La réunion

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La séance est ouverte à onze heures trente-cinq.

Le Comité examine le rapport de Mme Jeanine Dubié et de M. Pierre Morange d'évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle.

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Mes chers collègues, je vous prie bien vouloir excuser le Président Bartolone qui ne peut pas être présent aujourd'hui – il est en déplacement officiel en Chine – et m'a demandé de le suppléer.

Nous allons examiner le rapport d'évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle. Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande du groupe UMP. Nos deux rapporteurs sont Jeanine Dubié, pour la majorité, et Pierre Morange, pour l'opposition. Le groupe de travail désigné par les commissions était composé de Christophe Castaner, Marie-Christine Dalloz, Jean-Patrick Gille, Gérard Cherpion, Hélène Geoffroy, Dino Cinieri et Audrey Linkenheld.

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C'est donc à la demande du groupe UMP que notre groupe de travail a réalisé cette évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle. C'est un vaste sujet, qui recoupe des problématiques, des financeurs et des publics très différents. C'est pourquoi nous avons centré nos travaux sur la formation professionnelle continue des salariés et des demandeurs d'emploi, dans la perspective de l'examen du projet de loi adopté hier en conseil des ministres et présenté dans la foulée devant la commission des Affaires sociales. Transposant l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, ce projet de loi fait suite à plusieurs étapes conventionnelles et législatives, tendant à réformer profondément notre système de formation professionnelle.

Depuis le mois de juin 2013, Pierre Morange et moi-même avons procédé à plus de soixante auditions. Nous nous sommes également rendus au Fongecif d'Île-de-France, pour mesurer les difficultés concrètes de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle.

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Je voudrais en avant-propos insister sur l'excellente ambiance dans laquelle se sont déroulés nos travaux et sur l'extraordinaire travail effectué par les administrateurs du CEC – ce rapport doit beaucoup à leur force de travail et à leur sagacité.

Si, comme l'a souligné Jeanine Dubié, nous avons dû circonscrire notre étude à la formation professionnelle continue, cela représente néanmoins un champ d'investigation important puisque les sommes gérées par les organismes paritaires approchent les 7 milliards d'euros.

Le premier constat qui s'impose est que la complexité du système, résultat d'une sédimentation législative et d'une organisation en tuyaux d'orgue, le rend à peu près illisible pour le profane. La variété des acteurs impliqués dans la formation professionnelle, la multiplication des instances de décision, de contrôle, de pilotage et de gestion, qui interviennent au nom de l'État, de la région, des partenaires sociaux ou du quadripartisme, rendent urgente une simplification permettant à chacun de se réapproprier la formation professionnelle, aujourd'hui aux mains des seuls spécialistes.

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Notre système de formation professionnelle se veut ambitieux et évolutif. La loi du 16 juillet 1971 marque un moment fondateur : pour assurer à la fois le développement personnel et la promotion sociale des salariés tout en facilitant leur adaptation aux mutations économiques, est mis en place un marché de la formation professionnelle, encadré et intermédié par les partenaires sociaux, en rupture avec le monde de la formation initiale, perçue comme trop rigide et trop théorique. Le système instauré en 1971 n'a ensuite cessé d'évoluer, jusqu'en 2009, où le chômage de masse conduit les responsables à vouloir favoriser le retour à l'emploi et où la complexification des parcours professionnels individuels incite à les sécuriser.

Comme vous le voyez, la formation professionnelle nourrit des ambitions toujours plus élevées, sans pour autant se réformer radicalement. Depuis 1971, les entreprises ont une obligation de « former ou payer » : l'entreprise doit consacrer une partie de sa masse salariale à la formation de ses salariés ou verser une cotisation d'un montant équivalant à son obligation à un organisme de collecte géré par les partenaires sociaux. Ce système s'est progressivement complexifié, à mesure qu'on créait des dispositifs pour l'améliorer. Il est unique dans l'OCDE, par l'importance des sommes mutualisées via les organismes de collecte, les Opca – organismes paritaires collecteurs agréés –, et du fait de cette obligation de « former ou payer ».

