Outre les deux propositions de loi identiques inscrites à l'ordre du jour, une autre, elle aussi identique, a été déposée par plusieurs députés du groupe UMP. La préoccupation exprimée au travers de ces textes est en effet largement partagée sur les différents bancs de l'Assemblée car, si le sujet traité – le ski – est restreint, il n'en est pas moins essentiel pour l'économie et la vitalité de nos territoires de montagne, pour l'emploi et le maintien des jeunes générations sur ces territoires.
Le ski est un moteur de l'économie touristique de la montagne française et une source d'emploi importante pour ces territoires. La France, qui dispose d'une offre unique en matière de tourisme d'hiver, est l'une des trois premières destinations mondiales du ski, au coude à coude avec l'Autriche et les États-Unis. Cette place majeure dans l'économie touristique mondiale repose non seulement sur une infrastructure importante de domaines skiables présents sur tous les massifs français, sur une tradition d'accueil et d'hébergement de qualité, mais aussi sur la réputation d'excellence de l'enseignement du ski. Les moniteurs de ski français, titulaires du diplôme d'État de ski alpin, qu'ils enseignent en solo ou bien au sein des écoles du ski français (ESF) – institutions créées en 1937 qui rassemblent aujourd'hui près de 90 % de la profession – ou encore des écoles de ski international (ESI), bénéficient ainsi d'une renommée mondiale.
La profession de moniteur de ski est une profession libérale très organisée puisque l'écrasante majorité des moniteurs adhère à des syndicats professionnels dont les structures locales, les écoles de ski, sont chargées de répartir le travail en fonction des compétences demandées, des diplômes et de l'ancienneté de chacun. Cette organisation permet à la profession d'être collectivement mieux armée face aux aléas de l'activité. Elle s'est par ailleurs traduite, au sein des ESF, par la mise en place de dispositifs de solidarité tels que des fonds de secours ou des fonds de prévoyance, à une époque où la sécurité sociale était encore balbutiante. Cette solidarité s'est également exprimée à travers la création par le syndicat national des moniteurs du ski français, en 1963, d'un dispositif de cessation d'activité des moniteurs les plus anciens, afin de favoriser le renouvellement des générations et d'assurer l'embauche des jeunes moniteurs diplômés. Ainsi, d'après le directeur de l'École nationale des sports de montagne, que nous avons auditionné, ce dispositif a permis de garantir jusqu'à aujourd'hui l'embauche de tous les nouveaux diplômés, de l'ordre de 400 à 450 par an, puisque l'école constate dans les enquêtes qu'elle mène auprès de ses anciens élèves que, six mois après leur sortie, tous sont en activité.
Cela ne signifie bien sûr pas que l'ensemble de ces moniteurs peuvent vivre uniquement de cette activité, celle-ci étant par nature saisonnière et appelant donc un complément le reste de l'année ; mais, d'après le directeur de l'ENSM, tous les jeunes diplômés qui le souhaitent sont en mesure, sous réserve d'un peu de mobilité géographique, de travailler sur l'ensemble de la saison.
Cette situation de « plein-emploi » nous paraît donc être une exception à préserver. Or le dispositif d'intégration des jeunes générations mis en place dans les ESF est aujourd'hui remis en cause, alors qu'il a été reconduit pendant de très nombreuses années, et modifié uniquement à trois reprises afin de repousser l'âge auquel la réduction d'activité s'appliquait. Ainsi, lors de sa création, en 1963, c'est à cinquante-cinq ans que les moniteurs quittaient leur statut de permanents pour ne plus être appelés par les ESF qu'en renforts pendant les vacances scolaires. En 1996, l'âge limite est passé à cinquante-huit ans. Enfin, en 2007, un décalage progressif à soixante et un ans a été instauré.
Cette dernière réforme a toutefois coïncidé avec la transposition par la loi du 27 mai 2008 de la directive européenne 200078CE sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, qui a conduit certains moniteurs de ski à contester le dispositif de solidarité intergénérationnelle au motif qu'il introduisait une discrimination en fonction de l'âge. Les recours devant les tribunaux sont toujours pendants, des décisions contradictoires ayant été rendues en première instance et en appel.
Parallèlement, une dernière version du dispositif intitulé « Pacte intergénérationnel » a été adoptée en novembre 2012 par le syndicat national des moniteurs du ski français, et prévoit désormais : qu'entre soixante-deux et soixante-cinq ans, les moniteurs sont considérés comme renforts durant la saison ; qu'entre soixante-cinq et soixante-sept ans, ils deviennent des renforts uniquement en période de vacances scolaires ; et qu'au-delà de soixante-sept ans, ils sont appelés uniquement en tant que de besoin. La seule garantie prévue pour les moniteurs âgés de soixante-deux à soixante-sept ans est de leur permettre de valider deux trimestres d'assurance vieillesse, ce qui correspond à un bénéfice net d'environ 4 000 euros sur la saison.
