Monsieur le Président, mes chers collègues, alors que se dessinent actuellement les contours de l'acte III de la décentralisation et que sont en discussion les modalités de la politique de cohésion 2014-2020, il nous a semblé important de procéder à un point rapide d'information sur la question de la délégation aux collectivités locales, et notamment aux régions, de l'autorité de gestion des fonds européens. Le projet de loi sera adopté en Conseil des ministres courant février 2013.
Rappelons pour mémoire que l'enveloppe sur la programmation 2007-2013 FEDER et le FSE est pour la France de 14 milliards d'euros (dont 4 milliards pour les DOM), celle du FEADER de 7,6 milliards d'euros, et celle du FEP de 4,3 milliards d'euros. Comme vous le savez, ces fonds, FEDER et FSE, qui relèvent de la politique de cohésion, mais aussi le FEADER, qui relève de la PAC, et le FEAMP, qui relève de la PCP et remplace le FEP, sont actuellement gérés, au niveau régional, par le préfet de région. Celui-ci associe toutefois chacun des partenaires - régions et départements -, à la mise en oeuvre des programmes opérationnels définis au niveau de l'État en concertation avec le Comité régional de programmation, organe consultatif qui réunit les services déconcentrés de l'État, et les représentants de la région et du département. Le Comité régional de programmation assure ainsi la sélection des projets après instruction par les services de l'État et avis d'instances techniques partenariales, mais la décision de programmation de chaque opération est prise par le préfet de région.
Le schéma actuellement envisagé est inversé par rapport à la situation actuelle : il s'agit de faire de la région la principale autorité de gestion des fonds européens, en concertation avec les services de l'État.
La gestion directe de ces fonds par les régions a constitué un des engagements de campagne de François Hollande lorsqu'il était candidat. Cet engagement a été rappelé lors de son discours de Châlons-en-Champagne le 31 août dernier, tandis qu'une déclaration commune du Premier ministre et de M. Alain Rousset, président de l'ARF - Association des régions de France -, a réaffirmé, le 12 septembre, que l'acte III de la décentralisation comporterait bien un volet relatif à la gestion directe par les collectivités des fonds européens. L'engagement 14 de cette déclaration précise ainsi : « l'État confiera la gestion des fonds européens de la prochaine génération aux régions, en particulier en matière de développement économique, de formation, d'innovation, d'aménagement du territoire et de développement rural, afin de renforcer l'effet levier de l'intervention publique. Des expérimentations seront possibles dès 2013. Dès à présent, l'État associe pleinement les régions à la préparation de la prochaine programmation. »
De même, à l'issue d'une rencontre à l'Elysée, M. Claudy Lebreton, président de l'ADF - Assemblée des départements de France -, le président de la République et le Premier ministre, sont convenus que, dans le cadre de la programmation 2014-2020, l'État proposera à partir du 1er janvier 2014 la conclusion de conventions globales pluriannuelles de gestion du Fonds social européen avec les départements pour les compétences relevant du département.
M. Michel Destot, président de l'AMGVF - Association des maires des grandes villes de France - souhaite de son côté que l'ensemble des territoires soient associés à la préparation de la prochaine programmation, et appelle à une rénovation de la gouvernance infra-régionale.
Où en est-on actuellement ?
Des travaux ont été engagés au plan interministériel pour déterminer les modalités de cette nouvelle architecture, et notamment le périmètre éventuel du maintien dans le giron de l'État d'une partie de l'enveloppe.
Le scénario actuellement envisagé par les services des ministres concernés est le suivant. Concernant le FSE, sont envisagés le transfert de l'autorité de gestion et d'une large partie des fonds aux régions, une petite partie étant conservée en gestion nationale pour les compétences relevant de l'État - avec délégation de gestion aux départements. Concernant le FEDER, sont envisagés le transfert de l'autorité de gestion et des fonds aux régions, à l'exception d'une part mineure conservée en gestion par l'État pour des enjeux nationaux, tels que la politique de la ville. Concernant le FEADER, la question d'une délégation aux régions pour créer des programmes nationaux n'est pas tranchée, tandis qu'il n'est pas acté que les régions obtiennent l'autorité de gestion déléguée pour le FEAMP.
Cette proposition, soumise ces jours-ci à l'arbitrage du Premier ministre, est fortement contestée par les régions, qui estiment que le transfert des fonds doit être total et qu'il s'agit là d'un « reniement des engagements pris avec le président de la République et le Premier ministre ». Les élus régionaux, et au premier chef le président de l'ARF, M. Alain Rousset, considèrent que l'État, et plus particulièrement les administrations centrales, leur font un mauvais procès en « incompétence économique », sentiment d'autant plus exacerbé que les débats sur la BPI ont montré des réticences à la régionalisation de la banque.
De fait, les services de l'État mettent en avant le risque de mauvaise gestion par les régions et redoutent leur partialité. Cet argument un peu frileux se heurte à la réalité, que ce soit en France ou en Europe.
En France, la gestion expérimentale de ces fonds par la région Alsace a fait ses preuves, comme en atteste un rapport d'audit de gestion d'étape publié en février 2011, tandis qu'en Europe, la gestion décentralisée existe déjà dans les États fédéraux sans poser plus de problèmes que la gestion centralisée.
Pour le reste, comme l'a déclaré Mme la ministre en charge de la décentralisation, Marylise Lebranchu : « il n'y a pas d'un côté un État rationnel et de l'autre des élus irrationnels ».
Un autre argument, plus pertinent sans doute, est celui du transfert des compétences détenues actuellement par les personnels des SGAR - secrétariats généraux pour les affaires régionales -. Dans quelle condition ce transfert pourra-t-il s'opérer sans déperdition de compétences ? Selon les estimations qui nous ont été données, 1 500 équivalents temps plein (ETP) au maximum seraient concernés, ce qui n'est rien à côté du transfert des TOS - personnels techniciens, ouvriers et de services du ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche - que les collectivités locales ont eu à gérer.
En forme de conclusion, je soulignerai que l'acte III de la décentralisation doit viser l'efficience de la consommation des crédits européens, et c'est pourquoi la France doit rechercher la meilleure architecture et donner à chaque échelon les moyens de trouver sa place. Le rôle de l'État au niveau local en sera nécessairement modifié. Notre juge de paix doit être la recherche de la meilleure utilisation possible des crédits européens. Le travail parlementaire devra y contribuer, et c'est pourquoi nous vous proposons que notre commission se saisisse pour avis du futur projet de loi sur cette question.