Les programmes bilatéraux ou multilatéraux avec un petit nombre d'acteurs fonctionnent de manière plus efficace. Lorsque je parle de la construction européenne, je ne m'inscris dans aucun processus multilatéral institutionnel. Mon commentaire est beaucoup plus sévère, puisque même la coopération bilatérale n'a plus la cote. Cela tient à la résurgence des nationalismes que l'on observe un peu partout en Europe. Le personnel politique n'est pas suffisamment convaincu de la nécessité de la coopération pour en être un moteur. Certes, il y a des exceptions, mais, en règle générale, la volonté ardente de faire quelque chose ensemble ne s'exprime plus. Lorsque j'étais jeune ingénieur de l'armement, on nous apprenait que la première question à se poser après avoir défini ce que l'on voulait faire était de savoir avec qui – ou plus exactement avec quel Européen – coopérer. Ce n'était pas seulement une exigence dans la formation des ingénieurs de l'armement, mais une volonté politique.
Il existe une autre explication à la résurgence des nationalismes. L'expérience a montré qu'il n'est pas souhaitable de créer de nouveaux bureaux de programme, entités qui entrent en contradiction avec leur maison-mère, et que, plutôt que des joint-ventures, il vaut mieux procéder à des fusions, c'est-à-dire à des abandons de souveraineté ou d'autorité. Cela suscite un certain repli sur soi, cette fois au niveau des agences exécutives : la DGA n'a bien sûr aucune envie de céder ses prérogatives à un organisme international. C'est un réflexe qui est de l'ordre de l'inconscient. Il peut être surmonté, mais n'en contribue pas moins à remettre la coopération en question.
J'en viens à la question budgétaire. Pour avoir eu la chance de diriger quelques programmes en coopération qui ont très bien marché lorsque j'étais à la tête de MBDA, je suis convaincu que nous n'aurions pas de missiles de croisière, ni d'Aster, si nous n'avions pas coopéré. Ces programmes ont eu leur lot de difficultés. Un programme est un paquet de mauvaises nouvelles, et le bon directeur de programme est celui qui se révèle capable de retourner une situation et de trouver les bonnes nouvelles qui viendront compenser les mauvaises. Notre ambition est de développer un métier qui consiste à gérer les programmes, donc à transformer les mauvaises nouvelles en bonnes nouvelles.