Si le dispositif de solidarité intergénérationnelle mis en place dans la profession a permis jusqu'à aujourd'hui d'insérer dans l'emploi l'ensemble des jeunes moniteurs de ski diplômés, la relative fragilité juridique de ce dernier depuis 2008 et ses conséquences quelque peu brutales pour l'emploi des seniors, que nous tenons par ailleurs à protéger de la précarité, ont donc conduit à proposer un texte législatif qui permette de mieux encadrer la réduction d'activité des moniteurs de ski ayant atteint l'âge de la retraite.
L'objectif est de garantir par la loi que si une différence de traitement liée à l'âge est mise en oeuvre dans les écoles de ski, elle ne constitue pas une discrimination dans la mesure où elle poursuit bien un objectif légitime et où son application est proportionnée et nécessaire à l'objectif ainsi poursuivi. Le dispositif proposé par le texte pose le cadre dans lequel la réduction d'activité doit s'inscrire afin de respecter les critères prévus par la directive européenne.
La mise en oeuvre de ce dispositif n'est pas obligatoire – il y a sans doute des stations où la démographie des moniteurs de ski ou l'absence de jeunes moniteurs ne le justifiera pas -, mais chaque école de ski désireuse d'appliquer une réduction d'activité aux moniteurs seniors devra désormais s'inscrire dans le cadre défini par la loi qui précise ainsi un certain nombre de points qui ne figuraient pas dans les textes adoptés par le syndicat national des moniteurs du ski français.
D'abord, il est clairement indiqué que la réduction d'activité des seniors doit bénéficier directement aux jeunes diplômés, c'est-à-dire aux moniteurs de moins de trente ans disponibles pour travailler sur la saison, et non à l'ensemble des moniteurs de l'école ayant moins de soixante-deux ans, comme cela pouvait être le cas auparavant.
Ensuite, la réduction d'activité doit être organisée de manière progressive et garantir un certain niveau d'activité, et donc de bénéfices, aux moniteurs ayant l'âge de liquider leur retraite mais étant désireux de poursuivre leur activité. Ainsi, entre soixante-deux et soixante-cinq ans, la réduction ne pourra dépasser 30 % du volume d'activité auquel le moniteur aurait pu prétendre, eu égard à ses compétences, ses diplômes et son ancienneté, en l'absence du dispositif. Entre soixante-cinq et soixante-sept ans, cette réduction pourra atteindre 50 %. Enfin, c'est seulement après soixante-sept ans que les moniteurs passeront au statut de simple renfort en périodes de vacances scolaires. Ces dispositions sont donc beaucoup plus favorables aux moniteurs seniors que ne l'étaient les versions successives du dispositif mis en place dans les ESF. Très concrètement, une réduction maximale du tiers de l'activité d'un moniteur en fin de carrière garantit à celui-ci de travailler au moins dix semaines sur les quinze que compte une saison en moyenne. Par ailleurs, la clientèle individuelle du moniteur n'est pas comptabilisée au titre de ce dispositif. Ainsi, pour la plupart des moniteurs seniors, la diminution de leur activité au titre des cours collectifs devrait être partiellement compensée par le maintien des cours individuels pour lesquels ils sont personnellement demandés et dont le volume peut être important pour les moniteurs en fin de carrière s'étant constitué une clientèle d'habitués.
Pour finir, le texte conserve la disposition figurant dans la dernière version en date du pacte intergénérationnel garantissant que le volume d'activité octroyé permette tant aux seniors âgés de soixante-deux à soixante-sept ans qu'aux jeunes moniteurs de valider deux trimestres d'assurance vieillesse par saison. On garantit ainsi aux moniteurs seniors que même avec une activité réduite, ils continuent d'acquérir des droits à la retraite en validant au minimum deux trimestres, ce qui est un filet de sécurité pour de nombreux moniteurs de petites stations. En revanche, il est vraisemblable qu'avec les règles de réduction progressive d'activité prévues par le texte, la plupart des moniteurs âgés de soixante-deux à soixante-cinq ans pourront aller au-delà.
De la sorte, le texte proposé nous semble à la fois assurer la pérennité et garantir la sécurité juridique d'un dispositif qui a fait ses preuves en termes d'insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski, tout en assouplissant les dispositions en vigueur très défavorables à l'emploi des seniors.
C'est pourquoi je vous demande d'apporter votre soutien au texte qui vous est soumis aujourd'hui, sous réserve de l'adoption des quelques amendements, essentiellement rédactionnels, que je vous proposerai.