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Si 32 milliards d'euros sont affectés à la formation professionnelle, la totalité de cette somme n'est pas gérée par les Opca : 6 milliards sont affectés à l'apprentissage et concernent environ 400 000 bénéficiaires ; 6 milliards d'euros sont consacrés à la formation des agents publics, soit quelque 5,3 millions de bénéficiaires potentiels ; les 20 milliards restants financent la formation professionnelle continue. Ils incluent les dépenses de l'État et des administrations publiques, des régions et autres collectivités territoriales, des ménages et des entreprises, ces dernières contribuant pour 12,5 milliards d'euros au financement de la formation. Sur ces 12,5 milliards d'euros, 6,68 milliards sont dépensés via les Opca. Cette somme substantielle mérite que nous y prêtions la plus grande attention.

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En dépit des sommes très importantes consacrées à la formation professionnelle continue, le système ne produit pas les résultats attendus. En 1971, une rupture durable a été consacrée avec le monde de la formation initiale. Aujourd'hui, les situations de redondance, liées à l'éclatement des statuts et des dispositifs, sont fréquentes. Plus grave : les inégalités engendrées ou perpétuées par le système scolaire ne sont nullement corrigées par la formation professionnelle continue.

Notre système de formation professionnelle est en soi source d'inégalités, car les salariés des TPE et des PME accèdent moins à la formation que les autres. Il est en effet très difficile de libérer du temps lorsqu'on est salarié d'une TPE ou d'une PME. En outre, les plus petites entreprises n'ont pas de service dédié à la préparation d'un plan de formation. De plus, paradoxalement, ce sont les mieux formés qui accèdent le plus facilement à la formation. Les plus qualifiés sont ceux pour qui la formation est la plus rentable du point de vue de l'entreprise. Ce sont également chez eux, et non chez les moins qualifiés, que l'on note la plus forte appétence pour la formation. La situation atteint un niveau critique pour les demandeurs d'emploi : seuls 8,6 % ont accédé à une formation en 2012.

Globalement, le résultat est donc médiocre : la France affiche en matière de compétences des adultes un retard tout à fait regrettable au sein des pays de l'OCDE. Selon l'enquête PIAAC, équivalent pour les adultes de l'enquête PISA pour les enfants, nous nous classons au vingt-deuxième rang sur vingt-quatre.

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Nous nous sommes donc interrogés sur les raisons qui expliquent ces mauvais résultats et appellent des changements en profondeur. Notre réflexion s'est articulée autour de trois axes.

S'agissant du financement du paritarisme, d'abord, 60 millions d'euros sont reversés chaque année aux organisations syndicales et patronales par le Fongeforn au travers d'un préciput. Dans ces conditions, les Opca, qui ont vocation à drainer les financements, sont fortement incités à maximiser leur collecte au détriment d'autres considérations comme la mutualisation réelle des sommes collectées. Cette question du financement est abordée dans le projet de loi présenté hier devant la commission des Affaires sociales, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. La réforme du système « former ou payer », source d'inefficacité majeure, doit nous conduire à réfléchir sur les modalités de prélèvement les mieux adaptées au financement de la formation professionnelle.

La nature de l'offre, ensuite. La formation professionnelle fait l'objet d'une offre abondante, pour ne pas dire pléthorique, marquée toutefois par une diminution de la durée des formations. Or les formations qualifiantes sont, le plus souvent, des formations longues, ce qui explique que le projet de loi qui vient de nous être présenté vise à porter de 120 à 150 heures le nombre d'heures cumulables sur le compte personnel de formation, car c'est le minimum requis pour les formations qualifiantes.

Le manque d'information, enfin. Face à cette offre de formation foisonnante, les demandeurs ont le plus grand mal à s'orienter. Il n'existe pas, à ce jour, de base de données nationale consolidée de l'offre de formation ; il y a plusieurs bases, selon les territoires, alimentées et organisées différemment. Quant aux labels qualité, qui permettraient de choisir les meilleures formations, ils sont trop nombreux et peu visibles.

Dans ce contexte, nos préconisations ont pour ambition de permettre à chacun de se réapproprier la formation professionnelle. Elles sont guidées par le pragmatisme et le bon sens et visent moins à reconstruire une nouvelle cathédrale qu'à nous doter d'un dispositif opérationnel.

