Pour mesurer le poids économique de la culture, il nous a fallu tout d'abord délimiter le périmètre de notre champ d'étude – une tâche colossale. Faisant preuve d'humilité, nous nous sommes appuyés sur les travaux de l'Unesco et de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous avons fait entrer la publicité dans notre investigation, même si, il est vrai, au sens franco-français, cela n'était pas évident. Toutefois, comme notre enquête concerne non seulement les industries culturelles mais également les industries créatives, il était normal que nous fassions entrer la publicité dans le champ d'étude au même titre que l'architecture. La même question se posait pour la mode, la gastronomie, l'art de vivre à la française ou le luxe. Au sein du secteur du livre, quid des livres de bricolage ou de cuisine ? De même, certains programmes audiovisuels ne relèvent pas de la culture telle que le mandat de la ministre de la culture et de la communication peut sembler la définir.
Nous avons donc fait un double choix : tout d'abord, nous en tenir au périmètre délimité de manière consensuelle au plan international par l'Unesco et l'Union européenne ; ensuite, prendre l'intégralité du secteur sélectionné sans distinguer en son sein les aspects non culturels des aspects culturels.
S'agissant de l'approche, nous avions trois possibilités pour déterminer le poids économique de la culture : s'appuyer sur la consommation, le chiffre d'affaires ou la valeur ajoutée.
Il aurait été pertinent d'appuyer notre démarche sur la consommation si notre enquête avait porté sur les pratiques des Français et visait à déterminer la part de leur budget qu'ils consacrent aux activités culturelles. En outre, cette méthode ne permet pas de comptabiliser les exportations – comment mesurer la consommation d'un Roumain en films français ? – tout en ayant le défaut d'intégrer les importations – par exemple la consommation par les Français de films américains –, ce qui ne correspondait pas à l'objet de notre mission : déterminer l'apport de la culture et des entreprises culturelles françaises à l'économie en France.
Fallait-il alors appuyer notre démarche sur le chiffre d'affaires, qui est la notion qui parle le plus aux acteurs économiques, voire à nos concitoyens ? La difficulté est qu'il ne pouvait être question d'additionner les chiffres d'affaires d'industries commerçant entre elles, puisque cela revenait à compter deux fois les mêmes chiffres.
C'est pourquoi nous avons choisi d'appuyer notre analyse sur la valeur ajoutée, qui est la méthode la plus fiable et donc la plus scientifique en comptabilisation, même si la notion de valeur ajoutée est difficilement intelligible au premier abord.
Comme le rapport Lescure l'année dernière, vous avez été nombreux ce matin à souligner, à juste titre d'ailleurs, combien la rupture numérique bouscule les chaînes de valeur de l'ensemble de l'économie française, particulièrement de l'industrie culturelle : sont concernés les segments de l'édition et de la distribution non seulement dans les secteurs de la musique enregistrée et de la vidéo, mais également, plus récemment, dans les secteurs du livre et de la presse, l'audiovisuel gardant encore de l'avance. Quant au spectacle vivant, on peut penser qu'il ne sera jamais touché par la révolution numérique : j'en doute. Peut-être, dans vingt ans, des hologrammes au théâtre de Chaillot ou à l'Odéon performeront-ils des pièces du répertoire classique ou moderne. De telles pratiques invalideront alors la loi de Baumol…
On imagine mal que la France puisse créer du jour au lendemain des plates-formes concurrentes de Google, Amazone ou Facebook, même si c'est le souhait de nombreux créateurs d'entreprise français. Il convient dès lors de réfléchir au financement de la création, celui-ci étant modifié par la captation de valeur par les plates-formes au détriment des financeurs traditionnels de la création qu'étaient les éditeurs. À cette fin, il convient d'adapter aux nouvelles donnes la politique de soutien à la création – clusters, soutien aux fonds propres des entreprises de création, notamment dans le secteur des jeux vidéo. Ce dernier secteur, qui constitue un point fort de notre économie dans la concurrence mondiale, est aujourd'hui confronté à la question de la propriété intellectuelle. Je vous renvoie sur ce point au rapport relatif au régime juridique de la création salariée dans le secteur du jeu vidéo, commandé à M. Philippe Chantepie par le ministère de la culture et de la communication et qui a été récemment publié.
Enfin, s'agissant de la question de l'export, qui figurait bien dans notre lettre de mission, nous avons plus spécifiquement étudié les secteurs de l'audiovisuel, du cinéma, des jeux vidéo et de la mode. Malheureusement, nous n'avons pas pu nous intéresser au spectacle vivant, domaine qu'il conviendra d'approfondir dans le cadre de travaux futurs.