Intervention de Pierre Sellal

Réunion du 8 janvier 2014 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Pierre Sellal, Secrétaire général du ministère des affaires étrangères :

La Chine bénéficiera du mouvement de redéploiement de 300 emplois que nous allons effectuer à partir des États-Unis et des postes les mieux dotés en Europe et au Maghreb, vers les grands pays émergents.

Nous devons en effet adapter nos implantations et l'allocation de nos moyens à l'évolution des rapports de puissance et aux nouvelles influences. Mais sans renoncer à nos atouts traditionnels dans le bassin méditerranéen, dans l'espace francophone et en Europe. Notre forte présence dans ces régions a également des retombées économiques. Nous nous efforçons de maintenir un équilibre entre ces deux exigences, et de ne pas céder prématurément aux effets de mode en concentrant massivement des effectifs dans un pays au détriment d'un autre. Il n'en reste pas moins que deux critères sont essentiels dans l'allocation de nos moyens : le potentiel que représente le pays considéré pour nos échanges, le besoin relatif d'une présence et de moyens d'action publics dans ce pays. Nous n'attendons évidemment pas la même chose de notre réseau diplomatique dans les pays émergents et dans les États limitrophes de la France en matière de promotion de nos exportations.

Je suis bien sûr tout à fait d'accord pour étendre les dispositifs de coordination à tous les acteurs qui contribuent d'une manière ou d'une autre à l'action extérieure de la France. Tel est bien notre objectif, tant à Paris que dans les postes. À l'étranger, la mise en cohérence est plus facile en raison de l'unité de lieu et du rôle de coordination des ambassadeurs qui n'est guère contesté. Nous allons cependant leur donner des moyens supplémentaires et préciser que ce rôle s'étend à tous les acteurs. Je tiens à vous rassurer, monsieur Cochet : le ministère dispose d'un vivier de fonctionnaires de très grande qualité et il a aujourd'hui les moyens d'évaluer ses agents de manière précise. Lorsque nous repérons des défaillances ou des insuffisances, nous en tirons immédiatement les conséquences.

La décision du ministre de ne pas rattacher le réseau culturel à l'Institut français a été motivée avant tout par notre souci de coordination, au-delà même du coût budgétaire qu'aurait représenté une telle restructuration. Nous avons souhaité que la compétence culturelle reste entre les mains du ministère. Cela n'enlève rien au rôle que devra jouer l'Institut français, qui s'est remarquablement imposé, dans les années qui viennent.

Madame Ameline, nous devons en effet réfléchir à une coopération fonctionnelle accrue entre le SEAE et les diplomaties nationales. La France est en pointe dans ce débat. Certains États membres, en particulier ceux qui disposent d'un réseau diplomatique peu étendu, considèrent que les délégations de l'Union européenne leur apportent la présence dont ils ont besoin. Mais nos grands partenaires, l'Allemagne et le Royaume-Uni au premier chef, ont une vision beaucoup plus restrictive : ils ne souhaitent guère étendre les compétences et le champ d'action des délégations. Depuis plusieurs années, j'essaie de convaincre mes interlocuteurs allemands qu'il serait logique de mutualiser davantage nos moyens dans le domaine consulaire, dans la mesure où nous avons créé l'espace Schengen et instauré une politique commune des visas. Ils me répondent que l'affaire est délicate pour eux sur le plan juridique, seul un fonctionnaire allemand ayant le droit de procéder à certaines opérations. Parfois, ils avouent franchement qu'ils ne souhaitent pas se priver d'un instrument utile dans la compétition économique internationale. Quant aux Britanniques, c'est pour eux une question de principe : la compétence consulaire est liée, de leur point de vue, à la souveraineté.

Le Quai d'Orsay consacre près de la moitié de son budget aux organisations internationales sous forme de contributions obligatoires ou de participations au financement des opérations de maintien de la paix. Cela réduit d'autant ses marges de manoeuvre budgétaires. C'est pourquoi nous jouons un rôle actif dans la maîtrise des dépenses des organisations internationales. Pour la première fois, le budget des Nations unies n'augmentera pas, voire diminuera légèrement cette année. Les grands contributeurs sont tous soumis à une discipline budgétaire dans le cadre national. Quant à nos contributions volontaires, elles ont atteint un niveau en deçà duquel notre rôle politique risque d'être contesté – vous le relevez avec raison, madame Ameline. Depuis dix ou quinze ans, nous avons fait porter sur ces contributions une partie importante de l'effort budgétaire qui nous était demandé. Aux yeux de la direction du budget, il s'agit de dépenses auxquelles nous ne sommes pas tenus. Nous devrons être très vigilants sur cette question à l'avenir.

La coopération décentralisée est un des instruments de notre panoplie. Nous devons être plus dynamiques dans ce domaine et mieux coordonner les actions. Un dispositif a été mis en place à cette fin à la suite du rapport de M. Laignel sur l'action extérieure des collectivités territoriales. Le ministre suit ce dossier de très près. La réunion de coordination qui se tiendra la semaine prochaine sera l'occasion de fixer de nouveaux objectifs en matière de coopération décentralisée.

Monsieur Quentin, nous nous sommes en effet inspirés de certaines expériences de nos partenaires en matière de réorganisation. Ainsi, nous avons repris des Britanniques la formule de l'ambassade au format très allégé : l'ambassadeur sera logé dans la chancellerie et ne disposera plus de résidence à part. Nous allons expérimenter cette formule dans treize postes à partir de cette année. En revanche, nous n'avons pas souhaité organiser les fonctions de back office sur une base régionale comme les Britanniques l'ont fait. Selon notre expérience, il vaut mieux concentrer le maximum de tâches de gestion administrative au niveau de l'administration centrale plutôt que de créer des échelons régionaux intermédiaires. Le modèle des préfectures de région ne paraît guère pertinent pour l'action internationale.

Le Foreign Office avait organisé l'année dernière à Londres un séminaire sur son organisation et ses performances, auquel il avait invité des entreprises, des journalistes, des universitaires et des parlementaires. Je ne résiste pas au plaisir de mentionner l'une de ses conclusions : nos amis britanniques ont dit espérer qu'ils disposeraient, dès 2014, de la deuxième diplomatie au monde en termes d'efficacité, après la diplomatie française !

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