Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 20 janvier 2014 à 16h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Présentation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des lois, madame la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames les rapporteures des commissions saisies pour avis, mesdames et messieurs les députés, homme ou femme, chacune et chacun d’entre vous représente ici la nation tout entière, composée à parts égales de femmes et d’hommes qui sont toutes et tous des citoyens égaux en droits, ainsi que le veut notre Constitution et que l’exigent les valeurs de notre République.

Cette égalité est encore, vous le savez autant que moi, à bien des égards une déclaration, une intention, voire – on s’interdit trop souvent d’utiliser ce mot aujourd’hui – une utopie. C’est une égalité sur le papier ; il nous revient de la faire advenir dans la réalité de la société française, de la rendre effective dans la vie de toutes et de tous si nous voulons tenir enfin la promesse républicaine qui est le socle du modèle français et ce que nous avons de plus précieux en commun, à gauche comme à droite de cet hémicycle.

Naître fille, demain, en France, ne doit plus forcément équivaloir à de moindres opportunités dans la vie, pas plus qu’à une liberté entravée de se choisir un destin et de le réaliser selon son mérite, ses capacités, ses envies et son travail, et non plus selon son sexe et les préjugés qui s’y rattachent.

J’entends parfois l’argument suivant, lequel, d’ailleurs, avance le plus souvent masqué, sous le couvert d’une vertueuse interrogation juridique : faire le choix de l’égal accès des sexes aux responsabilités dans la vie sociale, politique ou économique, ne serait-ce pas nier le mérite et les compétences ? Quelle erreur, quelle hypocrisie même ! Comment ne pas admettre, au contraire, que c’est en faisant le choix pendant des décennies de ne conjuguer les vertus et les talents qu’au masculin que l’on a foulé aux pieds ce principe même d’égalité et de justice qui est pourtant l’ambition de notre République ?

Cette ambition de justice, nous la partageons, je le sais, comme une exigence prioritaire et transversale de toute notre action publique. Elle passe d’abord par la mise en oeuvre et l’application stricte des lois existantes ; c’est la mission à laquelle je m’emploie chaque jour avec le Gouvernement depuis maintenant vingt mois, avec le concours du Parlement qui n’a jamais failli dans son soutien – je vous en remercie – et dans sa volonté de progresser vers davantage l’égalité. C’est tout le sens de cette loi-cadre : la mobilisation et la mise en mouvement de toute la société pour réussir enfin à changer les comportements, les habitudes et notre conception d’un monde dans lequel les hommes prévaudraient systématiquement sur les femmes, en vertu d’un ordre établi depuis des siècles, sinon depuis toujours, et que rien ni personne ne pourrait renverser.

Il s’agit, au fond, de passer d’une égalité sur le papier à une égalité dans les faits. C’est tout l’enjeu du texte que nous allons examiner aujourd’hui. Il n’y a là aucun paradoxe : il faut faire une loi pour que les lois deviennent réalité ; il faut renforcer les sanctions quand elles existent ; il faut créer de nouveaux mécanismes de régulation quand c’est possible ; il faut simplifier les négociations pour que l’égalité devienne incontournable dans l’entreprise ; il faut innover aussi et expérimenter ; il faut, enfin, donner une direction unique et partagée, mais aussi des repères à toutes les forces de bonne volonté qui, dans notre société, sont en train de construire l’égalité.

Vous le savez bien, dans cette assemblée qui a pris toute sa part dans la longue histoire du combat pour les droits des femmes : ce n’est ni la première ni, sans doute, la dernière fois que vous êtes amenés à légiférer en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, invités à donner des droits nouveaux aux femmes, à leur accorder des droits spécifiques, à prendre les dispositions nécessaires pour les protéger des discriminations, des inégalités et des violences dont elles sont victimes en tant que femmes et parce qu’elles sont femmes.

Cette histoire est celle d’une lente construction, étape par étape, engagée petit à petit, à chaque fois que la société a été prête à franchir un pas nouveau en direction de l’égalité, dans tel ou tel domaine, à chaque fois aussi que le volontarisme politique s’est fixé un objectif nouveau à atteindre. À chaque fois que le volontarisme politique s’est imposé face aux conservatismes, à chaque fois aussi que le rassemblement a primé sur les divisions partisanes, notre pays a pu avancer sur le chemin tortueux de l’égalité. Eh bien, le moment est venu d’accélérer dans cette voie.

Il faut avancer d’abord pour ne pas reculer : c’est cela le combat pour les droits des femmes. Gardez-vous de croire, mesdames et messieurs les députés, que l’histoire soit écrite d’avance ; gardez-vous de croire qu’elle chemine naturellement vers le progrès ; gardez-vous de croire que l’histoire n’a pas besoin de vous.

Je le dis sans détour : les évolutions dans certains pays voisins font renaître une inquiétude en la matière. Elles nous montrent que nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour en arrière,…

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