La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1499, 1670).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures trente-six pour le groupe SRC, dont soixante-quatorze amendements sont en discussion ; deux heures cinquante-six pour le groupe UMP, dont soixante-treize amendements sont en discussion ; quarante-trois minutes pour le groupe UDI, dont vingt-sept amendements sont en discussion ; vingt-six minutes pour le groupe écologiste, dont huit amendements sont en discussion ; trente-huit minutes pour le groupe RRDP, dont cinq amendements sont en discussion ; trente-quatre minutes pour le groupe GDR, dont trois amendements sont en discussion ; vingt minutes pour les députés non-inscrits.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 63.
Discussion des articles
La séance, suspendue à quinze heures une, est reprise à quinze heures deux.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, première oratrice inscrite sur l’article 63.
Madame la présidente, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, cet article vise à transférer le plan local d’urbanisme, le PLU, au niveau intercommunal, aux communautés de communes et d’agglomération.
Le caractère obligatoire et automatique de ce transfert a suscité d’importantes inquiétudes parmi les élus locaux, au point que certains l’ont considéré comme une remise en question de l’article 72 de la Constitution, portant libre administration des communes. Ce plan local d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, peut être un outil pertinent dans certains cas. Mais, pour cela, il doit être élaboré sur le principe du volontariat et ne doit pas être automatique et obligatoire. Il doit traduire un projet politique partagé.
Le Sénat avait proposé une minorité de blocage d’un quart des communes représentant au moins 10 % de la population, avec une clause de revoyure après chaque renouvellement de conseil communautaire. Cette rédaction paraissait équilibrée. Or, la commission des affaires économiques est revenue sur cette proposition, contre votre avis, madame la ministre.
À ce stade de l’examen du texte on est dans le flou, un flou qui révèle une profonde divergence entre la majorité socialiste du Sénat et celle de l’Assemblée nationale ; d’autant que nous venons de découvrir l’amendement du Gouvernement, qui fait l’objet d’un sous-amendement de M. Brottes modifiant une nouvelle fois le curseur de la minorité de blocage, laquelle passerait de 50 % à 45 % des communes, représentant au moins 45 % de la population. Voilà pour le fond.
Sur la forme, nous regrettons la méthode, puisque le sous-amendement nous parvient en séance, ce qui dénote un certain amateurisme sur cet article pourtant majeur, dans le cadre de cette seconde lecture. Mais il faut dire que nous commençons malheureusement à nous habituer à cette manière de travailler, qui est récurrente.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je voudrais saluer mon collègue Charles de La Verpillière – qui arrive à l’instant – et répondre à ses propos de tout à l’heure. Il a parlé d’or.
Cher collègue, vous avez parlé d’or en affirmant – je suis tout à fait d’accord avec vous – que nous n’étions plus au temps de Napoléon. C’est vrai. Effectivement, les habitants, les citoyens, les contribuables et les consommateurs ne vivent plus sur le ban communal.
Vous avez raison, ils vivent sur des territoires plus grands, et à géométrie variable. Grâce aux lois récentes, bientôt 100 % du territoire sera couvert par des intercommunalités. Et grâce à cette loi, celles-ci seront mises en cohérence territoriale avec leurs voisins dans des schémas de cohérence territoriale.
Dès lors que les compétences sont intercommunales et que les gens vivent sur des grands territoires, il paraît naturel que le bloc communal, c’est-à-dire l’intercommunalité et la commune, gère ensemble l’urbanisme. Ce projet de loi et cet article ne disent rien d’autre que cela. N’opposons jamais communes et communautés dans l’élaboration des plans d’urbanisme vertueux dont nous avons besoin pour protéger nos biens communs, pour mettre en cohérence nos services publics. Il nous faut une harmonisation, qui passe par le PLUI.
Je voudrais dire à tous ceux qui se sont opposés à cette avancée du PLUI qu’ils l’ont confondue avec un PLUA, un plan local d’urbanisme anticommunal. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais bien d’un plan local d’urbanisme intercommunal. Ce sont des communes qui vont se mettre en cohérence, en harmonie, pour répondre aux défis du XXIe siècle. En cela, cette loi sera historique.
La seule question qui reste est celle du rythme. Monsieur de La Verpillière, nous ne sommes plus au temps de Napoléon, mais à celui des démocraties modernes. Nous avons inventé des règles : la tradition, dans les collectivités locales, veut tout simplement que s’appliquent les règles de majorité, parfois renforcée par les seuils bien connus des deux tiers et des 50 %.
Pour ma part, je serai attentif à ce que les compromis – sur lesquels, rassurez-vous, madame Duby-Muller, la majorité saura se rassembler le moment venu – se rapprochent des règles de majorité, parce qu’elles sont tout simplement de bon sens et respectent les personnes et les expressions politiques.
J’ai donc deux souhaits très simples pour l’élaboration des mécanismes de blocage qui retarderont la mise en place des PLUI. D’abord, ils doivent s’approcher le plus possible des règles de majorité, qui sont démocratiques et qui relèvent du bon sens. En second lieu, je suggère que, dans les discussions qui auront lieu avec le Sénat, nous n’écartions pas la possibilité de prévoir une première étape de cinq ans pendant laquelle une minorité de blocage soit relativement facile à obtenir. Ensuite, nous pouvons imaginer une deuxième étape avec des minorités de blocage plus importantes, ce qui permettra aux PLUI de couvrir davantage de territoires.
Je propose que nous cheminions dans la concertation et en recherchant le consensus, mais nous ne devons pas écarter la possibilité de prévoir une deuxième étape, par exemple à partir de 2020, pour accélérer le processus et ne laisser aucun territoire de la République en dehors de ce progrès en matière de gestion de l’urbanisme.
Madame la présidente, je dirai l’essentiel de ce que j’ai à dire dans cette introduction. Je voudrais faire quatre séries d’observations.
Premièrement, nous avons déjà eu un débat nourri et apaisé, me semble-t-il, sur le sujet du PLUI en 2010, mais sans pour autant le conclure. Je me souviens bien de ce débat, qui n’était absolument pas un débat droite-gauche, comme je viens de l’entendre. Il était très largement transpartisan. Dans tous les partis politiques, les points de vue étaient différents, à tel point que tous ceux qui étaient à l’époque pour le PLUI au parti socialiste, victimes d’un syndrome de « prostatisme » aigu, avaient disparu. Aujourd’hui, je me réjouis de voir que la plupart des membres du parti socialiste sont en bien meilleure santé pour en discuter.
Ma deuxième observation revient sur le fond du sujet. Quel est le problème ? C’est d’abord celui d’une meilleure réponse à trois questions quotidiennes – j’insiste sur ce mot – de nos concitoyens. Aujourd’hui, où choisir d’habiter ? Où peut-on travailler ? C’est bien ainsi que se posent les questions – et je pèse mes mots. Comment faire le lien entre le lieu d’habitation, le lieu de travail, et éventuellement, celui où des services sont délivrés ?
De toute évidence, il y a beau temps que la plupart de nos concitoyens s’exonèrent des frontières communales. La plupart habitent dans une commune, travaillent dans une autre, font leurs achats, ou bénéficient de services ailleurs, et, pour aller de l’une à l’autre, utilisent des moyens de locomotion soit individuels – en milieu rural –, soit collectifs.
C’est toute la question de l’urbanisme qui est donc ici enjeu, et non pas uniquement, comme certains voudraient le laisser entendre, celle de l’habitat – j’insiste sur ce point. C’est la question de l’urbanisme, c’est-à-dire du lien entre ces trois éléments : habitat, lieu d’activité et de services, et mobilité. Il s’agit donc du droit de l’urbanisme. Ce n’est pas d’un plan d’habitat intercommunal, mais d’un plan d’urbanisme intercommunal, qu’il s’agit. C’est là ma troisième observation.
Dès lors, j’ai beaucoup entendu dire qu’il s’agissait d’une dépossession des maires et des communes. Excusez-moi, mais c’est, à mes yeux, exactement le contraire !
Quelle est la situation actuelle ? Plus de 30 % des communes n’ont pas de document d’urbanisme et, dans certains cas, c’est d’ailleurs justifié. Il y a des territoires sur lesquels – soyons honnêtes – il n’y a quasiment pas de demandes et pas d’enjeux, malheureusement pour eux. D’ailleurs, ce sont des territoires où la vacance des logements est généralement patente. Mais, j’y insiste, ce n’est pas seulement une question de logement !
En revanche, qu’arrive-t-il dans la plupart des 60 % de communes qui comptent moins de 500 habitants et dans les 27 000 communes qui ont moins de 1 000 habitants ? Où est l’ingénierie qui permettra effectivement de penser l’urbanisme – j’y insiste –, et non pas seulement la question de l’habitat ? Elle n’existe quasiment pas.
Dès lors, que se passe-t-il ? On fait appel, comme vous le savez, à des bureaux privés qui fournissent, pour les deux tiers des documents d’urbanisme, des copiés-collés qui ont un caractère standard, certainement plaisant pour ceux qui les vendent, mais qui sont la plupart du temps inadaptés aux territoires. Combien de copiés-collés ont été fournis à ces communes ?
Nous ne proposons pas d’exclure les communes, bien au contraire. C’est tout le contraire. Nous prévoyons l’implication des maires sur le territoire pertinent pour faire de l’urbanisme, là où, aujourd’hui, ils n’ont pas leur mot à dire, comme c’est le cas en première ou deuxième couronne, y compris pour des villes moyennes et des bourgs ruraux ou centraux.
Quatrième et dernière observation : j’admets très volontiers l’objection consistant à dire que, s’il n’y a pas un accord de la majorité des maires ou des communes, il ne peut pas y avoir de PLUI. Je suis tout à fait d’accord pour trouver le meilleur compromis possible. J’admets très volontiers qu’élaborer un PLUI contre la volonté d’une majorité d’élus concernés semble franchement relever de l’excès. M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, avait d’ailleurs proposé un amendement qui, de ce point de vue, était frappé au coin du bon sens.
En conclusion, prévoir que le PLUI soit de droit, c’est tout simplement prendre en compte le fait que, aujourd’hui, l’horizon réel de nos concitoyens est bien, au quotidien, intercommunal. Qu’il ne soit construit que si une majorité accepte de s’en saisir, je suis parfaitement prêt à l’admettre.
Enfin, s’agissant de l’idée de donner du temps au temps, nous en avons abondamment débattu, dans deux commissions, en 2010. Je m’en souviens quelque peu, pour avoir été à l’époque rapporteur, avec malheureusement une capacité de séduction limitée – vous êtes obligés de le constater, puisqu’on en rediscute.
S’agissant de cette question du temps, je rappelle simplement à certains de mes collègues ici présents qu’un certain rapport rédigé par Olivier Guichard et publié en 1976 évoquait déjà ce sujet. Cela nous donne quand même du recul pour réfléchir !
Il est vrai que les choses ont évolué depuis, comme elles ont évolué depuis le temps de Napoléon, où il suffisait d’un cheval pour traverser le département. Il me semble que l’espace-temps n’est aujourd’hui plus tout à fait le même, j’en conviens.
Je vous invite donc, au-delà des discussions qui peuvent avoir lieu à l’intérieur de nos propres partis, à poursuivre la réflexion de l’Assemblée nationale qui, sur ce thème, a déjà fait preuve, me semble-t-il, d’une grande sagesse. Celle-ci peut peut-être être amendée par des grands progrès provenant du Sénat. C’est en tout cas le voeu que je formule, avant que ce projet de loi ne soit examiné en CMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je n’ajouterai rien à ce que viennent de dire excellemment mes collègues Dominique Potier et Michel Piron s’agissant de la nécessité d’avancer, s’agissant de l’intercommunalité, en matière d’urbanisme. À ce stade de notre discussion parlementaire, après une première navette avec le Sénat, le principe est maintenant acquis que le PLUI devienne la règle de droit, inscrite dans la loi. L’Assemblée nationale a adopté ce principe, qui a été confirmé par le vote en première lecture au Sénat.
La politique est une capacité à affirmer, et c’est aussi, bien souvent, un art d’exécution. Ainsi, dès notre débat en première lecture, et des collègues sont encore intervenus aujourd’hui pour le souligner, nous avons senti que s’orienter vers le PLUI sans prendre en compte les inquiétudes risquait de créer une certaine tension. Nos collègues sénateurs l’ont nettement affirmé. Mais, indépendamment même du dialogue avec le Sénat, cette inquiétude s’est exprimée à l’Assemblée nationale, et pas seulement de la part des collègues opposés à cette avancée vers le PLUI.
En commission, nous avons pris cette inquiétude en compte et avons admis l’idée selon laquelle il devait être possible de s’opposer au PLUI, celui-ce requérant une majorité qualifiée. Nous devons poursuivre ce travail en maintenant le principe : il faut en faire la règle parce que c’est la logique de l’évolution vers l’intercommunalité, comme cela a déjà été excellemment développé. Mais en même temps, nous devons prendre en compte les inquiétudes, sans que cela ne représente un blocage.
C’est ce à quoi nous devons travailler, que ce soit à l’occasion de la discussion sur cet article 63 ou lors du dialogue que nous aurons en CMP avec nos collègues sénateurs, après la deuxième lecture de ce texte au Sénat.
Beaucoup de choses ont été dites. Michel Piron a fait une longue tirade sur le PLUI et sur la vocation du territoire à s’y inscrire. On ne peut effectivement pas concevoir un plan local d’urbanisme intercommunal contre les communes. Il est vrai aussi, et je veux bien l’entendre, que ce n’est pas contre les communes que le Gouvernement propose le PLUI. Il n’en demeure pas moins que les petites communes qui n’ont plus aucune ingénierie, qui ne sont plus en situation d’élaborer des documents d’urbanisme, doivent avoir le loisir d’adopter le PLUI, en toute liberté.
D’autres communes qui en ont la possibilité de par leur taille – je pense notamment aux communes franciliennes – doivent pouvoir également avoir le loisir de ne pas adopter le PLUI. Elles doivent, en tout cas, être en mesure de faire respecter un certain nombre d’éléments substantiels, voire consubstantiels à la commune tels que l’histoire, la géographie et même leurs ambitions et leurs projets, qui peuvent être très différents de ceux de la commune voisine, ou des communes voisines. Il est essentiel que chaque habitant puisse savoir que les fondements mêmes des territoires où ils vivent, où ils se déplacent chaque jour, monsieur Piron, seront défendus.
En cela, l’hypothèse de l’existence d’une minorité de blocage est intéressante. Cela oblige, en effet, à une coconstruction de l’intercommunalité. C’est pourquoi nous y sommes particulièrement attachés. L’amendement du Gouvernement qui reprend la rédaction du Sénat me semble tout à fait justifié. Il est d’une grande sagesse. Nous pouvons reconnaître, là, la patte des sénateurs. C’est pourquoi il me semble que ce principe d’une minorité de blocage devrait faire consensus parmi nous.
Vous vous souvenez, madame la ministre, chers collègues, que le pouvoir de délibérer sur un plan d’occupation des sols a été le pivot de la décentralisation voulue par Gaston Defferre. Comme vous le savez, il s’est battu contre les bureaux centralisateurs de l’État pour que chaque commune puisse avoir la possibilité de définir ses règles d’urbanisme. Il est exact, cher collègue Potier, que nous vivons en voisins, que nous évoluons dans des bassins de vie et que nous devons tenir compte de ce qui se passe à côté. Pour cela, l’État dispose d’un moyen simple : le porter à la connaissance.
Il lui incombe d’expliquer qu’il est inutile de construire une deuxième piscine, puisqu’il y en a déjà une à cent mètres ou qu’il ne faut pas installer une usine d’incinération puisqu’il en existe déjà une à proximité. Il revient à l’État de jouer son rôle d’aménageur du territoire. Ce qui manque le plus aujourd’hui, dans ce pays, c’est une DATAR ressuscitée, qui redevient une obligation, notamment pour éviter les doublons. Je vais vous faire un aveu, madame la ministre, il en va de l’intercommunalité comme du mariage !
Seuls les mariages librement consentis ont une chance de réussir. Certains d’entre nous ajouteront : et encore ! La construction proposée n’est pas satisfaisante. Même si nous ne sommes plus au temps de Napoléon, comme l’a souligné mon collègue de La Verpillière, vous ne pouvez pas contraindre, dans des cadres préétablis, à opter pour le PLUI. Je voterai donc l’amendement du Gouvernement qui a peut-être surpris un certain nombre de collègues, mais la surprise peut avoir du bon, mon cher collègue Caresche !
Il est toujours bien d’intervenir après Jacques Myard. Nous sommes ainsi certains d’avoir des positions très tranchées ! Si la DATAR, ressuscitée ou reconstituée, arbitre le lieu d’installation des piscines, des bibliothèques et des zones d’activités dans nos communes, qu’est-ce d’autre que la recentralisation ?
En outre, vous êtes, en général, favorable à la réduction du nombre de fonctionnaires. Or la DATAR devra être composée de très nombreux fonctionnaires pour parvenir à faire face aux problèmes ! Revenons au sujet. Nous débattons de nouveau du PLU intercommunal. Des éléments nouveaux assez importants nous viennent du Sénat et un amendement a été déposé sur ce point par le Gouvernement. Je tiens donc à en dire quelques mots. Un problème structurel se pose. Il est inutile de nous y attarder puisque chacun le connaît. Il s’agit du morcellement communal, spécificité française qui affaiblit considérablement les moyens des communes.
Un autre problème est plus récent, mais il est très sérieux : les bassins de vie dépassent considérablement les frontières des communes et les structures intercommunales. L’étalement urbain a fait son oeuvre et, je suis d’accord avec notre collègue Piron, l’activité, l’habitat et les équipements publics de service ou de commerce sont dispersés du fait du zonage. Nous avons tenté d’y remédier de deux manières au cours de ces quinze dernières années. Il y a eu la loi Chevènement sur l’intercommunalité en réponse au morcellement communal et la loi SRU, avec la création des schémas de cohérence territoriale.
Nous pouvons dresser aujourd’hui un bilan puisque nous avons suffisamment de recul. La loi Chevènement a produit son effet. Beaucoup de regroupements intercommunaux ont été créés. De nombreuses communes ne figurent toutefois dans aucune intercommunalité, car cela se faisait sur la base du volontariat. On mesure donc les limites de l’exercice. Des intercommunalités sont affaiblies, parce qu’elles sont trop petites, ou qu’elles ont fait preuve d’opportunité ou d’égoïsme, tout le monde le sait, mais aussi parce qu’elles n’ont pas un certain nombre de compétences, en matière d’urbanisme notamment.
Les schémas de cohérence territoriale sont intéressants. Mais cette vision par le haut ne donne pas toujours de résultats très concrets pour la vie quotidienne des Français et, notamment, pour la maîtrise de l’étalement urbain, ce qui était pourtant l’objectif. Nous devons évoluer et tenir compte de cette expérience, des limites du volontariat et des répartitions des compétences. De ce point de vue, je souscris à ce qui a été dit par Christophe Borgel : le PLU intercommunal doit être la règle. Cela existe déjà dans certains endroits. Nous en connaissons donc le fonctionnement.
De plus, la loi est équilibrée. Il n’a, par exemple, jamais été envisagé de transférer le permis de construire à la structure intercommunale. Je trouve cela normal, puisque je considère que la structure intercommunale n’a pas la légitimité démocratique et la proximité suffisantes pour cela. Toute la compétence en matière d’urbanisme n’est donc pas transférée. Nous nous plaçons simplement au niveau du plan local d’urbanisme. En ajoutant la possibilité de dérogation, nous avons ouvert une brèche. Nous discutons maintenant des règles de cette dérogation.
Je constate, pour ma part, que si nous discutons beaucoup du pourcentage de communes et d’habitants, c’est parce que les structures intercommunales posent un problème : elles ne sont pas élues au suffrage universel direct. Toutefois, celles et ceux qui sont opposés au transfert au motif qu’il n’y a pas une légitimité suffisante sont aussi contre l’élection au suffrage universel direct des structures intercommunales. Dans ces conditions, on ne fera jamais rien et nous en resterons au statu quo. Il convient donc de poser ces règles. Je pense, pour ma part, que la règle de base est celle de la majorité, comme l’a dit notre collègue Potier. C’est ce qu’il y a de plus démocratique.
De plus, la double règle : nombre de communes, nombre d’habitants est ce qu’il y a de plus intéressant. Un sous-amendement de trois collègues, dont le président Brottes, propose que le transfert de compétences ne se fera pas si 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population s’y opposent. Je pense que c’est un geste important dans le sens que les sénateurs ont souhaité. Je suis prêt à ce que l’on s’y rallie, mais nous ne devons pas perdre de vue l’objectif qui est celui de la généralisation progressive du PLU intercommunal. Si l’on fixe une minorité de blocage à 10 % de la population, il est évident que c’est une porte ouverte à tous les blocages, justement. Les collègues de l’opposition, qui aiment en général l’entreprise, devraient savoir que la minorité de blocage y est au minimum de 34 %.
On n’a jamais vu une minorité de blocage à 10 %, même pas dans mon parti, où l’on aime pourtant bien ce genre de choses. Soyons sérieux. N’essayons pas de faire entrer par la fenêtre ce que l’on n’est pas parvenu à faire entrer par la porte. Si l’on s’oppose au PLU intercommunal, soit ! Si l’on y est favorable, il ne faut pas fixer un seuil de minorité de blocage aussi bas. J’espère donc que nous pourrons trouver un compromis au cours de la procédure législative.
Je donnerai un point de vue général. Deux principes ont été posés par l’Assemblée nationale et par le Sénat, ce qui me semble essentiel. Il y a eu le principe du PLU intercommunal, voté dans les deux assemblées, et celui de la possibilité du refus. Il reste à savoir où placer le curseur, car il convient de définir les modalités. Pour ma part, j’ai soutenu la proposition émanant de la commission des affaires économiques, qui a opté pour la règle habituelle de la majorité qualifiée qui s’applique lorsqu’une intercommunalité prend une compétence, et dans le cadre des modalités de construction des compétences d’une intercommunalité en lien avec toutes les communes. Ainsi, elle a prévu que l’intercommunalité deviendrait compétente en matière de plan local d’urbanisme sauf si 50 % des communes représentant deux tiers de la population ou deux tiers des communes représentant 50 % de la population s’y opposaient. Je pense qu’une majorité forte doit être réunie pour prendre des compétences. Le lien entre ce que nous faisons en matière de PLUI et ce que nous avons déjà fait, et qu’a rappelé François de Rugy, avec la loi Chevènement sur l’intercommunalité, me semble essentiel.
Comment placer ce curseur ? Le Gouvernement propose de suivre l’avis du Sénat. Je pense que cette position n’est ni équilibrée ni juste ni bonne.
Elle est même malsaine considérant les décisions et l’opérationnalité de l’intercommunalisation du PLU. Les principes doivent être clairement établis.
