M. le rapporteur vient de rappeler les axes principaux de l’article 2 auquel, moi aussi, je tiens évidemment beaucoup. Nous l’avons conçu comme une réponse claire aux inégalités professionnelles dont les racines plongent souvent dans l’inégale répartition, entre les hommes et les femmes, des tâches domestiques et des responsabilités parentales. On sait que cette inégale répartition des tâches se creuse davantage à l’arrivée d’un enfant au sein d’une famille : à chaque nouvel enfant s’installent des pratiques, des comportements, qui ont pour résultat de faire reposer quasi exclusivement sur les épaules de la femme la responsabilité personnelle, qu’elle doit cumuler avec la responsabilité professionnelle – ce qui la lèse dans l’accès aux promotions et à une carrière équivalente à celle d’un homme.
Il est donc extrêmement important de donner une impulsion aux changements de comportement, et c’est ce que nous faisons avec cette réforme du congé parental, dont la vocation est aussi de changer les regards portés sur cette mesure. Non, il n’est pas réservé aux femmes. Oui, nous incitons les pères à le prendre au premier enfant en ajoutant six mois supplémentaires pour le deuxième membre du couple ; dans le cas de familles avec au moins deux enfants, choisissant une interruption d’activité jusqu’aux trois ans du dernier enfant, nous prévoyons que six mois soient réservés au père – à défaut d’être pris, ils seront perdus.
Nous assumons le fait qu’une telle mesure revient à réduire à deux ans et demi, contre trois ans actuellement, le droit pour les femmes de prendre un congé parental, considérant qu’il est de leur intérêt de ne pas s’éloigner trop durablement du marché du travail. À le faire, elles se trouvent lésées, et subissent notamment un décrochage salarial qu’on estime à près de 10 % pour chaque année d’interruption d’activité.
Certains ont demandé ce qui se passerait pour les couples dont le deuxième membre ne pourrait absolument pas s’arrêter, par exemple parce qu’il exerce une profession libérale. Ayez bien en tête, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement a prévu 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour les enfants de moins de trois ans d’ici à 2017 et que cette réforme du congé parental entrera vraisemblablement en vigueur aux alentours de juillet 2014. Le temps que les enfants concernés atteignent les deux ans et demi, les solutions d’accueil seront donc bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. De plus, en prévoyant – car nous avons veillé à aboutir à un texte équilibré – six mois supplémentaires de congé parental pour les familles avec un seul enfant, nous allons libérer des places dans les crèches et les autres structures collectives d’accueil, qui pourront être utilisées par les parents se trouvant dans les situations compliquées que vous avez décrites.
Quand on met bout à bout tous les avantages offerts aux parents par ce texte, l’intérêt d’une réforme en profondeur des mentalités paraît évident. Il faut parvenir à libérer les hommes salariés de la stigmatisation pesant aujourd’hui sur ceux qui voudraient être pères à part entière et s’investir dans leur vie familiale, et faire disparaître l’« effet réputation » pesant sur les seules femmes. Aujourd’hui, quand une jeune femme de trente ans paraît devant un employeur pour un entretien d’embauche, il ne faut pas s’étonner que l’employeur, prenant en compte son âge, craigne qu’elle ne s’absente à brève échéance pour prendre un congé maternité, voire un congé parental, et sous-évalue donc la rémunération qui lui est offerte par rapport à celle qu’aurait perçue un homme pour le même poste. Demain, grâce à notre réforme, l’employeur n’aura pas plus de raison de craindre la prise d’un congé parental s’il a une femme en face de lui, puisqu’un jeune homme sera tout aussi susceptible de prendre ce congé. Il n’y aura donc plus de discrimination intériorisée entre les hommes et les femmes, et c’est bien l’objectif que nous poursuivons avec ce texte.
Cette réforme essentielle constitue l’un des axes forts du texte, et je souhaite que vous la souteniez le plus largement possible. Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 2.