Nous proposons, en premier lieu, de simplifier et de renforcer la gouvernance. On le sait, la complexité de notre système de formation n'a d'égale que son inefficience, du fait notamment de la lenteur et de l'inertie qu'elle génère. La simplification passe par le rapprochement des instances de gouvernance de l'emploi et de la formation professionnelle ; par la suppression de la juxtaposition systématique du paritarisme et du quadripartisme ; enfin par l'achèvement de la décentralisation, avec le transfert aux régions de certaines compétences.

Il est donc proposé de fusionner le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le Conseil national de l'emploi et le Comité paritaire national de la formation professionnelle ; d'associer les organismes représentatifs des activités dite du « hors champ » – économie sociale, agriculture, professions libérales – à la gouvernance de la formation professionnelle continue ; de fusionner le Centre d'études sur l'emploi et le Centre d'études et de recherches sur les qualifications ; de fusionner les comités de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle et les commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi ; d'associer enfin les partenaires sociaux à la genèse et à la signature des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle.

Il importe également de réformer le financement de la formation professionnelle. La proposition n° 11 – partiellement reprise dans le projet de loi qui nous a été présenté hier – suggère d'adopter un nouveau système de financement des organisations syndicales et patronales, déconnecté de la collecte des fonds de la formation professionnelle. La proposition n° 13 vise, pour une meilleure information du Parlement sur le suivi des conventions d'objectifs et de moyens, à intégrer dans les annexes budgétaires au projet de loi de finances un bilan détaillé de la politique de contractualisation avec les Opca, politique que la proposition n° 12 recommande de poursuivre pour réorienter leurs missions vers le conseil et l'ingénierie, ce qui est fondamentalement leur coeur de métier. Quant à la proposition n° 14, elle suggère la réalisation d'une étude d'impact permettant d'apprécier les conséquences du transfert de la collecte des contributions des entreprises au titre de la formation professionnelle aux Urssaf. En effet, le système « former ou payer » aboli, la problématique de l'imputabilité des dépenses de formation disparaît et la contribution des entreprises devient comparable aux cotisations sociales. Pourquoi, dès lors, ne pas la faire collecter par les Urssaf ?

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Parallèlement à la réforme de la gouvernance et du financement, il convient de renforcer les droits individuels. Nous avons en effet la conviction que les individus gagneront à être responsables de leur formation professionnelle et à avoir des droits supplémentaires. Mais, pour atteindre cet objectif, trois conditions doivent être réunies. Il faut d'abord que les personnes les moins qualifiées soient accompagnées ; c'est l'objet de la proposition n° 3, qui suggère notamment de renforcer l'accompagnement des personnes dans la reconnaissance de leurs qualifications. Il faut ensuite que l'accès aux dispositifs de formation soit simplifié et enfin que l'information soit suffisante, c'est-à-dire qu'un système d'information performant soit mis en place.

Les partenaires sociaux et le législateur ont mis en place un compte personnel de formation. La proposition n° 5 recommande de compléter ce compte personnel de formation, en définissant des modalités de monétisation des droits, pour pouvoir les transformer en frais de transport, d'hébergement ou de formation. Il faut également donner à chacun la possibilité de suivre l'évolution de son CPF grâce à un outil dématérialisé, comme l'ont prévu les partenaires sociaux, réellement inséré dans les autres systèmes d'information existants. Enfin, nous préconisons d'articuler le CPF avec les autres comptes existants : le compte épargne-temps et le compte pénibilité.

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Il s'agit là d'un sujet assez complexe, que l'on peut aborder au travers du concept de fongibilité asymétrique du compte épargne-temps, du compte pénibilité et du compte personnel de formation.

