Intervention de Pierre Sellal

Réunion du 8 janvier 2014 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Pierre Sellal, Secrétaire général du ministère des affaires étrangères :

Nous avons réalisé des opérations de ce type, avec l'Union européenne, à Kigali et à Djouba. Nous avons plusieurs projets en cours avec l'Allemagne, à Dacca, où les travaux ont débuté, mais aussi à Khartoum, à Koweït et à Séoul. Dans tous les pays où nous allons transformer un poste de présence diplomatique en ambassade au format allégé, nous allons rechercher en priorité la possibilité d'une colocalisation avec la délégation de l'Union européenne.

La troisième exigence qui doit nous guider est la mobilisation autour de priorités sélectives et précisément définies, en premier lieu la diplomatie économique. Celle-ci s'impose pour des raisons évidentes que le Président de la République a rappelées hier dans ses voeux aux corps constitués : d'une part, le redressement de notre économie et de nos comptes extérieurs est une question de souveraineté, et il n'y a pas de politique étrangère sans souveraineté ; d'autre part, notre capacité d'influence est étroitement corrélée à notre performance économique.

Que signifie la diplomatie économique aujourd'hui ? Quelles doivent être nos actions concrètes ? Il est d'abord nécessaire, en permanence, d'expliquer, de valoriser nos atouts et nos performances, de réagir à la désinformation, aux présentations tendancieuses, déformées ou biaisées – nous avons ces jours-ci un exemple frappant de l'impact négatif que peuvent avoir de telles présentations –, voire à l'autodénigrement. Ce travail doit être mené au quotidien, tant au niveau central que dans les postes. C'est une condition essentielle si nous voulons rester un pays attractif pour les investissements étrangers et orienter ces investissements vers la création de valeur ajoutée et d'emplois durables.

Ensuite, les ambassadeurs auront à faire du soutien aux entreprises – la première des priorités qui leur est assignée dans leur plan d'action – leur objectif quotidien. Ils doivent se mettre au service des entreprises, et pour cela, avec leurs équipes, développer leur expertise sur la situation du pays, ses besoins, sa politique et ses procédures de décision. Cela suppose également que nous soyons disponibles et réactifs à Paris, chaque fois qu'une intervention gouvernementale est nécessaire pour favoriser telle ou telle opération commerciale.

Le ministre des affaires étrangères a souhaité que le soutien aux entreprises ne se limite pas aux grands groupes. C'est pourquoi nous avons invité, pour la première fois, des PME et des ETI à participer à plusieurs tables rondes lors de la dernière conférence des ambassadeurs et nous nous efforçons de susciter des démarches de filières. Il est plus difficile d'organiser la relation avec les PME et les ETI qu'avec les grands groupes, mais c'est un objectif important. Les ambassadeurs pour les régions y contribuent : ils constituent un relais entre les tissus économiques locaux et les services d'administration centrale.

Enfin, lorsque nous définissons nos positions et nos stratégies de négociation dans un cadre multilatéral, nous devons prendre en compte les intérêts de nos entreprises et leur situation par rapport à leurs concurrents étrangers. Cela vaut pour toutes nos postes multilatéraux, mais plus encore pour notre représentation permanente à Bruxelles, par exemple lorsque nous négocions une directive, définissons un mandat de négociation pour la conclusion d'un accord de libre-échange ou suivons la manière dont la Commission négocie un tel accord. Là aussi, c'est d'abord une question de priorités et d'état d'esprit, mais aussi d'organisation concrète des échanges d'information avec les entreprises.

La quatrième exigence qui doit inspirer notre action est la recherche systématique de l'attractivité. Il s'agit de mobiliser et de valoriser l'ensemble de nos atouts, d'utiliser tous nos moyens d'action et de coopération pour dynamiser les échanges économiques. Ainsi, nous devons prendre conscience que l'espace francophone est également un espace d'opportunités économiques pour nos entreprises. De même, en matière de politique de développement, sachons tenir compte des objectifs économiques quand nous choisissons les pays ou les secteurs d'intervention. Certes, il n'est pas question de porter préjudice à notre politique de développement, qui garde sa légitimité intrinsèque, mais nous devons désormais faire le lien avec ces objectifs. C'est un réflexe qu'il faut acquérir. De même, en matière de coopération scientifique et technique – nous sommes d'ailleurs en train de revoir notre stratégie et nos implantations en fonction de ce critère – ou en matière de coopération culturelle – n'oublions pas les industries culturelles : les conseillers culturels participeront aux conseils économiques.

Notre diplomatie aux Émirats arabes unis est l'exemple le plus abouti de cette approche inclusive. Nous y avons déployé l'ensemble de nos moyens d'influence : base militaire, établissements d'enseignement, université Paris-Sorbonne à Abou Dabi, musée du Louvre à Abou Dabi. L'ensemble de ces actions fait système et donne à la France une image et une place sans égale parmi ses partenaires et qui a peu d'équivalents dans le monde. Notre objectif est de valoriser pleinement cet investissement multiforme, en premier lieu sur le plan économique. Il explique en partie que nous réalisions notre quatrième excédent commercial dans le monde avec ce pays. Au total, grâce à son attractivité, la France a été choisie – c'est d'autant plus important – comme partenaire de référence par les Émirats arabes unis. Le prince héritier le souligne souvent : historiquement, rien ne prédestinait notre pays à un tel rôle.

La somme des actions politiques, économiques, consulaires, culturelles et de coopération que mène notre pays en fait un acteur dont la voix compte sur la scène internationale et un territoire privilégié pour les investissements étrangers. J'insiste : l'enjeu pour nous, c'est d'être capable de créer un continuum entre les différentes dimensions de notre action. Nous devons prendre des initiatives politiques fortes, comme nous le faisons aujourd'hui en Afrique, rester un acteur clé du débat européen, consolider nos liens traditionnels dans l'espace francophone et dans le bassin méditerranéen, établir ou restaurer des relations politiques et économiques étroites avec les grands pays émergents. Pour ce faire, nous avons besoin d'un minimum de moyens. Il y a, dans ce domaine comme dans certains, un principe de « stricte suffisance ». J'espère que ces moyens nous permettront de poursuivre notre action dans les années qui viennent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion