En effet, cinq pays membres de l'Union européenne n'ont pas encore reconnu le Kosovo – pour des raisons liées, selon moi, à une mauvaise interprétation de notre situation. Pourtant, notre coopération institutionnelle avec l'ensemble de ces pays est excellente. Le mois dernier, je me suis rendu à Athènes. L'année dernière, je suis allé à Bratislava. Ces deux Etats ont une approche très ouverte et très souple et je pense qu'ils vont, d'ici peu, décider de reconnaître le Kosovo. Pour être tout à fait franc, l'hésitation de ces cinq Etats ne vient pas des politiciens, mais plutôt de l'opinion publique qui conserve une attitude assez rigide, inspirée par les médias – liés à certains milieux, notamment religieux.
Je crois tout de même que la situation est en train d'évoluer. Le fait que la Serbie ait avancé vers une normalisation de ses relations avec le Kosovo est positif. Je ne pense pas que la Slovaquie, la Grèce, la Roumanie, Chypre et l'Espagne auront une raison de repousser leur décision de reconnaître le Kosovo. Et je pense que la décision de la Cour internationale de Justice sur la légalité de notre indépendance arbitrera en notre faveur.
Entre ministres des affaires étrangères, la coopération est excellente. J'accepterai votre soutien, comme j'accepterai celui des autres parlements. Les gouvernements sont responsables vis-à-vis de leur parlement et ce sont parfois des parlementaires qui, dans ces cinq États membres, contribuent à rendre plus difficiles les relations avec notre pays. Or la reconnaissance du Kosovo est pour nous essentielle.
Venons-en aux forces de sécurité du Kosovo. J'ai moi-même participé au processus de négociation entre le Kosovo et la Serbie, qui a débouché sur un accord avec un représentant spécial des Nations unies. Entre 2005 et 2007, nous avons beaucoup réfléchi à la structure des forces qui pourraient être mises en place, à un mandat spécifique, à la nature de ces forces et au fait qu'après l'indépendance, les forces de sécurité du Kosovo devraient être des forces civiles. Nous avons accepté cette solution, mais le plan défini par le représentant des Nations unies a précisé qu'en 2013, nous devrions réétudier la situation et modifier éventuellement la structure de ces forces pour l'adapter à l'évolution du Kosovo.
Il ne faut donc pas avoir de préjugés. Je pense que Belgrade, et peut-être d'autres pays, sont en train d'étudier la situation. Il serait injuste de dire qu'il ne faudrait plus jamais modifier la structure des forces de sécurité du Kosovo. Mon ministère est d'ailleurs très impliqué dans ce processus de révision stratégique. Certes, Belgrade et Moscou s'inquiètent, mais la description que ces deux pays font de la situation ne reflète pas la réalité.
Des Serbes appartiennent à ces forces de sécurité, mais nous aimerions augmenter leur proportion. De la même façon, nous aimerions augmenter la proportion des femmes. Je remarque toutefois qu'il y a déjà 15 % de femmes dans les forces de sécurité, ce qui me semble très positif. À l'OTAN, la proportion est de 11 ou 12 %.
S'agissant des forces de sécurité, nous n'allons évidemment pas prendre de décision sans une coopération rapprochée avec l'OTAN, avec Paris, Bruxelles et d'autres capitales. Vous ne risquez pas de voir apparaître, par surprise, une nouvelle armée kosovare. Ces cinq dernières années, nous avons travaillé avec l'ensemble de nos partenaires, dont la France. Celle-ci est pour nous une amie et un partenaire incontournable, y compris dans le domaine stratégique.
Nous avons effectivement des liens historiques et linguistiques avec l'Albanie. Mais nous sommes deux Etats séparés, et nous le serons à jamais. Nous avons lutté pendant longtemps pour devenir indépendants. C'est un facteur de stabilité pour la région. Je pense que la carte des Balkans restera la même qu'aujourd'hui.
Nous avons des projets de coopération avec le Monténégro. Nous avons de bonnes relations avec la Bosnie, même si elle n'a pas reconnu le Kosovo – pour des raisons liées à sa situation intérieure.
Je ne peux pas faire de commentaire sur le processus d'adhésion à l'Union européenne de l'Albanie. Le Kosovo soutient très fortement le processus d'intégration de l'ensemble des pays de la région. C'est important pour l'Albanie comme pour le Kosovo.
Vous vous êtes inquiétée, Madame Auroi, du rôle des femmes dans notre société, au sein du Parlement, du Gouvernement et des institutions. Je vous répondrai que les femmes sont très bien représentées en politique. Il en est de même à l'Université. Le professeur Kullashi et moi-même avons donné des cours à la faculté de philosophie de l'Université de Prishtina, et je pense que parmi les universitaires, il y avait davantage de femmes que d'hommes – et ce n'est pas un phénomène récent.
Enfin, vous m'avez parlé des groupes minoritaires de par leur orientation sexuelle. Je vous répondrai que sur la base de notre Constitution et au quotidien, nous essayons de faire en sorte que tous puissent bénéficier, au Kosovo, des mêmes droits et des mêmes libertés. Je pense être très libéral par rapport à ces questions.