COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 15 janvier 2014
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend M. Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles, Mme Morgane Weill, inspectrice des finances et M. Jérôme Itty, inspecteur des finances, auteurs du rapport sur « L'apport de la culture à l'économie en France ».
Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles, Mme Morgane Weill, inspectrice des finances et M. Jérôme Itty, inspecteur des finances, auteurs du rapport sur « L'apport de la culture à l'économie en France » – M. Bruno Durieux, inspecteur général des finances, regrette pour sa part de ne pouvoir être présent ce matin.
Il m'a semblé nécessaire que la Commission des affaires culturelles puisse auditionner les auteurs de ce rapport, dont la synthèse vous a été adressée à la fin de la semaine dernière. Ce document, rédigé à la demande du ministre de l'économie et des finances et de la ministre de la culture et de la communication, confirme en effet de façon éclatante ce que tous, ici, nous affirmons, quels que soient par ailleurs les bancs sur lesquels nous siégeons dans l'hémicycle, à savoir que la culture ne doit pas être vue en France sous le seul angle de la dépense publique. Du reste, lors du dernier débat budgétaire, la dimension économique des activités culturelles nous a conduits à choisir des taux réduits de TVA ou à renforcer, voire à créer, des crédits d'impôts.
La culture n'est donc pas seulement une charge pour les budgets publics ou pour les comptes sociaux. La mission d'information sur l'emploi dans les métiers artistiques, qui s'est saisie notamment des annexes VIII et X de la convention UNEDIC, a montré que, s'agissant des métiers artistiques, le déficit réel, loin d'atteindre 1 milliard d'euros, s'élevait à 300 millions.
La culture est bel et bien génératrice de richesses pour la collectivité nationale. Avec près de 105 milliards d'euros d'apports directs et indirects à l'économie nationale en 2011, les activités culturelles représentent 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 3,2 % du PIB national pour 670 000 emplois et une forte capacité d'exportation.
Au printemps dernier, lorsque pour défendre l'exception culturelle, nous nous sommes mobilisés pour que la culture et les médias ne figurent pas dans le mandat de négociation de la Commission européenne du traité transatlantique de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis, nous avions précisément mis en avant le poids économique des industries culturelles, notamment en termes d'emplois.
Grâce à ce rapport, le poids économique de la culture peut désormais être comparé au montant des soutiens publics – 13,9 milliards pour l'État et 7,6 milliards pour les collectivités territoriales.
Le secteur culturel est en outre structurant pour le développement socio-économique des territoires, les activités culturelles pérennes soutenues par les pouvoirs publics générant incontestablement des retombées économiques positives sur les territoires concernés, notamment dans le domaine touristique.
Ce secteur connaît toutefois aujourd'hui de profonds bouleversements, liés notamment à la numérisation des biens et des pratiques culturelles. Nous devons veiller à préserver une répartition équitable de la valeur ajoutée, ainsi que la dynamique créative et la diversité culturelle. Il nous appartiendra notamment d'étudier les conclusions du rapport de M. Christian Phéline, « Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la loi », récemment rendu public.
Grâce à ce rapport, que nous examinons ce matin, sur « L'apport de la culture à l'économie en France », nous serons désormais moins seuls à affirmer que la culture contribue à la richesse nationale.
La mission conjointe du ministère de l'économie et des finances et du ministère de la culture et de la communication sur les agrégats économiques de la culture est composée de membres de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'Inspection générale des finances (IGF).
La question centrale de la mission – le poids économique de la culture – comportait un prolongement thématique et un prolongement territorial. Les ministres nous ont en effet demandé d'approfondir, d'une part, la question de la dynamique dans quatre secteurs qui sont des poids lourds de la culture en France – l'audiovisuel, le cinéma, les jeux vidéo et la mode – et, d'autre part, la question des impacts territoriaux de la culture sur le développement socio-économique local.
Contrairement aux idées reçues, la mission a permis d'établir le constat que la culture a un poids significatif dans l'économie, qui peut être scientifiquement évalué à 57,8 milliards d'euros, ce qui représente 3,2 % du PIB. Ce poids peut être comparé à celui de l'ensemble composé par l'agriculture et les industries agroalimentaires – 60 milliards d'euros. La culture pèse également sept fois plus que l'industrie automobile, ce qui constitue un premier étonnement.
La mission a été d'emblée confrontée à la question de la délimitation du périmètre de la culture. Choisissant un cadre conceptuel et statistique inspiré des initiatives de l'Unesco et de l'Union européenne, la mission s'est fondée sur les données de comptabilité nationale produites par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Nous avons procédé à deux innovations, en introduisant, d'une part, la notion d'« activités indirectement culturelles » – le maçon qui restaure un monument historique ou le personnel des rayons culturels des magasins de grande distribution exercent des activités économiques indirectement liées à la culture – et, d'autre part, la notion d'« activités induites » – la culture fait tourner d'autres secteurs non culturels de l'économie, par exemple en consommant de l'eau, de l'électricité ou en souscrivant des contrats d'assurance. Les activités induites ont été chiffrées à 46,7 milliards d'euros.
Deuxième constat et deuxième étonnement : le secteur culturel qui pèse le plus lourdement en termes de valeur ajoutée est le spectacle vivant – pour 8,8 milliards –, juste devant le patrimoine, qui pèse lui aussi de manière significative – pour 8,1 milliards – en raison des activités induites ou indirectement économiques que l'entretien du patrimoine bâti, notamment, implique. Cinq secteurs tournent autour de 5 à 6 milliards d'euros de valeur ajoutée – arts visuels, presse, livre, audiovisuel et publicité –, devant l'architecture – 4,4 milliards – et le cinéma – 3,6 milliards –, l'ensemble composite formé par les industries de l'image et du son – 3,4 milliards – et, enfin, l'accès aux savoirs et à la culture – 2,3 milliards –, un secteur essentiellement non marchand constitué de l'enseignement culturel et des bibliothèques.
Le troisième constat, qui a été aussi notre troisième étonnement, porte sur l'évolution de la valeur ajoutée dans le temps : le poids de la culture dans la richesse nationale a augmenté régulièrement de 1995 à 2005 avant de reculer depuis cette date – le fléchissement a donc débuté avant la crise. Cela ne signifie pas que tous les secteurs de la culture sont en déclin mais qu'ils croissent moins vite que le PIB. Si la courbe descendante du spectacle vivant est assurément la plus significative, la tendance à la baisse de la presse et du livre, qui subissent actuellement des bouleversements importants, se confirme. On peut constater en revanche le fort dynamisme du cinéma : c'est la seule industrie culturelle qui progresse de manière continue.
S'agissant de l'emploi dans l'économie de la culture, nous avons travaillé dans deux directions. Nous avons tout d'abord chiffré l'ensemble des emplois dans les entreprises culturelles, que ces emplois soient culturels ou non culturels (administratifs, techniques, etc), soit 670 000 emplois en 2010. Le plus gros bataillon est celui du spectacle vivant – quelque 148 000 emplois –, ce qui ne saurait nous étonner. En effet, la loi de Baumol, édictée dans les années 60, a établi la fatalité d'une masse salariale très lourde dans le spectacle vivant, la même représentation nécessitant chaque soir les mêmes moyens, ce qui interdit de réaliser des économies d'échelle. Quant à l'audiovisuel, il tourne autour de 49 000 personnels. Les intermittents du spectacle appartiennent à ces deux secteurs, qui représentent donc quelque 200 000 emplois.