Le compte personnel de formation constitue la pierre angulaire du texte sur la formation professionnelle, dont les ambitions ne se résument pas à mieux affecter nos capacités de formation pour améliorer la qualification de nos travailleurs, mais englobent de manière plus vaste la sécurisation des parcours professionnels, au travers de la mise en place d'un dispositif de « flexisécurité ». Pour ce faire, le projet de loi qui nous a été présenté hier propose que le compte personnel de formation soit géré par la Caisse des dépôts et consignations, organisme dont la première vocation est financière. Nous pensons plus judicieux, conformément aux recommandations de l'IGAS, que ce compte personnel de formation, au coeur de la future assurance professionnelle, soit géré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont la base de données est la plus vaste qui soit. Cela permettrait son interconnexion avec le compte pénibilité, déjà géré par la CNAV, et avec le compte épargne-temps, outil à vocation universelle qui permet de transformer du temps libre en temps de travail et peut être monétisé suite aux réformes de François Fillon. Le CPF pourrait être abondé par ce biais, le compte épargne-temps pouvant servir à le financer – l'inverse n'étant pas possible puisque nous serions dans le cadre d'une fongibilité asymétrique.

Cette interconnexion entre les différents comptes permettrait de faire vivre un dispositif universel et dont la portabilité offrirait à chaque travailleur la possibilité de contribuer du mieux qu'il peut au développement de l'économie nationale. Telle est la philosophie des propositions que nous soumettons à l'exécutif.

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Nous avons mesuré combien il était nécessaire de mieux accompagner les publics les plus éloignés de la formation. Dans cette perspective, le Gouvernement a annoncé un effort financier supplémentaire pour les demandeurs d'emplois. Par ailleurs, par l'accord interprofessionnel du 14 décembre 2013, les partenaires sociaux ont renforcé les dispositifs destinés aux moins qualifiés et aux salariés des petites entreprises, grâce notamment à la création d'une « garantie d'accès à la formation », prenant la forme d'un bonus – ou d'un abondement correctif – de cent heures de formation octroyé à un salarié qui, au cours des six dernières années, n'aurait pas bénéficié d'entretiens professionnels, d'actions de formation, d'évolution salariale, de certification ou de validation des acquis de l'expérience.

Au-delà de cette mobilisation financière qui ne saurait suffire, nous proposons des mesures dédiées aux salariés des TPE et des PME : l'élargissement aux entreprises de 10 à 49 salariés de la possibilité de prise en charge de la rémunération des salariés partis en formation ; la création d'une plate-forme partagée avec Pôle emploi et les agences d'intérim pour faciliter le remplacement des salariés des plus petites entreprises partis en formation ; l'extension dès que possible de la garantie d'accès à la formation aux salariés des entreprises de moins de cinquante salariés.

Notre proposons également des mesures dédiées aux demandeurs d'emploi, comme l'allègement et la dématérialisation de la procédure de validation de la formation par le conseiller de Pôle emploi ou la réduction des délais d'entrée en formation, ceux-ci étant actuellement beaucoup trop longs.

Nous souhaitons aussi permettre à chacun de s'orienter facilement dans le monde de la formation. Pour cela, il faut que l'information sur l'offre de formation soit la plus complète possible. La stratégie nationale de constitution d'un réseau public de l'orientation n'a pas vraiment montré sa valeur ajoutée. Aujourd'hui, alors qu'une régionalisation est annoncée, de nombreuses difficultés restent à contourner. Les régions doivent avoir les leviers nécessaires pour coordonner efficacement les autres acteurs, y compris les services déconcentrés de l'État et les directions régionales de Pôle emploi. Nous plaidons pour une organisation territoriale de l'orientation plutôt que pour une organisation en silos.

En outre, nous invitons le Gouvernement à poursuivre et à accélérer la mise en oeuvre du système national d'information sur l'offre de formation DOKELIO. À partir des bases existantes, dont les nomenclatures, les normes techniques et les méthodes de collecte diffèrent, un travail important a déjà été réalisé. Il doit être poursuivi de façon à ce que les utilisateurs de l'offre de formation et les prescripteurs partagent un langage commun. Nous avons bien conscience que c'est une opération difficile, mais elle doit être menée à bien. Nous insistons sur le fait que le résultat doit être pensé pour répondre aux besoins des usagers. Ceux-ci devraient d'ailleurs pouvoir noter et commenter les formations et les organismes qui les proposent. Les labels qualité obtenus par les organismes doivent également être publics, tout comme doivent être rendues publiques dans les meilleurs délais les dates des sessions de formation à venir, afin de faciliter les inscriptions.

