s'enrichir des différences. Je suis moi-même élue d'une circonscription où deux langues régionales « en danger » au sens de l'indice de vitalité de l'Unesco sont pratiquées : le basque et l'occitan, parlées par mes deux grands-mères, à qui la bonne société avait interdit de les transmettre à leurs enfants et petits-enfants, lesquels en ont tous souffert. Ces deux langues font partie de mon histoire, de mon enfance et de ma construction personnelle. En les défendant et en m'appliquant à mieux les apprendre et à les pratiquer, je n'ai pas le sentiment de mettre la République en danger ou de porter atteinte à la cohésion sociale. Et je rassure Mme Bechtel : mes deux grands-mères étaient parfaitement françaises.
Notre majorité s'est engagée fortement en soutenant cette initiative parlementaire. Responsable avec Armand Jung de ce texte pour le groupe SRC, je ne peux que vous inviter à le soutenir en votant favorablement. C'est un texte audacieux qui lève les obstacles juridiques et répond précisément aux deux points de droit brandis par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 15 juin 1999, sécurisant ainsi juridiquement la ratification et l'éventuel contrôle de constitutionnalité.
Permettez-moi ici de rendre hommage à Bernard Poignant et à Nicole Péry, auteurs d'un rapport sur le sujet, qui ont oeuvré auprès de Lionel Jospin en 1998 pour que la Charte soit signée et ratifiée.
Pour autant, cette Charte reste encore l'objet de bien des fantasmes. Étrangement, la question des langues régionales est souvent abordée en France de manière inutilement polémique, parfois outrancière, rarement de façon raisonnée et rationnelle. Or la Charte européenne est parfaitement compatible et adaptée à notre ordre juridique interne.
En effet, ce texte concerne un bien culturel, à savoir la diversité linguistique : ce sont bien les langues qu'il convient de protéger. À la différence de la convention européenne des droits de l'homme, la CEDH, la Charte n'institue pas des droits individuels ou collectifs mais des obligations juridiques à la charge des États signataires. Elle demande aux États signataires des engagements positifs pour sauver, soutenir et promouvoir les langues régionales. Elle ne présente pas les langues régionales comme une question spécifique à certains groupes. Le terme de locuteur est clair : la sauvegarde du patrimoine linguistique concerne tous les Français, et non un petit groupe fermé, une « réserve d'Indiens » mais bien toutes les personnes désireuses de parler ou de faire parler ou de s'approprier une langue régionale. La Charte n'oppose pas langue nationale ou officielle et langue régionale : elle fait le choix de la complémentarité dans un contexte européen de diversité linguistique et culturelle et conformément à la volonté de construire l'unité européenne sur le respect de cette diversité. Enfin, tout en reconnaissant l'égale dignité des langues et cultures, la Charte autorise des régimes différenciés.
Cette proposition de loi constitutionnelle nous offre une porte de sortie efficace et indiscutable face aux barrages juridiques nationaux. Le choix d'inclure la déclaration interprétative est judicieux et rassurant. Ainsi chacun est à sa place : le législateur légifère et le juge constitutionnel se contente de juger, conformément à l'article 54 de la Constitution, pas moins mais pas plus !
Pour certains la Charte est insuffisante, pour d'autres elle met la République en danger. Dans ma circonscription du Pays basque, j'ai pu mesurer à quel point, loin de permettre le rayonnement des langues régionales, comme Mme Bechtel le prétend, la loi française laisse les élus locaux dans la plus grande insécurité juridique. Ceux-ci sont dans l'obligation de prendre régulièrement des risques judiciaires et d'effectuer de véritables acrobaties juridiques pour pallier les carences législatives. Dans le Pays basque, ils sont ainsi contraints de contourner la loi Falloux pour permettre que la langue basque soit enseignée dans les « ikastolas ». Faute d'un statut légal, ces centres de loisirs, qui sont en réalité des écoles où l'enseignement est dispensé dans cette langue, restent cependant à la merci d'une censure du juge administratif. Cette insécurité juridique risque de radicaliser inutilement une demande légitime, alors que ces élèves ont de brillants résultats aux examens nationaux et que leur famille ne pratique pas nécessairement le basque ou l'occitan, loin de là. Face à l'extrême précarité juridique dans laquelle se trouvent les langues régionales, la mise en oeuvre de cet engagement constitue un pas déterminant.