Nous avons ensuite chiffré, en nous fondant sur le recensement, les emplois dits culturels dans toutes les entreprises en France, quel que soit leur secteur d'activités : 870 000 personnes exercent une profession culturelle dans l'ensemble de l'économie.
Il ne saurait toutefois être question d'additionner ces deux chiffres – 670 000 + 870 000 –, puisqu'il existe des emplois culturels dans les entreprises culturelles. Si on additionnait le nombre de ceux-ci à celui des emplois culturels dans les entreprises non culturelles, on aboutirait à 1 million environ. Toutefois, les sources des données étant très différentes, une telle addition n'aurait pas grand sens.
L'ensemble des interventions de l'État dans le domaine de la culture, quelle que soit leur nature – aides et subventions, apports en fonds propres à des opérateurs, dispositions fiscales –, s'élève à 13,9 milliards d'euros. Sur ce montant, 9,3 milliards ont été considérés par la mission comme des interventions ayant un impact sur l'économie de la culture, c'est-à-dire sur le tissu économique des entreprises du secteur. Il faut noter que l'audiovisuel capte à lui seul quelque 5 milliards de ces 9,3 milliards, devant le patrimoine – 1 milliard – et la presse – près de 850 millions. Nous avons distingué pour chacun de ces secteurs les aides et subventions, les opérateurs d'État – bibliothèques nationales, théâtres nationaux, services d'archives notamment – et les dépenses de l'État – l'État est lui-même acheteur sur le marché, par exemple lorsqu'il finance la restauration des monuments historiques dont il a la charge.
Nous avons également identifié trois grands groupes de secteurs culturels en fonction de la place qu'y occupent les interventions publiques, en confrontant le montant de l'action publique de l'État au montant de la production de chacun de ces secteurs, ce qui nous permet d'y mesurer l'impact de la dépense publique.
L'audiovisuel et l'accès aux savoirs et à la culture sont deux secteurs massivement investis par une dépense publique structurante : ils représentent 30 % du montant de l'intervention publique rapportée au montant de la production. Pour quatre secteurs – le patrimoine, la presse, le spectacle vivant et le cinéma –, la dépense publique ne représente que 5 % à 8 % de la production ; on ne saurait donc prétendre que ces quatre secteurs sont structurés par la dépense publique. Enfin, quatre secteurs vivent dans une quasi-abstention de la dépense publique : quand elle existe, elle demeure à la marge. Ce sont les arts visuels, les industries de l'image et du son, l'architecture et le livre. Toutefois, si les subventions du Centre national du livre sont quantitativement très faibles quand on les compare au chiffre d'affaires de l'édition, elles sont qualitativement déterminantes pour assurer la publication d'ouvrages exigeants notamment de poésie ou de sociologie.
La moyenne de la part de la valeur ajoutée dans la production s'élève à 44,5 %. On sait que les secteurs à plus forte valeur ajoutée sont les secteurs de service, tandis que les secteurs à faible valeur ajoutée sont l'industrie : il n'est donc pas étonnant que la culture, qui appartient aux deux secteurs, se situe au milieu. Le spectacle vivant ou l'architecture ont une forte valeur ajoutée, tandis que la valeur ajoutée du livre ou de l'audiovisuel, qui sont des secteurs industriels avec une lourde consommation intermédiaire, est moindre.
Le troisième axe du rapport avait pour objet d'étayer statistiquement l'affirmation selon laquelle une implantation culturelle s'accompagne d'un développement économique.
À cette fin, nous avons recensé les études existantes au plan local en vue d'évaluer l'impact d'un festival ou d'un événement précis sur une commune. Nous avons également créé notre propre méthode d'évaluation de l'impact socio-économique d'une implantation culturelle sur un territoire.
La Direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services (DGCIS) du ministère des finances a développé une méthodologie de qualité pour évaluer l'impact économique moyen d'une manifestation culturelle. La mission a recensé cinq études réalisées au moyen de cette méthodologie, ce qui lui a permis de constater que les retombées économiques directes d'un festival sur un territoire s'élèvent à 35 euros par visiteur extérieur au territoire et 20 euros par habitant et représente entre un tiers et la moitié du budget investi pour organiser l'événement culturel – en termes de retombées indirectes, le multiplicateur va de 1,3 à 1,8.
Notre méthodologie visait à démontrer scientifiquement le lien de corrélation entre une implantation culturelle et le développement socio-économique d'un territoire. Elle devait avoir un caractère systématique afin de pouvoir évaluer n'importe quelle implantation à l'échelle nationale. Trois étapes ont été nécessaires.
Nous avons tout d'abord identifié des territoires culturels variés – littoraux, ruraux ou périurbains – ayant bénéficié d'une implantation culturelle entre 1996 et 2008, qu'il s'agisse de musées, de festivals, de rénovations de salles de concert ou de réhabilitations de monuments anciens. Puis, nous avons identifié des territoires témoins ayant les mêmes caractéristiques géographiques, sociologiques ou économiques, mais qui n'ont pas bénéficié d'une implantation culturelle au cours de la dernière décennie. Nous avons enfin comparé l'évolution des performances économiques des cinq territoires témoins retenus et des territoires culturels, en fonction du salaire net horaire moyen, de la part des actifs occupés dans la commune de résidence, de la part des chômeurs dans les actifs et de trois critères d'attractivité : population totale, prix du mètre carré, nombre de créations d'entreprises.
S'il est impossible d'établir une causalité, il est en revanche possible d'affirmer la corrélation positive entre une implantation culturelle et le développement socio-économique d'un territoire, les territoires culturels ayant en effet bénéficié d'une meilleure évolution des six critères choisis que les territoires témoins.
Comment préserver l'ambition artistique par temps de crise ? Telle est la question posée.
Face à des moyens en diminution, il est urgent d'affirmer des priorités et de repenser la place de l'économie de la culture. Madame, messieurs, je salue votre rapport qui nous permet de mieux mesurer l'importance de la culture dans l'économie et de mieux utiliser le potentiel de croissance des industries culturelles. Vous nous proposez ici un éclairage original sur les fondements et les incidences économiques des politiques culturelles, ce dont nous vous remercions. Oui, la culture est un secteur productif : elle doit être considérée comme une activité économique à part entière et l'aide aux entreprises culturelles doit être une priorité.
Les dépenses publiques en direction de ce secteur stimulent l'économie : c'est bien ce que montre ce rapport qui chiffre à 57,8 milliards d'euros, soit 3,2 % du PIB, le poids de la culture dans la richesse nationale. Il comptabilise aussi 670 000 emplois dans les entreprises culturelles – soit 2,5 % de l'emploi en France –, et 870 000 emplois culturels, toutes entreprises confondues.
Le vieux débat opposant les artistes aux technocrates de l'économique ne fait plus sens aujourd'hui. Néanmoins, si la culture fait effectivement partie d'un enjeu économique et commercial non négligeable, les États doivent continuer de chercher à affirmer l'importance de la diversité culturelle et ne pas ouvrir la voie à l'ultralibéralisme.
Le soutien aux pratiques amateurs, aux associations dans les quartiers ou aux infrastructures doit être prioritaire. L'aide doit se tourner vers la création, véritable signe de vitalité culturelle et économique, grâce à des mesures telles que la réduction du taux de TVA à 5,5 %, dont nous nous félicitons car elle représente une bouffée d'oxygène pour tout le secteur de l'industrie cinématographique, tout en favorisant la création.