J’entends l’idée de faire un geste vis-à-vis du Sénat et de revenir sur la rédaction établie par la commission des affaires économiques. D’où un sous-amendement auquel je suis prêt à me rallier pour aller vers la position du Sénat, mais, que les choses soient claires, il faut que nous puissions avancer et fixer des règles. Monsieur Myard, vous êtes dans la vie d’avant. Cela peut se comprendre et cela a du charme, mais la DATAR n’a jamais réglé ce genre de problèmes. On peut rêver à une grande DATAR, il n’en demeure pas moins qu’il faut une action territorialisée à l’échelle d’un bassin de vie. Au lieu d’être dans la nostalgie du jacobinisme qui peut vous caractériser et m’être sympathique parce que je le suis aussi, je vous invite plutôt à être comme moi davantage jacobin décentralisateur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement no 473 .
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.
La commission est évidemment défavorable à la suppression de l’article, quelles que soient d’ailleurs les raisons invoquées, parce que j’ai entendu, dans les différentes interventions, des arguments qui ne sont pas toujours exactement les mêmes. Certains sont totalement contre le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité, d’autres sont pour mais jugent que les conditions prévues dans le texte retenu par la commission ne leur conviennent pas.
J’aurai l’occasion de revenir sur d’autres éléments qui ont été évoqués dans la discussion sur les amendements, celui du Gouvernement mais aussi celui que j’ai moi-même déposé.
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement, pour donner l’avis du Gouvernement.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement du Gouvernement, qui est une forme de réponse à l’amendement de suppression.
Ce matin, M. Tetart posait la question : que pense le Gouvernement ?Cela lui paraissait très complexe. Pour savoir ce que pense le Gouvernement d’un sujet, il suffit de lire le projet de loi qu’il dépose sur le bureau de l’Assemblée nationale : il n’y a là aucun secret. La rédaction que souhaitait le Gouvernement n’est donc pas celle du texte qui vous est soumis aujourd’hui, ni celle qui a été adoptée par le Sénat. Mais si c’était simplement la position du Gouvernement qui s’appliquait, nous n’aurions pas besoin de nous retrouver ici pour débattre ! La démocratie dans notre pays donne tout pouvoir au législateur, les parlementaires, et je trouve cela parfaitement logique.
La position que je défends devant vous en présentant cet amendement, c’est la conclusion d’un débat parlementaire qui a lieu entre deux chambres, avec des positions différentes. Les positions que j’ai entendues au Sénat s’expriment également ici puisqu’il y a de nombreuses divergences sur cette question dans l’ensemble des familles politiques.
Je veux réaffirmer à cet instant une conviction, qui se traduit dans l’amendement que je vous présente, c’est que la bonne échelle pour l’élaboration des documents d’urbanisme est l’intercommunalité. Nous n’allons pas reprendre le débat de la première lecture, mais, si la dimension communale a été longtemps privilégiée pour l’aménagement, c’est aussi parce qu’elle répondait à un mode de vie. On naissait, on allait à l’école, on travaillait, on se mariait, volontairement ou pas, monsieur Myard,…
…on continuait de vivre et on mourait dans la même commune. Aujourd’hui, la vie a une échelle différente, du fait de la mobilité et de l’apparition d’autres règles d’aménagement, et elle est évidemment au-delà de l’échelle communale. C’est une réalité.
Par ailleurs, la consommation de l’espace, l’installation et l’usage d’équipements publics répondent, sur l’ensemble de notre territoire, à une logique intercommunale. Chacun sait, par exemple, que l’on ne peut pas avoir une réflexion sur les installations commerciales à une échelle communale, ce qui a d’ailleurs provoqué bien des débats. Cela vaut pour l’ensemble des sujets. On ne va pas prévoir l’installation d’un grand équipement comme une piscine dans chaque commune. Il faut bien sûr une plus grande échelle et un nombre d’utilisateurs suffisant.
La réflexion intercommunale sur l’utilisation de l’espace est donc une bonne chose, et c’est ce qui figure au début de cet amendement, la règle étant le transfert de cette compétence aux intercommunalités.
Un débat, vif, s’est engagé et, si je vous présente aujourd’hui un amendement reprenant la position adoptée par le Sénat en première lecture, c’est parce que je m’y suis engagée devant les sénateurs et, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises aux unes, aux uns et aux autres, je suis de celles qui considèrent que les engagements donnés ont à être tenus. J’ai compris en effet, et je crois que chacun peut le comprendre, que, au-delà de leur position sur le fond, les sénateurs et les sénatrices avaient de grandes inquiétudes sur la perception par les élus locaux de cette question. Que ces inquiétudes soient rationnelles ou non, qu’elles s’additionnent à d’autres questions ou pas, qu’elles soient fondées ou pas, il ne m’appartient pas d’en juger, mais elles étaient réelles, et les inquiétudes des sénateurs et des sénatrices aussi.
Ce n’est pas un secret, il y a des divergences entre les groupes de la majorité ici et au Sénat et même au sein des groupes. Je crois qu’elles se sont exprimées publiquement, et ce n’est pas une mauvaise chose. L’alignement et l’absence de réflexion sur des sujets qui engagent l’ensemble de notre territoire ne me semblent pas être de bonne politique et je trouve ce débat très sain.
La position initiale des sénateurs était de supprimer l’article 63. Là aussi, il n’y a pas de surprise. J’aurais pu le dire devant mon prédécesseur, Benoist Apparu, et M. Piron le sait plus que d’autres, il y a eu de multiples tentatives depuis 1976,…
Sourires.
…date du premier rapport évoquant l’intercommunalité des documents d’urbanisme, pour mettre en place un tel dispositif et, à chaque fois, pour différentes raisons, cela a été un échec. On peut considérer que c’est manquer d’ambition mais ce qui m’importe, monsieur Potier, c’est le résultat, et c’est un changement de logique. Certains pensent que, comme l’a dit Mme Grelier tout à l’heure, si l’on adopte un tel amendement, il sera plus difficile de mettre en place un PLUI. Je ne le crois pas. Aujourd’hui, le PLUI n’est pas la règle, c’est un choix. Ce sont un ou plusieurs élus qui doivent proposer à l’assemblée une délibération pour transférer la compétence. Désormais, si vous adoptez cet amendement et si la loi est votée, toutes les intercommunalités seront interrogées sur un tel transfert, sans que cela soit à l’initiative de tel ou tel, sans que l’on prête alors à tel ou tel élu des intentions cachées. On change donc de logique. La règle, c’est le transfert.
La question est de savoir à partir de quel seuil l’exception doit être permise.
Je considère, et je le dirai devant les sénateurs, que les députés ont fait un très grand pas vers leurs collègues. Cela s’appelle un compromis et c’est l’essence même de la démocratie. Ce n’est ni mal, ni sale. C’est au contraire un acte d’intelligence collective. Vous auriez pu rester sur des positions radicalement opposées, aller jusqu’au bout, ce qui aurait entraîné des difficultés infinies. La CMP n’aurait pas abouti et c’est la position de l’Assemblée qui aurait finalement été adoptée. Il serait très intéressant et très utile, y compris pour démontrer la force et l’utilité du bicamérisme, qui est si souvent décrié, qu’émerge un compromis issu du dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est pourquoi je défends la position du Sénat devant vous et c’est pourquoi je reconnais le pas que vous avez fait en commission, ce que je soulignerai devant les sénateurs, mais je pense qu’il faut entendre, comprendre les sincères inquiétudes qu’ils ont exprimées.
Je l’ai dit en souriant à ceux qui, en première lecture, défendaient des amendements de suppression, la bonne nouvelle, c’est que je n’ai trouvé aucun opposant au PLUI. Tout le monde est pour, mais pas comme ça, pas maintenant, autrement. Puisque tout le monde est pour, trouvons le moyen de le mettre en oeuvre en respectant les inquiétudes des uns et des autres.
J’entends les critiques virulentes, et les regrets de ceux qui sont les promoteurs du PLUI depuis des années sont très sincères, aussi sincères que l’inquiétude des sénateurs. L’objectif du Gouvernement – et ma position personnelle, que, chacun, je crois, connaît, n’a aucun intérêt en l’espèce –, c’est qu’à l’issue des travaux parlementaires, nous ayons changé de logique, que la dimension intercommunale soit désormais la règle pour l’élaboration des documents d’urbanisme.
S’ag5ssant du seuil permettant de s’exonérer de cette règle, ou d’y aller progressivement, chacun a son appréciation. Les sénateurs en ont choisi un que vous jugez très faible et le président de la commission a déposé un sous-amendement pour l’élever. Cela signifie que vous acceptez le principe défendu par les sénateurs, tout en ne voulant pas un seuil trop bas. Je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée sur ce point parce que je reconnais que c’est un pas très significatif que font les députés à l’égard de la position initiale des sénateurs. Mais je défends, parce que je m’y suis engagée devant les sénateurs, la rédaction qu’ils ont adoptée. Et je la défends avec sincérité parce qu’il faut la comprendre et la respecter et que c’est en se comprenant et en se respectant que l’on fait avancer certains sujets essentiels.
Je n’irai pas plus loin sur les autres éléments, qui reprennent l’amendement de la rapporteure, à qui je laisserai le soin de les présenter, mais je vous invite vraiment, avec beaucoup de sincérité, à voter cet amendement du Gouvernement, qui reprend la position adoptée par les sénateurs.
L’amendement no 473 n’est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 553 , 782 rectifié et 689 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 782 rectifié fait l’objet de deux sous-amendements, nos 786 et 788 .
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 553 .
Je partage totalement les propos de Mme la ministre, je crois que l’histoire est en marche.
En marche avant !
Je n’ai pas rencontré d’élus, en particuliers communaux, qui soient contre une intercommunalité dans le domaine de l’urbanisme. Ils y sont tous favorables, ils savent que c’est pertinent et intelligent mais, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, il y a un aspect psychologique. Ce que ne voulaient pas un certain nombre d’entre eux, c’est qu’on leur impose une marche forcée, ils voulaient pouvoir aller à leur rythme. Je suis donc d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il y a uniquement un problème de seuil.
Pour un certain nombre d’entre nous, le seuil proposé par le Sénat est trop bas et peut bloquer la volonté presque unanime d’une intercommunalité d’aller vers un PLU intercommunal, car 25 % des communes représentant 10 % de la population, c’est une minorité de blocage qui peut empêcher une large majorité des communes d’une intercommunalité, représentant une très large majorité de la population, d’aller en ce sens.
Nous proposons donc, et cet amendement est soutenu par l’AMF, de fixer le seuil à 50 % de la population et 50 % des communes, ce qui permet d’avancer vers le PLUI tout en ne forçant pas les choses et en laissant le temps de la réflexion si une majorité ne veut pas. Nous proposons d’ailleurs, en outre, que la question du PLU intercommunal soit automatiquement posée à chaque fois qu’il y a un renouvellement des instances intercommunales, pour bien montrer que le débat ne s’arrête pas à un instant t mais est régulièrement remis sur la table dans les débats intercommunaux, ce qui devrait favoriser une évolution favorable vers l’intercommunalité en matière d’urbanisme.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 782 rectifié .
Je l’ai défendu.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour soutenir le sous-amendement no 786 .
On a déjà beaucoup parlé de ce sous-amendement, d’autres l’ayant présenté avant que je ne m’exprime. Je voudrais rappeler que le présent texte comporte énormément de mesures importantes et attendues : garantie universelle des loyers, encadrement des loyers, habitat coopératif, lutte contre l’habitat indigne, voire insalubre… Bref, ce texte qui concerne la vie quotidienne de nos concitoyens n’a peut-être pas de raison d’attendre trop longtemps une promulgation et une application.
C’est pourquoi je suis favorable à la réussite de la commission mixte paritaire. Chacun en connaît la composition. Si la CMP échoue, la promulgation de ce texte sera reportée à l’été, voire au-delà. Compte tenu de l’interruption de nos travaux liée aux élections municipales, c’est une donnée. Une réussite de la commission mixte paritaire passe par une écoute des chambres entre elles ; il faut bien évidemment que nous soyons autant écoutés par le Sénat que nous voulons bien l’écouter.
Nous sommes partis d’un texte prévoyant l’automaticité de la mise en oeuvre du plan local d’urbanisme intercommunal. Le Sénat a fait un travail qui est repris ici par le Gouvernement. Notre travail, en commission des affaires économiques, nous a conduits à retenir la règle d’une majorité qualifiée. C’est une position qui me conviendrait parfaitement, car c’est la règle d’usage, comme M. Laurent l’a rappelé, et cela permet d’avoir un repère sur le sujet, comme nous en avons sur d’autres, à l’identique.
Là où l’Assemblée a raisonné en termes de majorité qualifiée, le Sénat raisonne en termes de minorité de blocage. Si ce sous-amendement est proposé à l’amendement du Gouvernement, c’est parce que nous trouvons toujours que la rédaction du Sénat a toutes les chances de bloquer le processus, alors que nous sommes favorables – davantage, en ce qui me concerne, dans une approche incitative que coercitive, je le reconnais – à la mise en oeuvre du PLU à l’échelle intercommunale, ce qui est l’avenir de l’aménagement du territoire dans notre pays. Il faut que ce soit admis, choisi, accepté, mais en tout état de cause, je ne crois pas qu’il existe de voie différente, dans la décennie à venir, que celle d’un travail à l’échelle intercommunale sur cette question. Il faut que cette conviction soit partagée le plus largement possible.
Je propose, avec mes collègues Pupponi et Borgel, une rédaction reprenant la notion de minorité de blocage, plutôt que celle de majorité qualifiée, mais établie à un niveau renvoyant à une responsabilité plus largement partagée que ce n’est le cas dans la rédaction du Sénat : c’est la proposition d’au moins 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population, qui représente un seuil de responsabilité significatif.
Dans le souci de faire un nouveau pas vers la réussite de la commission mixte paritaire sur la base de cette proposition, j’invite donc à sous-amender le texte du Gouvernement, qui reprend sur ce point la position du Sénat. Le Sénat devra prendre acte de notre souci. C’est ce chemin que je vous propose d’emprunter.
La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir le sous-amendement no 788 .
Je serai, madame la ministre, un peu moins optimiste que vous ne devez l’être, concernant l’affirmation selon laquelle tout le monde aujourd’hui serait pour. Être pour en accordant une minorité de blocage à 10 % des intervenants, c’est un peu aimer sans preuve d’amour.
Quant à moi, j’aime les preuves. Je ne suis pas ennemi du compromis, mais pas sans preuves !
Nous sommes sur des questions de réglage. J’étais favorable à la majorité qualifiée de refus, parce qu’elle a une cohérence juridique, mais j’admets que le sujet est trop important pour que l’on s’arrête à des questions de pur parallélisme ou formalisme juridique. J’ai trente ans d’intercommunalité derrière moi – hélas pour mon âge – et je dis clairement que l’on ne peut faire sérieusement un plan d’urbanisme intercommunal contre la volonté de la majorité des communes ou des élus. Je comprends donc très bien l’argument avancé par M. Pupponi. Je rappelle d’ailleurs qu’il s’agissait d’un amendement de M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, qui n’est pas ignorant de la réalité des territoires.
Cet amendement a un grand mérite, celui de la lisibilité : le PLU est de droit sauf si une majorité s’y oppose. La majorité n’est pas forcément celle des écologistes, comme je l’ai entendu dire par M. de Rugy, parce qu’il m’arrive de penser que les majorités écologistes, cela peut être vingt fois 5 %. Je préfère une majorité plus simple de 50,01 %.
Toute plaisanterie mise à part, un second compromis est à présent proposé. Je salue, monsieur Brottes, l’esprit de compromis dont vous faites preuve, sachant ce que sont, ou ce qu’ont été, vos convictions. Vous proposez 45 %. Vous m’accorderez que c’est moins lisible. Je suis donc plutôt tenté par l’amendement de M. Pupponi, au nom de la lisibilité. S’il faut se ranger, en commission mixte paritaire, à un compromis qui aille au-delà, je ne l’exclurai pas. Mais, je le dis franchement, 10 %, c’est un déni de majorité, et c’est inacceptable. L’Assemblée a le devoir de faire valoir un point de vue lisible et responsable. Je retire mon sous-amendement concernant la majorité qualifiée, sans doute trop exigeant, mais je ne m’alignerai pas sur n’importe quel laxisme, s’agissant du compromis nécessaire.
Le sous-amendement no 788 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 689 et donner l’avis de la commission sur les amendements et sous-amendements qui viennent d’être défendus.
Permettez-moi d’évacuer temporairement la question du seuil car, comme Mme la ministre a bien voulu le rappeler, l’amendement du Gouvernement est une reprise de celui que je dépose moi-même, à une seule modification près, concernant le seuil.
Cet amendement fait suite à d’importants travaux que nous avons menés ensemble, ici en première lecture et en commission. Nous sommes tombés d’accord pour dire que, si le PLU intercommunal devait devenir la règle, il fallait qu’il soit praticable, ce qui n’était plus tout à fait certain à l’issue de la navette. Les uns et les autres ayant ajouté des éléments, nous n’y voyions plus très clair dans la manière dont tout cela devait se passer.
Je voudrais donc redire les choses devant vous afin qu’elles soient très claires, au-delà du curseur que nous choisirons dans quelques instants. Le projet de loi initial transférait automatiquement la compétence de l’urbanisme à l’intercommunalité six mois après la promulgation de la loi, sans délibération ni de l’EPCI ni des communes. Nous n’en sommes plus là. Nous avons d’abord décidé qu’il y aurait un délai de trois ans. Se pose donc la question de ce qui se passe entre maintenant et dans trois ans, et de ce qui se passe après. Nous avons ensuite adopté le principe d’un vote. Se pose donc la question de savoir quand intervient ce vote, et qui vote : l’EPCI ou les communes ? C’est à cela que je souhaite, par cet amendement, répondre.
Nous prévoyons aujourd’hui que l’ensemble des intercommunalités seront compétentes automatiquement en matière d’urbanisme dans trois ans. Elles n’auront pas à délibérer sur cette question. En revanche, les communes en seront saisies et devront, dans les trois mois qui précèdent les trois ans, dire leur avis. Si un certain nombre d’entre elles s’y opposent, le transfert ne pourra pas avoir lieu.
Nous disons ensuite que, si certaines communes se sont opposées au transfert, ce transfert devient de nouveau automatique au moment du renouvellement des conseils communaux et communautaires. L’EPCI n’a pas à délibérer sur ce sujet. En revanche, les communes sont de nouveau interrogées et peuvent dire si elles s’y opposent ou non.
Dans la période intermédiaire de trois ans, la règle du volontarisme, sauf dans le cas où les deux tiers des communes représentant 50 % de la population ou 50 % des commues représentant les deux tiers de la population s’y opposent, existe toujours. Les EPCI qui souhaiteront, de manière volontaire, prendre la compétence de l’urbanisme pourront donc le faire en délibérant et en atteignant ce seuil de majorité qualifiée.
De la même manière, entre les trois ans et la clause de revoyure au moment du renouvellement des conseils municipaux et communautaires, que ce soit le premier, le deuxième ou le troisième renouvellement, si certains n’ont toujours pas souhaité procéder à ce transfert, un EPCI pourra toujours décider de prendre la compétence de l’urbanisme. Il devra alors délibérer pour dire ce qu’il souhaite, ensuite de quoi les communes seront de nouveau interrogées, dans les conditions du seuil que nous allons décider.
Je tenais à rappeler ces éléments car les imprécisions issues de nos discussions contribuent sans doute aussi aux inquiétudes des uns et des autres. Si les choses sont plus claires, nous parviendrons peut-être plus facilement à un point de vue convergent entre nos deux assemblées.
Je précise également, à l’attention de plusieurs de nos collègues, que, dès l’instant où une commune a engagé l’élaboration, la modification ou la révision d’un document d’urbanisme, l’EPCI devenu compétent aura tout à fait la possibilité de poursuivre cette élaboration, cette modification ou cette révision. Les choses ne s’arrêtent pas et le processus peut être poursuivi, dans la collaboration entre la commune et l’intercommunalité.
Tel est le sens de cet amendement. Nous y avons beaucoup réfléchi, avec quelques collègues, dont Estelle Grelier et Dominique Potier, auprès desquels nous nous étions engagés.
Évidemment, au-delà de cette réécriture – car ce n’est qu’une réécriture de forme qui était nécessaire pour clarifier les choses –, l’amendement que je présente reprend la position de la commission des affaires économiques en deuxième lecture, à savoir la règle qui est celle habituellement appliquée dans les intercommunalités : le PLU devient intercommunal sauf si les deux tiers des communes représentant 50 % de la population ou 50 % des communes représentant au moins deux tiers de la population s’y opposent. Le Gouvernement et ce n’est pas une surprise, reprend cet amendement avec un seuil différent qui est celui qu’avaient souhaité les sénateurs. J’ai déjà dit dans cet hémicycle qu’il représentait non seulement une minorité de blocage, mais qu’il conduisait finalement à ce que le consentement, traduit dans le principe du vote, se transforme non pas en un vote, précisément, mais en un droit de veto. C’est la raison pour laquelle nous nous y étions opposés jusque-là. Si l’amendement devait être présenté tel quel, au nom de la commission et à titre personnel, je lui donnerais donc un avis défavorable.
Pour ce qui est du sous-amendement de M. Piron, je ne peux pas y être défavorable, puisqu’il reprend la règle de majorité qualifiée issue de la commission.
Le sous-amendement Piron apporté à l’amendement du Gouvernement est de fait un sous-amendement Linkenheld, si je puis dire.
Il y a également la position développée par M. Pupponi qui nous conduit à un seuil d’au moins la moitié des communes représentant au moins la moitié de la population. Cet amendement est fragile, car il ne procède pas à la réécriture générale que je viens de vous présenter. C’est pour cette raison d’abord qu’il me serait difficile d’y apporter un avis favorable.
Le sous-amendement présenté par le président Brottes est, comme il l’a bien rappelé, un sous-amendement de compromis qui ne reflète pas exactement sa pensée ni celle de ses cosignataires et de la commission. De fait, j’ai bien entendu le président Brottes nous dire que sa préférence allait toujours à la règle de la majorité telle que nous l’avons votée en commission des affaires économiques.
Toutefois, nous souhaitons tous voir ce texte aboutir. Or, pour qu’il aboutisse, mieux vaut qu’il y ait un accord entre les deux chambres. Si le sous-amendement du président Brottes est le chemin qui nous garantit le début d’un compromis, je pense que, sans trahir la pensée de la commission des affaires économiques qui n’a pas eu l’occasion de l’examiner de manière approfondie, il pourrait être acceptable pour tous ceux qui ont envie que demain, comme l’a dit Mme la ministre, le transfert de la compétence d’urbanisme ne soit plus l’exception mais la règle.
Chacun peut certes s’y opposer, mais c’est pourtant l’avenir que nous envisageons pour nos intercommunalités.
J’espère avoir été claire à la fois sur la présentation de mon amendement et sur les avis relatifs aux autres amendements et sous-amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements et ces sous-amendements ?