La Charte, dont la force morale et politique n'est pas neutre pour la défense des langues régionales, implique de la part des États des engagements dont il est aisé de vérifier le respect. Elle constitue un très bon point de départ, le vecteur d'une troisième génération des droits humains, une réponse à la mondialisation et à la recherche de l'épanouissement de chacun dans sa personnalité culturelle propre.
Conformément à la démarche constructive que je vous ai proposée, je me concentrerai sur l'essentiel dans mes réponses en évitant les scories de la polémique.
Je voudrais d'abord préciser que la Turquie n'a ni signé ni ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, alors que la France, comme huit autres membres du Conseil de l'Europe, l'a signée mais ne l'a pas ratifiée.
Vous m'avez interrogé sur trois points : la nature du véhicule législatif qui vous est proposé, la volonté du Gouvernement et le contenu du texte.
Le sujet est très balisé, puisque cela fait quinze ans, comme Armand Jung l'a rappelé, que l'on débat de cette Charte, qu'on en décortique les intentions ou qu'on sème des embûches sur le chemin de sa ratification. Tous les docteurs de la loi et les clercs qui se sont penchés sur le texte n'ont fait que sédimenter les difficultés et aujourd'hui sa ratification suppose qu'on intègre tous les paramètres qui ont constitué l'histoire longue et chaotique de la reconnaissance des langues régionales. Celle-ci est bien antérieure à l'adoption de la Charte puisqu'entre 1945 et les années quatre-vingt, celles-ci ont fait l'objet d'une trentaine de propositions de loi, dont une signée par Pierre Mendès France en 1958 et deux députés de Bretagne, Roger Prat et Yves Le Foll.
L'intention du Gouvernement a toujours été de concrétiser l'engagement du président de la République, mais il a dû tenir compte de l'avis du Conseil d'État, ce dont on ne peut pas lui faire grief. Celui-ci l'ayant dissuadé d'emprunter la voie du projet de loi, il restait celle de l'initiative parlementaire, et le groupe SRC, comme d'autres groupes parlementaires, s'y est engagé.
Chacun reconnaît, monsieur Le Fur, et le Conseil constitutionnel au premier chef, que la ratification de la Charte nécessite une révision de la Constitution. Cette nécessité est même affirmée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle que vous avez vous-même signée. C'est parce que mon but est d'aboutir à une ratification que je vous propose de prendre la voie constitutionnelle. Je ne vous cache pas que notre but est de parvenir à une ratification en empruntant la voie du Congrès et ce, en incitant le Gouvernement à reprendre la main. Cette proposition sera l'occasion de constater qu'il existe une nette majorité parlementaire en faveur de la ratification de la Charte. C'est la raison pour laquelle le groupe SRC a demandé un vote solennel : celui-ci permettra aux 577 députés de dire si, oui ou non, ils veulent que la Charte soit ratifiée. Il est temps de dissiper les faux-semblants, de mettre fin aux postures, et c'est l'ambition de ce texte.
S'agissant du fond, j'aurais pour ma part adoré vous proposer un texte clair, comme Guy Geoffroy en a exprimé le souhait. Le problème, c'est que je dois tenir compte des préconisations du Conseil constitutionnel afin d'éviter toute divergence d'interprétation. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est le texte le plus lisible qui est le moins protecteur des langues régionales. Ne pas inscrire la déclaration interprétative dans le texte créerait une difficulté dans l'interprétation de la Charte ; mentionner cette déclaration sans plus de précision reviendrait à la constitutionnaliser dans sa totalité. Ce qu'il faut constitutionnaliser, ce sont les points qui correspondent précisément aux obligations émises par le Conseil constitutionnel en 1999, c'est-à-dire les deux premiers points de la déclaration interprétative envisagée par le Gouvernement lors de la signature de la Charte en 1999.