Il conviendrait aujourd'hui de nous inspirer de votre démonstration pour faire des propositions nouvelles, en vue notamment d'adapter le cadre de l'intermittence et de le valoriser pour les contrats précaires dans le spectacle vivant.
Il est indispensable de s'adapter aux évolutions de notre société tout en protégeant l'exception culturelle. Alors que le numérique transforme en profondeur les usages et modes de consommation des produits culturels, comment préserver la diversité de l'offre et de l'expression artistique ? La dématérialisation des supports n'implique pas la perte de la notion de propriété intellectuelle mais rend nécessaire l'adaptation du mode de perception du droit d'auteur et de la rémunération des interprètes et des producteurs.
De plus, si l'engagement de l'État est fondamental, les municipalités sont dotées de responsabilités croissantes dans ce domaine – maîtrise d'ouvrage de projets urbains et projets de développement territorial. L'implication des collectivités locales est donc essentielle : l'effort total de ces dernières en faveur de la culture s'élève à 7,6 milliards d'euros en 2010. L'articulation entre les différents niveaux administratifs est donc aujourd'hui une nécessité. L'action des collectivités locales a des conséquences visibles sur le territoire : la dimension patrimoniale, par exemple, doit faire partie des projets d'aménagement territoriaux.
En France, les activités culturelles locales sont étroitement liées également au secteur privé. La collaboration de ce secteur sous forme de mécénat est très répandue. Comment les collectivités peuvent-elles s'emparer de cette question ? Quel bénéfice en retirer pour la culture, les équipements et les acteurs artistiques et culturels territoriaux ?
Il est temps d'en finir avec une conception dépassée de la culture qui la conduit à être la première sacrifiée sur l'autel de la maîtrise des dépenses publiques. Refondons l'économie de la culture, sans la soumettre à un traitement orienté vers des fins exclusivement commerciales mais en faisant de cette dernière un levier de sortie de crise, un acteur économique de poids.
Madame, messieurs, vous faites oeuvre utile : je me rappelle le temps où, pour porter un projet d'équipement culturel, il nous fallait chercher des arguments de toutes sortes pour justifier la dépense publique.
Les comparaisons que vous avez établies, notamment avec l'industrie automobile, sont intéressantes : il existe bien une industrie culturelle.
Toutefois, pour être légitime, la culture doit-elle nécessairement démontrer son apport économique ? Je ne le pense pas.
Le rapport démontre le poids de la culture en matière économique – quelque 58 milliards d'euros – et en matière sociale – près de un million d'emplois –, sans oublier l'impact des implantations culturelles sur les territoires. C'est pourquoi nous regrettons la baisse du budget de la culture qui est en contradiction avec son poids économique.
Votre rapport identifie les activités porteuses – le cinéma et les jeux vidéo – ou fragiles – le livre et la presse –, ce qui confirme le bien-fondé de notre démarche visant à confirmer le prix unique du livre.
Je regrette toutefois que l'approche se limite à l'aspect quantitatif et omette l'aspect qualitatif. Vers quels types d'équipements ou de manifestations ou vers quels territoires vont les fonds d'État ? Une deuxième étude devrait viser à évaluer les secteurs où il convient de porter l'effort public.
Il faudrait également comparer l'apport, très important, des collectivités locales à celui de l'État, sans oublier d'approfondir le lien entre économie culturelle et économie touristique.
Vous avez raison de souligner la corrélation positive entre implantation culturelle et développement socio-économique dans un territoire. Tout élu local sait qu'une politique culturelle ambitieuse participe du développement local, d'une façon peut-être immatérielle et difficilement quantifiable, mais tout à fait déterminante car elle impose une image de dynamisme et provoque un sentiment de fierté qu'il est impossible de mesurer mais qu'il est très aisé d'observer.
Cette étude est à saluer à l'heure où tant de gens sont tentés de critiquer le coût trop élevé de la culture pour l'État ou les collectivités publiques. Elle rappelle que, si la culture coûte de l'argent aux contribuables, elle en rapporte aussi à la société en créant de l'emploi et de la richesse, directe et indirecte.
On peut cependant s'interroger sur certains aspects de l'étude, en premier lieu sur le périmètre du secteur culturel retenu. Que vient y faire la publicité ? Ma première explication est un malentendu autour de la défunte émission de la chaîne M6, « Culture Pub » ! Plus sérieusement, la publicité n'est pas de la culture. C'est une forme de communication dont l'objectif est d'inciter un public à adopter un comportement souhaité, le plus souvent l'achat d'un produit. Ce secteur appartient à la communication : pas à la culture. Il en est de même des secteurs larges que sont l'audiovisuel ou la presse qui comprennent, à la fois, des pans culturels et non culturels.
De nombreuses méthodes existent déjà pour étudier l'apport de la culture à l'économie en France : or toutes n'ont pas été utilisées par la mission. C'est ainsi que des chercheurs appuient leur enquête sur la consommation. Il a ainsi été démontré que la consommation totale de biens et services culturels représentait, en 2006, environ 4 % des dépenses des ménages. Cette approche permet notamment d'intégrer des dépenses indirectes, notamment dans le tourisme, qui entretient des liens étroits avec le secteur culturel. Elle permet aussi d'étudier l'économie culturelle sous l'angle des inégalités d'accès à la culture, un angle que la mission n'intègre pas. Il ne s'agit pas seulement de savoir combien la culture rapporte mais également qui elle touche.
Or l'étude d'impact réalisée ne peut évaluer si c'est la présence d'une implantation culturelle qui a permis le dynamisme du territoire ou l'inverse, ce qui est pourtant essentiel si on souhaite réaliser l'équité territoriale dans notre politique culturelle. Les écologistes condamnent régulièrement la tendance à « arroser là où c'est déjà mouillé » dans le domaine culturel. Cette étude ne permet pas de mesurer les conséquences d'une implantation culturelle puisque les territoires déjà attractifs attirent des implantations culturelles qui les rendent encore plus attractifs, et ainsi de suite. Intégrer les publics dans l'approche permettrait de nuancer quelque peu l'étude.
Enfin, il faut bien souligner le danger potentiel qu'il y a à aborder la culture sous l'angle économique. Certes, il est indispensable de rappeler aux détracteurs de l'interventionnisme public en matière culturelle que la culture est une richesse pour notre pays y compris en termes économiques. Mais mesurer le bien-fondé d'une politique culturelle uniquement sous l'angle de ses retombées économiques conduirait à ne financer que les événements culturels à forts publics et à délaisser les secteurs plus expérimentaux ou simplement moins populaires. Ainsi, lors de la rédaction du budget prévisionnel d'une exposition temporaire, un directeur de musée doit estimer le nombre de visiteurs – on ignore comment – mais non la richesse intellectuelle ou le plaisir sensoriel – le qualitatif évoqué par Mme Genevard –, qui sont apportés par une exposition unique au monde et qui ne sauraient être plus quantifiables que ne le sont une réflexion ou une approche nouvelles. Pour ceux qui participent au montage de ces expositions – des commissaires d'expositions aux conservateurs et aux élus en passant par les agents – ces aspects sont bien plus gratifiants que les retombées sonnantes et trébuchantes dans le tiroir-caisse des établissements culturels. Du reste, ce sont ces aspects qui conduiront les équipes à monter, ou à ne pas monter, d'autres expositions.