Le Gouvernement est évidemment favorable à son propre amendement. Il ne peut que recommander le sous-amendement du président Brottes à la sagesse de l’Assemblée, puisque l’engagement du Gouvernement, ainsi que le mien, est de vous présenter ici la position qu’ont adoptée les sénateurs.
Nous aurions peut-être pu nous épargner ce débat. En réalité, Mme Linkenheld vient de le dire : le travail fait par la commission était, à mon sens, parfait. L’accord trouvé en commission permettait, à mon avis, de rassembler tous ceux qui veulent aller vers le PLUI, tout en faisant un geste d’ouverture vis-à-vis du Sénat, puisque la position de la commission introduisait la possibilité d’une opposition avec une majorité qualifiée. Je vous vois, madame la présidente, nous faire signe d’accélérer, mais le problème, c’est que le Gouvernement a lui-même déposé un amendement en séance, qui revient sur cette position. J’entends très bien ce que dit Mme la ministre. Ce n’est d’ailleurs pas sa position personnelle et je comprends qu’elle défende la position du Gouvernement, mais celle-ci est assez compliquée à comprendre. À mon avis, elle n’apporte pas beaucoup de clarté au débat. Il y a donc aujourd’hui la position du Sénat et la position du Gouvernement : je ne suis pas certain, madame la ministre, que le fait que le Gouvernement dépose un amendement correspondant à la position du Sénat renforce très profondément la position de l’Assemblée nationale. J’aurais préféré que le Gouvernement ne dépose pas d’amendement, ou qu’il retire celui qu’il a déposé.
En tout état de cause, il faut en rester à la position qui a été adoptée en commission. Je voterai l’amendement qui prévoit le transfert de la compétence sauf si deux tiers des communes représentant au moins 50 % de la population ou 50 % des communes représentant au moins les deux tiers de la population s’y opposent. S’il n’est pas adopté, je voterai le sous-amendement du président Brottes. Monsieur Brottes, je comprends parfaitement votre démarche. Cependant, ce que vous nous proposez, c’est de faire un pas supplémentaire en direction du Sénat. Or le pas a déjà été fait en commission. Avec votre sous-amendement, nous refaisons donc un pas en direction du Sénat, sauf que l’échange avec les sénateurs n’a pas encore eu lieu. J’aurais préféré que l’on reste sur la position de la commission, puis que l’on aille en CMP – d’ailleurs, le Gouvernement n’est pas présent en CMP – pour avoir une discussion entre les sénateurs et les députés. C’est comme cela que les choses se passent.
Je vous redis que j’aurais préféré que l’on en reste à la position de la commission. Je ne comprends pas ce pas de côté pour essayer d’aller chercher un consentement qui me semble honnêtement très difficile à obtenir. J’ai lu les débats au Sénat et je crois que les sénateurs sont extrêmement figés sur leurs positions. Je fais évidemment confiance aux élus qui iront en commission mixte paritaire défendre la position de l’Assemblée nationale.
Pour information, j’indique à tous mes collègues qu’en commission des affaires économiques, nous avons voté à l’unanimité la majorité indiquée dans le texte, à savoir 50 % des communes représentant au moins les deux tiers de la population ou deux tiers des communes représentant au moins 50 % de la population. Je dis bien : à l’unanimité, tous les partis étant représentés.
Je pense que la majorité dont nous avons à décider ici doit avoir du sens ; elle ne doit pas apparaître à nos concitoyens comme purement arbitraire. Sur quoi pouvons-nous nous fonder pour lui donner du sens ? Si nous avions une étude, cela pourrait nous éclairer, mais il n’a pas été possible d’en mener une relative aux conséquences qu’aurait telle ou telle majorité.
Nous devons donc chercher du sens ailleurs : dans la pratique actuelle – c’est ce qui a été décidé en commission des affaires économiques – ou dans nos traditions républicaines de vote. C’est la raison pour laquelle il me semble que la majorité proposée par M. Pupponi d’au moins 50 % des communes représentant au moins 50 % de la population peut également être acceptable. Cela montre que l’on a entendu le Sénat et que l’on fait un pas en direction du compromis. Il y a toutefois un léger obstacle juridique puisque cet amendement n’a pas été suffisamment réécrit, semble-t-il – M. Pupponi voudra bien m’excuser si je m’explique mal –, mais le Gouvernement peut toujours proposer un sous-amendement en séance. Ce pourrait être une façon de trouver un premier compromis dans le sens d’une majorité de 50 % des communes et de 50 % de la population. Par la suite, la CMP fera son travail au mieux. D’ici là, il pourra y avoir à nouveau des discussions, avant et lors du passage au Sénat.
Cette discussion est extrêmement curieuse. J’ai bien entendu que le président Brottes souhaite une application rapide du texte et que pour cela il serait bon que l’on se rapproche de la position du Sénat. Le Gouvernement, dans sa sagesse, a repris exactement la position du Sénat dans un amendement. On peut dès lors considérer qu’il s’agit d’un élément de compromis ou de consensus qui peut satisfaire tout le monde et qui permettrait, par conséquent, d’atteindre l’objectif fixé par M. Brottes d’un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale.
Et puis voilà que nous voyons apparaître deux propositions : l’amendement de M. Pupponi qui propose 50 % des communes représentant au moins 50 % de la population et le sous-amendement de M. Brottes qui propose 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population. Tout d’abord, comment fixe-t-on ce ratio de 45 % des communes et 45 % de la population ? Quelle est la construction de droit, ou la construction rationnelle, qui nous permet d’aboutir à ce sous-amendement ? Pourquoi pas, en ce cas, 35 % et 35 % ?
De fait, le choix de 25 % des communes représentant au moins 10 % de la population, soit l’amendement adopté par le Sénat et repris par le Gouvernement, a un fondement : permettre à des communes, qui verraient collectivement leurs intérêts non reconnus par le PLUI ou par une ville centre extrêmement puissante, de s’opposer. Par contre, la probabilité d’atteindre 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population, ou de 50 % des communes représentant au moins 50 % de la population, est extrêmement résiduelle. M. Piron nous disait tout à l’heure que le texte adopté par le Sénat était une atteinte aux règles de majorité. Mais la véritable atteinte, c’est celle qui est faite aux règles de démocratie communale. Les habitants des communes vont élire des conseils municipaux, et on va leur expliquer que leur avis ne comptera pas puisque, quoi qu’il en soit, c’est la ville centre d’à côté qui décidera de tout pour eux.
Permettre à 25 % des communes représentant 10 % de la population de s’opposer au PLUI, c’est faire respecter la démocratie locale – tout en allant vers le PLUI, parce qu’une ville seule ne pourra pas s’y opposer. Nous trouvons donc l’amendement du Sénat, repris par le Gouvernement, extrêmement intéressant, capable de nous faire atteindre l’objectif du consensus, tout en respectant et l’intégrité des communes et le principe de libre administration. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’amendement du Gouvernement, et partant, contre le sous-amendement de M. Brottes et l’amendement de M. Pupponi.
La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Nous sommes arrivés à un moment important de ce débat. Il ne doit pas y avoir de faux-semblants entre nous. D’ailleurs, cela a été dit et je partageais tout à l’heure l’avis de Michel Piron : l’évolution sociale, en termes de trajets de vie des uns et des autres, fait que nous ne sommes plus dans les débats d’il y a quelques années. La ville, l’endroit où l’on habite, n’est plus la seule commune, parce qu’on ne travaille pas où l’on dort ; que l’on ne fréquente pas les salles de spectacle ou que l’on n’a pas d’activités culturelles dans la ville où l’on a sa résidence ; et que l’on n’étudie pas, quand on est jeune – ou moins jeune, d’ailleurs –, là où l’on habite. La vie sociale, qui fait que l’on habite un village, une petite commune ou une plus grande ville, ne correspond plus aux seules limites communales actuelles, quelle que soit la situation – que l’on soit en zone urbaine, périurbaine ou rurale.
Nous parlons ici d’intercommunalités, c’est-à-dire de communes qui ont choisi volontairement de s’allier pour porter ensemble un projet au service de leurs habitants. Je suis dans le même état d’esprit que François Brottes, qui est aussi celui, je tiens à le souligner, de ma collègue co-rapporteure, Audrey Linkenheld : nous voulons que la commission mixte paritaire aboutisse et nous voulons discuter avec nos collègues du Sénat. Nous voulons bien entendu discuter aussi, ici, avec nos collègues députés qui ont des réserves sur le PLUI, mais nous avons l’ambition que cette CMP aboutisse. Je crois me souvenir qu’il y a quelques années un président de la République disait que là où il y a une volonté, il y a un chemin.
Le chemin que nous vous proposons d’emprunter aujourd’hui, c’est de partager l’objectif que la CMP aboutisse. Nous le disons ici et nous le disons à nos collègues du Sénat. Nous voulons faire partager notre ambition d’un développement de tous les territoires de notre pays au service de leurs habitants.
Nous partageons leur respect pour les élus locaux afin que ceux-ci répondent le mieux possible aux préoccupations des habitants dont ils sont les mandants. Le travail très important qu’a accompli Audrey Linkenheld, travail de persuasion vis-à-vis des uns et des autres dans cet hémicycle, travail de discussion avec l’ensemble des acteurs concernés, cherchant une position de compromis entre le texte initial du Gouvernement – le PLUI automatique, Mme la ministre l’a reconnu – et le point où nous en sommes aujourd’hui. Je pense que nous nous approchons de cette position de compromis. Il va falloir que nous fassions un geste pour aboutir à une situation qui permette d’y arriver, notamment en respectant la place des communes.
Cher collègue Berrios, je veux vous répondre là-dessus : vous soulevez des questions légitimes, mais le texte proposé répond à vos préoccupations, et ce quel que soit le pourcentage de communes exigé pour constituer la minorité de blocage. Ainsi, quand François Brottes propose un seuil minimal de 45 % des communes représentant au moins 45 % de la population, il compte bien en communes et pas seulement en nombre d’élus. Dans une intercommunalité qui comporte dix communes, il faudrait donc qu’au moins cinq communes s’opposent au transfert.
Après avoir cité un Président de la République, je vais citer un dirigeant du Royaume-Uni, Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, et un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. » Je veux que nous profitions de la difficulté de nos débats présents, qui durent d’ailleurs depuis des années, sur la question du PLUI, pour saisir l’opportunité d’avancer. Oui pour faire un geste en avant ; oui pour permettre à la CMP d’aboutir ; oui à l’amendement du Gouvernement sous-amendé par François Brottes, François Pupponi et Christophe Borgel, qui propose un seuil et constitue ainsi un geste important en direction du Sénat. Mais je le dis à titre tout à fait personnel : cette main tendue doit être comprise comme telle pour aboutir à un compromis. Sinon, un refus de la main tendue, que je ne souhaite évidemment pas, devra aussi être compris comme tel. Je sais qu’Audrey Linkenheld est dans le même état d’esprit. J’invite ceux de mes collègues qui partagent ce beau combat avec nous, dont François Brottes – ce qui montre que les évolutions sont possibles, mon cher collègue –, à nous permettre d’arriver à une position de compromis pour que, dans la majorité des villes et des intercommunalités qui le souhaiteront, sous la réserve d’une minorité de blocage acceptable, le PLUI devienne la règle.
…et il était utile. Il montre que, sur tous les bancs, il y a une volonté de faire avancer l’intercommunalité et la conviction que le plan local d’urbanisme intercommunal est un instrument tout à fait efficace et bienvenu sur certains territoires. Mais je pense que l’intercommunalité avance plus vite lorsqu’il y a un consensus entre les communes. On fait de la mauvaise intercommunalité si l’on essaye de la faire rentrer au chausse-pied. J’ai pendant quinze ans été président d’un EPCI – jusqu’à ce que mon élection à l’Assemblée nationale m’oblige à démissionner. Il comporte toujours trente-trois communes et soixante-douze délégués, et nous avons toujours réussi à prendre les décisions à la quasi-unanimité, à soixante-dix ou soixante et onze voix – je vous prie de m’excuser, monsieur de Rugy, mais le soixante-douzième délégué, en général absent, était un écologiste.
De même, dans l’Ain, qui comporte 419 communes, la nouvelle carte de l’intercommunalité a été adoptée à la quasi-unanimité par la commission départementale de coopération intercommunale et toutes font maintenant partie d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération. L’intercommunalité qui se construit librement et par la raison, cela marche. C’est pourquoi je soutiens l’amendement no 782 rectifié du Gouvernement, qui prévoit de revenir au texte du Sénat, permettant au quart des communes représentant au moins 10 % de la population de s’opposer au passage au plan local d’urbanisme intercommunal. Certes, c’est une minorité de blocage, mais un tel niveau atteint signifiera qu’il n’y a pas de consensus et qu’on ne fera pas du bon travail. Il faut donc rétablir l’alinéa voté par le Sénat.
Étant signataire du sous-amendement de François Brottes, je suis bien placé pour souligner la différence entre l’amendement de M. Pupponi qui propose le 50 %-50 % et notre sous-amendement qui propose le 45 %-45 %. Dans le premier cas, c’est l’exigence d’une majorité qualifiée ; dans l’autre, c’est une minorité de blocage. En adoptant notre sous-amendement, mes chers collègues, nous indiquerons que nous comprenons le souci exprimé par la Sénat d’avoir une minorité de blocage.
Deuxièmement, comme l’a très justement expliqué le président Brottes, nous nous donnons les chances de réussir la CMP et donc d’adopter ce projet de loi, qui contient bien d’autres dispositions importantes, le plus rapidement possible.
Enfin, troisièmement, il faut que chacun comprenne que si l’Assemblée nationale adopte notre sous-amendement, elle fera un geste extrêmement significatif pour aboutir non pas à un équilibre mou – puisque le PLUI sera la règle – mais à la prise en compte des inquiétudes suscitées parfois par l’inscription dans la loi de cette règle. Il est toutefois clair que nous n’irons pas en CMP pour aboutir à un niveau de minorité, celui proposé par les sénateurs, qui ôterait tout sens à la disposition relative au PLUI puisque quelques communes récalcitrantes suffiraient pour bloquer le transfert. Il faut donc intégrer l’idée de la minorité de blocage, mais à un niveau tel qu’il corresponde à une situation qui de toute façon pose problème dans le débat à l’intérieur de l’intercommunalité. Je confirme donc que je voterai le sous-amendement que j’ai cosigné avec le président Brottes et M. Pupponi.
Mon amendement a un inconvénient par rapport à l’amendement du Gouvernement, sous-amendé par M. Brottes, M. Borgel et moi-même : il est moins complet dans sa rédaction. Celui du Gouvernement est beaucoup plus complet sur la manière dont les intercommunalités deviennent compétentes en matière de plan local d’urbanisme, y compris lors du renouvellement. Entre un seuil de 45 % et de 50 %, la marge entre la minorité de blocage et une majorité à peine qualifiée est étroite, et en tout cas, on ferait un pas significatif vers le Sénat sans tomber au niveau des 10 %. Je vais donc retirer mon amendement pour me rallier, bien entendu, au sous-amendement du président Brottes.
J’entends bien la nécessité d’un compromis entre les deux assemblées si l’on doit déboucher sur quelque chose de sérieux mais, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je rappelle que, jusqu’ici, c’est uniquement nous qui faisons un geste. Je rappelle que les sénateurs auront la possibilité, avant de débattre, de lire tout ce que nous aurons déclaré ici. Je veux bien renoncer à mon amendement sur la majorité qualifiée, qui est tout de même ma position depuis 2010 – comme celle d’ailleurs de notre rapporteur depuis le début de nos débats –, mais je le dis clairement : il ne faudrait pas que le seuil de 45 % soit notre position de départ, pour parvenir en CMP, après une autre négociation et d’autres pas faits dans la direction du Sénat, à une minorité de blocage qui finisse par être un déni de majorité. J’ai entendu M. Berrios à l’instant et je pense qu’il faut vraiment avoir le talent qui est le sien pour pouvoir nous expliquer qu’un seuil de 10 %, c’est beaucoup plus crédible que 45 %. Du fait que l’Assemblée doit malgré tout affirmer sa position, je répète que j’accepte de retirer mon sous-amendement, mais si M. Pupponi retire son amendement, je le reprends car je veux savoir combien de collègues sont d’accord pour les 50 %. Cette option ne bloquerait pas le système en CMP : s’il faut terminer à 45 %, il sera temps d’en discuter. C’est le but de la CMP. Mais partir d’un seuil de 50 %, c’est-à-dire la reconnaissance que seule une majorité contre peut empêcher le PLUI, me paraîtrait plus raisonnable avant d’aller en CMP. Je n’en ferais pas forcément un point d’arrivée, mais je pense que c’est un bien meilleur point de départ, qui affiche clairement la position de l’Assemblée, y compris dans la perspective d’un vrai compromis, puisque nous n’en étions pas là en première lecture.
Je vous assure que non, ma chère collègue, vous pouvez relire le rapport – Laure de La Raudière en fait la remarque à la page 279. M. Piron me dit qu’il n’y a pas d’autre alternative intelligente à la proposition du Sénat reprise par le Gouvernement que les seuils de 45 % proposés par M. Brottes, mais il est tout de même fort probable que la discussion au Sénat a abouti à un raisonnement suffisamment solide pour que le Gouvernement le reprenne à son compte. Sinon, que devrait-on penser d’une telle situation, monsieur Piron ? Je rappelle que le Gouvernement est responsable de ce qui se passe en ce moment : il nous présente, en dernière minute, un amendement reprenant la proposition du Sénat tout en nous expliquant qu’il émet un avis de sagesse sur le sous-amendement de M. Brottes… Or son engagement vis-à-vis du Sénat n’était pas de venir à l’Assemblée nationale dans de telles conditions, en laissant la majorité décider à peu près ce qu’elle veut. La responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée, c’est de défendre son amendement – vous l’avez d’ailleurs fort bien fait, madame la ministre – et de demander à sa majorité de respecter l’engagement qu’il a pris devant les sénateurs. Or ce n’est pas ce que vous faites, madame la ministre. La discussion que nous avons maintenant depuis plus d’une heure est de la responsabilité du Gouvernement.
Vous avez pris l’engagement de défendre la position du Sénat ici afin qu’il y ait un consensus entre les deux chambres parce que vous voulez que le texte soit rapidement appliqué. Une fois n’est pas coutume, je pense qu’il faut suivre votre position, parce que c’est celle qui peut nous rassembler, alors que toutes les autres nous divisent, comme nous le constatons depuis près de deux heures.
Avant que nous passions au vote, madame la présidente, je voudrais que vous précisiez bien les choses car nous discutons d’un amendement déposé en séance, ce qui rouvre la possibilité d’amender.
Ne vous inquiétez pas, monsieur Caresche, le moment venu, je rappellerai l’avis de Mme la rapporteure, je dirai s’ils ont été retirés et éventuellement repris.
La parole est à M. François de Rugy.
Il est vrai qu’une certaine confusion s’installe entre les sous-amendements, les amendements retirés ou repris. Pour ma part, je rappelle la position de mon groupe : nous souhaitons que s’applique la règle des 50 % qui a été adoptée en commission.
Nous ne souhaitions pas y revenir. Nous sommes ouverts à la discussion avec le Sénat, y compris à ce que la CMP aboutisse mais – c’est une lapalissade – sans que le texte soit dénaturé sur ce point. Que les choses soient claires : la CMP doit aboutir, mais pas à n’importe quel prix. C’est d’ailleurs la pratique de notre majorité depuis dix-huit mois.
Quels que soient les groupes dans lesquels nous siégeons, nous nous heurtons, et l’Assemblée nationale n’y est pour rien, à des fronts du refus au Sénat. Ce ne sont pas des majorités, mais ce sont des fronts du refus, qui sont caractérisés par un conservatisme absolu.
Désolé de le redire, mais nous en avons encore eu la démonstration hier quand le Sénat a rejeté le non-cumul des mandats.
C’est formidable : les sénateurs sont pour que le non-cumul s’applique aux députés mais pas à eux. Tous les sénateurs n’ont pas voté pour cela, mais il s’est trouvé une majorité pour le faire.
C’est au point que j’en viens à imaginer qu’un texte qui aurait été élaboré au sein de la CMP, avec l’accord d’au moins une majorité des sénateurs qui en sont membres, puisse être rejeté par le Sénat. Ce n’est pas à exclure totalement. Un tel schéma sera très pénalisant pour notre texte de loi car il faudrait ensuite refaire au moins deux lectures dans notre assemblée, ce qui nous amènerait à cinq lectures au total. J’attire votre attention sur les risques de vouloir aboutir à tout prix en CMP s’il n’y a pas un accord extrêmement clair.
Pour notre part, nous sommes prêts à faire un geste mais, dans toute bonne négociation, il faut se garder de la marge. Si nous partons de 45 %, nous passons sous le seuil symbolique des 50 % et nous savons très bien ce qui va se passer : l’accord final ne se fera pas à 45 % mais peut-être entre 30 % et 40 %, c’est-à-dire à une minorité de blocage.
Aux collègues de l’UMP qui nous expliquent que c’est un déni de démocratie locale…
…je rappellerais qu’il y a déni de démocratie locale quand des communes plus petites que d’autres osent bloquer la volonté générale qui s’est exprimée dans les urnes, à l’issue d’un scrutin indirect. Et d’ailleurs, si c’est un scrutin indirect, c’est de votre fait, car, pour ma part, j’ai toujours été pour un scrutin direct.
Si les intercommunalités étaient élues au scrutin direct, on ne parlerait même pas de cela : il ne viendrait à l’idée de personne – de personne ! – de demander une majorité qualifiée et on parlerait d’une majorité classique.
Quant à M. de La Verpillière, il trouve formidable que, dans son département, tout soit adopté à l’unanimité. D’où vient cette idée que la démocratie, c’est l’unanimité ? Ce n’est même plus la majorité, mais c’est l’unanimité !
Moi, je sais très bien de quoi il s’agit : dans les intercommunalités, les unanimités se font sur des accords qui n’ont plus rien à voir avec l’intérêt général. Nous parlons d’urbanisme et M. Piron a raison de dire qu’il s’agit d’organiser la vie en commun sur un territoire.
Vous devriez vous occuper de l’aéroport de Nantes ! Soyez moins professoral !
Un plan local d’urbanisme ne se révise pas à chaque séance d’un conseil communautaire. Il se passera souvent un mandat entier sans qu’il soit révisé. En réalité, la compétence sera exercée sans que le conseil ait eu à se prononcer, parce qu’il fera une révision tous les dix ou quinze ans.
Pour en revenir à notre idée de départ, nous avons fait une très grande ouverture. Mme Linkenheld a très bien expliqué comment nous avons évolué depuis la position initiale, qui était le transfert automatique.
En commission mixte paritaire, rappelons-le, tous les groupes ne sont pas représentés. Le débat doit donc avoir lieu en séance publique. Pour ma part, je souhaite que nous en restions au 50 %-50 %.
Mes chers collègues, avant de mettre aux voix, je vous rappelle que l’amendement no 553 a été retiré par M. Pupponi mais repris par M. Piron. Vous me le confirmez, monsieur Piron ?
