Dans cette deuxième étape du rapport, nous avons souhaité nous concentrer sur le point de vue de la Commission européenne. Il nous est en effet apparu normal, après avoir examiné son action en matière d'infrastructures, d'examiner sa doctrine. Le constat est mitigé, pour ne pas dire très sombre, au regard des objectifs affichés et des contradictions entre la politique conduite et les exigences de la croissance, au premier rang desquelles la problématique du rythme de retour à l'équilibre des finances publiques. Le premier problème que nous soulevons est le fait que la référence à un déficit de 3 % du PIB est indifférenciée selon les États, indépendante des parts respectives de l'agriculture ou de l'industrie dans le PIB et des besoins en investissements du pays considéré, qui sont différents pour la Bulgarie, la Pologne ou la France.
Nous sommes persuadés que nous ne gagnerons pas la confiance des marchés en s'engageant dans des objectifs de réduction du déficit trop ambitieux, et de ce fait contreproductifs mais en tenant les engagements réalistes pris. Il nous semble plus important d'engager une démarche crédible et réaliste de retour à l'équilibre, que d'être dans une croyance où les chiffres, sacrés comme le « veau d'or », n'auraient aucune réalité. Il y a des exemples en ce sens intéressants.
La Commission européenne a ainsi usé à l'égard de la Hongrie de son pouvoir de sanction. Quand on connaît la situation politique de ce pays marqué par le poids des partis populistes, on se pose des questions sur le sens politique de la Commission qui a engagé une procédure de blocage de l'octroi des fonds structurels, en considérant que ce pays ne respectait en 2012 la limite des 3 % que par des mesures budgétaires non pérennes – versement au budget de l'État de fonds de pensions. Elle a exigé des mesures de rigueur douloureuses pour sa population. Or, ce pays en 2013 a rétabli ses comptes et n'est plus sous surveillance. Il n'était donc pas indispensable que la Commission européenne lui impose de prendre ces mesures, d'ordre quasi disciplinaire générant des conséquences économiques négatives pour le pays, car une conjoncture favorable lui a permis de redresser ses finances.
Les préconisations de la Commission européenne peuvent apparaître contradictoires lorsqu'elle demande en même temps une réduction du déficit des finances publiques et l'engagement parallèle d'une baisse massive des charges des entreprises. Nous devons envisager dans cette perspective une augmentation significative des prélèvements qui pèsent sur les ménages où une diminution des revenus de transfert – politique familiale et retraite. Le remède pourrait être pire que le mal.
Du point de vue de la politique industrielle, les données préliminaires pour 2012 indiquent que la contribution de l'industrie manufacturière au PIB de l'Union européenne a encore diminué pour s'établir à 15,1 %, s'éloignant ainsi de l'objectif indicatif de 20 % fixé par la Commission en 2012.
Le diagnostic de la Commission européenne est néanmoins « remarquable » par son absence d'auto critique, en particulier en matière d'aides d'État. Jamais la Commission n'a été aussi tatillonne en terme de discipline et de surveillance, allant même jusqu'à considérer dans un rapport récent qu'il faudrait communautariser les aides d'État afin de mieux les répartir au niveau européen. Par contre rien n'est proposé dans ce document pour favoriser la constitution de champions européens, entravée à l'heure actuelle par une interprétation trop rigoriste par la Commission européenne, qui agit dans la cadre de ses pouvoirs propres, de la notion de concurrence libre et non faussée.
Il y a là une contradiction majeure, du fait d'un entêtement néolibéral, incompatible avec une politique industrielle digne de ce nom, à l'instar de celle conduite sur les autres continents, la Chine, les États-Unis, le Brésil.
Cette contradiction est aussi présente en matière de mobilité des travailleurs, considérée comme solution au chômage. Sans cadre social adapté il sera très difficile de réaliser le saut de compétitivité préconisé par la Commission.
Il en est de même, pour ces pays qui à cause de la diminution des investissements publics, par exemple en matière de recherche, voient partir leurs jeunes diplômés les plus prometteurs. Ce diagnostic n'est pas seulement celui de deux parlementaires mais il s'adosse également aux travaux du FMI et de l'OCDE.
Le FMI préconise d'abord un renforcement du système bancaire pour retrouver les voies de la croissance ; les personnalités de l'OCDE que nous avons auditionnées ont également mis l'accent sur cet aspect.
Le fait que l'abondance de liquidités offertes par la BCE ne se traduise pas par une croissance des crédits bancaires, mais aille s'investir en emprunt d'État, constitue bien évidemment un problème majeur pour l'économie, la faible croissance du crédit, étant la cause principale, selon de nombreux analystes, de la lenteur de la reprise.
Une nouvelle étude de l'OCDE montre que ramener l'endettement à des niveaux raisonnables exigera de prendre des mesures durables de consolidation budgétaire dans des proportions dépassant 3 % du PIB dans un grand nombre de pays, mais pas dans tous. Certains pays, doivent envisager des resserrements budgétaires particulièrement importants : le Japon fait face à un besoin de resserrement allant jusqu'à 12 % du PIB tandis que ce besoin est chiffré à plus de 8 % pour les États-Unis, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande
Pour l'OCDE, à court terme, le rythme des mesures de consolidation doit tenir compte des effets de l'austérité budgétaire sur la croissance. La consolidation devrait se concentrer dans une large mesure sur la réduction des dépenses publiques et s'attaquer aux facteurs qui exerceront des pressions sur ces dépenses à l'avenir.
Cette analyse nous semble particulièrement intéressante, car l'OCDE met l'accent sur la nécessité de varier les politiques budgétaires en fonction de la situation économique des pays concernés.