Enfin, le fort interventionnisme public en matière culturelle est une exception française qui s'explique notamment par une longue tradition historique – on peut ainsi remonter jusqu'à François Ier, grand mécène et protecteur des artistes. De nombreux autres pays n'ont pas cette approche. Or la France n'est pas le seul pays au secteur culturel dynamique. Aborder les politiques culturelles par leurs retombées économiques ouvre la porte à des contestations, d'ordre économique elles aussi, sous le prétexte suivant : « d'autres États ont un secteur culturel qui rapporte beaucoup en investissant moins d'argent public, pourquoi pas nous ? » Il est donc essentiel de discuter de la légitimité politique des investissements publics dans le secteur de la culture sous l'angle de l'accès pour tous à la culture, de la diversité culturelle ou de l'épanouissement de la population par la culture, et non seulement sous celui de ses retombées économiques.
Madame Attard, je me permets de vous rappeler que le rapport qui nous est aujourd'hui présenté porte précisément sur l'apport de la culture à l'économie en France. Il n'est pas question de nier l'intérêt de la démocratisation culturelle mais ce n'est pas le sujet du rapport.
Permettez-moi de vous féliciter, monsieur le président, de cette invitation que vous avez adressée aux auteurs, ici présents, du rapport qui vient de nous être présenté, un rapport remarquable et particulièrement utile. Il m'inspire les réflexions suivantes.
Si ce rapport est remarquable, c'est parce qu'il confirme le rôle de levier de croissance de la culture tout en le précisant, notamment en nuançant certaines estimations, parfois excessivement optimistes, relatives aux retombées économiques. C'est une très bonne chose, puisque la grenouille est en réalité plus grosse que le boeuf. Chacun ici a en tête, par exemple, le rapport entre le PIB culturel et celui de l'industrie automobile : il n'est donc pas besoin de forcer le trait.
Aussi ne nous privons pas de relayer ce travail : non pas parce que nous sommes dans un cénacle qui a a priori un goût particulier pour la chose culturelle, mais simplement parce que la culture n'est pas le tonneau des Danaïdes, même si, pour bien des organisateurs d'événements culturels, elle est souvent le rocher de Sisyphe.
Les périodes de restrictions budgétaires que nous traversons doivent être pour nous l'occasion de nous interroger sur les conditions d'un usage optimal du potentiel de croissance des industries culturelles et créatives. Or les pouvoirs publics ont naturellement tendance à mettre à contribution les segments économiques dont le rendement immédiat leur semble le plus faible et dont la population directement concernée leur paraît limitée. La culture, qui est trop souvent considérée comme une danseuse ou comme la cerise sur le gâteau, en est la plus évidente illustration. Le Gouvernement en fournit lui-même la démonstration puisque nous assistons depuis deux ans à une baisse continue des crédits affectés à la mission Culture.
De même, les conseillers de la ministre de la culture demeurent répartis en pôles traditionnels – livre, audiovisuel, numérique – sans qu'aucun ne soit nommément affecté à la question de la performance économique, alors que c'est peut-être par là que pourrait être entamée une réforme profonde du paquebot de la rue de Valois…
Alors que le chômage des moins de vingt-cinq ans atteint un taux jamais égalé, comment ne pas penser aux industries culturelles pour offrir aux jeunes un ticket d'entrée dans le monde du travail ? Comment ne pas se rappeler que ces industries sont la passion au quotidien du plus grand nombre d'entre eux ? Comment ne pas leur offrir la possibilité de faire de cette passion une profession ?
Un rapport de la Commission européenne de 2010 sur la compétitivité rappelait qu'entre 2000 et 2007 le taux d'emploi dans ces secteurs avait crû de 3,5 % par an, contre 1 % pour l'ensemble de l'économie de l'Union européenne. Aux États-Unis, des études ont montré que la culture et les industries culturelles représentent le plus fort potentiel de création pour les dix années à venir.
Ce rapport le confirme : il faut jouer avec nos forces dans le grand chambardement des rapports de forces internationaux, où la culture occupe une place primordiale. D'évidence, la France possède un atout maître : l'image de sa créativité culturelle et artistique, inégalée au plan mondial.
Je remercie donc une seconde fois les auteurs de ce rapport, tout en espérant qu'il inspire au Gouvernement une autre façon de mener la politique culturelle de la France.
Ma seconde réflexion a trait aux retombées économiques d'une manifestation culturelle, notamment sur le plan touristique. Nous avons ainsi organisé à Nice un Été Matisse, qui a attiré 300 000 visiteurs en l'espace de deux mois, ce qui est considérable également en termes de retombées économiques. C'est donc bien la capacité des politiques publiques à anticiper et à suivre les mutations sectorielles qui conditionne la réussite des activités culturelles et leur compétitivité à l'international. C'est là un appel à la vigilance, à l'innovation et à l'imagination des élus, ainsi qu'à leur capacité de renouvellement de l'offre culturelle territoriale. C'est tout l'intérêt d'une décentralisation pleine et effective, qui ne se réduit pas à un effet de subsidiarité vis-à-vis de l'État : toutes les grandes réalisations ont été menées à bien par de grandes personnalités repérées, ici et là, par des élus éclairés. L'élu local que je suis en est convaincu.
En revanche, si le rapport distingue les retombées directes des retombées indirectes, il ne fait pas mention de leur pérennité. La réflexion pourrait donc être utilement prolongée de ce côté-là, à l'aune par exemple d'expériences comme « Lille 2004 », capitale européenne de la culture, qui a fait l'objet d'études prouvant que les retombées étaient limitées à la durée de la manifestation – un simple effet « coup de projecteur ».
Je voudrais conclure, mes chers collègues, en citant François Mitterrand, auquel ce rapport semble donner raison. Sur ce point au moins, nous partageons pleinement sa recommandation : « C'est précisément en période de crise que la culture est prioritaire ».
À bon entendeur, salut !
Il convient effectivement de s'intéresser à tous les événements qui ont lieu dans les territoires.
Ainsi, en accueillant actuellement la Galerie Perrotin et les oeuvres qu'elle a présentées depuis 25 ans, la ville de Lille montre que « Lille 2004 » se poursuit en 2014.
Je tiens tout d'abord à saluer la qualité de ce rapport : il nous offre des éléments convaincants pour contrer le discours visant à critiquer la dépense publique en direction de la culture, quand il ne s'agit pas de la vie associative ou du sport.
Toutefois, l'investissement public est avant tout justifié par l'apport de l'activité culturelle dans la construction des individus et des sociétés. Il ne faudrait pas que ce rapport serve à justifier des investissements dans certains domaines culturels, à l'exception des autres, en raison de leurs possibles retombées économiques.
Le fléchissement, observé depuis 2005, de la valeur ajoutée des activités culturelles dans le PIB est inquiétant. J'ai noté trois secteurs en crise : le livre, la presse et l'industrie de l'image et du son. Il faut regarder les causes des difficultés que ces secteurs traversent.
Le rapport démontre également le bien-fondé de la dépense publique. C'est un démenti à tous les discours appelant à la nécessaire réduction de cette dépense. Les quelque 14 milliards dédiés par l'État à la culture sont bien utiles car ils ont un effet structurant pour le cinéma et l'audiovisuel ou servent de levier à d'autres secteurs. Il convient en revanche de s'interroger sur l'efficacité, non démontrée, des investissements publics dans les secteurs du livre et de la presse, où des réformes sont nécessaires.