Mes chers collègues, avant de mettre aux voix, je vous rappelle que l’amendement no 553 a été retiré par M. Pupponi mais repris par M. Piron. Vous me le confirmez, monsieur Piron ?
L’amendement no 553 n’est pas adopté.
Le sous-amendement no 786 est adopté.
L’amendement no 782 rectifié , sous-amendé, accepté par la commission, est adopté et les amendements nos 689 , 272 , 292 , 297 , 47 , 48 , 27 , 97 , 108 , 150 , 166 , 289 , 327 , 422 , 11 , 121 , 274 , 435 , 10 , 89 , 144 , 373 , 554 , 294 , 299 , 298 , 296 , 55 , 56 , 266 , 273 , 490 , 220 tombent.
L’article 63, amendé, est adopté.
L’amendement no 72 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 182 est retiré.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 789 .
Cet amendement revient sur une disposition qui était déjà dans le projet de loi initial et vise à la clarifier : le plan local d’urbanisme intercommunal s’élabore au plus tard au moment de la révision de l’un des plans locaux d’urbanisme qui existent sur son périmètre.
Cette idée présente dans le projet initial a quelque peu disparu en cours de navette et il m’a semblé nécessaire de la réintroduire tout en la clarifiant.
L’amendement no 789 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Votre amendement no 717 est rédactionnel, n’est-ce pas, madame la rapporteure ?
L’amendement no 717 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La commission suggère le retrait, pour les mêmes raisons que tout à l’heure.
L’amendement no 221 est retiré.
L’amendement no 716 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 223 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Permettez-moi de dire quelques mots sur cet amendement no 688 , madame la présidente, en m’adressant notamment à notre collègue Jean-Luc Laurent. Cet amendement réécrit une disposition du texte issu de la commission des affaires économiques mais, je voudrais le préciser, il ne procède qu’à une réécriture sur la forme.
Il s’agit d’éviter une confusion qui aurait pu être introduite si nous avions laissé les choses en l’état entre le sort fait à la conférence intercommunale à l’issue de l’enquête publique sur le projet de plan local d’urbanisme intercommunal et le sort des avis, des dossiers et du rapport de la commission d’enquête publique.
J’ai donc procédé à une réécriture qui ne change rien sur le fond mais qui revient bien à dire que les avis, les recommandations, les réserves, les dossiers, les rapports, c’est-à-dire tout ce qui est issu de l’enquête publique et qui porte sur le projet de plan local d’urbanisme intercommunal doit être présenté lors d’une conférence intercommunale réunissant les maires des communes membres.
C’est seulement après cette présentation que l’organe délibérant de l’EPCI adopte son projet, le cas échéant modifié suivant les conclusions de l’enquête publique, comme le prévoit d’ores et déjà le code.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 438 ? Considérez-vous, madame la rapporteure, qu’il est satisfait pas l’amendement que vous venez de nous présenter ?
L’amendement no 438 n’est pas tout à fait satisfait par cet amendement, madame la présidente, car il porte sur un autre sujet, même s’il s’inscrit au même endroit.
Dans la mesure où la règle que nous venons d’adopter ne fonctionne plus exactement de la même manière puisque, aujourd’hui, nous avons laissé à des communes la possibilité de s’opposer à ce transfert, il me paraît délicat de retenir cette disposition. En effet, il peut arriver que jamais un EPCI ne devienne compétent en matière d’urbanisme si, chaque fois qu’il est sollicité et que les communes doivent donner leur opinion, celles-ci s’y opposent. Il n’y a alors aucune raison objective, y compris au regard de la libre administration des collectivités locales, dont j’ai compris que beaucoup d’entre nous y sont très attachés, pour que la commune sollicite néanmoins l’avis du conseil communautaire.
Il me semble préférable, dans ces conditions, même si, en première lecture, j’avais souscrit à l’idée, mais dans une articulation différente, de retirer l’amendement no 438 . À défaut, la commission y serait défavorable.
Il est en fait le fruit de réflexions que nous avions eues en première lecture, à un moment où nous avions décidé que le transfert de la compétence en matière d’urbanisme vers les intercommunalités était automatique et intervenait pour tous à l’issue d’un délai de trois ans. À ce moment-là, cela pouvait justifier que, dans l’intervalle de ces trois ans, une commune doive prendre la peine de recueillir l’avis de l’EPCI qui, dans un, deux ou trois ans, serait compétent en matière d’urbanisme.
C’est vrai, j’ai demandé et proposé, proposition retenue par la commission des affaires économiques, que l’on veille à bien associer les maires au processus d’élaboration. Une conférence des maires est prévue avant l’enquête publique. J’ai proposé qu’une autre se tienne après, en étant informée des conclusions du commissaire-enquêteur et de l’ensemble des éléments de l’enquête publique.
L’amendement que propose notre rapporteure permettrait de clarifier les choses, mais je m’interroge sur sa rédaction. Je lis en effet que « l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale approuve le projet de plan local d’urbanisme à la majorité des suffrages exprimés en tenant [compte de ce qui est intervenu auparavant] », mais la conférence des maires n’est pas visée. Or, s’il y a une conférence des maires, c’est en vue non pas d’une remise en cause, mais d’une discussion. Un procès-verbal doit ensuite être transmis à l’organe délibérant avant que le conseil communautaire ne se prononce.
J’aurais donc aimé, madame la rapporteure, qu’il soit précisé que l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale dispose d’un compte rendu de la conférence des maires. Si celle-ci se tient, il y a une discussion ; il faut donc qu’il y ait un compte rendu et que l’organe exécutif soit informé de cette discussion, à laquelle ont participé tous les maires, qu’ils soient membres de l’organe délibérant ou non.
Ce doit être l’émotion de l’adoption de l’article 63 que nous attendions tant : je vous prie de bien vouloir m’excuser, monsieur Laurent, car l’exposé que je viens de faire ne correspond pas à l’amendement no 688 . En réalité, je vous ai présenté l’amendement no 772 , qui porte sur le même article mais vient un peu plus tard dans la discussion et dont l’objet est l’enquête publique. Ce n’est pas le cas de l’amendement no 688 . Quand on lit bien ce dernier, on voit qu’il ne comporte aucune référence à l’enquête publique.
Je peux donc vous rassurer. Il est bien précisé, dans l’amendement no 772 , que « les avis [… ] joints au dossier d’enquête publique, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d’enquête sont présentés lors d’une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale., l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale approuve le projet de plan local d’urbanisme à la majorité des suffrages exprimés etc. » J’espère, madame la présidente, que nous pourrons considérer que je l’ai défendu.
Quant à l’amendement que j’aurais dû défendre, l’amendement no 688 , c’est un amendement de clarification, qui porte sur l’autre conférence intercommunale, celle que nous avons instaurée lors des travaux en commission des affaires économiques mais qui, elle, se situe en amont de l’enquête publique et non pas au moment de celle-ci. Elle a vocation à décider des modalités de coopération entre les communes et l’intercommunalité pour l’élaboration du PLU, car, n’en déplaise à ceux qui pensent que nous n’aurions pas entendu les inquiétudes des uns et des autres et que nous mépriserions les communes, nous avons déjà fait en sorte, en première lecture, qu’il y ait une meilleure collaboration entre communes et intercommunalité.
Tel était l’objet de l’amendement no 688 .
Si je puis me permettre, madame la rapporteure, l’objet de l’intervention de M. Laurent était de demander une rectification de l’amendement no 688 , rectification que vous seule pouvez faire. Je rappelle qu’il s’agit d’une discussion commune portant sur les amendements nos 438 et 688 . Vous en avez présenté un troisième, mais j’imagine que la question de M. Laurent reste entière.
Il n’y a pas de rectification nécessaire, puisque l’amendement no 772 répond parfaitement aux préoccupations de M. Laurent.
Je le confirme, nous sommes bien d’accord sur l’amendement no 688 , qui n’était pas celui que Mme la rapporteure a tout d’abord présenté, puisqu’elle a présenté l’amendement no 772 . Je souscris totalement à l’amendement no 688 , qui concerne les modalités retenues en amont de la procédure d’enquête publique ; sa rédaction me convient totalement.
En ce qui concerne l’amendement no 772 , je reste sur ma faim, si j’ose dire. La première phrase que vous citiez, madame la rapporteure, me convient tout à fait, qui vise à réécrire ce que j’avais proposé en commission des affaires économiques. En revanche, à mon sens, la deuxième devrait indiquer que l’organe délibérant est informé de la conférence des maires par un procès-verbal ou un compte rendu.
Dans un souci de réalisme que je veux bien partager, nous avons tous voté les amendements à l’article 63, et nous sommes en train de repousser d’un certain nombre d’années l’accès d’un certain nombre de communautés à un urbanisme communautaire.
Mon amendement visait simplement à prévoir que toute commune qui révise son PLU ou qui passe du POS au PLU, bref, toute commune qui engage une révision de son plan d’urbanisme doit obtenir l’aval de sa communauté. Il s’agissait en quelque sorte de demander à la commune une sorte de cohérence minimale avec sa communauté. Je regrette profondément que mon amendement n’ait pas été compris ainsi, et je le retire, mais je profite de cette dernière prise de parole pour demander à ceux qui siégeront en CMP d’insister sur le fait que des minorités de compromis aussi faibles ne sauraient être éternelles et d’envisager, à l’horizon de cinq ans, des minorités moins pénalisantes pour le PLUI. Sinon, on laissera encore perdurer des erreurs.
L’amendement no 438 est retiré.
L’amendement no 688 est adopté.
Article 64
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
La séance est reprise.
Madame la rapporteure, vous avez déjà présenté l’amendement no 772 .
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 555 .
Défavorable.
L’amendement no 555 est retiré.
L’article 64, amendé, est adopté.
Article 64
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 683 à l’article 64 bis.
L’amendement no 683 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 684 .
L’amendement no 684 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 64 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement no 73 tendant à supprimer l’article 65.
L’amendement no 73 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 543 .
Il s’agit de décliner dans les schémas de cohérence territoriale les objectifs de développement de l’agriculture, de protection des espaces agricoles, et de fixer des objectifs de consommation des différents espaces.
La commission suggère à M. de Rugy de retirer cet amendement, qui lui semble relever plutôt de la loi d’avenir pour l’agriculture. À défaut de retrait, son avis serait défavorable.
Même avis.
L’amendement no 543 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 556 .
Défavorable.
L’amendement no 556 est retiré.
L’article 65 est adopté.
L’amendement no 713 de Mme la rapporteure à l’article 66 est rédactionnel.
L’amendement no 713 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 66, amendé, est adopté.
L’article 66 bis A est adopté.
Madame la présidente, quelques mots sur cet article. J’ai présenté en commission des affaires économiques un amendement qui n’a pas été adopté. Je voulais le présenter à nouveau ici, en séance publique, mais malheureusement, je me suis vu opposer l’article 40 de la Constitution. Je trouve cela surprenant, car l’article 40 interdit aux parlementaires les amendements créant des charges supplémentaires. Or le mien se bornait à proposer des modalités de répartition du produit de la taxe spéciale d’équipement, lequel ne peut dépasser un plafond fixé à vingt euros par habitant. Il s’agit simplement de modifier la répartition de cette taxe entre établissements publics fonciers d’État et locaux, pas d’augmenter l’enveloppe fixée par la loi !
Je tiens donc à souligner qu’il est particulièrement dommage de ne pas simplifier ce point, et de ne pas s’assurer de la complémentarité des outils mis en place par l’État, d’une part, et les collectivités territoriales ou les intercommunalités d’autre part. J’y reviendrai à l’occasion de la discussion d’un autre texte, car c’est important pour l’efficacité de l’action publique dans le domaine de la politique foncière.
Le texte, tel qu’adopté par la commission des affaires économiques, distingue entre les établissements publics fonciers locaux selon qu’ils ont été créés depuis plus ou moins de trois ans. Je propose, par cet amendement, de revenir à la rédaction du Sénat, qui ne fait pas une telle distinction. Cette limite temporelle est injustifiée, puisque les établissements publics fonciers locaux ont les mêmes missions et interviennent selon les mêmes modalités quelle que soit la date à laquelle ils ont été créés.
C’est pourquoi je propose de revenir à la rédaction du Sénat, en supprimant la condition de trois ans d’ancienneté prévue par l’alinéa 3 et en garantissant l’accord des EPFL concernés. Il faut savoir que certains EPFL de moins de trois ans fonctionnent très bien ; pourquoi serait-il plus facile à des EPFL de plus de trois ans de continuer à fonctionner comme avant ? Ce n’est pas logique ! Soit on s’engage à supprimer l’ensemble des EPFL en les remplaçant par des EPF d’État, soit on accepte que les EPFL qui existent déjà et donnent satisfaction aux collectivités locales puissent continuer à fonctionner comme avant après le vote de ce projet de loi.
Vous avez déposé sur cet article, monsieur Ménard, plusieurs amendements qui n’ont pas tous trait à la même question. Il me semble que celui que vous venez de présenter ne porte pas sur la condition de trois ans d’ancienneté prévue pour soumettre la superposition d’un EPF d’État et d’un EPFL à l’accord des EPCI et des communes non membres d’EPCI concernées, mais sur les conditions de vote régissant la création voire la gestion d’un établissement public foncier.
Sur ce dernier point, l’avis de la commission est clairement défavorable à votre proposition. Elle considère en effet qu’il est normal, en cas de création d’un établissement public foncier d’État se superposant à un EPFL, de demander non pas l’avis de l’EPFL lui-même, mais celui des collectivités concernées.
Vous avez soulevé un autre problème : celui de la condition d’ancienneté de trois ans. Je précise qu’elle n’a pas été fixée par la commission des affaires économiques. Elle figurait dans la rédaction initiale du projet de loi, tel qu’il a été transmis par le Gouvernement : la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale s’est donc contentée, en deuxième lecture, de rétablir la rédaction originelle de l’alinéa. Cette condition se justifie par la considération suivante : la possibilité d’empêcher la superposition d’un nouvel EPF d’État – créé pour des raisons d’intérêt général – et d’un EPFL pourrait susciter la création d’EPFL dits « d’opportunité ».
Je ne crois pas que ce soit le cas de l’EPFL auquel vous pensez, celui du département dont vous êtes le député. En tout cas, reconnaissez qu’il faut bien fixer une condition d’ancienneté pour demander l’accord des collectivités en cas de superposition. Une durée minimale de trois ans est-elle l’option la plus pertinente ? Je laisserai Mme la ministre répondre à cette question et nous redire pourquoi, dans le projet de loi initial, cette durée a été fixée à trois ans.
J’ai vu que vous avez déposé plusieurs amendements sur cet article. L’un supprime cette condition d’ancienneté de trois ans ; un autre propose de la remplacer par une condition de création avant le 26 juin 2013, c’est-à-dire avant le début de l’examen de ce projet de loi au Parlement, ce qui permettrait également d’exclure les EPFL d’opportunité de ce dispositif.
Pour tout ce qui concerne les modalités d’accord des collectivités à la superposition d’établissements publics fonciers, l’avis de la commission est donc clairement défavorable. Pour le reste, je propose que Mme la ministre rappelle quelle intention a motivé, initialement, cette condition d’ancienneté de trois ans.
Défavorable également.
J’ai bien compris les arguments de Mme la rapporteure : l’objectif est d’éviter la création d’EPFL d’opportunité. Dans cette perspective, si l’amendement no 291 lui paraît difficile à accepter, peut-être sera-t-elle plus favorable à l’amendement no 295 , qui tend à remplacer la condition d’ancienneté de trois ans par une condition de création avant le 26 juin 2013, date du début de la discussion du présent projet de loi. De cette manière, nous serions certains d’éviter les créations d’EPFL pour des raisons d’opportunité. En effet, les EPFL créés ou en cours de création depuis le début de l’examen de ce projet de loi ne pourront pas bénéficier de la garantie prévue à l’alinéa 3 de cet article 68.
Je tiens à protéger les EPFL déjà créés qui donnent satisfaction. Si vous m’assurez que l’amendement no 295 sera adopté, je veux bien renoncer aux autres amendements que j’ai déposés sur cet article.
L’amendement no 291 n’est pas adopté.
La commission suggère le retrait de cet amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable. Il me semble que des explications du Gouvernement auraient pu éclairer cet avis, étant donné que certaines informations n’ont pu être données en première lecture, ni, d’ailleurs, en seconde lecture en commission.
Défavorable.
À cette heure, je n’ai pas l’assurance que les EPFL déjà en fonction pourront continuer à assurer leurs fonctions. Je maintiens donc l’amendement.
L’amendement no 293 n’est pas adopté.
Défavorable.
L’amendement no 295 est retiré.
L’amendement no 372 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 537 .
Défavorable.
L’amendement no 537 est retiré.
L’article 68 est adopté.
Article 68
L’article 68 bis est adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 513 à l’article 69.
Le cadre juridique ne s’opposant pas à ce que le conseil régional soit également cosignataire des conventions, il n’est pas nécessaire de prévoir cette possibilité dans la loi. Je suggère le retrait de cet amendement.
L’amendement no 513 est retiré.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 538 .
L’amendement no 538 est retiré.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 711 .
L’amendement no 711 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 69, amendé, est adopté.
Article 69
L’article 69 bis est adopté.
Article 69
L’article 69 ter est adopté.
La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement no 475 .
Suivant le principe de libre administration des communes, il est hors de question de transférer le droit de préemption.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 557 .
Les arguments que je développerai valent aussi pour les amendements suivants, que j’ai déposés avec M. Brottes. En France, le droit de préemption pose problème. Il n’est plus adapté aux pratiques de certains, qui se transmettent des parts de société ou font des apports en société afin de soustraire des immeubles à l’exercice du droit de préemption par une collectivité.
Ces amendements visent à clarifier ce droit, à éviter que des biens ou des parts de société puissent continuer à échapper à la préemption et surtout, à faire en sorte que les détenteurs du droit de préemption soient informés par les rédacteurs de l’acte – quelle que soit sa nature – afin de pouvoir faire usage de ce droit. Il est anormal que des montages juridiques permettent d’éviter la préemption.
La commission est défavorable à l’amendement no 557 . La commission considère qu’un équilibre a été trouvé sur ce sujet complexe et sensible et qu’il convient de le préserver. Le texte comporte des avancées ; des propositions, notamment de M. Pupponi, ont été prises en compte. D’autres amendements, nous le verrons, ont reçu un avis favorable.
Les amendements déposés par MM. Pupponi et Brottes visent à réformer en profondeur le droit de préemption urbain. Ils consistent notamment à étendre la liste des biens préemptables aux cessions de parts de SCI – et non plus aux cessions de la majorité des parts –, aux immeubles détenus par des offices HLM, aux immeubles situés en ZAC, etc.
Ils consistent également à limiter la liste des biens non préemptables fixée à l’article L. 213-1 du code de l’urbanisme aux immeubles cédés aux locataires ou au foncier de l’État et de ses établissements publics, en vue de la construction de logements ou d’une opération d’intérêt national.
Enfin, ils tendent à dresser, à l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme, une liste de biens que la commune peut exceptionnellement exclure du champ du DPU par délibération motivée.
Ces dispositions, très techniques, soulèvent un certain nombre de difficultés juridiques. La possibilité de préempter moins de 50 % des parts d’une SCI ne permettrait pas à la commune de disposer du bien et de développer un projet urbain, et ferait poser sur elle, en outre, des risques financiers liés à la gestion future d’une société où elle ne serait pas majoritaire.
Par ailleurs, la SCI familiale permettant la transmission d’un patrimoine sur la base d’une volonté des cocontractants, la préemption, dans ce cadre, pourrait constituer une atteinte forte au droit de propriété.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces dispositions. L’objectif du projet de loi ALUR est de faciliter et de sécuriser l’usage du droit de préemption urbain, non d’opérer une réforme d’une telle portée.
Il est vrai que nous manquons de visibilité lorsque nous légiférons sur le droit de préemption, que ce soit dans le cadre du présent projet de loi, du projet de loi d’avenir pour l’agriculture – nous l’avons vu la semaine dernière avec le droit de préemption de la SAFER – ou du projet de loi relatif au commerce qui viendra bientôt en examen – un fonds de commerce est préemptable, mais pas les parts de société qui le constituent. Il existe bien un vide juridique dans ce domaine.
Nous proposons de constituer un groupe de travail sur la question, lequel oeuvrerait peut-être à une proposition de loi plus générale. Dans l’intervalle, nous pouvons essayer d’améliorer un certain nombre de dispositifs. Je songe notamment aux parts minoritaires de SCI : certains, et en particulier les marchands de sommeil, divisent leur SCI en trois afin d’échapper à la préemption.
La limitation du droit de préemption favorise des trafics en tout genre, qu’il s’agisse de blanchiment d’argent ou de la location à prix fort de logements indignes. Ces trafics prospèrent dans les villes, mais aussi dans les territoires ruraux, parce que le droit de préemption n’est pas suffisamment précis et qu’il est possible d’échapper à son application.
Nous avons évoqué cette question lors de l’examen, la semaine dernière, de la loi d’avenir pour l’agriculture et je me joindrai à M. Pupponi pour travailler sur ce sujet. Il n’est pas possible que l’on s’arrête à des questions de constitutionnalité. Nous devons faire de la politique et considérer que les sociétés ne peuvent être une zone de non-droit pour la puissance publique en matière de maîtrise des biens immobiliers. Il ne faut pas baisser les bras !
Article 70
À la demande du groupe socialiste, républicain et citoyen, la séance est suspendue pour cinq minutes.
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.
La séance est reprise.
Monsieur Jean-Luc Laurent, vous vouliez intervenir à propos de l’amendement no 557 .
Je suis en effet cosignataire, avec M. Pupponi et M. Brottes, de cette série d’amendements dont l’importance est cruciale, car le droit de préemption est régulièrement contourné, en particulier par la cession de parts de sociétés civiles immobilières.
Le droit de préemption, vous le savez, permet aux communes d’être informées en premier des modifications patrimoniales, en fonction desquelles elles décideront de préempter ou non. Je suis moi-même maire, et c’est grâce au réseau Internet que j’ai pris connaissance de la cession de parts de SCI d’un ensemble immobilier de bureaux. Ce n’est pas normal car, par ce procédé – et nous sommes de nombreux maires à en avoir fait l’expérience –, des immeubles peuvent changer de destination et les marchands de sommeil démembrent des immeubles pour mener à bien leurs fructueuses opérations, au mépris de nos concitoyens dont les conditions de logement sont indécentes, sans parler de l’absence d’information qui en résulte et qui peut déboucher, demain, sur la dégradation possible de copropriétés. Cette connaissance est nécessaire.
Un certain nombre de propriétaires indélicats profitent du vide juridique qui entoure le droit de préemption pour le contourner. Remettons de l’ordre pour qu’il ne soit plus permis de faire n’importe quoi. Tel est le sens des amendements déposés.
L’amendement no 557 est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 558 .
Cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle, aussi souhaité-je qu’il soit retiré.
Même avis.
L’amendement no 558 n’est pas adopté.
