Intervention de Pierre Morange

Réunion du 23 janvier 2014 à 11h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morange, rapporteur :

Monsieur le président, 120 000 à 150 000 jeunes décrochent en effet du système scolaire chaque année. Les effets économiques, sociaux et politiques de ce phénomène sont désastreux pour la nation. Nous devons non seulement gérer le stock des décrocheurs, mais surtout en tarir le flux à la source. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, le système de formation professionnelle n'a pas vocation à être la « voiture-balai » qui répare les échecs de la formation initiale.

La loi de 1966 avait fait de la formation professionnelle le prolongement et le complément de la formation initiale. Ce dispositif s'étant révélé rigide et peu adapté aux réalités économiques, la loi « Delors » de 1971 a créé le système de formation professionnelle que nous venons de décrire. Cette réforme a toutefois dissocié la formation initiale et la formation professionnelle, tout au moins sur le plan conceptuel. Le projet de loi relatif à la formation professionnelle déposé hier sur le bureau de notre Assemblée vise à instaurer un compte personnel de formation dès l'âge de seize ans qui devrait permettre de mieux les articuler. Il convient désormais de faire vivre ce dispositif. Nous avons d'ailleurs formulé des préconisations pour le compléter.

Le Président de la République souhaite réaliser 50 milliards d'euros économies d'ici à 2017. Peut-on faire mieux en matière de formation professionnelle en stabilisant, voire en diminuant les dépenses ? Nous avons formulé plusieurs propositions concrètes dans notre rapport. Ainsi, le développement de la formation à distance permettrait de réduire de manière substantielle certains coûts – frais de déplacement, logistique, location des salles, présence du formateur, immobilisation du salarié. La dématérialisation des données est une autre piste. Mme Dubié a évoqué à juste titre la multiplicité et le cloisonnement des sources d'information, la disparité des logiciels et l'absence d'urbanisation des différents systèmes informatiques. Leur rationalisation et la création d'un portail unique de la formation professionnelle permettraient non seulement d'améliorer l'accès à l'information, mais aussi d'économiser des ressources humaines qui pourraient être réaffectées, le cas échéant, au suivi individualisé des demandeurs de formation.

Une myriade d'organismes disparates, cloisonnés et, en définitive, contre-productifs interviennent dans le domaine de la formation professionnelle. Nous proposons de simplifier la gouvernance du système. Mais il ne s'agit nullement de déshabiller Pierre pour habiller Jacques, monsieur Myard ! Nous souhaitons conforter le rôle de l'État, en le recentrant sur ses fonctions régaliennes et en réaffirmant sa présence au sein des différents conseils que nous avons cités. En matière de contrôle, il convient de redéployer les moyens des services déconcentrés de l'État vers la vérification de la qualité de l'offre de formation : l'État a toute légitimité pour s'assurer que l'argent public issu des contributions privées est utilisé au mieux. Enfin, nous devons renforcer les moyens de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Comme vous l'avez relevé, monsieur Kalinowski, le compte épargne-temps n'est pas encore généralisé : 6,5 % des salariés en bénéficient actuellement. Il est surtout utilisé dans les grandes entreprises qui disposent de services comptables et juridiques suffisamment importants pour gérer le dispositif. Il a été créé par Michel Giraud et réformé par François Fillon qui a permis sa monétisation – à mon initiative –, les sommes issues d'un CET servant à alimenter un plan d'épargne retraite populaire (PERP) ou un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) sont exonérées d'impôts et de cotisations sociales. C'est un outil très souple et polyvalent : les jours de repos épargnés peuvent être consommés sous forme de congé sabbatique, de congé parental ou encore de temps de formation – cette utilisation est déjà prévue dans les textes. Il serait logique qu'il permette également d'alimenter le CPF, selon un mécanisme de fongibilité asymétrique.

Quant au compte pénibilité, il devrait être conçu moins comme un outil de gestion du stock – qui sert à accumuler des droits à la retraite – que comme un outil de gestion des flux – qui permet au salarié de s'adapter à son poste de travail ou d'améliorer son niveau de qualification. Ces trois instruments – CET, compte pénibilité, CPF – sont liés et doivent contribuer à la sécurisation des parcours professionnels.

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