Par ailleurs, compte tenu de l'engagement des collectivités, le « millefeuille territorial » se révèle bien utile dans le domaine de la culture. Je pense notamment aux dépenses d'investissement et de fonctionnement des communes dans des structures telles que les théâtres, les cinémas, les forums, les studios d'enregistrement ou les médiathèques : les communes doivent conserver leurs capacités d'initiative en matière culturelle.
Nous devons de manière unanime désigner une délégation qui ira remettre ce rapport au ministre du budget, afin qu'il augmente les crédits de la culture dans le projet de budget pour 2015.
Rendons tout de même justice au ministre des finances et au ministre délégué au budget en rappelant qu'ils ont commandé ce rapport conjointement avec la ministre de la culture.
Votre étude montre combien le numérique a profondément bouleversé la chaîne de valeurs de l'économie culturelle, les nouvelles plates-formes numériques chargées de l'intermédiation entre les créateurs et les consommateurs captant une part non négligeable de la valeur ajoutée. Les rôles respectifs des différents segments se voient ainsi redéfinis, notamment la distribution et la diffusion : avec la généralisation des jeux dématérialisés, les chaînes de vente de jeux vidéo physiques doivent réinventer leur modèle économique. Quant aux créateurs de séries de télévision et de jeux vidéo, ils peuvent désormais directement s'adresser à leurs consommateurs via des plates-formes numériques. La définition d'un nouveau modèle économique – abonnement, paiement à l'activité – leur permettrait de s'affranchir du financement par les éditeurs.
La venue des nouveaux acteurs numériques permettra-t-elle de développer de nouveaux métiers ?
Ce rapport pourra servir de base à toutes les études d'impact précédant les décisions que les collectivités locales ou l'État prendront dans le domaine de la culture, voire les projets de lois que tout gouvernement déposera.
On pressentait bien la corrélation entre l'implantation d'un festival sur un territoire et son impact socio-économique : le rapport fournit, là encore, des chiffres qui constitueront de bons outils d'aide à la décision.
Alors que la culture a toujours été l'étendard de la gauche, celle-ci, avec un budget en baisse de 2 %, ne fait plus que limiter les dégâts, ce que tous les députés, y compris de la majorité, regrettent. Si l'État a toujours été un acteur majeur de la culture, il convient de rappeler également le poids des collectivités locales : alors que les intercommunalités notamment soutiennent la culture dans les territoires, les élus locaux sont inquiets des conséquences indirectes sur la culture de la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Dans le cadre de leur délégation de service public, les casinos sont dans l'obligation de concourir aux objectifs de développement touristique, économique et culturel de la commune : quel est l'impact de cette contribution sur le développement culturel des 200 communes concernées ?
Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix de passer le taux de TVA intermédiaire de 7 % à 10 % : cette augmentation n'aura-t-elle pas un impact négatif sur le secteur culturel ?
Ce travail sérieux et méticuleux offre à chacun d'entre nous un outil d'analyse précis sur la part de la culture dans le développement des territoires ainsi que des arguments pour mieux défendre les politiques culturelles proposées dans nos collectivités.
Nous avons en effet constaté à plusieurs reprises combien les manifestations culturelles soutenues par les collectivités publiques engendrent non seulement une émulation d'événements mais également des retombées économiques positives pour les territoires concernés. J'évoquerai l'exemple de « Marseille 2013 » ou, en Loire-Atlantique, celui d'« Estuaire 2009 » devenu en 2013 « Le voyage à Nantes », un événement aujourd'hui important, alors que nous ne nous disposions pas au moment de sa création des moyens d'analyse précis de son impact possible.
J'ai également noté que les branches culturelles contribuent à hauteur de 3,2 % à la richesse nationale et emploient 670 000 personnes dans le secteur – les emplois « culturels » dans toutes les entreprises s'élevant à 870 000. La culture irrigue donc non seulement le secteur culturel à proprement parler mais aussi le monde de l'entreprise – les exemples du photographe dans l'entreprise agroalimentaire et de la standardiste dans la chaîne de télévision sont parlants.
Le travail réalisé met par ailleurs en place une méthode rigoureuse au service des études d'impact conjoncturel des manifestations culturelles, méthode qui devrait permettre, grâce à une mise à jour régulière, d'assurer un suivi de l'évolution des activités culturelles.
Par ailleurs, démonstration est faite de l'existence d'un lien de causalité – je le crois sérieusement – entre culture et développement, le rapport établissant une corrélation positive entre la présence d'une implantation culturelle et le développement socio-économique d'un territoire. Il est ainsi prouvé que la politique culturelle n'est ni la « cerise sur le gâteau », ni une variable d'ajustement, mais constitue un véritable engagement pour la création d'activités économiques, l'emploi et le dynamisme des collectivités et de leurs habitants.
Cette étude nous permet donc de mieux connaître le lien entre la culture et l'économie. Elle doit nous encourager à soutenir les réformes et les évolutions des dispositifs de soutien à la création, dans l'attente d'une future loi sur la création.
Toutefois, la culture ne doit pas devenir un simple objet économique : la création doit y conserver toute sa place.
L'universitaire que je suis ne peut qu'apprécier la qualité du travail réalisé, qu'il s'agisse de la collecte et de l'exploitation des données, ou des réserves méthodologiques formulées. La prudence fait partie de la culture des inspections générales.
Ainsi, à la page 21 de la synthèse du rapport, il est précisé : « Au total, si l'étude des six variables semble bien indiquer l'existence d'une corrélation positive entre la présence d'une implantation culturelle et le dynamisme d'un territoire, l'existence d'un véritable lien de causalité entre l'investissement culturel et la performance socio-économique ne peut être prouvée à ce stade. » De quels éléments auriez-vous besoin pour approfondir le sujet ? Cette question importante reste en suspens.
La culture représente 670 000 emplois et 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 3,2 % du PIB. Ce que vous nommez le « PIB culturel » est donc quasiment équivalent en 2011 à la valeur ajoutée de l'agriculture et des industries alimentaires. Élu d'un territoire agricole et agroalimentaire, je mesure bien le poids économique de la culture.
En intégrant les retombées indirectes et induites de la culture, comme la gastronomie, les 10 % du PIB sont atteints, soit deux millions d'emplois. L'étude permet également de comprendre le poids respectif de l'État et des collectivités locales dans le financement des politiques culturelles, en soulignant l'apport des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui y participent.
La mission a pu, par ailleurs, démontrer que les bassins de vie ayant bénéficié d'une implantation culturelle sont en moyenne plus performants au regard des données socio-économiques que des territoires comparables. Vous avez pris l'exemple du festival des Vieilles Charrues de Carhaix : la semaine dernière a été posée dans cette ville la première pierre d'une laiterie franco-chinoise pour un investissement de 100 millions d'euros. Il serait intéressant d'étudier le lien éventuel entre une implantation économique de ce type et l'existence depuis vingt ans d'un tel festival sur un bassin contrasté, où la population est à l'heure actuelle en légère diminution.
Le lien positif entre implantation culturelle et performance socio-économique est-il conditionné par certaines caractéristiques du bassin de vie ? Qu'entendez-vous par la notion de « prise d'initiative » dans le champ culturel ?