Je l’ai présenté tout à l’heure.
L’amendement no 783 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 559 .
Aujourd’hui, la commune peut décider, par délibération motivée en conseil municipal, de préempter certains biens. Nous vous proposons, avec M. Brottes, d’inverser la logique juridique : elle pourrait renoncer à ce droit par délibération motivée. Cela ne changerait rien à la définition des biens qui peuvent ou non être préemptés.
L’ensemble de ces amendements obéissent à une certaine logique, inverse de celle des règles actuelles. La commission y est défavorable pour des raisons longuement exposées en commission, et qui tiennent à sa propre logique.
L’amendement no 559 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 741 .
L’amendement no 741 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 563 .
L’amendement no 563 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 564 .
L’amendement no 564 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 785 rectifié .
Cet amendement vise à soumettre au droit de préemption les cessions d’immeubles par les offices HLM, à l’exception de celles réalisées au profit de locataires susceptibles de bénéficier d’une procédure d’accession sociale à la propriété au titre du code de la construction et de l’habitation.
Cet amendement répond en partie aux préoccupations de M. Pupponi, mais il est juridiquement plus solide.
L’amendement no 785 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
Cet amendement vise à soumettre au droit de préemption les biens apportés au patrimoine d’une SCI, tout en garantissant à la commune une information préalable sur la situation de cette SCI, notamment ses dettes. Il répond ainsi aux objections que j’avais émises contre certains amendements de M. Pupponi. Les apports en nature pourront faire l’objet d’une préemption, mais les collectivités seront informées de la situation de la SCI pour pouvoir exercer leur droit en toute connaissance de cause.
La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement, mais, à titre personnel, au regard des explications et des approbations que je viens d’entendre, j’émets un avis favorable.
L’amendement no 784 est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 572 .
L’amendement no 572 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement de précision, no 705, de Mme la rapporteure.
L’amendement no 705 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement de cohérence rédactionnelle, no 704, de Mme la rapporteure.
L’amendement no 704 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 70, amendé, est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 573 .
Même avis.
L’amendement no 573 est retiré.
L’article 70 bis A est adopté.
L’article 70 bis est adopté.
Article 70
L’article 70 ter est adopté.
Article 70
Cette mesure, dont nous avions débattu en première lecture, que le Sénat a supprimée et que je propose de rétablir, vise à ce que les rédacteurs d’un acte de cession de parts de société – qu’il s’agisse d’un avocat, d’un notaire ou même d’un expert-comptable, puisqu’une rectification sera, semble-t-il, proposée pour inclure cette profession dans la liste – en informent obligatoirement les détenteurs du droit de préemption, afin d’éviter qu’un certain nombre de biens soient transmis sans que lesdits détenteurs puissent faire valoir leur droit.
Nous avons en effet déjà eu ce débat. La commission a émis des avis différents selon les amendements qui, s’ils portent sur le même sujet, proposent d’appliquer à la mesure des périmètres distincts. Elle est donc défavorable aux amendements nos 576 et 575 , mais favorable à l’amendement no 574 qui porte sur la cession de la majorité des parts sociales d’une SCI, à condition toutefois que soit adoptée la rectification suivante.
Je rappelle que la question porte sur la publicité de la cession des parts. En première lecture, nous avions indiqué que cette publicité devait prendre la forme d’un acte authentique. M. Pupponi propose qu’il puisse également s’agir d’un acte sous seing privé contresigné par un avocat. Il me semble utile de prévoir que le contreseing puisse être celui d’un professionnel de l’expertise comptable ; nous pourrions alors recommander l’adoption de l’amendement.
L’avis du Gouvernement était défavorable mais, compte tenu des arguments de Mme la rapporteure, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Oui, et je maintiens l’amendement no 574 en approuvant la rectification proposée par Mme la rapporteure.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La rectification proposée par Mme la rapporteure vise, à la cinquième ligne de l’article 1861 du code civil tel que nouvellement rédigé par l’amendement no 574 , à ajouter après les mots « un avocat » les mots suivants : « ou par un professionnel de l’expertise comptable ».
L’amendement no 574 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.
L’article 71 vise à encourager l’intervention des établissements publics de coopération intercommunale sur les terrains que l’État et certains de ses établissements souhaiteraient céder. Il s’agit de permettre aux EPCI d’exercer un droit de priorité.
Or, l’exercice de ce droit est d’ores et déjà possible pour les EPCI qui disposent d’un droit de préemption urbain, ainsi que par délégation des communes. Par conséquent, si la généralisation du dispositif prévue au présent article est bel et bien une nouveauté, il ne semble toutefois pas nécessaire d’en limiter la durée à titre expérimental, et ce pour deux raisons : d’une part, il ne s’agit que d’une faculté et non d’une mesure systématique et, d’autre part, il est déjà démontré que les EPCI ayant opté pour ce dispositif savent manier la procédure.
Enfin, il n’est pas nécessaire de préciser que cet exercice est réalisé dans le cadre des attributions des EPCI, eu égard au principe de spécialité. Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose d’adopter cet amendement.
Avis favorable à cet amendement, que je sais très attendu par nos collègues.
Je vous félicite, madame la ministre, de reprendre par ce très bon amendement une initiative que j’avais suggérée à l’Assemblée. En effet, il est judicieux de préciser que la commune ou l’EPCI peuvent être prioritaires en fonction de leurs compétences respectives et de la nature du bien de l’État concerné. Il ne reste simplement qu’une inconnue : qui déterminera celle qui, de la commune ou de la communauté de communes, sera prioritaire ? S’agira-t-il du préfet, ou de l’autorité administrative ? Est-ce qu’un décret précisera les choses ? La réponse peut toutefois attendre, l’essentiel étant que les communes ne soient plus en mesure de bloquer un bien à vocation intercommunale, comme c’est le cas ici ou là.
L’amendement no 787 est adopté.
L’article 71, amendé, est adopté.
L’article 72 est adopté.
L’article 73, amendé, est adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 514 .
Cet amendement vise à préciser certaines dispositions du code de l’urbanisme auxquelles il est possible de déroger pour favoriser le recours à des matériaux et procédés de construction écologique ou à la production d’énergie renouvelable.
L’amendement no 514 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 74, avec lequel je ne suis pas en désaccord, permet de simplifier les règles de constructibilité applicables à un certain nombre de terrains. Il n’en demeure pas moins que, dans certains cas, l’absence de coefficient d’occupation des sols ou de taille minimale peut provoquer des bouleversements dans des zones qui abritent pourtant un patrimoine d’exception. Ces secteurs existent un peu partout en France – j’en connais un dans ma commune. Il s’agit d’anciens lotissements constitués au XIXe siècle qui, certes, sont devenus des zones de parc urbain très résidentielles, mais qui représentent également un patrimoine remarquable que nous devons transmettre, compte tenu de leur nature tout à la fois environnementale et résidentielle.
En liaison avec vos services et votre cabinet que je tiens à remercier vivement, madame la ministre, je vous propose donc cet amendement visant à préserver ces zones de caractère tout à fait remarquable.
Sagesse.
L’amendement no 604 est adopté.
L’article 74, amendé, est adopté.
L’article 75 est adopté.
L’article 76 A est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 729 .
L’amendement no 729 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 765 .
Défavorable.
L’amendement no 765 est retiré.
L’article 76 est adopté.
Article 76
L’article 76 bis est adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 519 .
L’amendement no 519 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 518 .
L’amendement no 518 , repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 695 .
L’amendement no 695 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 78, amendé, est adopté.
Article 78
L’article 78 bis est adopté.
L’article 81 est adopté.
L’article 82 est adopté.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le texte voté par le Sénat comprenait un article 84 ter introduit par amendement sénatorial contre l’avis du Gouvernement et qui ne concerne que la domanialité de Chambord. Il s’agit d’ailleurs d’un cavalier législatif qui n’aurait pas manqué d’être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Notre commission des affaires économiques a adopté le 18 décembre dernier des amendements de suppression dudit article, déposés par le président Brottes et moi-même – séparément, je vous rassure.
Sourires.
La décision de notre commission des affaires économiques rétablit la situation du domaine de Chambord rappelée par le Conseil d’État dans son avis en assemblée générale du 19 juillet 2012 selon lequel « le domaine national de Chambord appartient dans sa globalité au domaine public de l’État, sous la seule réserve de la forêt qui relève du domaine privé par détermination de la loi ».
Je me réjouis de la position du Gouvernement qui ne remet pas en cause la domanialité, ce qui permettra une juste et rapide indemnisation des commerçants qui ne peuvent plus bénéficier d’un bail commercial, dès lors que seules des autorisations temporaires d’occupation du domaine public sont dorénavant envisageables.
Pour clarifier la situation unique de Chambord, une autre question demeure néanmoins en suspens, celle des relations entre l’EPIC du domaine de Chambord et la commune. L’amendement sénatorial n’apportait aucune solution sur ce point, qu’il ne traitait pas. Nous souhaitons tous aboutir à une conciliation entre deux compétences placées dans des conditions uniques en France, celle de l’État qui, par le biais de l’établissement public du domaine national de Chambord, gère un domaine qui est à lui seul une commune, et celle de la commune, qui est la seule de France dont tout le territoire appartienne à l’État.
Cette situation exceptionnelle pose problème en cas d’exercice de la plénitude des compétences des deux parties, qui entrent alors en conflit. Dans toutes les communes, le conseil municipal et le maire définissent le projet territorial et ont en propre certains moyens de le mettre en oeuvre. À Chambord, c’est l’État seul qui définit le projet territorial et qui détient tous les moyens matériels. On ne soumet le projet d’établissement de Chambord ni au conseil municipal de Chambord ni au conseil de la communauté de communes. Le maire et le président de la communauté de communes peuvent cependant prendre position comme membres du conseil d’administration de l’EPIC lors de l’adoption du projet d’établissement. Il est donc bien clair qu’il ne peut exister à Chambord de projet distinct de celui du domaine national, et que tout ce qui se trouve à Chambord doit y concourir. Par conséquent, l’autorité élue au suffrage universel ne peut de facto exercer une compétence générale mais seulement une compétence résiduelle.
On doit donc constater que la commune n’est pas et ne peut pas être une commune de plein exercice face aux légitimes exigences de l’État gestionnaire du domaine national. Face à cette situation, trois solutions sont possibles. La plus mauvaise serait de ne rien faire et de pérenniser une situation conflictuelle préjudiciable à ce monument du patrimoine mondial. Une autre mauvaise solution serait de remettre en cause la loi applicable aux 36 000 communes de France pour régler la situation unique de Chambord. La solution qui me semble la plus logique et la plus courageuse consiste à modifier les limites communales en réalisant la fusion de Chambord avec l’une des communes voisines, par exemple Saint-Dyé-sur-Loire, qui est le port de Chambord sur la Loire depuis la construction du château. Je propose aussi d’adjoindre à l’EPIC un conseil consultatif des habitants de Chambord.
La question est de déterminer ce qui est le plus important pour la France, chers collègues : que l’État, dans le cadre du domaine national, exerce pleinement ses responsabilités sur l’un des joyaux du patrimoine mondial de l’UNESCO ou que la commune exerce pleinement ses fonctions comme les 36 000 autres communes de France ? Trouver une solution durable implique selon moi le respect d’une hiérarchie. L’intérêt de la France dépend du plein exercice des moyens de l’État pour protéger et mettre en valeur le plus beau chef-d’oeuvre français de la Renaissance. L’intérêt des citoyens de Chambord est de vivre dans une commune de plein exercice, qui pourrait très bien résulter d’une fusion de Chambord avec l’une des communes voisines. La lucidité et le courage commandent de normaliser les relations entre le domaine et la commune en redéfinissant le territoire communal de Chambord. Je souhaite que le débat au Parlement facilite le retour à une harmonie digne de la beauté universellement reconnue de Chambord.
Il s’agit d’un amendement de ratification des ordonnances relatives à l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique d’une part, et au taux de garantie que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent apporter à des emprunts souscrits par un concessionnaire d’aménagement d’autre part.
La commission a émis un avis favorable à cet amendement, tout particulièrement à la partie visant l’ordonnance sur la base de laquelle sera ouvert demain un portail d’accès Internet pour l’ensemble des documents d’urbanisme : ce portail est très attendu par les collectivités locales, car non seulement il simplifiera les procédures, mais il sera source d’économies.
L’amendement no 451 est adopté.
L’article 84, amendé, est adopté.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 726 .
Il était une fois l’article L. 111-6-5 du code de la construction et de l’habitation,
Sourires
aux termes duquel les conditions d’installation et de gestion des équipements permettant de recharger les véhicules électriques ou hybrides font l’objet d’une convention entre prestataire et propriétaire. Cet article encourage par ailleurs l’équipement des nouvelles constructions en bornes de recharge.
Tout cela est bel et bon, à ceci près que, pour avoir moi-même vérifié dans la commune dont je suis encore maire le sort des bornes de recharge dans les constructions neuves, je puis vous assurer qu’aucune borne de recharge n’est mise en place. Autrement dit, tout le monde s’en fiche et personne ne contrôle l’installation effective des bornes de recharge dans les nouvelles constructions !
Mon amendement, dont on dira sûrement qu’il ne concourt pas à la simplification administrative, vise à confier à l’autorité administrative la vérification de la mise en oeuvre des conventions. À quoi bon conclure des conventions si elles ne sont pas mises en oeuvre ? C’est là tout l’objet de l’amendement no 726 .
La commission suggère le retrait de cet amendement et émetra à défaut un avis défavorable, dans l’intérêt de la simplification, certes, mais aussi parce qu’il était une fois les articles R. 111-14-2 et R. 111-14-3,
Sourires
qui relèvent du pouvoir réglementaire et portent sur l’application des règles auxquelles vous faites référence, monsieur le président de la commission des affaires économiques.
Même avis.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Après l’énoncé de tant d’arguments extrêmement convaincants, je maintiens mon amendement !
Sourires.
L’amendement no 726 n’est pas adopté.
L’article 85 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 692 .
Il s’agit d’un amendement visant à corriger une erreur de référence, madame la présidente.
L’amendement no 692 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 87, amendé, est adopté.
En application de l’article 101 du règlement de notre assemblée, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er du projet de loi.
Il résulte de l’adoption de l’amendement no 282 , défendu par M. Tétart, et qui précisait comment seraient déterminées les modalités d’application du diagnostic électrique. Le Gouvernement était favorable à cette partie de l’amendement, tandis que l’autre partie supprimait le diagnostic gaz – ceux qui ont participé au débat s’en souviennent. Suite aux considérations développées par M. le président de la commission des affaires économiques sur le sujet, le Gouvernement souhaite rétablir un diagnostic des installations de gaz les plus sensibles, en l’espèce les tubes souples et tuyaux flexibles d’alimentation des appareils.
Une question reste en suspens : l’adoption de cet amendement signifierait-elle qu’il faudra faire appel à un spécialiste du diagnostic pour contrôler les tubes souples et flexibles des appareils fonctionnant au gaz ?
La deuxième lecture du projet de loi ALUR, comme la première, s’achève par un moment quasiment post-moderne.
Sourires.
Je vous rassure donc, madame Bonneton : l’amendement n’a pas pour objet de créer un corps de spécialistes du diagnostic des tubes flexibles, car les modalités d’application du dispositif seront fixées par décret.
En ce qui me concerne, madame la présidente, je suis extrêmement flexible, et même interchangeable avec mon collègue Daniel Goldberg.
Sourires.
J’émets donc un avis favorable à l’amendement no 1 du Gouvernement, afin de conclure en beauté l’examen de ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Effectivement, M. Goldberg était en principe rapporteur sur l’article 1er, qui faisait l’objet de cet amendement longuement débattu hier soir.
L’amendement no 1 est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Au titre des explications de vote des groupes, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
La parole est à M. François de Rugy.
Madame la présidente, je veux juste me féliciter que nous arrivions au terme de ce débat et souhaiter que la commission mixte paritaire aboutisse dans le respect de l’équilibre général de ce texte.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Au terme de nos débats en deuxième lecture sur ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, les députés du groupe RRDP tiennent à saluer l’ensemble des mesures positives contenues dans le texte, notamment celles relatives à l’accession à la propriété, à l’hébergement d’urgence, à la réforme de l’urbanisme, à la réforme des professions immobilières, à la lutte contre l’habitat indigne ou encore à l’engagement de la transition écologique dans les territoires.
Nous avons adopté un nombre considérable de dispositions visant à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, la crise du logement est ressentie au quotidien par plusieurs millions de Français. Or, avoir un logement est une nécessité humaine fondamentale pour assurer des conditions d’une vie décente. Les élus de terrain que nous sommes savent bien que le logement cristallise des angoisses intimes sur le développement harmonieux de la famille, sur le chômage, sur l’autonomie ou sur la crainte du déclassement. Dans notre France du XXIe siècle, c’est pourtant toujours un problème quotidien pour de nombreux concitoyens, en particulier les plus défavorisés.
Madame la ministre, vous avez voulu moderniser et engager une réforme ambitieuse de ces domaines qui en avaient bien besoin. Il résulte de nos débats un texte très dense et complexe, même si nous aurions peut-être pu concentrer nos efforts sur les points les plus difficiles. Cela dit, vous avez voulu engager une grande réforme sur des secteurs importants, et nous connaissons aussi vos contraintes : le logement et l’urbanisme constituent des pans juridiques particuliers dans notre droit français, car chaque détail sur ces sujets relève du domaine législatif.
Au cours de la campagne électorale, le Président de la République avait fait du logement – en particulier de la lutte contre le mal-logement et la tendance à la hausse des prix de l’immobilier – l’une de ses priorités. Ce texte était donc attendu par nos concitoyens et par les élus que nous sommes, pour apporter des réponses structurelles à cette crise qui dure depuis trop longtemps.
Face à l’ampleur des défis, nous avions besoin d’audace et de propositions fortes. Vous avez eu le courage de les traduire en dispositions législatives et de faire face aux conservateurs qui tiennent à leurs privilèges. Soyons lucides, ce projet de loi ne va pas améliorer du jour au lendemain la situation : ses effets bénéfiques ne seront pas perceptibles avant quelques années.
Si les députés du groupe RRDP ne sont pas tous convaincus sur la façon dont sera mise en place la garantie universelle locative et l’encadrement des loyers, nous espérons tous que les mesures adoptées se révèlent finalement bénéfiques. Globalement, ce texte contient des mesures énergiques, qui vont pour dans le bon sens pour mettre en oeuvre le changement dans la justice de notre politique du logement et de l’urbanisme.
Dans ces conditions, nous espérons que ce projet de loi portera de beaux fruits et vous pourrez compter, madame la ministre, sur le soutien et le vote des députés du groupe RRDP.
La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Tout ayant été parfaitement dit par notre collègue du groupe RRDP, je me contenterai d’indiquer que le groupe SRC votera pour le texte.
Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Comme en première lecture, le groupe UMP votera unanimement contre ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Je ne referai pas le débat en cette fin de séance, d’autant que mes collègues Jean-Marie Tetart et Benoist Apparu ont très clairement exposé nos craintes en discussion générale. En dépit de quelques mesures intéressantes, relatives notamment à la lutte contre l’habitat indigne et la sanction des marchands de sommeil, nous considérons que ce texte ne répondra en rien à l’actuelle crise du logement. Pire, en s’attaquant aux propriétaires de manière aussi idéologique, il risque au contraire d’accroître la défiance des investisseurs et d’avoir donc un effet contreproductif en termes de construction de logements. Pour ces raisons, je confirme que le groupe UMP votera contre ce texte.
Le projet de loi est adopté. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Je ne dirai qu’un mot : merci à tous et à bientôt !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vote sur l’ensemble
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la transposition du droit communautaire en droit interne est une obligation constitutionnelle. Ce travail nous impose de rester fidèles aux directives qui ont été votées par le législateur européen, mais il n’exclut pas de procéder à des adaptations. ainsi, nous pouvons faire des choix majeurs en matière de santé, afin de renforcer, notamment, la sécurité de nos concitoyens.
Les deux premiers articles de ce projet de loi instaurent l’obligation d’assurance dans le champ des activités d’ostéopathie et de chiropraxie. C’est un enjeu important, car le nombre de ces praticiens a fortement augmenté ces dernières années. Ce projet de loi permettra donc aux patients de bénéficier des mêmes garanties que lorsqu’ils consultent un professionnel de santé.
L’article 3 a pour objet d’adapter les dispositions du code de la santé publique au règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Il concerne aussi les produits de tatouage, dont la législation est définie, par référence, à celle des produits cosmétiques. La question des produits cosmétiques est importante à nos yeux, car notre pays est un leader mondial sur le marché de la beauté. Ce projet de loi doit donc nous permettre donc de clarifier le droit national sur différents points tels que la terminologie applicable, la notion de personne responsable, l’autorité compétente en charge de la surveillance du marché et ses obligations, et la notification avant mise sur le marché.
L’objectif de cet article est de renforcer la protection de nos concitoyens. En effet, l’évaluation de la sécurité des produits cosmétiques se fera désormais en conformité avec les bonnes pratiques des laboratoires. Elle sera également conduite par des professionnels qualifiés. Par ailleurs, les effets indésirables et les réactions nocives pour la santé, imputables à l’utilisation normale ou raisonnable du produit, seront déclarés désormais sans délai : tout utilisateur professionnel, distributeur ou consommateur devra avertir l’Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l’ANSM, de tout événement indésirable.
Pour ce qui est des produits de tatouage, l’article 3 précise les obligations des fabricants et des importateurs à l’égard de l’ANSM, les modalités de la mise sur le marché des produits et de la transmission de leur composition aux centres antipoison. Il renforce également l’obligation d’information au public, ainsi que les sanctions administratives qui découleraient d’une non-déclaration.
L’article 4 a pour objet d’encadrer la vente à distance des lentilles de contact correctrices qui n’est aujourd’hui, dans notre pays, ni explicitement interdite ni clairement autorisée. Pourtant, nous le savons, et le débat a eu lieu sur le sujet, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à acheter leurs lentilles de contact sur Internet. Il est donc de notre responsabilité de tenir compte de cette nouvelle réalité et d’adapter notre législation dans un sens protecteur.
Les dispositions de l’article 4 reconnaissent ainsi la légalité de la vente à distance de lentilles de contact tout en l’encadrant. L’information et le conseil au patient seront par exemple assurés par un professionnel de santé qualifié.
Toutefois, je tiens à rappeler, et vous l’avez très certainement à l’esprit, mesdames, messieurs les députés, que des dispositions ayant la même portée ont parallèlement été introduites par amendement à l’article 17 quater du projet de loi sur la consommation actuellement discuté au Sénat. Dans la mesure où les dispositions du projet de loi sur la consommation seront promulguées avant le texte que nous étudions aujourd’hui et ont une portée plus large que celles de l’article 4, le rapporteur a prévu de supprimer cet article, ce qui me semble parfaitement cohérent.
L’article 5 ratifie l’ordonnance du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente des médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification des médicaments. Cette ordonnance transpose la directive européenne qui permet d’introduire dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés des mécanismes de prévention.
