Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 25 avril 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Marwan Lahoud, directeur général délégué d'EADS, président d'EADS France :

La coopération en matière d'armement suit la construction de l'Europe de la défense ou en est l'un des moteurs – si tant est que cette ambition soit portée par les États membres. Or, depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années, la dynamique qui s'était créée autour de la coopération a connu un certain ralentissement, des réticences, voire des retours en arrière. Une entreprise comme EADS, conçue dans toutes ses composantes, y compris civiles, autour de programmes en coopération, ne peut que le déplorer.

Il s'agit là d'une question politique. Chaque fois que notre pays a été confronté à une urgence opérationnelle ou à une menace – que ce soit, pendant la guerre froide, sur le territoire national ou, par la suite, sur un théâtre d'opérations extérieures –, il s'est tourné vers ses alliés européens. Pour l'intervention au Mali elle-même, opération pourtant purement française à l'origine, il a très vite été conduit à les solliciter. On constate donc un décalage entre la coopération opérationnelle, l'intégration de l'industrie à l'autre bout de la chaîne de la coopération, et, entre les deux, la disparition de toute volonté de coopérer. Lorsque j'ai commencé ma carrière à la Direction générale de l'armement (DGA), il y a plus de vingt ans, la coopération était pourtant inscrite dans les manuels scolaires de tous les jeunes et futurs ingénieurs de l'armement ou responsables de programme. Ce n'est plus le cas.

Il faut envisager la dimension économique de la coopération. Les programmes en coopération, dit-on, sont coûteux, mais il convient de distinguer la complexité d'exécution – ou les erreurs d'exécution, dont nous sommes prêts à parler dans la plus grande transparence – de ce que j'appellerais le surcoût structurel.

En ce qui concerne les erreurs d'exécution, EADS a acquis une certaine expertise qui lui permet de savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je me permettrai donc deux recommandations.

Un programme en coopération, tel l'A400M, marche beaucoup mieux lorsqu'une agence exécutive contractante est dotée de tous les pouvoirs. Dans le cas du programme Meteor de MBDA, les six pays participants ont délégué l'exécution à l'un d'entre eux : l'agence contractante est l'Agence britannique d'achat de défense (British defense procurement agency). La joint-venture représente un cas de figure particulièrement mauvais, avec la création d'un nouveau bureau de programme qui a toutes les apparences de l'agence exécutive, mais n'est qu'une agence « Canada Dry », puisqu'il faut demander l'autorisation de chacun des mandants pour traiter la moindre question.

Ce qui vaut pour les agences contractantes ou pour les agences exécutives vaut pour les maîtres d'oeuvre. Mieux vaut avoir un maître d'oeuvre industriel établi plutôt qu'une joint-venture, un organisme ad hoc que l'on fabrique – car ce sont alors trois personnes, et non plus deux, qu'il faut mettre d'accord. La complexité s'en trouve accrue.

Quant aux surcoûts structurels, ils sont notamment liés au fait que faire à plusieurs signifie souvent faire un peu plus que lorsque l'on est seul. Dans mon manuel de jeune ingénieur de l'armement, j'ai aussi appris que la somme des coûts individuels restait malgré tout inférieure au coût pour une nation qui ferait cavalier seul. Lorsque ce n'est pas le cas, c'est qu'il y a une erreur d'exécution.

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