Nous proposons d'autoriser la ratification des 39 engagements souscrits par la France en 1999. Ces 39 engagements ne permettent pas, contrairement à la crainte exprimée par Mme Bechtel, d'imposer l'usage du breton dans un procès. C'est précisément pour parer à ce risque qu'il faut sécuriser l'interprétation de la Charte. Si nous n'inscrivons pas cette interprétation dans le texte constitutionnel, il sera, de surcroît, loisible au Gouvernement de présenter une autre déclaration interprétative, hors la vue du Parlement. C'est pourquoi nous n'avons pas modifié d'un iota ce que le Gouvernement a déclaré en 1999.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel n'a reconnu qu'une valeur déclarative à l'article 75-1 de la Constitution, alors que nous avions la conviction que son introduction en 2008 dans la Constitution était un pas décisif qui nous permettrait de faire l'économie d'une ratification de la Charte. La seule manière de contourner l'obstacle du Conseil constitutionnel, c'est de reprendre sa formulation. Dans la rédaction que j'en propose, la déclaration interprétative est protectrice. Il n'y a aucun recul : il ne s'agit que de constitutionnaliser l'existant. Je n'introduis aucun élément nouveau ; je ne vise qu'à sécuriser ce qui existe.
La signature de la Charte nous permet d'introduire des avancées en faveur des langues régionales dans tout projet de loi qui nous en offre l'opportunité, comme nous l'avons fait dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ou dans le projet de loi sur les métropoles.
Il faut que le constituant affirme explicitement sa volonté de ratifier la Charte, dans l'interprétation que le Gouvernement en a donnée en 1999, conformément à une expertise juridique de Guy Carcassonne. Le Conseil avait considéré lui-même dans sa décision de 1999 qu'aucun des 39 engagements souscrits par la France n'était contraire à la Constitution. Une fois que nous en aurons fini avec ce débat et ratifié la Charte, nous pourrons réaliser d'autres avancées, notamment dans des lois ordinaires.
Je sais qu'une rédaction aussi complexe ne plaide pas en faveur du texte. Mais c'est elle qui sécurise au maximum la reconnaissance des langues régionales.
Quant à la liste des langues régionales ou minoritaires parlées dans notre pays, madame Le Callennec, elle sera fixée par décret, conformément au texte de la Charte. J'en fournis une, indicative, dans mon rapport. C'est d'ailleurs la liste qui est proposée par les multiples rapports consacrés à cette question à la demande de l'État. Je vous renvoie également aux travaux de la délégation générale à la langue française et aux langues de France, placée auprès de la ministre de la Culture, qui a appuyé le comité présidé par M. Caron auquel a participé notre collègue Paul Molac.
La Commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.
Article unique (art. 53-3 [nouveau] de la Constitution) : Autorisation de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
La Commission examine les amendements identiques CL1 de M. Marc Le Fur et CL6 de M. Paul Molac.
Je voudrais dire, à propos de votre dernière remarque, monsieur le rapporteur, que des définitions générales valent mieux que des listes, qui sont toujours sujettes à contestation.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que cette proposition de loi, en prouvant qu'une majorité de parlementaires est favorable à la ratification de la Charte, est un premier pas vers une autorisation de ratification par le Congrès. Le problème c'est qu'il faudra recommencer tout le processus. Connaissant les impondérables de la vie parlementaire, une telle méthode peut s'avérer contre-productive.
S'agissant des réserves d'interprétation que vous proposez d'inscrire dans la Constitution, ce n'est pas tant la deuxième que la première qui nourrit les inquiétudes et sur laquelle j'attends des précisions. Une langue étant par définition une affaire collective, il s'agit nécessairement de reconnaître quelque chose qui s'apparente à un droit collectif.
Par ailleurs, ce que les défenseurs des langues régionales attendent, au-delà de la ratification d'une Charte qui ne modifie en rien notre droit positif, c'est une véritable avancée législative, par exemple une loi faisant obligation à l'administration d'offrir la possibilité de bénéficier d'un enseignement en langue régionale. Je crains que les réserves d'interprétation dont vous proposez la constitutionnalisation ne rendent une telle loi censurable par le Conseil constitutionnel.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer ces restrictions.