Notre proposition n° 15 recommande enfin de réformer le service public de l'orientation, d'une part en supprimant la Délégation interministérielle à l'information et à l'orientation et, d'autre part, en reconnaissant le chef de filat de la région, vers qui il convient d'envisager le transfert des moyens de certains réseaux d'orientation relevant actuellement de l'État.

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J'insisterai pour conclure sur le redéploiement des moyens de contrôle et sur le développement des formations innovantes.

Nous avons évoqué l'abondance et la multiplicité de l'offre de formation, qui cachent parfois des pratiques discutables dont on peut se demander si elles ont leur place dans un parcours de valorisation et de sécurisation professionnelles. Il importe donc de développer les moyens de contrôle et les outils de certification. Compte tenu de l'importance de l'offre, un contrôle en amont serait malaisé, fort coûteux, et risquerait de compromettre la diversité d'une offre supposée s'adapter sans cesse aux nouvelles exigences de l'économie et de la technologie. Par ailleurs, dans la mesure où l'obligation de « former ou payer » est supprimée et, avec elle, l'imputabilité budgétaire et le contrôle qui en découle, les moyens dégagés pourront être réorientés vers le contrôle des organismes de formation. Enfin, nous proposons d'étendre les pouvoirs de la Commission nationale de la certification professionnelle, en lui permettant de formuler des avis ou de refuser l'inscription au Répertoire national des certifications professionnelles de formations contestables, sur la base de critères complémentaires à ceux qu'elle applique aujourd'hui pour les certifications.

En dernier lieu, nous avançons plusieurs mesures pour favoriser les formations innovantes. La France se caractérise par une prédominance du modèle de formation présentiel et en groupe, en présence d'un formateur, notamment en raison de la définition législative et réglementaire de la formation professionnelle continue. Or ce modèle est particulièrement mal adapté aux publics les plus éloignés de l'emploi et les moins diplômés, à qui il rappelle une scolarité qui n'a pas toujours laissé de bons souvenirs. Par ailleurs, exigeant souvent que le salarié quitte son entreprise, il est coûteux en frais de logistique et de déplacement. Bref, ces formations présentielles peuvent être dissuasives. Au contraire, la formation à distance permet d'élargir le champ des bénéficiaires, tout en s'adaptant mieux à leurs contraintes, et nous souhaitons l'encourager.

Il nous paraît en outre essentiel d'encourager la modularité pour permettre à chacun d'accéder à la formation, en tenant compte de ses contraintes de temps et d'organisation. Les formations qualifiantes sont longues : de 150 à plus de 1 000 heures, ce qui peut dissuader entreprises ou salariés d'y avoir recours. La modularité est donc une condition essentielle à l'accès à la formation des publics qui en sont les plus éloignés.

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Je remercie nos deux rapporteurs pour la clarté et la précision de leur présentation. C'était une gageure, tant notre système de formation professionnelle est complexe.

La France consacre 32 milliards d'euros au financement de la formation professionnelle sans obtenir les résultats attendus, comme le montre la comparaison avec d'autres pays de l'OCDE. La formation professionnelle est souvent considérée comme un des domaines – avec le logement ou les soins – où nous pourrions faire des économies. Avez-vous pu identifier des leviers qui permettraient de dépenser moins en la matière tout en gagnant en efficacité ?

Dans le rapport que M. Poisson et moi-même avons réalisé pour le CEC sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, nous avons insisté sur la nécessité d'instituer pour les jeunes, dès seize ans, en particulier pour les « décrocheurs » qui quittent le système scolaire sans diplôme ni qualification, un « droit de tirage » dans le cadre du compte personnel de formation, inversement proportionnel à la durée de la formation initiale. Ainsi, ces jeunes auraient la possibilité de se former ou de se qualifier afin de s'insérer rapidement sur le marché du travail. Avez-vous abordé cette question dans votre rapport ? Sera-t-elle traitée dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle ?

