Intervention de Henri Guaino

Séance en hémicycle du 22 janvier 2014 à 15h00
Ratification de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Guaino :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons, aujourd’hui, la proposition de la loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.

Ce texte a été adopté le 5 novembre 1992 par le Conseil de l’Europe et soumis à la ratification de ses États membres, à l’époque au nombre de vingt-six, aujourd’hui au nombre de quarante-sept, dont les vingt-huit membres de l’Union européenne.

L’article 2 de la Charte indique que chaque partie s’engage à appliquer un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas – la France en a retenu trente-neuf – choisis parmi les dispositions de la partie III.

En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a signé la Charte. Avant d’engager le processus de ratification, le Président de la République a sollicité l’avis du Conseil constitutionnel sur la compatibilité de celle-ci avec notre loi fondamentale.

Vous connaissez, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la teneur de cet avis qui a conduit le Président de la République à suspendre le processus de ratification : « La Charte Européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de « territoires » dans lesquelles ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ; elle est également contraire au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution en ce qu’elle tend à reconnaître un droit à pratiquer une autre langue que le français non seulement dans la « vie privée » mais également dans la « vie publique », à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives et services publics ».

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, l’actuel Président de la République a pris l’engagement de ratifier la Charte en modifiant la Constitution. Conformément à cet engagement, le Gouvernement a engagé une réflexion sur les modalités de cette révision constitutionnelle. Il a notamment installé, le 6 mars 2013, un comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, et consulté par ailleurs le Conseil d’État.

La conclusion que le Gouvernement a tirée de cette réflexion et de ces consultations Mme la ministre de la Culture l’a résumée elle-même, de la façon la plus claire, lors de son audition par le Conseil consultatif, le 9 octobre 2013.

Je cite le compte rendu officiel : « Le Comité consultatif a été conçu, au départ, avec un objectif : trouver un moyen de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Les réflexions conduites ont abouti à un constat : la ratification s’avère impossible. Comme il est impossible de modifier la Constitution sans introduire une incohérence majeure en son sein, le processus de ratification de la Charte est donc définitivement abandonné. » Voilà quel était alors le point de vue du Gouvernement – je dis bien « du Gouvernement ». Vous avez bien entendu, mes chers collègues : « Comme il est impossible de modifier la Constitution sans introduire une incohérence majeure en son sein, le processus de ratification est donc définitivement abandonné ».

Cette position raisonnable et raisonnée du Gouvernement est apparue insupportable à ceux qui attendaient – je cite l’exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis – la chute de « la Bastille du monolinguisme d’État ». Les mots ne sont pas choisis par hasard.

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