C’est toujours la même histoire : vous ne voulez pas discuter des conséquences des décisions que vous prenez. Vous avez entrepris la destruction systématique de toutes les institutions qui nous permettent de vivre ensemble et vous refusez toujours de discuter des conséquences ! Mes chers collègues, à tous ceux qui se parent des beaux mots de républicains et de patriotisme, je dis : « Ressaisissez-vous ! » Abandonnons cette voie funeste que vous tracez et mettons-nous au travail ensemble pour sauver le patrimoine des langues régionales !
Il y a bien longtemps, un comédien français qui avait quitté la Comédie française pour aller jouer, en Provence, Mistral en provençal, m’a raconté cette histoire qui m’a profondément marqué. Il avait invité un jour ses amis Robert Wilson et Gérard Philippe à assister à une représentation de Mireille, en provençal. À la fin, il leur a demandé s’ils avaient compris quelque chose. Ils répondirent tous deux : « rien, nous n’avons rien compris, mais nous avons vu Antigone jouée devant les Grecs. » Oui, c’est un immense trésor.
Je voudrais finir par une autre histoire, racontée par Aimé Césaire. Un jour, visitant une école, il rencontra une femme et il lui dit : « On va enseigner le créole à l’école. Êtes-vous contente ? » Et elle lui répondit : « Moi, contente ? Non. Parce que si j’envoie mon enfant à l’école, ce n’est pas pour lui apprendre le créole, mais le français. Le créole, c’est moi qui le lui enseigne, et chez moi ! » Il en fit le commentaire suivant : « Il y avait une part de vérité. Nous sommes des gens complexes, à la fois ceci et cela. Il ne s’agit pas de nous couper d’une part de nous-mêmes ». Lui-même, le chantre de la négritude, le défenseur du créole, était capable, dans un avion entre Genève et Paris, de faire la leçon à une hôtesse qui lui parlait en anglais au lieu de lui parler en français.