Autant l'état des lieux fourni par le rapport est intéressant, autant je suis resté sur ma faim en termes de recherches de leviers ou de recommandations visant à améliorer les capacités à l'export. Ces domaines, qui faisaient partie de votre lettre de mission, n'apparaissent pas dans le rapport.
Qu'en est-il notamment de la capacité exportatrice de nos compagnies de spectacle vivant ? Il convient de noter, par exemple, qu'au Festival d'Avignon certaines structures régionales étrangères, comme la Wallonie, aident leurs compagnies. Ne conviendrait-il pas de recourir à de nouveaux leviers pour développer, notamment, le spectacle vivant ?
Il conviendrait également, monsieur le président, de creuser la question du rapprochement entre culture et tourisme – j'ai pu constater en Alsace combien celui-ci est bénéfique.
Ce rapport inhabituel, puisqu'il croise les dimensions économiques et culturelles, fait oeuvre utile. Il est pour nous satisfaisant d'entendre parler de la culture sous l'angle de ce qu'elle rapporte et non plus simplement sous celui de ce qu'elle coûte.
Les crédits de l'audiovisuel pèsent énormément dans le coût de la culture : quels sont les critères qui vous ont conduit à englober l'ensemble de l'audiovisuel dans la culture ? Certaines parties de l'audiovisuel ne relèvent-elles pas d'un autre domaine ?
Il est dommage que le rapport n'aborde pas la question du réseau culturel français à l'étranger. Il eût été préférable qu'il étudie l'apport de la culture à l'économie « de la France » et non seulement « en France ».
Notre réseau culturel est très dense et couvre l'ensemble de la planète : c'est une de nos vitrines, il participe de notre politique extérieure.
Pour estimer les retombées à l'export des investissements culturels, prenez-vous en compte les retombées en termes d'image de la France, lesquelles engendrent à leur tour des retombées économiques ?
Votre rapport, publié le 3 janvier dernier, met en lumière l'apport réel de la culture à l'économie de notre pays, alors qu'elle est souvent considérée comme un secteur gourmand en financements publics. L'éclairage que vous apportez dessine les contours d'un « PIB culturel » très important, puisque la valeur ajoutée des activités culturelles s'élève à 57,8 milliards d'euros, soit autant que la filière agricole.
Avec globalement 870 000 emplois directs et indirects, le secteur culturel est porteur d'emploi et de croissance. La bonne santé de l'industrie créative est un signe très encourageant pour le redressement productif du pays que nous appelons de nos voeux. Ce secteur représente un potentiel de croissance important.
Votre étude souligne également, sur la base d'une sélection d'événements locaux, les retombées économiques positives pour les territoires organisateurs d'événements – vous évaluez l'effet multiplicateur de 1,3 à 1,8. En tant qu'élu local d'un territoire qui dispose d'un tissu culturel dynamique, je me satisfais particulièrement des chiffres que vous portez à notre connaissance : ils ne peuvent en effet qu'inciter les élus à proposer des événements sur leurs territoires afin d'offrir à tous un accès à la création artistique, y compris en milieu rural. Vous n'êtes pas sans savoir que de grandes disparités existent sur notre territoire dans l'accès de tous les publics à une offre culturelle diversifiée.
Vous soulignez d'ailleurs dans votre rapport que les bassins de vie que vous qualifiez de « culturels » sont plus performants : l'évolution moyenne du nombre de créations d'entreprises y est de +3,8 %. L'évolution du prix au mètre carré y est également supérieure.
Ma question est donc la suivante : ne pensez-vous pas que ces « clusters culturels » conduisent à une « gentrification » de certaines zones, le plus souvent urbaines, au profit des catégories de population les plus aisées ?
Je m'associe à mes collègues pour saluer la qualité du travail méthodologique fourni dans le cadre de ce rapport.
Il est d'autant plus important de pouvoir disposer pour la première fois des chiffres de l'apport économique de la culture qu'en période de crise économique et de nécessaire réduction des dépenses publiques, les dépenses culturelles sont trop souvent considérées comme un luxe superficiel qui ne serait pas indispensable. La culture devrait alors d'autant mieux servir de variable d'ajustement budgétaire qu'elle coûterait cher – c'est ce que du moins prétendent régulièrement certaines études.
Or, c'est précisément le contraire que ce rapport nous démontre. En effet, la culture c'est non seulement l'éducation, l'émancipation, l'ouverture d'esprit, la créativité mais également 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée, 3,2 % du PIB français en 2011, 670 000 d'emplois. La culture est aussi un des secteurs les plus fortement exportateurs – je pense aux jeux vidéo, avec le développeur Ubisoft, ou encore à la mode : elle participe de l'image de la France à l'international.
Comme le soulignait à juste titre un éditorial récent du Monde, « dans la compétition internationale, la culture est bien un enjeu central. Or, dans ce domaine, la France joue en première division ». Je crois qu'en qualité de membres de la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et ardents défenseurs de l'exception culturelle française, nous pouvons être collectivement fiers de ce constat.
Je souhaite toutefois évoquer le bilan plus nuancé, souligné dans le rapport, de la diminution de la part des activités culturelles dans la valeur ajoutée nationale. En effet, celle-ci est en constante diminution depuis 2005 puisqu'elle passe de 3,5 % à 3,2 % en 2011. Outre l'explication conjoncturelle de la crise, que personne ne pourra nier, le rapport avance des raisons d'ordre structurel : les mutations profondes du lectorat de la presse et du livre, l'effondrement du secteur de la musique enregistrée et la baisse des prix des équipements technologiques culturels. Voilà bien la confirmation que le numérique et les avancées technologiques ont profondément transformé l'offre culturelle, les pratiques et les recettes.
C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur les pistes envisageables pour accompagner cette transformation et permettre à la part de valeur ajoutée des industries culturelles de repartir à la hausse.
De même, l'enjeu international est essentiel pour notre industrie culturelle et notre compétitivité : comment l'État peut-il aider le secteur du jeu vidéo à gagner de nouvelles parts de marché et à faire perdurer l'excellence française en la matière ?
Trop souvent, nous avons eu peur des chiffres en matière culturelle. Ce rapport donne précisément des arguments supplémentaires à tous ceux qui défendent la culture à Paris comme en province.
Est-il possible de déterminer les parts respectives des secteurs public et privé ? Est-il possible d'évaluer plus spécifiquement la part des musées nationaux ? Combien de musées nationaux gagnent de l'argent ? Combien sont déficitaires ?
Enfin, quels outils permettent de mesurer l'éventuelle attractivité supplémentaire des territoires qui développent une action culturelle forte ?
J'espère que ce rapport, très utile, sera complété par une étude sur la corrélation entre culture et tourisme.
Élue régionale chargée du développement économique en Languedoc-Roussillon, je sais que l'attractivité culturelle d'un territoire peut influer sur le choix d'installation des entreprises. La vitalité culturelle est un critère déterminant. Le secteur culturel est un vrai levier économique, créateur de richesses et d'emplois, et un secteur productif fondamental pour la marque « France ».
Le rapport contribue aussi à souligner la montée en puissance des arts de l'image, du son, de l'audiovisuel et du numérique. L'industrie innovante du jeu vidéo conduit à développer des pratiques désormais protéiformes. Les habitudes de consommation évoluent vers des plates-formes dématérialisées. Le jeu vidéo, nouveau vecteur d'apprentissage en France, fait partie intégrante de nos loisirs et de notre socialisation. L'international reste un marché naturel et obligatoire, puisque la France, qui ne représente qu'entre 5 % et 7 % du marché global, destine plus de 80 % de ses créations à l'export.