Il me semble qu'il faudrait également définir les limites de la réserve d'interprétation imposant aux personnes morales de droit public ou aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage exclusif du français. Certains de nos concitoyens des départements et collectivités d'outre-mer ne maîtrisant pas le français, les agents publics sont parfois obligés de recourir au créole. Même en métropole, il peut sembler contestable d'interdire aux agents publics de s'exprimer en langue régionale avec des locuteurs qui s'expriment dans cette langue.
Je suis défavorable à ces amendements pour les raisons que j'ai déjà développées. La France n'a jamais dit qu'elle ratifierait toute la Charte, contrairement à ce que certaines associations demandent. Ne pas faire mention de la déclaration interprétative serait ouvrir la voie à des interprétations maximalistes de la Charte. Ce que je recherche, c'est une majorité la plus large possible. C'est pourquoi il me faut rassurer l'inquiétude de certains collègues tout en confortant l'opinion de ceux qui pensent que les langues régionales sont un atout pour la République, qui est suffisamment solide pour supporter la pratique de ces langues. Je rappelle d'ailleurs, s'il faut invoquer les grands républicains, que Jean Jaurès commençait ses discours en occitan pour les poursuivre en français.
Constitutionnaliser la déclaration interprétative fixe les limites des implications juridiques de la Charte. Celle-ci ne permet pas à un usager de revendiquer le droit d'utiliser une langue régionale dans ses rapports avec l'administration. En revanche, si d'un commun accord, un usager et un fonctionnaire s'entendent pour s'entretenir dans une langue régionale, personne ne sera évidemment sanctionné.
Quant à la précision sur l'emploi du terme de « groupe », elle est rendue nécessaire par l'interprétation « communautariste » de cette notion qu'en a faite le Conseil constitutionnel. Je reprendrai l'explication de Jean-Marie Woehrling, selon laquelle « les droits linguistiques ne sont pas des droits spéciaux pour les locuteurs de langues régionales ou minoritaires ou pour des groupes distincts ou déterminés de la population, mais des droits de toutes les personnes qui veulent pratiquer les langues régionales ou minoritaires, sans que ces personnes soient prédéterminées par des critères géographiques, ethniques ou autres ».
Nous n'avons rien à perdre, mais au contraire tout à espérer, à voter ces précisions.
Qu'est-ce qui nous garantit que ces dispositions interprétatives ne seront pas utilisées pour censurer des dispositions réglementaires ou législatives sans rapport avec la Charte ?
Je ne fais que constitutionnaliser l'existant. Aujourd'hui déjà il peut y avoir de telles interprétations. C'est déjà le cas. Je me tue à l'expliquer. Je ne fais que sécuriser un dispositif qui existe aujourd'hui pour balayer les critiques à venir. Mais si vous ne voulez pas m'entendre...
Nous allons figer dans le marbre de la Constitution ce qui n'était qu'une interprétation proposée à un instant T et susceptible d'évoluer.
Même si je ne suis pas entièrement convaincu, je retire mon amendement dans un souci d'apaisement.
La Commission rejette l'amendement CL1.
L'amendement CL6 est retiré.
Elle examine ensuite l'amendement CL7 de M. Paul Molac.
Je suis défavorable à cet amendement de repli pour les mêmes raisons que précédemment. La rédaction de la proposition de loi constitutionnelle tient compte des objections du Conseil constitutionnel, qui ne portaient pas sur les 39 engagements mais sur le préambule et les deux premières parties de la Charte.
Cet amendement est retiré.
Puis la Commission adopte successivement les amendements de précision CL4, CL2 et CL3 du rapporteur.
La Commission adopte à l'unanimité l'article unique modifié.
Titre
La Commission adopte l'amendement de précision CL5 du rapporteur.
La Commission adopte la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.
La séance est levée à 19 heures 10.