En ce qui concerne l’encadrement de la vente sur Internet, nous sommes allés aussi loin que le permet la législation européenne. Je tiens à réaffirmer ici que les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. Nous devons par conséquent nous assurer du niveau de sécurité apporté à nos concitoyens et leur garantir que le conseil prodigué via la vente à distance sera de la même qualité qu’au comptoir des officines. C’est pour cela que j’ai mis en place des garde-fous. Le premier d’entre eux est l’adossement des sites de vente sur Internet à une pharmacie. Le deuxième consiste à exiger l’autorisation préalable de l’agence régionale de la santé pour toute création de site Internet. Enfin, je rappelle qu’est exclue la vente en ligne des médicaments à prescription médicale obligatoire.
L’article 5 ajuste les dispositions du code de la santé publique prises jusqu’ici dans ce domaine. L’ordonnance comporte un deuxième volet important qui précise les sanctions en cas de fabrication, de courtage, de publicité ou de vente de médicaments falsifiés.
L’article 6 transpose la directive du 25 octobre 2012 relative à la pharmacovigilance, qui définit les nouvelles obligations des titulaires d’autorisation de mise sur le marché.
Il s’agit d’abord d’introduire l’obligation pour les laboratoires de motiver leurs décisions de suspension ou d’arrêt de commercialisation de médicaments auprès de l’Agence de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ensuite, les laboratoires devront informer immédiatement et de façon motivée l’ANSM de toute action qu’ils engagent dans un autre État membre ou dans un pays tiers – par exemple lorsque la commercialisation d’un médicament est arrêtée ou suspendue, ou qu’une autorisation de mise sur le marché est retirée ou non renouvelée au motif que le rapport bénéfice-risque apparaît défavorable.
Plusieurs crises récentes ont montré la nécessité de réformer notre dispositif de veille et de sécurité sanitaires. Nous avons besoin d’un système plus fiable et de meilleure qualité. C’est une des priorités de la stratégie nationale de santé. Les débats départementaux et régionaux qui ont été initiés partout en France doivent nous permettre d’avancer dans cette direction. La réforme des vigilances sera un des axes importants de la loi de santé que je présenterai en conseil des ministres au cours de cette année.
L’article 7 a pour objet de mettre en conformité les dispositions relatives aux mentions devant figurer obligatoirement sur la prescription de certains médicaments dits biologiques. L’objectif est de faciliter la reconnaissance des prescriptions médicales établies dans un autre État membre. Cette mesure permettra aux patients d’avoir la garantie que la prescription de ces médicaments est possible dans les autres pays de l’Union : ils pourront ainsi voyager et se déplacer en toute sécurité dans l’espace communautaire.
Mesdames, messieurs les députés, tel est donc l’ensemble des articles qui permet la transposition du droit communautaire en droit interne en matière de santé. Au-delà même du devoir que nous avons d’adapter notre législation nationale, ce texte nous permet de renforcer encore la protection de nos concitoyens dans le champ sanitaire. Je souhaite donc que chacune, chacun d’entre vous s’engage pour l’adoption de ce projet de loi, qui est un texte de sécurité et de responsabilité, à même de garantir la santé de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à remplir l’obligation constitutionnelle de pleine application du droit communautaire.
En matière de santé, l’Union européenne complète les politiques nationales, encourage la coopération entre les États membres et appuie leur action. En outre, en matière de médicaments, les traités lui confèrent une compétence directe. Enfin, les règles visant la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de service ont une incidence dans le domaine de la santé.
Dans tous les cas, l’adaptation au droit européen implique une retranscription fidèle et précise de dispositions que le législateur national ne peut pas modifier. Mais les textes européens laissent également des marges de liberté ; le projet que nous examinons s’est efforcé de les utiliser, avec parcimonie.
Les mesures d’adaptation qu’il comporte visent tout d’abord à parachever la libre circulation des patients en Europe prévue par la directive du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. Les modifications à apporter sont minimes, car le droit d’obtenir des soins dans un État membre différent de l’État d’affiliation est largement effectif en France aujourd’hui. L’attractivité bien connue de notre système de soin nous conduit d’ailleurs à dégager chaque année des excédents en la matière.
La directive prévoit que l’État membre impose à tout praticien de disposer d’une assurance en responsabilité civile professionnelle. Les articles 1er et 2 du projet de loi étendent cette obligation aux ostéopathes et aux chiropracteurs sur le modèle de celle qui régit d’ores et déjà les professionnels de santé. Afin de mieux adapter les contrats d’assurance existants aux nouvelles garanties envisagées, votre commission des affaires sociales, par amendement, a différé l’entrée en vigueur de cette disposition au 1erjanvier 2015. Les patients seront ainsi certains de bénéficier du même niveau de garantie que pour les soins prodigués par des professionnels de santé à proprement parler.
Cette mesure est particulièrement opportune : il existe en France 19 000 ostéopathes non-médecins ; leur nombre a connu une très forte hausse en raison de la trop grande facilité avec laquelle certains organismes privés de formation ont bénéficié d’un agrément entre 2007 et 2012. À cet égard, je me félicite, madame la ministre, que vous ayez engagé une concertation approfondie avec vos services pour réformer le secteur de l’ostéopathie, une pratique dont l’encadrement relève du pouvoir réglementaire, et ce, notamment, dans le but d’améliorer la qualité des formations.
Il reste que la garantie assurantielle ne couvre que les cas de faute. Dans les situations de dommage sans faute, l’indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, restera inaccessible en matière d’ostéopathie et de chiropraxie, car ces deux méthodes thérapeutiques ne sont pas reconnues comme des professions de santé. Il peut donc en résulter une rupture d’égalité. En outre, en l’absence de reconnaissance d’une spécialité d’expertise dans chacune de ces professions, il paraît difficile de déterminer, notamment au contentieux, le respect ou non des règles de l’art. Je sais, madame la ministre, que, sur tous ces sujets, vous êtes à l’écoute des professionnels.
Toujours dans le but de faciliter la circulation des patients en Europe, la directive prévoit que les États membres reconnaissent, pour les médicaments autorisés sur leur territoire, la validité des prescriptions médicales établies dans d’autres États membres. En conséquence, l’article 7 harmonise le contenu des prescriptions transfrontalières pour les médicaments biologiques, les médicaments biologiques similaires, les médicaments immunologiques, les médicaments dérivés du sang et les médicaments de thérapie innovante.
Par amendement, la commission des affaires sociales a prévu qu’un décret définira les mentions qui devront figurer dans l’acte de prescription des dispositifs médicaux, afin de faciliter leur délivrance transfrontalière. De même, elle a prévu l’attribution d’un « label éthique » symbolisé par un pictogramme distinctif qui pourra être apposé, en France, sur les médicaments dérivés du sang issus d’une filière de don gratuit, bénévole et anonyme. Ce système éthique fonctionne grâce au 1,7 million de donneurs que compte notre pays. Ce label permettra de le reconnaître et de le valoriser. Dans le respect du droit européen, il nous revient en effet de promouvoir cette éthique du don, qui figure parmi les principes fondateurs de la filière du sang en France. Adapter notre droit au cadre européen, ce n’est pas seulement transposer a posteriori, c’est aussi montrer la voie aux autres États membres. Je suis convaincu qu’avec cet amendement, nous donnons à l’Europe le signal qu’elle attendait de notre part.
En deuxième lieu, le projet de loi adapte les dispositions du code de la santé publique au règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques ; c’est l’objet de l’article 3. L’unification des règles dans les différents États membres représente une simplification administrative importante, voire majeure : elle est dans l’intérêt des entreprises françaises du secteur de la beauté, qui sont leaders mondiaux dans le domaine – il ne faut pas bouder notre plaisir – et qui exportent les deux tiers de leur production, ce qui leur permet de présenter une balance commerciale fortement excédentaire.
Au vu de l’extrême précision du règlement, la plupart des dispositions de l’article consistent en une pure retranscription ou renvoient aux dispositions spécifiques du texte européen. Mais le règlement laisse des marges de manoeuvre, ce qui nous permet de compléter le dispositif européen de cosmétovigilance, par exemple en maintenant l’obligation pour les professionnels de santé de notifier à l’autorité nationale compétente les effets indésirables graves qu’ils pourraient constater.
Par amendement, la commission a réaffirmé le principe de reconnaissance automatique entre les États membres des qualifications des personnes chargées d’évaluer la sécurité des produits cosmétiques. Elle a simplifié la distinction entre, d’une part, les effets indésirables graves qui pourraient être liés à l’utilisation des produits cosmétiques, qui sont soumis à obligation de déclaration à l’autorité nationale, et, d’autre part, les autres effets indésirables, dont la déclaration est facultative, et supprimé une catégorie intermédiaire qui n’était pas prévue par le règlement européen et qui était assez peu compréhensible.
La commission a également distingué la déclaration des effets indésirables de celle des effets résultant d’un mésusage du produit cosmétique. Le délai dans lequel les fabricants et les distributeurs de produits cosmétiques doivent déclarer les effets indésirables graves a en outre été précisé.
Enfin, concernant les tatouages, afin de mieux mesurer la part des effets indésirables qui pourraient résulter de pratiques illégales ou irrégulières et de distinguer ces dernières des activités des artistes tatoueurs régulièrement établis, tenus de respecter des normes et des règles très précises, la commission a prévu que la déclaration des effets indésirables sera systématiquement complétée par une description des conditions dans lesquelles le tatouage a été réalisé. Il s’agit de comprendre si celui-ci a été fait dans les règles de l’art par un professionnel agréé ou, au contraire, de façon irrégulière.
En matière de médicaments, les articles 5 et 6 achèvent la transposition des objectifs fixés par deux directives qui ont modifié la directive du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
L’article 5 ratifie une ordonnance du 19 décembre 2012 visant à transposer la directive du 8 juin 2011 relative à la prévention de l’introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés. Le projet de loi définit le médicament falsifié, renforce la lutte contre la falsification des matières premières du médicament, qui proviennent dans 80 % des cas de pays tiers à l’Union européenne, en particulier l’Inde et la Chine. De même, l’activité purement financière de courtage en médicament est réglementée, afin de mieux repérer les montages frauduleux liés aux activités des faussaires.
La directive européenne a fait le choix de généraliser à l’ensemble des États membres une offre légale sur internet de médicaments – évidemment – non falsifiés. De plus, conformément à l’arrêt « DocMorris » de la Cour de justice de l’Union européenne du 11 décembre 2003, les États membres ne peuvent exclure de la vente en ligne que les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire. Les textes nationaux doivent donc prévoir que l’ensemble des médicaments ne répondant pas à ce critère peuvent être vendus en ligne, ce qui est plus large que les seuls médicaments actuellement vendus dans les officines en accès direct, devant le comptoir, alors même qu’ils sont les plus adaptés à l’automédication. Or, on l’a dit, la vente en ligne comporte des risques, non seulement de vente de produits falsifiés sur des sites créés par des faussaires, mais aussi de surconsommation médicamenteuse.
Ni la Cour de justice de l’Union européenne ni la directive ne remettent en cause le droit pour un État membre de prévoir le monopole de la délivrance des médicaments par des pharmaciens d’officine, y compris en cas de vente en ligne. Aussi le présent texte fait-il le choix de s’appuyer sur les pharmaciens d’officine et d’encadrer strictement l’activité de vente en ligne de médicaments : la vente n’est possible qu’à partir du site internet d’une officine dont le pharmacien est entièrement responsable et où il exerce pleinement son devoir de conseil. La commande est préparée au sein de l’officine, dans un espace adapté. Le site internet, autorisé par le directeur général de l’agence régionale de santé concernée, constitue ainsi le prolongement virtuel d’une officine de pharmacie.
On sait que la vente en ligne représente aujourd’hui une part tout à fait négligeable du chiffre d’affaires du secteur et que l’activité liée aux médicaments est quasi inexistante : les Français sont attachés à leurs pharmacies et aux conseils qui leur sont prodigués. Au regard de la densité et de la qualité du réseau français des pharmacies d’officine, la possibilité d’acheter certains médicaments en ligne représente en plus un faible avantage pour le patient. En outre, cela compense mal les nouveaux risques, notamment ceux liés aux activités des faussaires. Reste que, au vu des exigences du droit européen, l’encadrement rigoureux qu’il nous est proposé de mettre en oeuvre constitue la meilleure solution, de même, d’ailleurs, qu’un exemple à suivre pour les autres États membres qui s’apprêtent à autoriser la vente en ligne.
Par ailleurs, l’article 6 transpose une directive relative à la pharmacovigilance qui définit les nouvelles obligations des titulaires d’autorisation de mise sur le marché. Ils doivent désormais informer l’Agence nationale de sécurité du médicament, non seulement de la fin de la commercialisation d’un médicament dans un autre État membre de l’Union européenne, mais aussi de toute action engagée pour suspendre sa mise sur le marché, le retirer du marché, solliciter le retrait de l’autorisation de mise sur le marché ou ne pas en demander le renouvellement. Surtout, ils doivent informer l’agence des raisons de leur action lorsque le médicament concerné est nocif, quand l’effet thérapeutique fait défaut, que le rapport bénéfices-risques n’est pas favorable ou encore que le médicament n’a pas la composition déclarée. Cette nouvelle obligation de motivation des informations permettra d’améliorer l’évaluation bénéfices-risques des médicaments.
Enfin, l’article 4 vise à mettre un terme à une procédure d’infraction initiée contre la France en 2007 par la Commission européenne pour « entraves à la commercialisation des lentilles de contact ». Les imprécisions du cadre juridique actuel sont en effet susceptibles de constituer un obstacle à la libre prestation de services en la matière. Pendant cinq années, le précédent gouvernement n’avait pas pu mettre un terme à cette procédure qui a exposé la France à la menace de lourdes pénalités financières. Aussi le Gouvernement a-t-il utilisé le vecteur d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, déposé pendant l’été, pour clore cette affaire. L’article 4 prévoit donc expressément la vente en ligne de lentilles oculaires correctrices, mais aussi son encadrement. Les prestataires concernés doivent permettre aux patients d’obtenir des informations et des conseils auprès d’un professionnel de santé qualifié.
Comme l’a expliqué Mme la ministre, les dispositions de cet article 4 figurent désormais dans l’article 17 quater du projet de loi sur la consommation, introduit par amendement au Sénat en septembre dernier et modifié à l’Assemblée nationale lors de la nouvelle lecture en décembre dernier. Comme le texte sur la consommation sera promulgué avant celui que nous examinons actuellement, et afin d’éviter tout risque de condamnation de la France, je défendrai un amendement visant à supprimer l’article 4.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, il nous revient aujourd’hui d’étudier un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé.
Le texte qui nous est présenté sert principalement à traduire dans notre législation diverses directives européennes sur le sujet. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, ces mesures d’adaptation visent avant tout à parachever la réalisation de la libre circulation des patients en Europe, notamment à travers les articles 1er, 2 et 7 qui complètent la transposition des dispositions de la directive du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Les articles 1er, 2, 3, 5, 6 et 7 ne nous posent pas de problème particulier. Concernant la vente de médicaments, j’approuve les propos de Mme la ministre : les médicaments ne sont pas des produits comme les autres ; ce ne sont pas des produits de consommation courante. Il faut être très vigilant à ne pas se précipiter dans un piège, droit européen ou pas.
En ce qui concerne l’article 4, j’aimerais revenir sur un point que ma collègue Dominique Orliac a soulevé lors de la discussion en commission.
Comme nous le savons, en l’état actuel de la législation, la vente à distance de lentilles de contact correctrices n’est ni explicitement interdite ni clairement autorisée. La jurisprudence européenne en la matière a clairement indiqué que l’interdiction de la vente à distance de lentilles de contact était contraire au droit communautaire. L’article 4 prévoit donc à la fois d’affirmer la légalité de la vente à distance de lentilles de contact correctrices et d’encadrer cette pratique pour garantir la protection des patients.
Toutefois, force est de constater que les conditions de première délivrance ne sont pas précisées par le projet : leur définition est renvoyée à un décret en Conseil d’État. Comme l’a justement relevé ma collègue Dominique Orliac, le problème est que la partie consacrée par l’étude d’impact à l’article 4 est le seul endroit où l’on trouve une référence au contenu de ce qui est projeté pour ce décret. Autrement dit, si l’étude d’impact évoque bien le contenu du décret en Conseil d’État en parlant d’une obligation de prescription médicale en cours de validité pour les patients de moins de seize ans, nulle part il n’est précisé qu’il faut une également pour les patients de plus de seize ans. En clair, un patient de plus de seize ans pourrait donc se faire délivrer des lentilles avec une ordonnance datant, par exemple, de dix ans.
La difficulté est évidemment que cette disposition particulière ne peut être arbitrée par amendement, puisqu’elle ne figure pas dans la loi, mais uniquement dans le projet de décret en Conseil d’État.
Pour le dépistage des principales maladies chroniques oculaires, souvent asymptomatiques au début, la fréquence de trois ans choisie par le législateur en 2007 est clairement appropriée.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé récemment à soutenir les délégations des ophtalmologues vers les orthoptistes, ce qui permettra plus de fluidité pour l’obtention de rendez-vous. Dans le cadre de ces délégations, des renouvellements sont prévus pour des patients ayant été examinés depuis moins de cinq ans, mais avec la nécessité de respecter des conditions très strictes énoncées par la Haute autorité de santé.
Dans le même esprit, le fait qu’aucune mention explicite ne figure dans l’article 4 de ce projet de loi concernant les dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé risque de créer des problèmes majeurs : pas plus que les médicaments, les lentilles de contact ne sont des produits de consommation communs ; elles restent des produits médicaux qui, mal utilisés, risquent de provoquer des dommages considérables, parfois irréversibles, de l’oeil. Il faudrait donc absolument s’assurer que les patients ne puissent pas se faire délivrer des lentilles de contact avec des ordonnances de plus de trois ans, et trouver un moyen de s’assurer que ce délai sera pris en compte dans le décret du Conseil d’État.
Cela étant dit, en l’état actuel des choses, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce texte.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, au-delà de la nécessité d’une réflexion sur les modalités de l’intervention parlementaire dans la transposition des directives, face à des textes très techniques et parfois disparates, je voudrais souligner plusieurs points qui me paraissent importants dans ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé. J’associe à cette intervention ma collègue Martine Pinville qui a malheureusement dû nous quitter avant le début de la discussion.
Je voudrais insister sur certains points de ce texte qui sont de nature à renforcer la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Je veux également en profiter pour évoquer ici la politique du médicament mise en oeuvre par la ministre de la santé et par notre majorité parlementaire pour garantir un bon usage des médicaments tout en maîtrisant les dépenses de santé, étant bien entendu que les professionnels de santé participent à la réalisation de ces objectifs.
Par ailleurs, nous avons réaffirmé notre attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d’agir efficacement contre la contrefaçon, tout en garantissant l’accès de nos concitoyens aux médicaments sur l’ensemble du territoire. La délivrance de médicaments nécessite pour les patients, notamment âgés, l’exercice d’une mission de conseil, à l’officine comme pour la vente en ligne. Les officines, acteurs de premier recours, sont appelées à prendre toute leur place dans le système de santé, dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
Alors qu’apparaissent de nouveaux modes de commercialisation en ligne de médicaments, il apparaît important de rassurer les patients sur ce qu’il leur sera proposé de se procurer sur internet : comme le rappelait tout à l’heure Mme la ministre, les médicaments ne sont pas des produits de consommation comme les autres. Pour cela, ce projet de loi nous propose des dispositions permettant de lutter contre la falsification des médicaments et d’encadrer la vente en ligne par des pharmaciens d’officine. Ainsi, l’article 5 ratifie l’ordonnance du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments. Cette ordonnance vise notamment à encadrer la vente de médicaments sur internet en la limitant aux pharmacies physiques et aux médicaments autorisés à la vente en accès libre en officine.
Par ailleurs elle définit l’activité de courtage en médicaments en l’excluant du monopole pharmaceutique, donne une définition du médicament falsifié et précise une série de missions confiées à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, pour un meilleur contrôle des substances actives et des matières premières pharmaceutiques et pour éviter l’entrée de contrefaçons. Ainsi, le médicament falsifié que l’on peut trouver sur internet sera détecté et sa vente se révélera peu facile à organiser, dès lors que les sites devront correspondre aux pharmacies physiques.
Un autre objet de ce texte est d’encadrer la vente en ligne des lentilles de contact, secteur qui, on le sait, tend à prendre de l’ampleur. Dans notre réglementation, si la vente en ligne de lentilles correctrices n’était pas interdite en France, les imprécisions des dispositions du code de la santé publique pouvaient constituer un obstacle à la libre prestation de services. Sur ce sujet, comme l’a rappelé le rapporteur, l’article 4 prévoit un encadrement équilibré : les prestataires concernés doivent permettre au patient d’obtenir informations et conseils auprès d’un professionnel de santé qualifié, à savoir un opticien-lunetier, un orthoptiste ou un médecin ophtalmologiste. L’article 17 quater du projet de loi sur la consommation adopté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et qui traite du même sujet prévoit d’étendre ces dispositions à la vente des verres correcteurs ; dans la mesure où ce projet de loi entrera en vigueur avant le présent texte, mieux vaut supprimer l’article 4 comme nous le proposera M. le rapporteur par amendement.
Pour ce qui est de la vente à distance des lentilles correctrices, j’insiste sur la nécessité d’imposer aux prestataires de vente à distance la présence d’un opticien-lunettier, d’exiger la présentation d’une ordonnance en cours de validité pour la délivrance des seuls verres correcteurs et d’étendre de trois à cinq ans la durée pendant laquelle l’opticien peut adapter une prescription.
Les Français, s’ils sont très attachés à leur système de santé, le sont tout autant à la notion de sécurité des produits de santé et des dispositifs médicaux. Sur ce point, il est certain que ce projet de loi apporte un certain nombre de réponses importantes ; c’est la raison pour laquelle je vous invite tous à le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce texte très technique vise à remplir l’obligation constitutionnelle d’application du droit communautaire qui découle de l’article 88-1 de la Constitution.
Il nous revient donc ici de traduire dans le droit national les
objectifs fixés par plusieurs directives européennes, ainsi que d’adapter notre droit national à un règlement européen. Notre groupe ne s’opposera pas à ce texte qui, quoique nécessairement décousu, relève bien d’obligations européennes auxquelles nous ne saurions nous soustraire.
Au-delà, ces mesures d’adaptation visent, avant tout, à parachever la réalisation de la libre circulation des patients en Europe et les articles 1er, 2 et 7 complètent la transposition des dispositions de la directive du 9 mars 2011, relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
D’une manière générale, nous nous réjouissons donc que cette directive, négociée par le Gouvernement précédent, et que nous considérons comme particulièrement importante pour les patients de l’Union européenne, puisse désormais s’appliquer pleinement : elle constitue un bel exemple de la construction d’une Europe concrète, au service des citoyens européens, et non pas d’une Europe « d’en haut ».