On dénombre plusieurs soutiens publics à l'industrie des jeux vidéo. C'est ainsi que le fonds d'aide au jeu vidéo, dont le montant atteint quelque 3 millions par an, existe depuis 1989. La loi de finances rectificative vient de réformer le crédit d'impôt jeux vidéo pour mieux l'orienter vers les entreprises assurant la réalisation artistique et technique des jeux. Ces entreprises, qui sont souvent jeunes – moins de cinq ans d'existence – et petites – moins de dix salariés –, constituent un atout majeur de l'économie culturelle régionale.
Par quels moyens supplémentaires l'industrie culturelle du jeu vidéo pourrait-elle continuer de jouer son rôle déterminant dans la vitalité des territoires et la création de filières économiques nouvelles, notamment de créateurs ?
Je tiens à vous remercier pour ce riche rapport, qui démontre de manière éclatante que la culture, le patrimoine et l'économie touristique sont très liés. En tant que président de l'établissement public culturel du Pont-du-Gard, je mesure chaque jour l'impact économique sur le territoire gardois de la promotion de cet établissement.
Durant de longues années, l'agriculture a été le premier PIB du département. Touché aujourd'hui par de profondes mutations sociologiques et économiques, le territoire inscrit sa vitalité économique dans le tourisme, notamment culturel. Le site du Pont-du-Gard reçoit 1,3 million visiteurs par an pour des retombées économiques de l'ordre de 84 millions d'euros pour le département et de 150 millions pour la région Languedoc-Roussillon, sans oublier 115 emplois pérennes et 1 600 emplois induits – nous avons mis en place il y a quelques années une évaluation annuelle. À cet égard, il me semble important d'étendre votre grille d'analyse à l'ensemble des sites culturels afin d'identifier les retombées économiques et de les présenter aux élus – pour certains, la culture a un coût mais ne rapporte rien.
Il me paraît également souhaitable que la ministre de la culture prenne pleinement en compte votre rapport afin que soit maintenu de façon pérenne l'investissement public culturel dans les territoires. En effet, les collectivités locales rencontrent des difficultés croissantes pour boucler leur budget – dans le département du Gard, par exemple, le taux de précarité est très élevé. Or ces difficultés contraignent les élus à prendre des décisions de restrictions budgétaires importantes pour faire face aux dépenses contraintes, et la culture n'est pas épargnée.
Ne serait-il pas possible de s'appuyer sur votre rapport pour favoriser une autre approche des dépenses publiques de l'État en matière de dotation globale de fonctionnement et de dotation globale d'équipement dans les territoires où la culture et le tourisme constituent des moteurs économiques ?
Il est évident que ce n'est pas l'aspect financier qui doit guider nos choix en matière culturelle.
Élue du Vaucluse, je suis toutefois heureuse que la culture soit reconnue comme un objet d'étude et, surtout, comme un moteur de l'économie locale et nationale. En ces temps de perturbations économiques et d'orages financiers internationaux, il me paraît crucial que le pays dispose de stabilisateurs, de moteurs qui, pour être auxiliaires, sont loin d'être accessoires.
Notre pays n'est pas n'importe quel pays. Dans l'ADN de notre nation, la culture occupe une place à part. Elle est souvent perçue comme une passion française, un supplément d'âme, un luxe qu'on peut se payer lorsque tout va bien mais qui devrait être utilisé comme variable d'ajustement en période de crise.
Or économie et culture procèdent toutes deux d'une même dynamique : celle de l'échange, qui s'inscrit dans un champ économique encore trop méconnu. Lorsque en 2003, en plein coeur de la crise de l'intermittence, le festival d'Avignon a été annulé, nombreux sont ceux qui ont pris conscience de l'importance de l'économie culturelle pour les territoires. Les commerçants avignonnais qui décriaient année après année le festival ont alors compris ce que celui-ci leur apportait en matière économique ; depuis cette date, je ne les entends plus se plaindre !
Ce rapport présente avec justesse une méthodologie pour évaluer l'apport – les « externalités positives » – de la culture et des secteurs culturels.
Quels sont les moyens d'accroître l'influence de la culture dans l'économie ? Je pense notamment au spectacle vivant, compte tenu de son importance en termes d'emploi. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les retombées économiques des événements culturels pérennes, notamment en matière d'emplois durables ? Est-il possible de disposer d'une approche des modes de consommation culturelle en fonction des catégories socioprofessionnelles des usagers – ceux qui font la dépense – et des salariés – ceux qui en vivent ?
Le rapport conclut à la corrélation positive entre implantation culturelle et développement socio-économique des territoires, tout en restant prudent, les variables testées par la mission ne permettant pas de déterminer si c'est la présence d'une implantation culturelle qui conditionne une performance relative plus importante d'un territoire ou si c'est parce qu'il est relativement plus dynamique que d'autres territoires comparables qu'un territoire a tendance à investir dans une implantation culturelle. En quoi la culture est-elle un élément du dynamisme d'un territoire et en quoi le dynamisme d'un territoire favorise-t-elle le développement culturel ?
Existe-t-il en France des déserts culturels ? La réponse est oui, notamment dans les territoires ruraux. Toutefois, ces mêmes territoires bénéficient des pratiques amateurs qui tirent vers le haut leur développement culturel. Comment votre rapport peut-il favoriser un développement culturel équilibré des territoires afin de l'étendre au plus grand nombre ?
(Présidence de Mme Marie-Odile Bouillé, vice-présidente de la Commission.)
Pour mesurer le poids économique de la culture, il nous a fallu tout d'abord délimiter le périmètre de notre champ d'étude – une tâche colossale. Faisant preuve d'humilité, nous nous sommes appuyés sur les travaux de l'Unesco et de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous avons fait entrer la publicité dans notre investigation, même si, il est vrai, au sens franco-français, cela n'était pas évident. Toutefois, comme notre enquête concerne non seulement les industries culturelles mais également les industries créatives, il était normal que nous fassions entrer la publicité dans le champ d'étude au même titre que l'architecture. La même question se posait pour la mode, la gastronomie, l'art de vivre à la française ou le luxe. Au sein du secteur du livre, quid des livres de bricolage ou de cuisine ? De même, certains programmes audiovisuels ne relèvent pas de la culture telle que le mandat de la ministre de la culture et de la communication peut sembler la définir.
Nous avons donc fait un double choix : tout d'abord, nous en tenir au périmètre délimité de manière consensuelle au plan international par l'Unesco et l'Union européenne ; ensuite, prendre l'intégralité du secteur sélectionné sans distinguer en son sein les aspects non culturels des aspects culturels.
S'agissant de l'approche, nous avions trois possibilités pour déterminer le poids économique de la culture : s'appuyer sur la consommation, le chiffre d'affaires ou la valeur ajoutée.
Il aurait été pertinent d'appuyer notre démarche sur la consommation si notre enquête avait porté sur les pratiques des Français et visait à déterminer la part de leur budget qu'ils consacrent aux activités culturelles. En outre, cette méthode ne permet pas de comptabiliser les exportations – comment mesurer la consommation d'un Roumain en films français ? – tout en ayant le défaut d'intégrer les importations – par exemple la consommation par les Français de films américains –, ce qui ne correspondait pas à l'objet de notre mission : déterminer l'apport de la culture et des entreprises culturelles françaises à l'économie en France.
