La naissance de l'A400M a été difficile, mais le premier avion de série français est enfin prêt. Il a déjà volé et subi avec succès tous les essais industriels. Les équipages français ont été formés et sont qualifiés. Nous sommes donc en train de négocier avec l'OCCAr et la DGA le démarrage du processus de livraison dans les prochains jours, afin que l'A400M puisse être présent sous les couleurs françaises au Salon du Bourget.
De par ses caractéristiques, l'A400M marque une rupture par rapport aux autres avions de ce type. En effet, il est à la fois stratégique et tactique : stratégique, car il est doté de capacités de projection, d'altitude, et d'une vitesse qui lui permettent de projeter des moyens, de la charge utile et des forces loin et vite ; tactique, car il permet d'intervenir sur un théâtre d'opérations en milieu hostile. C'est un avion polyvalent, unique en son genre, ce qui fera sa force à l'export, mais aussi sa complexité. Enfin, il peut ravitailler et être ravitaillé en vol.
Les pays qui, depuis son lancement, participent au programme avec la France sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie. Nous avons déjà un premier client à l'export, la Malaisie, qui a commandé quatre avions.
Sur le plan de la coopération industrielle, il s'agit bien d'un Airbus, et la fabrication des systèmes et structures est distribuée comme pour un avion civil : la voilure est réalisée au Royaume-Uni, le fuselage en Allemagne, la pointe avant, le système électrique et les commandes de vol en France. La base industrielle est donc connue et maîtrisée.
L'histoire du programme – avec notamment les difficultés de 2009 et 2010 – est connue. On distingue deux grandes étapes contractuelles : le contrat signé en 2003, et son amendement dit 38, signé en 2011, qui a redessiné les échéances et la structure du programme afin de le rendre faisable.
L'A400M est aussi un programme de rupture technologique très ambitieux, qui a été sous-estimé par l'industriel. Il est le fruit d'une coopération internationale étendue. L'avion est certifié civil et militaire – là encore, c'est une première, qui a ses avantages et ses contraintes. Il innove en matière de technologie, avec la première voilure tout carbone, le moteur le plus puissant jamais construit dans le monde occidental et des systèmes de gestion de vol – flight management systems (FMS) – ou de gestion moteur – full authority digital engine control (FADEC) – d'une complexité très supérieure à ceux de l'A380 ou du Rafale.
Par rapport à Eurocopter, nous avons l'avantage d'avoir une organisation structurée, du côté des clients, par l'OCCAr – qui agit véritablement au nom des nations – et, du côté des industriels, par un maître d'oeuvre – la société AMSL (Airbus Military Sociedad Limitada), contrôlée à 90 % par EADS. Nous mesurons tous les jours les avantages d'avoir une agence commune. Il faut toutefois qu'elle soit dotée d'un réel pouvoir et qu'elle ne soit pas, pour reprendre l'expression de M. Lahoud, une agence « Canada Dry » – auquel cas elle ne fait que ralentir les processus. Un accord trouvé avec l'agence peut être désavoué le lendemain par l'une des sept nations, ce qui nous contraint alors à reprendre tout le processus de décision. J'en ai fait l'expérience à plusieurs reprises dans les derniers mois. Tant que nous ne serons pas arrivés à une certaine maturité dans l'organisation, nous ne parviendrons pas à l'efficacité attendue dans l'exécution des programmes.
Un autre avantage du programme A400M par rapport au NH90 est que nous avons une seule et unique certification et qualification, quel que soit le pays. Il y a donc un seul standard, sur lequel peuvent bien sûr se greffer des options. Le principe est semblable à ce qui se fait dans l'industrie automobile : une version de base, à laquelle on peut ajouter telle ou telle option. C'est un point fort du programme A400M.
Autre facteur d'efficacité, il y a une seule chaîne d'assemblage ; il n'y a pas de duplication au niveau des structures.