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Nous nous sommes déjà penchés à plusieurs reprises sur notre système de formation professionnelle, en effet très complexe. Cela étant, la complexité n'implique pas nécessairement l'inefficience. Il est sans doute possible de simplifier le système, mais dans certaines limites : il doit pouvoir répondre aux besoins très divers de notre économie.

Nos entreprises sont exsangues : elles n'ont plus de marges de manoeuvre. Or le temps de formation des salariés représente une perte d'activité directe pour elles. N'est-il pas envisageable que ce temps soit pris sur les jours de RTT ? Cela pose la question de la durée du travail en France.

Les salariés les moins qualifiés sont souvent les moins demandeurs de formation. De plus, comme vous l'avez relevé, monsieur le président, beaucoup de jeunes quittent le système scolaire à seize ans sans diplôme et se trouvent parfois dans des situations difficilement rattrapables, certains ayant connu l'échec scolaire dès douze ou treize ans. Ne pourrait-on pas organiser, en liaison avec l'éducation nationale, une forme de pré-apprentissage pour ces jeunes, dès cet âge, afin de leur donner le goût d'apprendre et de leur mettre le pied à l'étrier ?

Enfin, je le dis sans détour : je suis un farouche adversaire des régions. Je n'ai d'ailleurs pas voté la réforme de décentralisation conduite par M. Raffarin. Je conçois que l'on réduise le nombre de départements. Mais les régions sont des machines dispendieuses, gérées de manière catastrophique, en raison notamment du mode de scrutin, qui ne permet pas de dégager de véritables majorités, comme on le voit en Île-de-France. Vous avez proposé, madame Dubié, de supprimer tous les organismes relevant de l'État qui interviennent en matière de formation professionnelle. Mais que se passera-t-il lorsqu'un salarié changera de région ? Jusqu'à présent, l'État joue un rôle dans l'organisation du système. Je ne suis pas certain que la région soit le niveau approprié. Je demande en tout cas à être convaincu.

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Je remercie les deux rapporteurs pour leur travail, qui met bien en lumière les problèmes et la nécessité d'une clarification. Il convient d'articuler l'offre de formation professionnelle non seulement avec les besoins, mais aussi avec l'action économique menée sur le terrain en faveur des entreprises. Je ne suis pas d'accord avec M. Myard : c'est bien au niveau des territoires qu'il faut réaliser cette articulation.

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Faisons-le au niveau des départements ! Ils sont encore plus près du terrain !

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Aujourd'hui, lorsque les régions souhaitent investir dans le développement économique, le facteur limitant est non pas le foncier, mais la formation professionnelle, qui n'est pas toujours adaptée aux nouveaux besoins des entreprises. Nous devons disposer des bons acteurs et coordonner au niveau des territoires les différents outils de formation, ceux qui relèvent de l'éducation nationale et les autres. Il nous faut anticiper l'offre de formation en fonction des réseaux d'entreprises existants et des besoins du marché.

Vous avez proposé, monsieur Morange, d'instaurer un mécanisme de fongibilité asymétrique à partir du compte épargne-temps (CET) vers le compte personnel de formation. Pourquoi pas. Mais tous les salariés ne disposent pas d'un CET et tous n'ont pas la possibilité de le monétiser – les agents des collectivités territoriales, par exemple, ne l'ont pas. Un salarié peut donc dégager du temps libre grâce à son CET, sans avoir pour autant les moyens de financer sa formation.

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Monsieur le président, 150 000 jeunes quittent en effet le système scolaire sans diplôme.

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Oui, mais à quel âge décrochent-ils ?

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Souvent avant seize ans : 20 % des élèves ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux lorsqu'ils entrent en sixième.

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Cela a toujours été le cas, contrairement à ce que l'on pense.

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Tant que ces jeunes n'ont pas atteint seize ans, l'éducation nationale tente de trouver des solutions de « raccrochage » pour eux au sein même du système scolaire. Au-delà de seize ans, la scolarisation n'est plus obligatoire, et la sortie de ces jeunes sans diplôme ni qualification pose un véritable problème.

