Intervention de Hervé Féron

Réunion du 15 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Comment préserver l'ambition artistique par temps de crise ? Telle est la question posée.

Face à des moyens en diminution, il est urgent d'affirmer des priorités et de repenser la place de l'économie de la culture. Madame, messieurs, je salue votre rapport qui nous permet de mieux mesurer l'importance de la culture dans l'économie et de mieux utiliser le potentiel de croissance des industries culturelles. Vous nous proposez ici un éclairage original sur les fondements et les incidences économiques des politiques culturelles, ce dont nous vous remercions. Oui, la culture est un secteur productif : elle doit être considérée comme une activité économique à part entière et l'aide aux entreprises culturelles doit être une priorité.

Les dépenses publiques en direction de ce secteur stimulent l'économie : c'est bien ce que montre ce rapport qui chiffre à 57,8 milliards d'euros, soit 3,2 % du PIB, le poids de la culture dans la richesse nationale. Il comptabilise aussi 670 000 emplois dans les entreprises culturelles – soit 2,5 % de l'emploi en France –, et 870 000 emplois culturels, toutes entreprises confondues.

Le vieux débat opposant les artistes aux technocrates de l'économique ne fait plus sens aujourd'hui. Néanmoins, si la culture fait effectivement partie d'un enjeu économique et commercial non négligeable, les États doivent continuer de chercher à affirmer l'importance de la diversité culturelle et ne pas ouvrir la voie à l'ultralibéralisme.

Le soutien aux pratiques amateurs, aux associations dans les quartiers ou aux infrastructures doit être prioritaire. L'aide doit se tourner vers la création, véritable signe de vitalité culturelle et économique, grâce à des mesures telles que la réduction du taux de TVA à 5,5 %, dont nous nous félicitons car elle représente une bouffée d'oxygène pour tout le secteur de l'industrie cinématographique, tout en favorisant la création.

Il conviendrait aujourd'hui de nous inspirer de votre démonstration pour faire des propositions nouvelles, en vue notamment d'adapter le cadre de l'intermittence et de le valoriser pour les contrats précaires dans le spectacle vivant.

Il est indispensable de s'adapter aux évolutions de notre société tout en protégeant l'exception culturelle. Alors que le numérique transforme en profondeur les usages et modes de consommation des produits culturels, comment préserver la diversité de l'offre et de l'expression artistique ? La dématérialisation des supports n'implique pas la perte de la notion de propriété intellectuelle mais rend nécessaire l'adaptation du mode de perception du droit d'auteur et de la rémunération des interprètes et des producteurs.

De plus, si l'engagement de l'État est fondamental, les municipalités sont dotées de responsabilités croissantes dans ce domaine – maîtrise d'ouvrage de projets urbains et projets de développement territorial. L'implication des collectivités locales est donc essentielle : l'effort total de ces dernières en faveur de la culture s'élève à 7,6 milliards d'euros en 2010. L'articulation entre les différents niveaux administratifs est donc aujourd'hui une nécessité. L'action des collectivités locales a des conséquences visibles sur le territoire : la dimension patrimoniale, par exemple, doit faire partie des projets d'aménagement territoriaux.

En France, les activités culturelles locales sont étroitement liées également au secteur privé. La collaboration de ce secteur sous forme de mécénat est très répandue. Comment les collectivités peuvent-elles s'emparer de cette question ? Quel bénéfice en retirer pour la culture, les équipements et les acteurs artistiques et culturels territoriaux ?

Il est temps d'en finir avec une conception dépassée de la culture qui la conduit à être la première sacrifiée sur l'autel de la maîtrise des dépenses publiques. Refondons l'économie de la culture, sans la soumettre à un traitement orienté vers des fins exclusivement commerciales mais en faisant de cette dernière un levier de sortie de crise, un acteur économique de poids.

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