Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 20 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Vous avez eu raison d'insister sur la nécessité d'éviter les à-coups et de réaliser un suivi fin, pays par pays, au lieu de se borner à une approche globale.

En revanche, je suis moins d'accord avec le rapporteur sur les précautions à prendre en matière de laïcité. On peut s'interroger sur la façon d'en parler – c'est le travail des diplomates, après tout –, mais c'est tout de même le point dur. On le voit en Tunisie, où la question est de savoir si l'on va ou non vers une séparation entre l'État et la religion, et la question se pose aussi en Turquie, qui connaît une lente islamisation et une remise en cause des acquis du kémalisme, c'est-à-dire la laïcité à la française. L'enjeu de ces révolutions est la réconciliation des pays arabes musulmans, au sens large du terme, avec la modernité et la globalisation. Cela passe inévitablement par un « aggiornamento » sur le rôle de la religion dans la société et la place des femmes. On le voit avec la toute première manifestation qui a eu lieu en Arabie saoudite pour le droit des femmes à conduire une voiture. Cela n'a peut-être l'air de rien, mais c'est fondamental.

Il me semble que nous sommes entrés dans une deuxième phase des révolutions arabes, avec l'ampleur que prend la guerre en Syrie. Elle change la donne dans tous les pays de la région, au Liban, en Jordanie, en Irak, qui est train d'imploser, en Iran en tant que pays en première ligne face au monde sunnite et désormais à Israël, mais aussi avec l'irruption des pays du Golfe qui financent chacun leur armée contre l'Iran. C'est un changement de dimension à prendre en compte dans le suivi que vous envisagez. Le paradigme israélo-arabe, même s'il reste important, est de plus en plus supplanté par la question de la recomposition de la région et par le conflit de moins en moins larvé et extrêmement dangereux entre sunnites et chiites, avec un risque de nucléarisation en parallèle. Si l'Iran accède à l'arme atomique, la Turquie ne pourra pas rester les bras croisés, pas plus que les pays du Golfe. C'est une menace existentielle.

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