La décision de notre commission des affaires économiques rétablit la situation du domaine de Chambord rappelée par le Conseil d’État dans son avis en assemblée générale du 19 juillet 2012 selon lequel « le domaine national de Chambord appartient dans sa globalité au domaine public de l’État, sous la seule réserve de la forêt qui relève du domaine privé par détermination de la loi ».
Je me réjouis de la position du Gouvernement qui ne remet pas en cause la domanialité, ce qui permettra une juste et rapide indemnisation des commerçants qui ne peuvent plus bénéficier d’un bail commercial, dès lors que seules des autorisations temporaires d’occupation du domaine public sont dorénavant envisageables.
Pour clarifier la situation unique de Chambord, une autre question demeure néanmoins en suspens, celle des relations entre l’EPIC du domaine de Chambord et la commune. L’amendement sénatorial n’apportait aucune solution sur ce point, qu’il ne traitait pas. Nous souhaitons tous aboutir à une conciliation entre deux compétences placées dans des conditions uniques en France, celle de l’État qui, par le biais de l’établissement public du domaine national de Chambord, gère un domaine qui est à lui seul une commune, et celle de la commune, qui est la seule de France dont tout le territoire appartienne à l’État.
Cette situation exceptionnelle pose problème en cas d’exercice de la plénitude des compétences des deux parties, qui entrent alors en conflit. Dans toutes les communes, le conseil municipal et le maire définissent le projet territorial et ont en propre certains moyens de le mettre en oeuvre. À Chambord, c’est l’État seul qui définit le projet territorial et qui détient tous les moyens matériels. On ne soumet le projet d’établissement de Chambord ni au conseil municipal de Chambord ni au conseil de la communauté de communes. Le maire et le président de la communauté de communes peuvent cependant prendre position comme membres du conseil d’administration de l’EPIC lors de l’adoption du projet d’établissement. Il est donc bien clair qu’il ne peut exister à Chambord de projet distinct de celui du domaine national, et que tout ce qui se trouve à Chambord doit y concourir. Par conséquent, l’autorité élue au suffrage universel ne peut de facto exercer une compétence générale mais seulement une compétence résiduelle.
On doit donc constater que la commune n’est pas et ne peut pas être une commune de plein exercice face aux légitimes exigences de l’État gestionnaire du domaine national. Face à cette situation, trois solutions sont possibles. La plus mauvaise serait de ne rien faire et de pérenniser une situation conflictuelle préjudiciable à ce monument du patrimoine mondial. Une autre mauvaise solution serait de remettre en cause la loi applicable aux 36 000 communes de France pour régler la situation unique de Chambord. La solution qui me semble la plus logique et la plus courageuse consiste à modifier les limites communales en réalisant la fusion de Chambord avec l’une des communes voisines, par exemple Saint-Dyé-sur-Loire, qui est le port de Chambord sur la Loire depuis la construction du château. Je propose aussi d’adjoindre à l’EPIC un conseil consultatif des habitants de Chambord.
La question est de déterminer ce qui est le plus important pour la France, chers collègues : que l’État, dans le cadre du domaine national, exerce pleinement ses responsabilités sur l’un des joyaux du patrimoine mondial de l’UNESCO ou que la commune exerce pleinement ses fonctions comme les 36 000 autres communes de France ? Trouver une solution durable implique selon moi le respect d’une hiérarchie. L’intérêt de la France dépend du plein exercice des moyens de l’État pour protéger et mettre en valeur le plus beau chef-d’oeuvre français de la Renaissance. L’intérêt des citoyens de Chambord est de vivre dans une commune de plein exercice, qui pourrait très bien résulter d’une fusion de Chambord avec l’une des communes voisines. La lucidité et le courage commandent de normaliser les relations entre le domaine et la commune en redéfinissant le territoire communal de Chambord. Je souhaite que le débat au Parlement facilite le retour à une harmonie digne de la beauté universellement reconnue de Chambord.