Elle répondait en effet à l’impérieuse nécessité de définir un cadre légal clair régissant les soins de santé transfrontaliers et la mobilité des patients, à la suite de différents arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne.
Elle permet d’améliorer la coordination entre les États membres en matière de soins de santé transfrontaliers, et donc l’information des patients, la qualité et la sécurité des soins, sans remettre en cause la liberté des États membres d’organiser leurs systèmes de santé respectifs. Je rappelle que la France était attachée au rétablissement d’un système d’autorisation préalable pour les soins hospitaliers, ce que nous avons obtenu.
Notre pays avait d’ailleurs tout intérêt à voir aboutir cette directive sur les soins transfrontaliers, dans la mesure où nous disposons d’une offre de soins très large. Cette ouverture à une clientèle étrangère peut nous permettre de rentabiliser nos équipements, de valoriser nos compétences et notre expertise.
C’est d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui, puisque l’attractivité de notre système de soins nous permet de dégager des excédents. Comme le rappelait le rapporteur, les montants remboursés aux régimes français au titre des soins reçus en France par des personnes affiliées dans d’autres États membres – 615 millions d’euros en 2012 – sont systématiquement supérieurs aux montants des dépenses de santé remboursées par la France au titre de soins reçus dans les autres États membres par des assurés français – 481 millions d’euros en 2012.
Avec l’adoption de cette loi, cette directive s’appliquera donc pleinement, ce dont nous nous réjouissons. En revanche, je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle la transposition de la directive et le choix du Gouvernement de revenir, au même moment, sur le droit d’option des frontaliers suisses.
Cette décision, que nous n’avons cessé de dénoncer, aura un lourd impact, non seulement sur l’économie des territoires transfrontaliers, mais aussi sur la carte sanitaire des départements, la démographie médicale, le niveau d’équipements de pointe, dont vous n’avez pas mesuré les conséquences. Le Gouvernement semble aveugle, puisqu’il n’a pas évalué les répercussions de sa décision, au-delà d’une position idéologique.
Nous doutons également du fait que cette opération ait les effets escomptés pour les finances de la Sécurité sociale, bien au contraire ! La mobilisation est toujours forte, notamment avec le mouvement des bonnets rouges frontaliers. Pourquoi la directive 201124UE ne s’appliquerait pas à la Suisse, puisque celle-ci, en signant les accords bilatéraux avec l’Union européenne, a intégré toute la législation européenne et continue de l’intégrer ?
Quand la France signera-t-elle la convention sanitaire avec la Suisse, afin de permettre la mise en place d’une véritable carte de soins transfrontaliers, qui éviterait à certains citoyens de faire des centaines de kilomètres pour aller à Lyon alors qu’ils pourraient bénéficier d’un hôpital universitaire à Genève ?
De nombreuses questions ne sont pas réglées ; l’échéance du 31 mai approche et, pour l’instant, nous ne disposons d’aucune information concernant les modalités de mise en oeuvre de cette fin du droit d’option. Lundi, vous allez rencontrer les représentants des associations de frontaliers ; les parlementaires des six départements concernés regrettent de ne pas avoir été associés à cette réunion.
Pour revenir plus concrètement sur la directive, je tiens à saluer la désormais obligation pour les ostéopathes et chiropracteurs d’avoir recours à une assurance professionnelle, qui va renforcer la sécurité du patient. Madame la ministre, vous avez annoncé une réforme de cette profession et, sur ce sujet délicat, je souhaiterais que vous puissiez nous préciser votre projet.
En effet, les jeunes qui choisissent cette profession sont en grande difficulté : trop nombreux à être formés, ils ont beaucoup de mal à trouver une clientèle et à vivre de leur métier, lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail. Il est donc indispensable de trouver des solutions en amont, notamment sur la question du nombre d’écoles et la qualité de la formation. La problématique est sensible, mais il est indispensable que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités. Dans tous les cas, nous soutiendrons votre démarche sur ce sujet.
S’agissant de l’article 5, je salue également la manière dont vous avez choisi, en pleine cohérence avec la loi de 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament, de réglementer la vente en ligne de médicaments : dès lors que nous étions contraints de l’autoriser, il était indispensable de le faire tout en continuant d’assurer un degré maximum de sécurité sanitaire. En liant obligatoirement les sites de vente en ligne à une officine « physique », et donc à un pharmacien, c’est bien ce que vous faites et nous soutenons totalement la ratification de l’ordonnance du 19 décembre 2012.
Espérons que le choix qui a été fait par la France de choisir un système qui assure le plus haut degré de sécurisation du circuit du médicament, puisse inspirer d’autres pays européens.
Enfin, je salue l’initiative de notre rapporteur qui, dans la suite logique de son rapport sur la filière sang, a fait adopter un amendement visant à créer un label « éthique », qui sera apposé sur les médicaments dérivés du sang produits dans des conditions éthiques au sens de la législation française.
Puisque nous évoquons la filière sang, permettez-moi une parenthèse à propos d’un sujet sur lequel je suis régulièrement interpellée et qui, même s’il n’est pas évoqué par ce projet de loi, touche à l’harmonisation des normes : je veux parler de l’application systématique du principe de précaution, parfois de manière trop extensive, dans notre pays. Ainsi en est-il de certaines mesures de sécurité comme les rappels de lots pour cause de détection de la forme sporadique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui ne semble pas justifies – c’est d’ailleurs ce qu’avait conclut l’excellent rapport de juillet dernier de notre rapporteur.
Pensez-vous que nous allons pouvoir évoluer rapidement sur ce sujet ? L’établissement français du sang est dans une situation difficile ; à l’heure où nous créons un label éthique pour soutenir la fabrication éthique de médicaments dérivés du sang, il convient donc de prendre rapidement toutes les mesures concrètes et utiles à la préservation de cette filière à laquelle nous sommes tous attachés.
De manière moins consensuelle, je tiens à aborder la question posée par l’article 4 sur la vente en ligne de lentille, qui nous renvoie, comme mon collègue Arnaud Robinet l’a signalé en commission, au débat qui a eu lieu dans le cadre du projet de loi sur la consommation. Le rapporteur a clarifié cette incohérence en nous assurant que l’article 4 allait être supprimé au profit de l’article 17 quater du projet de loi sur la consommation.
Je regrette, à l’instar de la présidente de la commission des affaires sociales, que ce sujet continue à être abordé sous l’angle de la consommation et non pas sous celui de la santé publique.
Le Gouvernement s’est contenté d’annoncer, dans le cadre des débats, que la vente en ligne permettrait un gain de 1 milliard d’euros de pouvoir d’achat pour les Français. Or, dans les pays qui ont développé la vente en ligne – États-Unis, Grande-Bretagne –, celle-ci ne représente que 3 à 5 % du marché.
L’article 17 quater du projet de loi sur la consommation a été adopté dans la précipitation, alors que le sujet aurait mérité un débat approfondi. Je ne vais pas refaire ici le débat, mais je regrette que, pour des produits qui ne sont pas des produits de consommation des dispositifs médicaux – les lunettes et les lentilles de contact –, la dimension de santé publique ait été si peu prise en compte et qu’aucune étude d’impact sérieuse n’ait été menée.
Je finirai enfin sur des considérations plus techniques, concernant la transposition des directives européennes. Si la France a pu être un très mauvais élève dans ce domaine, de gros efforts ont été faits ces dernières années en matière d’adaptation de notre droit.
Selon la Commission européenne, la France fait partie des huit États membres qui ont enregistré, ou égalé, leur meilleur résultat, en 2012. Elle a considérablement amélioré le taux de transposition en droit français des directives européennes, puisque seules 0,4 % des directives restent à transposer en 2012, contre 0,8 % en mars 2011. Nous avons également amélioré notre retard moyen de transposition – seulement quatre mois et demi après expiration du délai de transposition, contre neuf mois en moyenne dans les vingt-sept États membres de l’Union européenne.
Nous sommes en retard pour adopter ce projet de loi et le rapporteur a même été obligé de repousser l’application de l’article 1 sur l’assurance professionnelle des ostéopathes au 1erjanvier 2015.
Il ne nous a pas été possible de récupérer les chiffres – normalement publiés régulièrement – pour l’année 2013, j’espère donc qu’il s’agit d’un oubli qui ne cache pas un recul en la matière.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire sur ce projet de loi, que nous voterons.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Les articles 1er et 2 sont successivement adoptés.
Sur l’article 3, je suis saisie d’un amendement n°3 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
L’amendement no 4 rectifié est adopté.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Le règlement européen prévoit que l’État membre désigne une autorité nationale en charge de la cosmétovigilance. Depuis 2004, celle-ci est de la compétence de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui est déjà chargée de la pharmacovigilance.
À titre de comparaison, s’il l’on recense plus de 80 000 déclarations annuelles d’effets indésirables liées aux médicaments, on n’en compte que 200 liées aux produits cosmétiques et une petite dizaine liées aux produits de tatouage. Dès lors, on peut se demander si l’ANSM est la mieux placée pour traiter de ces questions de sécurité sanitaires liées à l’usage de produits cosmétiques et de tatouages, alors que l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail serait parfaitement capable de le faire.
Pour l’heure, mon amendement no 3 se borne à demander un rapport sur le sujet. Je demande également à Mme la ministre si, à défaut d’un rapport spécifique, nous pourrions saisir l’occasion de la future loi sur la santé publique pour y clarifier de manière globale l’exercice de ces vigilances sanitaires dans le cadre de la stratégie nationale de santé, conformément, me semble-t-il, à la volonté manifestée par le Gouvernement à la suite de la mission sur les vigilances confiée à Jean-Yves Grall.
Monsieur le rapporteur, j’entends bien vos arguments et votre souci d’organiser au mieux les contrôles et le rôle des différentes agences, dans le cadre de la procédure de vigilance. Je vous demanderai toutefois de bien vouloir retirer votre amendement, et je vais vous expliquer pourquoi.
Pour l’heure, et vous le savez parfaitement, c’est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui dispose des pouvoirs de police sanitaire permettant d’opérer les contrôles nécessaires non seulement sur les médicaments, mais aussi sur les produits cosmétiques et les produits de tatouage. L’ANSM a donc une vision globale de la situation de sécurité sanitaire relative à l’ensemble de ces produits.
Or l’ANSES ne dispose pas de ces pouvoirs de police sanitaire ; opérer le transfert que vous suggérez sans s’assurer que l’ANSES serait en mesure de pouvoir les exercer serait tout à la fois prématuré, problématique et risqué.
Vous avez également évoqué la question plus large des vigilances et fait référence au rapport de M. Grall sur la réorganisation de notre système de vigilances. Les travaux sont engagés dans le but d’imaginer ce que pourrait être un système de vigilances plus cohérent, mieux organisé, plus simple pour les professionnels comme pour nos concitoyens, et qui pourrait se traduire par une modification du périmètre des agences. Il nous appartiendra d’y réfléchir dans le cadre de la loi qui permettra la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé ; mais pour l’heure, ce travail n’ayant pas encore été mené à son terme, je ne suis pas en mesure de vous dire si votre proposition s’inscrit dans le projet auquel nous voulons aboutir.
Au-delà du fait qu’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé ne doit comporter que des dispositions d’adaptation au droit de l’Union, il me semble prématuré d’intégrer l’évolution que vous proposez dans le présent texte dans la mesure où les travaux sur la stratégie nationale de santé sont en cours. Je vous demanderais donc de bien vouloir retirer votre amendement en attendant connaître leurs conclusions.
Madame la ministre, dans la mesure où, je l’ai dit, il s’agissait d’un amendement d’appel, je vais le retirer, mais je souhaite au préalable apporter deux précisions. Pour commencer, je ne proposais pas un transfert de la compétence de l’ANSM à l’ANSES, mais seulement un rapport sur les conditions préalables à un tel transfert ; je sais bien que l’ANSES ne dispose pas aujourd’hui de pouvoirs de police.
Ensuite, mon amendement visait à répondre à l’Union européenne, qui demande à la France de désigner l’autorité en charge de la cosmétovigilance. C’est la raison pour laquelle nous avions pensé l’intégrer dans le présent projet de loi.
L’amendement no 3 est retiré.
L’article 3, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1 , visant à supprimer l’article 4.
Je souscris aux propos de ma collègue du groupe UMP, Mme Duby-Muller et à ceux qu’a tenus la présidente de la commission lors de l’examen du projet de loi sur la consommation : intégrer des dispositions sanitaires dans un texte qui ne relève pas du domaine sanitaire, mais de celui du pouvoir d’achat et de la consommation, doit rester exceptionnel. Même si les questions de pouvoir d’achat et de consommation ont évidemment leur importance, on ne saurait aborder les questions de sécurité sanitaire sous l’angle économique. La dimension de sécurité sanitaire doit primer.
Reste, on l’a dit, qu’un amendement a été introduit dans le projet de loi sur la consommation, qui sera adopté et appliqué avant le présent projet de loi. Dans un souci de simplicité et de cohérence, je propose donc de supprimer la totalité de l’article 4. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu sur la vente de produits optiques sur internet ; nous en avons largement discuté en commission et lors de l’examen du projet de loi sur la consommation.
L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est supprimé.
Sur l’article 5, je suis saisie d’un amendement no 5 du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
L’amendement no 5 tend à clarifier la rédaction de l’article L. 5125-40 du code de la santé publique afin de lever l’ambiguïté pouvant résulter des termes « respecter la législation applicable aux médicaments commercialisés en France ». Nous voulons ainsi préciser qu’une personne légalement habilitée à vendre des médicaments dans son pays ne peut vendre aux patients établis en France que des médicaments non soumis à prescription obligatoire et ayant une autorisation de mise sur le marché en France.
Dès lors que nous avons prévu que les médicaments vendus en France via internet ne pouvaient être des médicaments soumis à prescription obligatoire, nous entendons que cette règle vale également pour les sites de vente par internet établis dans les autres pays de l’Union européenne. Par ailleurs, notre amendement supprime les dispositions relatives aux sanctions puisque celles-ci ont été rassemblées au sein d’une ordonnance publiée le 19 décembre dernier relative à l’harmonisation des sanctions pénales et financières relatives aux produits de santé.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
L’Union européenne devra bien, un jour ou l’autre, dans quelques années sans doute, dresser le bilan des ventes de médicaments sur internet et de l’entrée des contrefaçons dans les pays. Nous sommes de ce point de vue le pays le plus sécurisé d’Europe : ce n’est pas un hasard, dans la mesure où la France s’est doté d’un système particulièrement efficace – et qui d’ailleurs a un coût. Mme la ministre vient de parler des pharmacopées soumises à prescriptions médicales ; je pense plus particulièrement à ce un médicament qui favorise l’érection chez l’homme et qui fait l’objet d’une contrefaçon parmi les plus massives en Europe. Tous les pays devront s’asseoir autour d’une table et faire le bilan pays par pays. J’y serai vigilante – pour peu que je sois encore là dans quelques années.
Certes, on peut mettre des logos de reconnaissance sur les médicaments, mais tous les citoyens européens n’en ont pas connaissance. Aussi encadrée soit-elle, tout porte à crainte que la vente de médicaments par internet ne soit une porte d’entrée pour la contrefaçon. Je tenais à faire cette remarque. Je n’en appelle pas seulement à vous, madame la ministre, mais à l’ensemble des vos homologues européens, pour qu’un point soit fait à un moment donné.
Un sacré travail de pédagogie et d’éducation à la santé nous attend… Nous avons parlé des médicaments contrefaits : je suis tout à fait d’accord avec la présidente de la commission. L’Europe nous impose d’inscrire dans le droit français des dispositions sur le fond desquelles je suis, à titre personnel, plus que réservé. Toutefois, la rédaction proposée par cet amendement améliore la transposition dans le droit européen et annule le risque de contentieux européen. C’est donc essentiellement pour ces raisons de forme que la commission a donné un avis favorable à l’amendementdu Gouvernement.
L’amendement no 5 est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
L’amendement no 2 est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
L’article 7 est adopté.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap (nos 711, 1585).
La parole est à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles, de l’éducation, mesdames, messieurs les députés, depuis la loi du 30 décembre 2004, les peines encourues par ceux qui se rendent coupables d’injure, de diffamation, de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence sont aggravées lorsque le délit a été commis à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, réel ou supposé, de la victime.
La République combat ainsi, et c’est heureux, le sexisme, l’homophobie, la handiphobie au même titre que le racisme ou l’antisémitisme et toute haine visant un individu simplement en raison de ce qu’il est. L’histoire de France nous en offre mille explications. Il est heureux que cette liste ait pu être complétée au cours de la discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel en juillet 2012. En effet, la transphobie est à son tour considérée comme un facteur aggravant de diffamation, de discrimination ou d’appel à la haine. Une anomalie subsiste cependant dans notre droit, anomalie que la proposition de loi dont vous allez débattre, ce soir, vient corriger.
Alors que les sanctions pour les propos et écrits publics à caractère discriminatoire sont les mêmes, quel qu’en soit le motif, les délais de prescriptions applicables sont différents. L’autorité judiciaire oublie ainsi les insultes sexistes, homophobes, transphobes, handiphobes en trois mois, alors qu’elle met un an à oublier les insultes xénophobes, racistes ou fondées sur la religion. Vous avez considéré, et nous vous suivons évidemment, qu’il n’y a pas lieu de discriminer entre les discriminations. Il n’y a pas de raison d’établir une hiérarchie du pire dans les propos haineux en fonction de la composante de l’humanité à laquelle ils s’adressent.
Ce principe, nous allons l’affirmer aujourd’hui et je vous proposerai de l’affirmer davantage encore la semaine prochaine. En effet, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes que je vous présenterai comporte un article, lequel vise à relever nos moyens de la lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie et la handiphobie sur internet au niveau des moyens qui sont déjà en oeuvre sur ce même internet pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. La proposition de loi de Catherine Quéré vise donc à aligner la prescription d’un an de l’action publique instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel que soit leur motif.
En mai 2003, le garde des sceaux de l’époque, Dominique Perben, avait justifié l’allongement du délai de prescription pour les injures racistes en indiquant que le délai de trois mois applicable aux délits de presse était devenu trop court dans le contexte de la multiplication et de l’accélération des publications. Ce constat reste exact, que les propos soient racistes, homophobes ou handiphobes.
C’est ce qui justifie la proposition de loi de Mme Quéré, qui a fait l’objet ici même, le 22 novembre 2011, d’un consensus que chacun peut saluer. Cette large majorité a été rejointe par le Défenseur des droits, qui s’est prononcé en faveur de l’alignement des délais de prescription. Il ne s’agit pas à mon sens uniquement d’un symbole. : à plusieurs reprises, les associations de lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ou la handiphobie se sont heurtées dans leurs démarches judiciaires à la brièveté de ce délai de prescription de trois mois. Pourtant, nous savons à quel point les propos qui les ont amenées à engager ce type d’action en justice font de victimes. Les associations sont là pour nous le prouver.
S’il ne fallait se référer qu’à l’une d’entre elles, je citerai les chiffres de l’association SOS Homophobie quelques mois après l’adoption du mariage pour tous : ils montrent à quel point les propos de haine dans l’espace public, parfois dans les établissements scolaires ou sur internet sont d’une violence inouïe.
Vous avez décidé de ne plus laisser faire.En prévoyant les mêmes conditions d’application des sanctions, le Gouvernement est à vos côtés pour que progresse l’égalité dans notre droit. Nous pourrons ainsi lutter contre les discriminations, quelles qu’elles soient et quelles que soient les personnes à qui elles s’adressent. Je vous remercie beaucoup d’avoir présenté ce texte.
La parole est à Mme Catherine Quéré, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Madame la présidente, madame la ministre, l’Assemblée est appelée à se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap. Cette proposition de loi, que j’avais déposée avec M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de nos collègues au cours de la précédente législature, avait été adoptée par notre assemblée en première lecture à la quasi-unanimité le 22 novembre 2011.
C’est à l’unanimité des présents que cette proposition de loi a également été adoptée le 7 février 2013 par le Sénat, en y intégrant deux modifications formelles et un amendement de fond tendant à la rendre applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi ainsi modifiée à l’unanimité. Ce texte doit pouvoir nous rassembler aujourd’hui puisqu’il propose de mettre fin à une anomalie de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
En l’état actuel du droit, en cas d’injure, diffamation ou provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, les sanctions sont les mêmes quel que soit le motif de la discrimination : origine, ethnie, nation, race, religion, sexe, orientation ou identité sexuelle, handicap. Cependant, les délais de prescription de l’action publique varient avec le motif de la discrimination.
En effet, lorsque le délai de prescription des propos discriminatoires à caractère racial, ethnique ou religieux a été porté à un an par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le délai de prescription des propos discriminatoires fondés sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle, ou le handicap a été maintenu à trois mois.
Ce délai, le plus court d’Europe, est le délai de droit commun applicable aux délits de presse. Il s’ensuit que des victimes placées dans la même situation sont, de fait, traitées de façon inégale. Afin de mettre un terme à ce qui s’apparente à une discrimination dans la discrimination, la présente proposition de loi propose d’appliquer la prescription d’un an instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif.
Permettre que des actes identiques punis des mêmes peines puissent faire l’objet des mêmes poursuites est une mesure de bon sens qui ne porte aucunement atteinte à la liberté de la presse, à laquelle nous sommes tous attachés. En effet, si les modifications apportées par la proposition de loi relèvent de la loi sur la presse, les infractions visées ne concernent en réalité que très marginalement cette dernière. Il s’agit, dans l’immense majorité des cas, de propos et d’écrits tenus par des particuliers, notamment sur internet.
La modification introduite par la loi Perben II visait d’ailleurs non pas la presse mais la multiplication de propos antisémites sur internet. Comme l’indiquait M. Perben lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée, « les règles de prescription rendent difficile la poursuite des infractions liées à internet, la jurisprudence de la Cour de cassation précisant que le délai de prescription est calculé à partir de la date de mise en ligne. Le temps qu’il y ait une réaction, le délai de trois mois est dépassé sans qu’une décision interruptive de la prescription ait pu intervenir… Nous devons nous donner les moyens de combattre un phénomène qui, malheureusement, ressurgit – et nous en sommes tous inquiets – dans notre pays, et tenir compte de quelque chose qui, bien sûr, n’existait pas lorsque la loi de 1881 a été votée, il y a plus d’un siècle, je veux parler d’internet, ce réseau électronique qu’il est très difficile, pour la magistrature et pour les services d’enquête, de contrôler et de surveiller en vue de réprimer les infractions qui s’y commettent. »
Ce constat est pertinent, que les propos visés soient racistes, sexistes ou homophobes. Il circule d’ailleurs sur internet autant de messages sexistes ou homophobes que de messages antisémites, racistes ou xénophobes.
