Cet amendement est compliqué, mais essentiel. Je souhaite appeler l’attention de l’Assemblée sur ce sujet. Dans le code pénal, la définition du viol est ainsi rédigée, depuis 1980 : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol. » Aujourd’hui, en France, environ 85 000 viols sont commis, majoritairement sur des femmes. Seules 11 % ont porté plainte en 2010. On a enregistré 1 300 condamnations pour 83 000 viols ou tentatives de viol. Une femme meurt toutes les huit secondes dans le monde à la suite d’un viol. Dans certains pays, c’est devenu une arme de guerre.
L’article 222-23 du code pénal ne fait aucunement référence au consentement. Les associations nous interpellent beaucoup à ce propos et nous avons énormément travaillé sur ce sujet. En effet, la jurisprudence renvoie souvent les affaires sans avoir pris en compte la question du non-consentement de la victime. Or nous savons qu’en matière de viol comme d’inceste, la victime tétanisée, sidérée, sous l’emprise de son agresseur, peut ne pas se défendre, ne serait-ce que pour se protéger. Elle peut parfois occulter totalement l’acte, dont elle ne se souvient que des années plus tard.
Il est même précisé dans les manuels de droit pénal destinés aux étudiants et avocats que l’absence de consentement de la victime ne suffit pas pour qualifier une infraction de viol et justifier une condamnation. Il faudrait donc toujours caractériser une violence physique ? Mais la victime peut avoir reçu des coups, des blessures, sans avoir de marque ou sans les avoir fait constater. Surtout, elle peut être victime de violences psychologiques extrêmement fortes qui, elles, ne se voient pas. C’est quasiment toujours le cas en matière d’inceste. Il n’y a pas forcément de violence physique quand l’enfant est sous l’emprise de l’adulte et ne pense même pas que ce qui arrive est anormal.
La jurisprudence pénale présente l’exemple d’un jugement de la Cour de cassation, qui, cassant un jugement sur un cas de viol sur mineur de quinze ans, a décidé de ne pas renvoyer le violeur présumé devant la cour d’assises, au motif qu’aucun élément de violence ou de contrainte ne résultait de l’information. Alors même que la victime a cédé sous l’effet de la surprise, le non-consentement n’a pas été jugé suffisant pour renvoyer la personne poursuivie devant une cour d’assises.
Voilà donc les éléments que je voulais apporter aujourd’hui, sur ce sujet très grave et très sérieux. Nous essayons de mieux définir le viol et, vous l’avez compris, l’inceste. Aujourd’hui, notre code pénal ne mentionne plus l’inceste. Notre rapporteur a indiqué tout à l’heure que l’article du code pénal avait été modifié. Même le viol incestueux ne figure plus dans le code pénal.
Marie-Louise Fort avait tenté de les définir, dans sa proposition de loi sur le sujet, qui n’a pas pu être retenue. Je souhaite, avec cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement. Pour répondre à certaines objections, j’indique qu’il s’agit vraiment d’un sujet qui concerne les femmes.
Certes, il y a des hommes violés, qui sont d’ailleurs probablement plus nombreux que nous ne l’imaginons. Vous nous avez remis récemment, madame la ministre, un rapport sur le sexisme et les stéréotypes sexués, que je lis avec beaucoup d’intérêt, car il est très intéressant. Il permet de réaliser que 75 % des femmes peuvent porter plainte pour des faits de violence, contre seulement 44 % des hommes, car ils ont plus honte, n’osent pas en parler, et intériorisent davantage les faits.
Je voulais donc introduire cet élément dans le débat, et voir comment nous pouvons donner suite à une nouvelle définition du viol dans notre code pénal.