Intervention de Michel Pinault

Réunion du 14 janvier 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Michel Pinault, président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire :

Monsieur Candelier, l'abaissement de la clause de stage de quinze à deux ans était une recommandation du Haut Comité. En effet, auparavant, si les militaires partaient avant quinze ans de services, ils relevaient du régime des pensions civiles des contractuels de l'État et perdaient les bonifications éventuellement acquises au combat – ce qui était assez choquant. D'autre part, pour les agents civils, la durée de services nécessaire pour bénéficier d'une retraite publique avait été abaissée de quinze à deux ans : il convenait de réparer cette inégalité. Cela permettra aux intéressés de voir reconnaître comme tel leur passage dans les armées, même pour une durée très courte.

Il nous paraît essentiel de poursuivre l'effort de fidélisation des militaires du rang et d'essayer d'allonger autant que possible la durée de leur présence dans les forces armées, qui n'est actuellement que de cinq ans en moyenne. Dans un précédent rapport, nous avions calculé qu'un allongement de cette durée ne serait-ce qu'à huit ans permettrait de faire des économies substantielles en frais de recrutement et de formation.

Pour ce qui est des sous-officiers et des officiers, la période est instable ; certains estiment qu'il vaut mieux « s'accrocher » et rester dans l'armée, d'autres prennent leurs dispositions pour partir. Nous n'avons pas constaté pour le moment de prédominance d'une attitude sur l'autre. Ce qui est sûr, c'est que l'objectif de réduction des effectifs, fixé tant par le Livre blanc que par la loi de programmation militaire, est contradictoire avec l'allongement de la limite d'âge, qui va nécessairement accroître les effectifs en place.

Nous avons fait des recommandations en matière de sélectivité. Toutefois, il ne faut pas se cacher que si le taux de sélection est si faible, c'est qu'il s'agit de carrières courtes, c'est-à-dire d'un simple épisode dans une vie professionnelle – alors que quand vous entrez dans la fonction publique d'État, votre carrière y est assurée jusqu'à 65 ans. Mais nous ne préconisons pas pour autant de rendre statutaires la totalité des positions des militaires.

Nous n'avons pas abordé la question des droits sociaux parce que le Conseil supérieur de la fonction militaire en a été saisi. Il reste que si le Haut Comité n'est pas une instance représentative des militaires, nous nous faisons l'écho de ce qu'ils pensent ou ressentent ; or la parole chez les militaires est particulièrement libérée – peut-être même davantage que chez d'autres catégories socioprofessionnelles.

En matière de reconversion professionnelle, on note une amélioration ; de toute évidence, Défense mobilité fait bien son travail. L'accompagnement psychologique, le conseil, les analyses de profil sont les services les plus appréciés par les intéressés – davantage que la recherche directe de postes. Néanmoins, l'outplacement progresse. Certains secteurs, comme le transport routier, le transport de marchandise, le camionnage ou le transport de voyageurs recrutent un grand nombre de militaires, souvent par le bouche à oreille ; on apprécie tout particulièrement la disponibilité des intéressés pour des postes à horaires atypiques ou à temps partiel.

Le Haut Comité a constaté que les militaires ont une grande confiance dans le Service de santé des armées. Les avis sont unanimes sur ses compétences, sa réactivité et son implication. Cela suscite de la confiance chez les combattants, qui savent qu'en cas d'incident, ils seront pris en charge de manière efficace.

Pour ce qui est des blessures psychologiques, l'accroissement de leur nombre s'explique par le fait que l'on en parle désormais librement. Le stage de « décompression » à Chypre est également très apprécié, et ressenti par les militaires comme une marque de considération.

Dans notre enquête, nous n'avons pas constaté de vague de suicides inquiétante, notamment chez les gendarmes ; je vous remercie de nous avoir alertés sur ce point, que nous examinerons avec soin.

Si l'on évoque souvent les carrières courtes dans l'armée, il faut savoir que, pour les officiers issus des grandes écoles, il faut une durée assez longue – une trentaine d'années – avant d'arriver au grade d'officier général. C'est ce qui explique que les chiffres actuels soient si décevants en matière de féminisation : sauf rares exceptions, les femmes ne sont pas encore éligibles à ces grades. Cependant, cela ne saurait tarder, et c'est pourquoi notre rapport est si important : il permettra d'être volontariste en la matière. Il faudra être particulièrement attentif à ce sujet dans les prochaines années.

Pour la gestion des ressources humaines, la mobilité géographique est parfois une solution de facilité : comme il n'est pas facile de trouver immédiatement un remplaçant à un militaire qui quitte son poste, il est tentant d'utiliser les obligations statutaires et de recourir à une mutation géographique.

D'autre part, nous avons noté non seulement un accroissement de la mobilité, mais également une augmentation des départs au dernier moment, avec des préavis de moins de trois mois – notamment pour les mutations outre-mer. C'est incompréhensible ! Sur ce point, le Haut Comité recommande de revenir le plus vite possible à la normale, et d'éviter toute mobilité par principe ou par commodité.

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