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Nous n'avons pas étudié cette question en détail, mais nous insistons sur la fait qu'il convient de rétablir un lien entre la formation initiale assurée par l'éducation nationale et la formation continue, dans l'intérêt de ce public. Il est absolument nécessaire que ces jeunes soient suivis par les missions locales, qui peuvent les accompagner et les préparer à des formations en alternance. Sans doute convient-il de mieux les repérer lorsqu'ils quittent le système scolaire afin de les orienter vers les dispositifs d'aide à l'emploi et de leur donner une deuxième chance.

Monsieur Myard, il n'est pas question pour nous de supprimer les services de l'État compétents en matière de formation professionnelle : l'État doit conserver un rôle de pilotage. Mais nous avons constaté que les différentes structures – celles qui relèvent de l'État, celles qui dépendent des régions, les OPCA – fonctionnent en silo et qu'il n'existe aucune approche territoriale. Le niveau régional est le mieux à même d'identifier les besoins des entreprises en emplois et en compétences à l'échelle d'un territoire. Les régions présentent d'ailleurs des différences marquées à cet égard.

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Ces différences existent aussi à l'intérieur des régions.

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En effet. En outre, les salariés les plus éloignés de la formation professionnelle éprouvent souvent des difficultés à se déplacer pour suivre une formation à 200 ou 300 kilomètres. Nous proposons donc d'adopter une approche véritablement territoriale à l'échelle de la région, qui permette de répondre aux besoins des entreprises. Par ailleurs, nous préconisons de recentrer les missions des OPCA sur le conseil et l'ingénierie en matière de gestion des emplois et des compétences, en particulier à destination des TPE et des PME, souvent relativement démunies sur ce point. Les Opca pourraient accompagner ces entreprises, en anticipant leur évolution à l'horizon de cinq ou six ans et en repérant les niveaux de qualification dont elles ont besoin. Dans un deuxième temps, ils pourraient conseiller les salariés sur le choix des formations et le départ en formation.

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Monsieur le président, 120 000 à 150 000 jeunes décrochent en effet du système scolaire chaque année. Les effets économiques, sociaux et politiques de ce phénomène sont désastreux pour la nation. Nous devons non seulement gérer le stock des décrocheurs, mais surtout en tarir le flux à la source. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, le système de formation professionnelle n'a pas vocation à être la « voiture-balai » qui répare les échecs de la formation initiale.

La loi de 1966 avait fait de la formation professionnelle le prolongement et le complément de la formation initiale. Ce dispositif s'étant révélé rigide et peu adapté aux réalités économiques, la loi « Delors » de 1971 a créé le système de formation professionnelle que nous venons de décrire. Cette réforme a toutefois dissocié la formation initiale et la formation professionnelle, tout au moins sur le plan conceptuel. Le projet de loi relatif à la formation professionnelle déposé hier sur le bureau de notre Assemblée vise à instaurer un compte personnel de formation dès l'âge de seize ans qui devrait permettre de mieux les articuler. Il convient désormais de faire vivre ce dispositif. Nous avons d'ailleurs formulé des préconisations pour le compléter.

Le Président de la République souhaite réaliser 50 milliards d'euros économies d'ici à 2017. Peut-on faire mieux en matière de formation professionnelle en stabilisant, voire en diminuant les dépenses ? Nous avons formulé plusieurs propositions concrètes dans notre rapport. Ainsi, le développement de la formation à distance permettrait de réduire de manière substantielle certains coûts – frais de déplacement, logistique, location des salles, présence du formateur, immobilisation du salarié. La dématérialisation des données est une autre piste. Mme Dubié a évoqué à juste titre la multiplicité et le cloisonnement des sources d'information, la disparité des logiciels et l'absence d'urbanisation des différents systèmes informatiques. Leur rationalisation et la création d'un portail unique de la formation professionnelle permettraient non seulement d'améliorer l'accès à l'information, mais aussi d'économiser des ressources humaines qui pourraient être réaffectées, le cas échéant, au suivi individualisé des demandeurs de formation.

