Chers collègues, nous vivons dans une société dont la force dépend et dépendra de sa capacité à innover dans un monde interactif ouvert. Innover, c’est inventer et mettre sur le marché quelque chose qui était jusqu’alors inconnu, et qui est donc peut-être inquiétant. L’internet généralisé, le wifi, l’interopérabilité, la téléphonie mobile, des mots si courants désormais, sont des innovations majeures récentes, d’usage si simple et si évident qu’on en oublie qu’ils renvoient à des technologies puissantes, donc à des perspectives de développement économique et d’emploi.
Peut-être avons-nous trop longtemps vécu dans un monde où les emballements du progrès n’étaient encadrés qu’a posteriori, une fois le risque avéré.
Mais nous vivons quand même mieux aujourd’hui qu’hier, me semble-t-il et peut-être, dès lors, avons-nous envie de vivre dans un monde où les inquiétudes prévalent.
Cette proposition vient ainsi à point nommé démontrer qu’au lieu d’un principe de précaution paralysant, le principe de prévention est, lui, applicable. Elle offre un cadre institutionnel aux inquiétudes ressenties qui, puisqu’elles s’expriment, doivent être traitées.
La simple existence de ce cadre, facteur de clarification rassurera : elle évitera de laisser le flou prévaloir, du niveau local, là où vivent les gens, jusqu’au niveau national. C’est l’un des bénéfices à attendre de ce texte, qui permettra peut-être de discerner les éventuels effets négatifs de ces technologies, encore non avérés.
Il s’agit également de prendre en compte une demande considérable de connexion et d’interconnexion partout, dans les quartiers des villes, dans les communes rurales. C’est là un besoin social et économique auquel il faut répondre.
À cet égard, connaître et maîtriser l’exposition aux champs électromagnétiques me semble une approche aussi raisonnable que la seule notion de « modération » présente dans ce texte, car connaître et maîtriser permet d’innover.
Il est vrai que c’est la loi qui construit le droit et non la science. L’expérience, les faits, la démonstration ne peuvent y suffire, ce que l’adage populaire « explication n’est pas raison » synthétise magistralement : à cela pourtant Emmanuel Kant tente de résister dans sa belle Critique de la raison pure, magistrale et scientifique démonstration que c’est bien la connaissance et non la peur qui change le monde – même s’il faut répondre à la peur.
C’est ce que fait cette proposition et je salue Mme Abeille, qui en a pris l’initiative, ainsi que Mme Suzanne Tallard, pour son avis éclairé.
La présente proposition de loi entre clairement dans ce cadre, et je tiens à saluer tant la détermination du groupe écologiste que la volonté de la commission des affaires économiques et de son président François Brottes à aboutir sur cette question de la sobriété, de la transparence et de la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.
Ce texte a aussi pour avantage, et non des moindres, de parler de ce que chacun voit : un foisonnement des antennes sur nos toits qui met en évidence la multiplicité des opérateurs, la concurrence parfois opaque qu’ils se livrent et l’absence de réglementation, et donc de volonté politique jusqu’à présent. Ce texte traduit donc enfin un vrai choix politique équilibré et je m’en réjouis.
Mon propos s’inscrit dans la suite de celui de mon collègue Jean-Yves Le Déaut qui, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a souligné que les questions scientifiques ont une incidence politique et sociétale de plus en plus marquée, ce qui a pour conséquence le plus souvent de susciter des inquiétudes. Pour ma part, je souhaite insister sur le fait que les réponses scientifiques ont en outre des implications politiques et sociétales complexes.