Intervention de Gilles Savary

Réunion du 5 février 2013 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Nous allons examiner à présent le paquet ferroviaire européen qui vient d'être adopté par la Commission européenne. Il s'agit d'un ensemble de textes mêlant des règlements et des directives. Cet ensemble est le quatrième « paquet » depuis 1991 : or, si l'Europe automobile a été rapide, l'Europe ferroviaire fonctionne plus lentement. A la différence de l'Europe aérienne ou maritime, qui ne fonctionnent pas trop mal, l'Europe du rail fonctionne de manière insatisfaisante pour de nombreuses raisons, en partie liées à l'histoire, au fait que les chemins de fer ont été conçus comme des outils de défense nationale, ce qui explique par exemple le choix d'écartements de voies différents entre les pays. Leur caractère stratégique impliquait qu'ils ne soient pas interopérables.

Aujourd'hui encore nous avons une quinzaine de systèmes de contrôle différents. Ainsi la locomotive Thalys coûte 60 % plus cher qu'une locomotive classique car elle a été conçue pour détecter six systèmes différents de signalisation. Au Royaume-Uni s'ajoute le problème du gabarit des tunnels, qui explique que l'Eurostar n'a pas exactement la même configuration que le Thalys, et est légèrement incurvé.

S'agissant de la certification de la sécurité, une agence a été créée, elle est localisée à Valenciennes, mais nous voyons bien qu'aujourd'hui il existe une multitude de problèmes insurmontables.

On a fait l'ouverture du fret en deux étapes, 2002 et 2006 ; l'international passager a été ouvert en 2010.

La position des ministres français a été souvent paradoxale car ils acceptaient à Bruxelles ce qu'ils combattaient à Paris. Ceci a conduit à des transpositions « honteuses », faites à reculons et très « mal fagotées ». En particulier l'absence de cadre social harmonisé saute aux yeux. Il est évident que cela crée une distorsion de concurrence majeure entre la SNCF, astreinte au statut et un nouvel entrant qui peut, en respectant le droit français, recruter des intérimaires titulaires d'une licence de conducteur.

Nous avons fait des ouvertures empiriques, en nous protégeant de rien. Le plus bel exemple est la loi dite « ORTF » du 8 décembre 2010, par laquelle nous avons transposé, trois semaines avant le terme, l'ouverture de « l'international passager » que nous connaissions depuis déjà cinq ans.

Pour la première fois, le Gouvernement anticipe l'ouverture à la concurrence en 2019 du « national passager », c'est-à-dire 90 % du trafic. Cette réforme devrait nous permettre d'avoir une position française forte, car la libéralisation touchera également les « bijoux de la couronne », c'est-à-dire les lignes nationales TGV, les seules qui financent le réseau.

Le débat sur la gouvernance explique que le paquet ferroviaire ait été l'objet de tensions importantes au sein de la Commission et que les Français et les Allemands l'aient retardé d'une dizaine de jours.

La Commission voulait une séparation complète entre la SNCF et RFF. Les Allemands, qui ont une approche industrielle, y étaient opposés, bien que leurs réseaux régionaux soient déjà ouverts à la concurrence. La France, à la différence de l'Allemagne, qui a choisi une entreprise intégrée, a opté pour la séparation en 1997 ; mais de l'avis unanime, la dissociation entre RFF et la SNCF ne fonctionne pas. Il a été décidé de réformer le système pour l'harmoniser car le système était inextricable.

L'Europe vient d'y répondre en acceptant qu'il puisse y avoir deux types de systèmes, intégrés ou non. Cela ne signifie pas pour autant que nous gardions le système tel qu'il est car il faut assurer une indépendance, un impartialité et une équité dans l'attribution des sillons pour les nouveaux entrants. Il existe des moyens simples, telles que des chambres d'arbitrage. Cela va sans doute bousculer la SNCF qui devra mettre en place une « muraille de Chine » entre le réseau et l'exploitation.

Nous essaierons de vous proposer une résolution en vue d'un débat fin avril pour exprimer des positions fortes.

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