Internet a rendu le délai de prescription de trois mois des délits de presse obsolète. Rappelons que ce délai particulièrement court visait à préserver la liberté de la presse dans un contexte où les propos litigieux disparaissaient de la sphère médiatique après leur publication. Or, avec internet, les écrits ne disparaissent jamais : ils sont consultables à tout moment, par n’importe qui et n’importe où. L’injure et la diffamation se répètent à l’infini. Soulignons également qu’internet donne évidemment une dimension tout à fait nouvelle aux phénomènes de diffamation, d’injure et de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence. L’actualité ne cesse de nous le rappeler.
Les contenus diffusés sur internet ne sont pas majoritairement le fait de journalistes et de professionnels de l’information sous le contrôle d’un directeur de la rédaction et soumis à un certain nombre de règles de déontologie. Chacun est désormais en mesure de diffuser ses opinions, fussent-elles injurieuses, racistes, sexistes, homophobes ou diffamatoires, et ce avec d’autant plus de facilité que les opinions peuvent être diffusées sous couvert de l’anonymat.
Depuis huit ans, les injures, diffamations et provocations à la haine racistes et xénophobes se prescrivent dans un délai d’un an. Ce délai n’a jusqu’à présent nullement muselé la presse ni porté atteinte à la liberté d’expression. En revanche, un délai de prescription de trois mois aboutit trop souvent à des dénis de justice pour les victimes des infractions concernées.
Les statistiques du ministère de la justice le confirment de manière frappante : entre 2003 et 2011, aucune condamnation n’a été prononcée sur le motif de diffamation ou de provocation à la haine ou à la violence à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, du handicap, par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique. Ce chiffre montre que les recours n’aboutissent pas, les plaintes étant classées sans suite du fait de l’expiration du délai de prescription.
Instaurer, quelle que soit la nature ou l’origine de la discrimination, un délai de prescription unique d’un an est une exigence de cohérence du droit. Cette mesure témoigne également d’un attachement déterminé à l’égalité des droits qui est au coeur du pacte républicain, sans remettre aucunement en cause la liberté de la presse. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter le texte issu de la première lecture au Sénat sans modification.
Il n’est pas possible de cautionner une hiérarchie implicite entre les discriminations en faisant varier les délais de prescription selon la gravité supposée du motif. Il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie du pire entre les propos haineux en fonction de la composante de la population qui en est la cible. Une discrimination reste une discrimination, qu’elle se fonde sur l’ethnie, la race, la religion, l’orientation ou l’identité sexuelle ou sur le handicap. Par ailleurs, le droit doit être connu de tous ; il se doit d’être lisible et compréhensible par tous. Or les différents délais de prescription créent une confusion pour les victimes.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a désormais une longue histoire. Nous l’avions examinée ici même en première lecture sous la précédente législature, le 17 novembre 2011. Nous essayions alors, dans l’opposition, avec grande difficulté pour ne pas dire impossibilité, de faire progresser notre pays sur le long et toujours trop lent chemin de l’égalité des droits.
J’avais alors rappelé la perspective historique dans laquelle nous devions placer l’excellente proposition de loi dont Catherine Quéré a pris l’initiative et qui vise à franchir une nouvelle étape en faisant tomber des discriminations.
Je me souviens avoir ce jour-là terminé mon intervention en évoquant la bataille menée sans succès par le groupe SRC pour ouvrir le mariage aux couples de même sexe : « En cette fin de législature, me souvenant de la proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe que j’ai rapportée ici même, au printemps dernier, je constate que les étapes sont parfois difficiles à franchir. Je regrette que nous n’ayons pas franchi celle-ci, qui était décisive. Sans doute devrons-nous attendre la décision des Françaises et des Français au printemps prochain pour ne pas rester, en ce domaine, au bord du chemin. Chers collègues, il reste encore beaucoup de travail ! ».
Aujourd’hui, nous y sommes. Les Françaises et les Français ont choisi le chemin du progrès et nous avons collectivement fait un pas de géant en adoptant le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. C’était un engagement fort du Président de la République, que nous avons su mettre en oeuvre avec conviction et détermination.
Car en la matière, rien n’est jamais simple, rien n’est jamais acquis d’avance. Souvenons-nous que l’homosexualité a été dépénalisée en France il y a seulement trente ans et qu’il a fallu attendre le milieu des années 80 pour que soit enfin reconnue dans le code pénal la discrimination en fonction de l’orientation sexuelle – des moeurs, comme on disait à l’époque. Puis il y a eu le débat fondateur pour créer le pacte civil de solidarité, le PACS, qui a permis, enfin, de faire entrer le couple homosexuel dans le code civil et qui a été déterminant, car il a radicalement changé le regard que la société française portait jusque-là sur les femmes et les hommes homosexuels. Depuis 2004, enfin, nous pouvons nous féliciter que les propos et écrits à caractère discriminatoire en fonction du sexe, de l’orientation sexuelle et du handicap soient sanctionnés quand il s’agit de provocation, de diffamation ou d’injures publiques.
Il s’agit aujourd’hui de clore un nouveau chapitre en modifiant à nouveau la loi sur la liberté de la presse de 1881, grande loi républicaine, ô combien vertueuse puisqu’elle garantit d’un côté la liberté d’expression et que, d’un autre côté, elle en sanctionne les abus, notamment, comme le Conseil d’État l’a rappelé récemment, ceux qui peuvent attenter à la dignité humaine. Nous savons que le législateur doit tout particulièrement toucher à cette loi d’une main tremblante mais, en l’occurrence, la proposition de loi dont nous abordons la lecture définitive à l’Assemblée nationale crée une plus grande lisibilité en proposant d’appliquer la prescription d’un an instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif.
Actuellement, le délai de prescription d’un an vise seulement les discriminations en fonction de l’origine, de l’ethnie, de la nation, de la race et de la religion. Nous proposons de l’appliquer également aux discriminations en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. C’est un rééquilibrage essentiel, qui n’est pas seulement symbolique. Il va permettre d’atteindre en ce domaine l’objectif d’une parfaite égalité des droits.
Ce texte tend à permettre aux individus, et aux associations qui les soutiennent, lorsqu’ils sont attaqués en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, d’avoir le temps et les moyens d’engager les poursuites nécessaires pour que les écrits et propos à caractère discriminatoire soient pénalement sanctionnés. Aussi, chers collègues, je pense que notre Assemblée s’honorerait en votant à l’unanimité cette proposition de loi si républicaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui à la fin du processus législatif concernant cette proposition de loi. Aucun amendement n’ayant été déposé, le texte va être adopté conforme dans la version sénatoriale, et les nouveaux délais de prescription des délits de presse commis en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap pourront immédiatement entrer en vigueur.
Je citerai ici mon excellent collègue sénateur, Yvon Collin, qui était intervenu le 7 février dernier en séance publique : « La loi du 29 juillet 1881 fait partie de ces grandes lois de progrès social et de liberté votées par le Parlement de la IIIe République qui ont fondé le pacte républicain dont nous sommes aujourd’hui à la fois les bénéficiaires et les dépositaires ».
Les radicaux, toujours profondément attachés à la liberté d’expression, ont, de toute éternité, fait entendre haut les valeurs de liberté et de tolérance. Nous continuons, bien évidemment, même si la société contemporaine est quelquefois plus éprise d’ordre que de liberté.
Nous savons tous que la liberté, c’est le choix de ses contraintes ; et comme ceux qui violent impunément la liberté des autres ne se fixent par définition aucune contrainte, il faut que la société fixe les limites de l’exercice des différentes libertés individuelles. C’est pour cela que le code pénal n’interdit rien, il punit. Quand il s’agit d’interdire pour préserver l’ordre public, la police administrative est là, comme le cas de M. M’Bala M’Bala l’a récemment illustré.
Les délits de presse tels qu’ils sont définis dans notre législation forment une limite raisonnable à la liberté d’expression, dans la société qui est la nôtre. Ces délits, comme toutes les infractions, au nom du principe de sécurité juridique, doivent pouvoir être prescrits : l’écoulement d’un délai, dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les contraventions, entraîne l’extinction de l’action publique et rend ainsi toute poursuite impossible. Il existe un délai spécial pour les délits de presse, plus court : trois mois. Ce délai vise évidemment à préserver la liberté de la presse, sachant qu’il peut être interrompu par des actes de poursuite ou d’instruction.
La loi Perben II du 9 mars 2004 a allongé ce délai de prescription à un an pour les propos ou écrits poussant à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à caractère ethnique, national, racial ou religieux, ou contestant l’existence d’un crime contre l’humanité, à partir du constat que le délai de trois mois, à l’heure d’internet, était trop court. La proposition de loi qui nous est soumise tend à appliquer le même délai aux insultes liées à l’orientation sexuelle ou au handicap.
L’allongement du délai de prescription à un an, fruit de la loi Perben II, avait fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, la décision ayant été rendue par le Conseil constitutionnel le 12 avril 2013. Cette QPC avait été transmise par la Cour de cassation et déposée au nom du principe d’égalité devant la loi. Le Conseil a estimé que la différence de traitement résultant de l’allongement du délai pour les délits concernés ne revêtait pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi, à partir du moment où le législateur avait précisément défini les infractions auxquelles l’allongement du délai de prescription est applicable.
Ainsi, la définition de nouvelles infractions, de nature sexuelle cette fois, par le législateur, infractions pour lesquelles le délai de prescription des délits de presse serait d’un an au lieu de trois mois est conforme à la Constitution. L’extension à un an du délai de prescription pour l’ensemble des délits de presse, qui aurait le mérite de la simplicité, se heurterait à la décision du Conseil et serait immanquablement considérée comme inconstitutionnelle.
Si les élus du groupe RRDP souscrivent à la déclaration de la ministre déléguée aux droits des femmes, indiquant lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat le 7 février 2013 qu’il n’y a pas lieu de discriminer entre les discriminations, ils ne peuvent que constater que la jurisprudence du Conseil constitutionnel oblige le législateur à modifier au coup par coup la législation en matière de délais de prescription des délits de presse en fonction du caractère jugé insupportable desdites discriminations par le corps social.
C’est le paradoxe de la situation. Pour combattre toutes les discriminations, il faut en dresser la liste et donc les critères, ce qui en exclut, par définition, certaines, qui resteront soumises au droit commun. Nous atteignons vraisemblablement les limites de l’exercice.
Je souscris aux observations d’Yvon Collin qui estimait qu’il fallait prendre garde à ne pas trop étendre le champ des régimes dérogatoires. Cela ne nous empêche pas de soutenir sans réserve ce texte, que nous voterons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour remédier à une incohérence de notre droit en matière de délais de prescription des délits de presse.
Actuellement, ceux-ci varient selon le caractère de l’infraction. Ainsi, les délits de diffamation, d’injure ou de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commis à l’encontre des personnes en raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, ou de leur handicap, sont soumis à un délai de prescription de trois mois, conformément au droit commun. Mais ces mêmes infractions commises en raison de la race, de l’ethnie ou de la religion ont vu leur délai de prescription porté de trois mois à un an par la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II. L’évolution de la loi a donc introduit une distorsion entre les délais de prescription au sein d’infractions de même nature, ce qui n’est satisfaisant ni pour le législateur, ni pour ceux qui font appliquer la loi, encore moins pour ceux auxquels elle s’applique : nos concitoyens.
Pour mémoire, il faut aussi rappeler que, dans un autre domaine, c’est également un délai de prescription d’un an que le législateur a inscrit dans la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, pour les actes provoquant « directement aux actes de terrorisme » ou à leur apologie.
De fait, le délai de trois mois semble aujourd’hui obsolète. Notre groupe est naturellement attaché à la liberté de la presse. La loi fondatrice de 1881 relative à la liberté de la presse ne pouvait pas, il y a plus de cent trente ans, anticiper la révolution numérique qui devait marquer la fin du XXe siècle. Elle ne pouvait pas prévoir l’extension de l’espace public que représente internet, ni ses grandeurs et décadences, entre totale liberté d’expression et dérives difficilement contrôlables. C’est donc au législateur de garantir la pertinence et l’actualité des grandes lois qui ont marqué notre droit.
C’est pourquoi nous saluons cette proposition de loi, issue d’une initiative de Catherine Quéré, que nous avions soutenue après suppression de son article 1er lors de la précédente législature, et qui devrait être adoptée définitivement aujourd’hui.
C’est bien le dévoiement de la loi opéré sur internet qui est visé aujourd’hui. La volonté des auteurs de cette proposition, telle que nous la comprenons, et que nous saluons, est de lutter contre l’impunité qui peut régner dans le cyberespace. Nous sommes soucieux, comme vous, de la liberté de la presse, et nous comprenons qu’il ne s’agit en aucun cas d’une tentative détournée de porter atteinte à la liberté d’expression, d’autant que la loi Perben Il a bien montré que la prescription d’un an n’avait pas contribué à museler les médias traditionnels.
Cette proposition de loi, désormais réduite à son article 2, est équilibrée. En alignant la prescription d’un an de l’action publique à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif, elle permet à des actes identiques, punis par des peines identiques, de faire l’objet des mêmes possibilités de poursuite – il faut savoir que, malgré ces délais de prescription jusqu’à présent distincts, ces infractions restent soumises au même régime de peine : six mois à un an de prison et une amende pouvant aller de 22 500 à 44 500 euros.
Ce texte répond donc à deux objectifs que nous comprenons. Premièrement, il concourt à l’intelligibilité de la loi. Le droit doit être lisible et compréhensible par tous. Or la multiplicité des délais de prescription favorise la confusion et accroît le risque pour le justiciable de se tromper dans les délais, et celui de voir ainsi un certain nombre de plaintes classées.
L’harmonisation des délais de prescription permet aussi de garantir l’égalité devant la loi. Il paraît difficile de cautionner une hiérarchie implicite entre les discriminations en acceptant que les délais de prescription varient en fonction de la gravité supposée du motif. Une discrimination reste une discrimination, qu’elle se fonde sur l’ethnie ou l’orientation sexuelle, sur la religion ou le handicap.
Ce texte répond ensuite à un objectif simple d’efficacité. De fait, le délai de prescription de trois mois est trop court pour être efficace. C’était bien le constat du garde des sceaux Dominique Perben en 2004. Les démarches d’identification et de poursuite des responsables qui agissent anonymement sur la toile sont trop longues et trop complexes pour être réglées dans un délai de trois mois : il faut laisser plus de temps aux magistrats et aux services d’enquête. Comme le rappelle la rapporteure dans son rapport, aucune condamnation n’a été prononcée entre 2003 et 2011 pour motif de discrimination en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. On pourrait s’en réjouir si cette absence était liée à une absence de plainte, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Par voie de conséquence, ce texte laisse une chance aux victimes. Le délai de prescription d’un an, on l’a dit, est adapté à l’essor des nouvelles technologies et devrait faciliter les poursuites. Ce nouveau délai permet d’identifier l’infraction et d’apprécier la situation pour décider de l’opportunité ou non de poursuivre une éventuelle infraction.
Ce faisant, il permet aussi de lutter contre la banalisation de ces infractions sur la toile. Alors que dans les médias classiques, une publication chasse l’autre, il n’existe pas de droit à l’oubli sur internet. Comme dans tous les domaines et dans tous les espaces, le vivre-ensemble ne peut faire l’économie d’un équilibre entre droits et devoirs. Internet, ce formidable espace de liberté que chacun peut investir sur n’importe quel sujet, implique en contrepartie de donner à toutes les éventuelles victimes les moyens de faire valoir leurs droits.
Pour conclure, ce texte, qui s’apparente à la réparation d’une incohérence, est un texte important. Le législateur n’est pas là aujourd’hui pour museler la presse, mais bien pour lutter contre la multiplication des dénis de justice. C’est pourquoi le groupe UMP votera pour ce texte, comme il l’avait fait en première lecture sous la précédente législature.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous allons ce soir évoquer ici ce que l’on peut penser, dire et publier sans porter atteinte aux droits de tout un chacun et aux fondements de notre République. Cette thématique est justement au coeur de l’actualité récente et il n’est pas neutre de constater que l’on ne s’était jusqu’alors jamais autant passionné pour une décision du Conseil d’État, preuve s’il en est du caractère sensible de ce sujet.
Nous allons parler des droits et devoirs de la presse, des limites à la liberté d’expression, qui, si elle est autant une liberté fondamentale qu’une composante essentielle d’une société démocratique, n’est pas absolue et doit être conciliée avec d’autres impératifs, mais aussi de la façon dont tout cela se traduit dans notre législation. Il est dès lors important de trouver, par le biais de nos instruments législatifs, un équilibre entre, d’une part, ce qui est permis, encadré et protégé, et, d’autre part, ce qui relève de l’insulte, de la discrimination et du délit constitué.
Dans le cadre de cette proposition de loi défendue par notre collègue Catherine Quéré, visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 – pierre angulaire de la protection du secret des sources des journalistes –, infractions commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle, ou du handicap, nous mettons fin à une anomalie de notre droit, comme cela a été souligné.
En l’état actuel du droit, en cas de propos publics discriminatoires, tels que l’injure, la diffamation ou bien encore la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, qu’ils portent sur l’origine, l’ethnie, la nation, la race, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle ou le handicap, les sanctions sont logiquement les mêmes : six mois de prison et 22 500 euros d’amende pour les premiers, un an de prison et 45 000 euros d’amende pour les suivants.
Cependant, alors que le délai de prescription des infractions à caractère racial, ethnique ou religieux a été porté à un an par la loi Perben II, le délai de prescription des discriminations fondées sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle, ou le handicap, a été quant à lui maintenu à trois mois, délai de droit commun applicable aux délits de presse. En d’autres termes, il existe une distorsion entre tous ces délais de prescription,et donc une différence de traitement vis-à-vis des victimes de ces discriminations, placées dans la même situation mais traitées de façon inégale, bref, une hiérarchisation de fait des discriminations constatées.
Cette proposition de loi est également l’occasion de rappeler à quel point il est essentiel de lutter contre toute forme de discrimination, où qu’elle se trouve, à l’égard de toutes ses victimes et quel qu’en soit l’auteur, et à quel point il est important que notre législation nous permette matériellement de le faire. Car les discriminations sont bien en France un fait établi. Si nous pouvons être fiers que notre nation fasse partie de celles où la prise de conscience est la plus avancée, il reste encore beaucoup de travail.
Il est nécessaire de faire avancer ces questions dans tous les domaines. Déjà, sous l’ancienne législature, Dominique Baudis, Défenseur des droits, estimait « difficilement justifiable d’accorder une protection moindre aux victimes d’homophobie, de sexisme et d’handiphobie du fait d’un délai abrégé s’élevant à trois mois », alors que ce délai est d’un an pour les victimes d’injures racistes, par exemple. Somme toute, il s’agit de défendre plus efficacement les victimes du sexisme, de l’homophobie et de l’handiphobie, et c’est bien le reflet de la société inclusive que nous voulons construire ensemble.
À cet égard, sur un autre sujet pas si éloigné du nôtre ce soir, je voudrais saluer l’initiative du Gouvernement, qui, à la suite de la conférence « Sois pauvre et tais-toi » conduite par la ministre des affaires sociales et de la santé, poursuit la réflexion sur l’inscription de la discrimination pour précarité sociale dans notre droit. Demain, nous pourrons imaginer que les personnes se voyant refuser l’accès au droit, les personnes en situation de pauvreté et discriminées publiquement puissent elles aussi être armées juridiquement. Je pense notamment à la malheureuse aventure survenue à cette famille en visite dans un musée parisien. J’espère que nous parviendrons, dans les mois et les années à venir, à faire avancer la réflexion en ce sens, sur les discriminations de caractère social qui se développent dangereusement dans des esprits de plus en plus nombreux en perte de valeurs. Mais c’est un autre chantier.
Pour l’heure, en votant cette proposition de loi, nous mettrons fin à la hiérarchisation des discriminations, plus ou moins graves, plus ou moins reconnues juridiquement et plus ou moins punies pénalement.
Enfin, je voudrais aborder ici la question plus spécifique – bien que liée à ce problème de distorsion – de la presse en ligne. Nous vivons dans un monde qui va vite, dans un monde où l’information de l’instant est reine, puis obsolète quelques heures après : l’information est morte, vive l’information ! Il est alors difficile de se rendre compte, tant les infos se succèdent, de l’existence de propos discriminants ou injurieux, et le cas échéant, d’ester en justice avant que le délai soit dépassé et la requête devenue irrecevable.
Qui plus est, contrairement à la presse, les contenus diffusés sur internet ne sont pas majoritairement le fait de journalistes et de professionnels de l’information sous le contrôle d’un directeur de la rédaction et soumis à un certain nombre de règles de déontologie. N’importe qui est aujourd’hui en mesure de diffuser ses opinions, fussent-elles homophobes ou diffamatoires, et ce avec d’autant plus de facilité qu’elles peuvent l’être sous couvert de l’anonymat.
S’il existe bien souvent un onglet « signaler » afin d’alerter sur l’existence d’un contenu ou d’un comportement illicite, celui-ci n’est pas toujours retiré et l’infraction subsiste. En outre, il est difficile d’identifier non seulement les responsables des sites mais aussi les internautes coupables de ces agissements. Cette question importante de la responsabilité du blogueur et de son hébergeur concernant le contenu de l’information s’était posée à nous dans le cadre du projet de loi renforçant la protection du secret des sources du journalisme, qui, je l’espère, sera discutée prochainement dans notre assemblée. C’est une réflexion que nous aurons à mener, sur notre manière de nous exprimer et la liberté de cette expression. La presse est libre, mais pas libre de dire tout et n’importe quoi. Les blogues non contrôlés, les sources non vérifiées sont régis avec efficacité par notre législation pénale.
D’un autre côté, s’il est légitime de contrôler et d’encadrer pénalement les délits de presse, il convient également de protéger ses acteurs : je pense aux journalistes professionnels et d’investigation pour qui la loi est aussi utile pour protéger et favoriser l’exercice de leur profession.
Bref, vous le voyez, en nous prononçant ce soir sur cette loi, nous ne faisons que nous conformer à la vision de la société dans laquelle nous avons choisi de vivre, une société inclusive et non discriminante, une société pour tous et avec tous, y compris dans la façon qu’elle a d’informer et avec les outils qu’elle se donne pour ce faire ; une volonté qui, je n’en doute pas, s’exprimera dans les jours qui viennent dans le projet de loi visant à lutter contre les inégalités femmes-hommes, mais aussi dans celle que j’ai déjà évoquée, peut-être un peu plus technique, concernant la protection du secret des sources des journalistes, qui devrait arriver dans notre assemblée dans quelques mois.
Plus que jamais, nous avons ce soir l’opportunité de rappeler que nous ne céderons pas d’un pouce sur ce type de comportements ou d’expressions excluantes. Nous devons les combattre, nous sommes décidés à le faire, nous nous dotons donc tout naturellement des outils qui nous permettent de le faire avec efficacité. Il serait tout à l’honneur de notre assemblée que nous montrions aujourd’hui l’unité et l’intransigeance de la nation quant à sa volonté d’éradiquer toute forme de discrimination en adoptant unanimement ce texte extrêmement important et précieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.
Je n’ai pas reçu de demande d’explication de vote.
Je mets donc aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, lundi 20 janvier, à seize heures :
Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron