Intervention de Michel Pinault

Réunion du 14 janvier 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Michel Pinault, président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux et honoré d'être auditionné par votre commission ; il est important pour le Haut Comité d'entretenir d'excellents contacts avec vous.

Cette année, pour la première fois, le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire a publié son rapport en deux temps : une première partie, en mai, sur la place des femmes dans les forces armées françaises, sujet que nous avions retenu pour l'étude thématique ; une seconde partie, en septembre, sur la revue annuelle de la condition militaire. Nous sommes en train de préparer notre huitième rapport, dont nous espérons pouvoir publier la partie thématique, consacrée à l'administration des militaires, au plus tard en mai.

Le Haut Comité, qui en est à sa huitième année d'existence, est une structure plutôt atypique, qui rend compte au Président de la République et aux Assemblées parlementaires. Quoique nous n'ayons pas le statut d'autorité administrative indépendante, nous sommes un organe d'expertise indépendant ; le Haut Comité est composé de membres venant d'horizons variés, même si tous s'intéressent à la chose militaire : il comprend des magistrats, issus notamment du Conseil d'État – dont je fais partie –, des représentants de la société civile et des militaires.

Le Haut Comité n'est pas un corps d'inspection et il ne se substitue pas au contrôle général des armées ; il n'est pas non plus une sorte de Boston Consulting Group chargé d'améliorer l'organisation du ministère. Notre mission, plus simple, est d'analyser la condition militaire et de comparer celle-ci avec la société civile dans son ensemble – sans se restreindre à la fonction publique civile. Nous examinons, sous cet angle, les résultats des politiques engagées.

Tous les membres du Haut Comité sont bénévoles : ils ne touchent aucune rémunération, ni aucune indemnité. Ils travaillent pour le Haut Comité en sus de leurs activités professionnelles.

Notre méthode répond à une ambition d'objectivité. Nous procédons à l'audition, en région parisienne, d'autorités militaires et civiles – chefs d'états-majors, directeurs centraux, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD), directeurs des ressources humaines des différentes armées, de la gendarmerie et des services, acteurs de la réorganisation du ministère, etc. – et nous effectuons des déplacements en province, voire outre-mer. À l'occasion de ces visites, nous organisons des tables rondes – en général par catégorie : militaires du rang, sous-officiers, officiers –, en dehors du commandement, au cours desquelles nous invitons nos interlocuteurs à exprimer librement leur ressenti. Ayant l'expérience d'autres instances de dialogue, aussi bien dans le privé que dans le public, je puis vous assurer que l'expression des militaires est particulièrement libre !

Le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) est membre de droit du Haut Comité. Nous nous appuyons sur lui pour réaliser des travaux statistiques. L'INSEE procède notamment, à notre demande, à des études spécifiques, voire inédites. Plus généralement, le secrétariat général du Haut Comité travaille énormément sur les données chiffrées qui nous sont transmises : il les vérifie, les analyse, passe des commandes, envoie des questionnaires.

Au final, je crois que le Haut Comité a réussi à prendre sa place parmi les instances chargées de suivre la condition des militaires.

La Revue annuelle 2013 de la condition militaire s'inscrivait dans un contexte particulier : deux lois de programmation militaire successives, faisant elles-mêmes suite à deux Livres blancs, avec des répercussions importantes en matière de réorganisation et d'effectifs ; deux réformes des retraites, qui s'appliquent pour partie à la fonction militaire ; une conjoncture économique peu favorable, notamment pour la reconversion. Le fait de publier la Revue en septembre nous a permis de nous appuyer sur les chiffres de 2012 – à une exception près.

Le volume du recrutement externe annuel, sur l'ensemble des armées, est en diminution de 22 % depuis 2008 ; depuis 2010, les baisses les plus importantes concernent l'armée de terre – moins 33 % – et la gendarmerie – moins 21 %. Cette évolution a eu un effet positif indirect : celui d'améliorer la sélectivité du recrutement. Le Haut Comité s'était en effet inquiété, dans ses précédents rapports, du faible taux de sélection à l'entrée dans les armées, notamment pour les militaires du rang : à certaines époques, on comptait moins de deux candidats pour un poste. Les taux de sélection des sous-officiers – hors gendarmerie – et des officiers sous contrat se sont améliorés, de même, quoique dans une moindre mesure, que celui des militaires du rang, passé de 1,7 candidat pour un poste en 2008 à 2,3 en 2012. Les progrès restent cependant insuffisants.

D'autre part, il ne faut pas croire que la détérioration de la situation de l'emploi profite au recrutement : le vivier de candidats motivés pour entrer dans les forces armées reste globalement stable, et cela quel que soit l'état du marché du travail.

La sélectivité du recrutement des militaires est très inférieure à celle du recrutement dans la fonction publique, qui est en général d'environ 20 candidats pour un poste – c'est par exemple le cas chez les surveillants pénitentiaires.

En outre, avec le reformatage des forces armées et la concentration des unités dans certaines zones, certaines régions françaises n'ont presque plus de contacts avec les militaires : il n'y a guère que le 14 juillet ou le 11 novembre que l'on en rencontre.

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