Fallait-il alors appuyer notre démarche sur le chiffre d'affaires, qui est la notion qui parle le plus aux acteurs économiques, voire à nos concitoyens ? La difficulté est qu'il ne pouvait être question d'additionner les chiffres d'affaires d'industries commerçant entre elles, puisque cela revenait à compter deux fois les mêmes chiffres.
C'est pourquoi nous avons choisi d'appuyer notre analyse sur la valeur ajoutée, qui est la méthode la plus fiable et donc la plus scientifique en comptabilisation, même si la notion de valeur ajoutée est difficilement intelligible au premier abord.
Comme le rapport Lescure l'année dernière, vous avez été nombreux ce matin à souligner, à juste titre d'ailleurs, combien la rupture numérique bouscule les chaînes de valeur de l'ensemble de l'économie française, particulièrement de l'industrie culturelle : sont concernés les segments de l'édition et de la distribution non seulement dans les secteurs de la musique enregistrée et de la vidéo, mais également, plus récemment, dans les secteurs du livre et de la presse, l'audiovisuel gardant encore de l'avance. Quant au spectacle vivant, on peut penser qu'il ne sera jamais touché par la révolution numérique : j'en doute. Peut-être, dans vingt ans, des hologrammes au théâtre de Chaillot ou à l'Odéon performeront-ils des pièces du répertoire classique ou moderne. De telles pratiques invalideront alors la loi de Baumol…
On imagine mal que la France puisse créer du jour au lendemain des plates-formes concurrentes de Google, Amazone ou Facebook, même si c'est le souhait de nombreux créateurs d'entreprise français. Il convient dès lors de réfléchir au financement de la création, celui-ci étant modifié par la captation de valeur par les plates-formes au détriment des financeurs traditionnels de la création qu'étaient les éditeurs. À cette fin, il convient d'adapter aux nouvelles donnes la politique de soutien à la création – clusters, soutien aux fonds propres des entreprises de création, notamment dans le secteur des jeux vidéo. Ce dernier secteur, qui constitue un point fort de notre économie dans la concurrence mondiale, est aujourd'hui confronté à la question de la propriété intellectuelle. Je vous renvoie sur ce point au rapport relatif au régime juridique de la création salariée dans le secteur du jeu vidéo, commandé à M. Philippe Chantepie par le ministère de la culture et de la communication et qui a été récemment publié.
Enfin, s'agissant de la question de l'export, qui figurait bien dans notre lettre de mission, nous avons plus spécifiquement étudié les secteurs de l'audiovisuel, du cinéma, des jeux vidéo et de la mode. Malheureusement, nous n'avons pas pu nous intéresser au spectacle vivant, domaine qu'il conviendra d'approfondir dans le cadre de travaux futurs.
Pour compléter le propos de M. Itty sur l'exportation, je tiens à préciser que nous nous sommes penchés sur le cas particulier du marché de l'art, pour lequel la notion même d'exportation est porteuse d'ambiguïté. La France est appelée « le grenier du monde » : cela signifie qu'elle exporte beaucoup plus d'oeuvres et d'objets d'art qu'elle n'en importe, ce qui n'est pas une bonne nouvelle, car elle exporte une matière essentiellement patrimoniale qui sert à alimenter des ventes réalisées à Londres et à New York par les grandes maisons d'enchères et les grandes galeries internationales. Ce phénomène confirme l'érosion de la place de Paris, qui ne pèse plus que 6 % du marché de l'art mondial – voire 4 % du marché de l'art contemporain.
Par ailleurs, selon des chiffres encore provisoires mais qui feront l'objet d'une publication du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture et de la communication, en 2010, les collectivités territoriales ont dépensé quelque 7,6 milliards d'euros pour la culture. La tentation est de comparer ce chiffre aux 13,9 milliards de dépenses de l'État, ce qui ne serait pas sans poser des problèmes d'ordre méthodologique. Il faut tout d'abord rappeler que l'État recourt, pour 1,5 milliard, à des dispositions fiscales – ce que ne peuvent faire qu'à la marge les collectivités territoriales – et qu'à elle seule la redevance audiovisuelle pèse pour 3,2 milliards d'euros. Les périmètres ne sont donc pas les mêmes. De plus, les nomenclatures comptables des communes, des départements et des régions ne permettent guère de disséquer les dépenses dans les différents secteurs culturels – patrimoine, spectacle, etc. En outre, elles ne sont pas compatibles entre elles. Enfin, il n'est pas cohérent d'additionner les 13,9 milliards d'euros de l'État dédiés à la culture aux 7,6 milliards des territoires pour la simple raison qu'une part non négligeable des dépenses de l'État prend la forme de subventions aux collectivités, une large composante de l'offre culturelle locale étant gérée en régie directe : une simple addition compterait donc deux fois ces subventions.
S'agissant des limites de notre travail, il est vrai que nous avions une lettre de mission très ambitieuse. L'apport méthodologique sur le périmètre, les données et les grands agrégats a déjà demandé un travail considérable. C'est la raison pour laquelle le rapport est plus descriptif qu'il ne fait de préconisations.
En ce qui concerne les rapports entre tourisme et culture, nous savons tous qu'ils sont complémentaires. Le Louvre, qui a reçu 9,2 millions de visiteurs en 2013 – un chiffre en légère diminution mais qui fait néanmoins du Louvre, et de très loin, le premier musée du monde – est une parfaite illustration de cette réciprocité. Comment passer de l'évidence à l'évaluation ? Bien que nous ayons déjà procédé à des sondages de terrain, dont certains sont de grande qualité, il nous reste toutefois encore à forger la méthodologie permettant de mesurer de manière objective l'attractivité touristique des territoires culturels. Cette réflexion devra être menée dans les prochaines années avec les administrations chargées du tourisme.
S'agissant de l'analyse territoriale, nous avons pu mesurer de manière objective l'impact durable d'une implantation culturelle sur le développement d'un territoire – nous avons comparé l'évolution de la performance économique du territoire culturel à celle de territoires témoins. Toutefois, cette mesure ne nous conduit qu'à affirmer une corrélation et non une causalité en raison d'un obstacle d'ordre statistique. En effet, nous nous fondons sur les données fournies par le recensement, qui a lieu tous les dix ans en moyenne. Aussi ne nous est-il pas possible de savoir si l'implantation d'un musée en 2005 était liée à un fort dynamisme au début ou à la fin de la décennie. Cette limite méthodologique pose la question de l'aménagement des données statistiques. Nous avons toutefois déjà pu constater que plus le bassin de vie culturel étudié est petit, plus il est performant par rapport aux territoires témoins. Nous avons également noté qu'une manifestation liée à la musique pouvait être plus performante que l'installation d'un équipement. Cependant, notre échantillon ne comprenant que quarante territoires, il est difficile d'établir une règle générale. Nous n'avons donc pas pu vérifier si les implantations culturelles généraient des clusters et gentrifiaient les territoires, ceux que nous avons choisis étant le plus souvent ruraux.
Il existe bien en France, sinon des déserts culturels, à tout le moins des territoires qui n'ont pas bénéficié d'implantation culturelle dans les dix dernières années : ce sont précisément ces territoires que nous avons utilisés comme territoires témoins.
La séance est levée à onze heures quarante.