Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 13 mars 2013 à 16h45
Commission des affaires européennes

Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement :

Non. Un consensus existe à ce propos au sein de la société britannique, lequel n'est rompu ni par les travaillistes, ni par les conservateurs. La société est très mobilisée, de même que les grandes ONG.

Les Espagnols, quant à eux, ont réduit ce poste budgétaire de 80 % et les Hollandais de 25 %, les Canadiens ayant également pris des mesures assez drastiques.

Compte tenu de l'enveloppe globale du budget européen et du fait que le scénario Van Rompuy a été retenu, le FED n'est pas mal loti et ses capacités d'intervention ont été maintenues.

L'enjeu principal concerne la TTF. L'étude de la Commission européenne parue au mois de janvier montre que si l'on adopte le taux proposé par cette dernière il y a deux ans – il était un peu supérieur au taux français actuel – ainsi qu'une assiette large intégrant les produits dérivés, il est possible de dégager 35 milliards de recettes dans l'ensemble des pays concernés par la coopération renforcée. Nous verrons ce qu'il en sera finalement en fonction des choix qui seront opérés, des flux et des risques de délocalisations même si la proposition de la Commission est assez consistante sur ce point. Cependant, si 10 % ou 20 % de ce montant sont affectés au développement, les sommes n'en seront pas moins considérables en y ajoutant celles du FED, lesquelles s'élèvent à quasiment quatre milliards chaque année. Telle est la bataille qu'il convient donc de mener plutôt que d'envisager d'augmenter de quelques millions les 27 milliards de budget de l'aide européenne au développement.

Avec l'APD, la cohérence des politiques menées constitue un sujet majeur de notre politique de développement. Les flux financiers de l'APD et ceux qui proviennent des pays du sud en passant par des « juridictions non coopératives » montrent que ceux-ci sont dix fois plus importants que ceux-là. S'il n'est pas question de réduire l'APD, la bataille doit donc porter principalement sur la cohérence des politiques. Si tel n'est pas le cas, nous donnerons de l'argent à des États qui en possèdent mais qui, in fine, en seront privés en raison de l'évasion et de l'optimisation fiscales. D'où l'importance des directives sur la transparence que j'ai déjà évoquées pour les secteurs extractif, forestier et bancaire. J'espère que nous pourrons aller plus loin dans le cadre du prochain G8.

La politique de cohérence a également été au coeur des Assises du développement. Cette grande concertation, dont il n'y avait pas eu d'équivalent depuis quinze ans, comprenait en effet cinq chantiers dont l'un consacré à cette politique. Nous nous apprêtons, de plus, à réunir un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) – qui, lui, n'avait pas été réuni depuis quatre ans – afin d'analyser les politiques agricole, commerciale, financière ou halieutique au regard des objectifs de développement de telle manière que la France évite de défendre A au cours de telle négociation et B pendant telle autre. Des incohérences sont cependant toujours possibles puisque les négociations internationales ou européennes fonctionnent aussi en silos. Je veillerai quant à moi à ce que des enjeux très importants figurent à l'ordre du jour de ce CICID, notamment en matière de pêche.

S'agissant des agro-carburants, des problèmes de sécurité alimentaire et, plus globalement, des investissements agricoles, nous sommes en train de réviser la doctrine de l'AFD. Après trois mois de consultations auprès des pays du sud concernés, celle-ci doit être adoptée au cours du conseil d'administration qui aura lieu dans quelques jours. Je formulerai des annonces lorsque les derniers arbitrages auront été finalisés et que le document sera voté.

Quoi qu'il en soit, je tiens absolument à ce que des projets financés par l'APD, par exemple en matière de développement d'agro-carburants, ne contribuent pas à la déforestation – et peu importe que ce soit ou non à des fins exportatrices. Nous serions en effet en contradiction si, d'une part, notre diplomatie travaillait à la lutte contre le changement climatique en prenant des initiatives financées par le contribuable français contre la déforestation et, d'autre part, si nous prêtions de l'argent à des opérateurs qui contribueraient à l'accroître. Cela fait partie des points que je souhaite écrire noir sur blanc dans la nouvelle doctrine d'investissement agricole de l'AFD.

S'agissant de la TTF, Monsieur Lequiller, le gouvernement allemand est divisé, les Autrichiens se montrent plutôt hostiles, les Belges y sont favorables, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Slovénie et les autres pays n'ayant pas pris position publiquement. J'ai rencontré l'ensemble des ministres concernés et, à mon sens, l'idée d'une affectation partielle peut passer même si cela reste compliqué. Qui qu'il en soit, en l'état, nous sommes minoritaires.

Dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV), nous sommes notamment favorables à un engagement plus soutenu en direction des pays du sud de la Méditerranée par rapport à ceux de l'est – il s'agit là d'une tradition française qui suscite d'ailleurs des débats récurrents avec d'autres États européens. Notre politique en Tunisie et au Maroc est cependant bloquée puisque notre puissance d'engagement y est maximale eu égard au « risque pays » tel que défini dans les ratios bancaires de l'AFD. Nous étudions la manière de faire évoluer cette situation car la consolidation des avancées démocratiques constitue l'une de nos priorités, avec toutes les réserves qu'il convient parfois d'émettre quand les droits de l'homme sont en jeu.

Les priorités du FED, quant à elles, doivent concerner selon nous les pays fragiles dont, évidemment, ceux de la zone sahélienne. Nous faisons en sorte que les crédits de ce dernier, pour les sept prochaines années, soient reconduits voire augmentés.

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