Une myriade d'organismes disparates, cloisonnés et, en définitive, contre-productifs interviennent dans le domaine de la formation professionnelle. Nous proposons de simplifier la gouvernance du système. Mais il ne s'agit nullement de déshabiller Pierre pour habiller Jacques, monsieur Myard ! Nous souhaitons conforter le rôle de l'État, en le recentrant sur ses fonctions régaliennes et en réaffirmant sa présence au sein des différents conseils que nous avons cités. En matière de contrôle, il convient de redéployer les moyens des services déconcentrés de l'État vers la vérification de la qualité de l'offre de formation : l'État a toute légitimité pour s'assurer que l'argent public issu des contributions privées est utilisé au mieux. Enfin, nous devons renforcer les moyens de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Comme vous l'avez relevé, monsieur Kalinowski, le compte épargne-temps n'est pas encore généralisé : 6,5 % des salariés en bénéficient actuellement. Il est surtout utilisé dans les grandes entreprises qui disposent de services comptables et juridiques suffisamment importants pour gérer le dispositif. Il a été créé par Michel Giraud et réformé par François Fillon qui a permis sa monétisation – à mon initiative –, les sommes issues d'un CET servant à alimenter un plan d'épargne retraite populaire (PERP) ou un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) sont exonérées d'impôts et de cotisations sociales. C'est un outil très souple et polyvalent : les jours de repos épargnés peuvent être consommés sous forme de congé sabbatique, de congé parental ou encore de temps de formation – cette utilisation est déjà prévue dans les textes. Il serait logique qu'il permette également d'alimenter le CPF, selon un mécanisme de fongibilité asymétrique.

Quant au compte pénibilité, il devrait être conçu moins comme un outil de gestion du stock – qui sert à accumuler des droits à la retraite – que comme un outil de gestion des flux – qui permet au salarié de s'adapter à son poste de travail ou d'améliorer son niveau de qualification. Ces trois instruments – CET, compte pénibilité, CPF – sont liés et doivent contribuer à la sécurisation des parcours professionnels.

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Vous souhaitez, monsieur Myard, poser un principe selon lequel la formation devrait être organisée pendant les jours de RTT. J'y suis résolument opposée ! La formation est un temps de travail rémunéré. Elle profite à la fois au salarié – en lui permettant d'améliorer son niveau de qualification – et à l'entreprise – en favorisant l'adaptation du salarié à ses besoins. Du reste, si l'on posait un tel principe, on en viendrait à considérer la formation comme du temps libre.

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La formation n'est pas du temps libre dans mon esprit.

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Les journées de RTT sont liées au passage aux trente-cinq heures.

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Nous n'allons pas relancer ce débat ! Nous n'avons pas diminué la durée du travail pour demander aux salariés de se former pendant leurs jours de RTT !

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Compte tenu des charges qui pèsent sur elles, les entreprises n'ont plus aujourd'hui de marges de manoeuvre, notamment pour investir. Je conviens tout à fait que la formation professionnelle profite à la fois aux salariés et aux entreprises. Mais les formations de qualité sont longues et les journées n'ont que vingt-quatre heures ! Il n'est plus possible d'amputer encore le temps effectivement travaillé. Dans la mesure où l'on ne veut pas toucher aux trente-cinq heures, nous pourrions prendre collectivement nos responsabilités et décider que la formation est organisée pendant les jours de RTT. Certes, ces jours correspondent à une diminution de la durée du travail, mais ils donnent aussi aux salariés la possibilité de se former et d'améliorer leur parcours professionnel. Vous ne pourrez pas éviter ce sujet : la question de la durée du travail se pose en France.

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Je vais tenter de rapprocher les positions de M. Myard et de Mme Dubié. Toute formation organisée sur le temps de travail doit recueillir l'accord de l'employeur. En revanche, hors temps de travail, le salarié est libre de suivre des formations s'il le souhaite – ce n'est nullement une obligation. Le CET offre une grande souplesse à cet égard.

Vous avez évoqué, monsieur Myard, la situation financière très difficile de nos entreprises. L'ANI du 14 décembre 2013, signé par tous les partenaires sociaux à l'exception de la CGT et de la CGPME, prévoit une réduction de 1,6 % à 1 % de la contribution maximale des entreprises à la formation professionnelle.

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Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Mes chers collègues, sauf objection, je vous propose d'autoriser la publication du rapport.

Le Comité autorise la publication du rapport d'évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle.

La séance est levée à douze heures quarante.