Intervention de Jean-Claude Trichet

Réunion du 20 février 2013 à 8h30
Commission des affaires européennes

Jean-Claude Trichet :

La bonne configuration pour faire progresser la zone euro sans lâcher la rampe des autres pays membres de l'Union, ce sont les Vingt-Sept. Le TSCG a été signé par tous, à l'exception de la République tchèque et du Royaume-Uni. Le pacte de stabilité et de croissance s'applique aux Vingt-Sept, mais les sanctions aux seuls membres de la zone euro ; il en va de même pour le noyau central du suivi des indicateurs de compétitivité. Je partage votre opinion, il faut prendre garde à l'articulation entre tous les pays de l'Union. Les membres de la zone euro ont opté pour un destin commun, comme la crise l'a montré, qui a conduit au partage des difficultés. Certes, la Grèce était de loin le pays le plus vulnérable. Ensuite venaient l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, car les signatures, publiques et privées, sont toujours classées par le marché financier dans un ordre décroissant de vulnérabilité. Cela ne signifie pas que les pays qui, en se signalant comme les plus vulnérables, ont servi de détonateurs de la crise, n'ont pas de responsabilité.

Vous avez parlé d'« euro-CFA ». Deux pays baltes sont dans cette situation : ils ne sont pas encore membres de la zone euro mais ils adopté l'euro comme monnaie de référence, ce que les a contraints, pendant la crise, à des ajustements. Les Européens se sont accordés pour dire que le périmètre de la zone euro devait pour l'instant demeurer inchangé. La question de savoir si et comment gérer un élargissement potentiel est délicate. Avant toute chose, nous devons être absolument sûrs que notre gouvernance interne fonctionne bien et permet d'éviter toute nouvelle faiblesse majeure. Certains pays, tels la Pologne, sont très désireux, et ils ont raison, de rejoindre la zone euro le moment venu. Si celle-ci veut préserver sa cohérence et sa visibilité internationale, elle doit être une entité solide, ce qu'elle a prouvé être en traversant la crise économique et financière la plus grave connue depuis la fin de la seconde guerre mondiale en préservant son unité. Mais tout n'est pas gagné et aucune complaisance n'est permise. Or, le risque est que lorsque la crise s'estompe, on perde en ardeur politique alors qu'il faut rester déterminé.

J'ai esquissé devant vous une architecture d'exception dans laquelle la Commission européenne devient un gouvernement, le Conseil une Chambre haute européenne et le Parlement européen reste ce qu'il est, la Chambre basse qui a le dernier mot. Avoir un commissaire européen qui concentrerait une très large part des responsabilités opérationnelles de la zone euro serait à mon sens très utile. Il surveillerait, avec l'ensemble du Conseil, les questions relatives au suivi du pacte de stabilité et de croissance, aux grands déséquilibres, aux indicateurs de compétitivité, et serait le gestionnaire du mécanisme de stabilisation européen. Il serait bon de rassembler toutes ces responsabilités ; on éviterait la dualité actuelle, personnifiée par le président de l'Eurogroupe et le commissaire chargé des finances. Cela contribuerait à simplifier l'articulation complexe des institutions européennes.

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