L'analyse de ce budget ne fait apparaître ni inflexion ni modification.
En ce qui concerne le programme 205, la première action relative à la sécurité et à la sûreté maritimes renvoie à une préoccupation largement évoquée par les directeurs de port : alors que nous connaissons une situation délicate en termes de compétitivité, le surcroît de précaution et de réglementation que s'assigne la France finit par grever notre compétitivité. L'ambition d'exemplarité est une bonne chose, mais son décalage avec la moyenne des ports européens les favorise à notre détriment. Je rappelle qu'Anvers attire la moitié du trafic de conteneurs destiné à la France. Il y a donc des parts de marché à conquérir.
L'action n° 02 relative aux gens de mer, reçoit une dotation quasi-équivalente à celle de l'année dernière. Je suivrai attentivement les choix ministériels sur la formation. La France compte 300 000 emplois dans les filières maritimes : conforter et renforcer cette position requiert des investissements forts dans le domaine de l'enseignement. Ce budget ne contient pas de ligne directrice sur ce point. Or développer le secteur nécessitera de prendre des décisions. J'ai appris la création, à Marseille, d'un cursus sur la sûreté maritime, en partenariat avec Euromed. Je salue l'initiative qui comble une lacune, car aucun programme ne permettait jusqu'à présent de former en France les « aiguilleurs de la mer ». Mais c'est une initiative locale. Je crois que l'État doit instiller une cohérence nationale entre les différents sites de l'enseignement supérieur maritime et leurs activités.
La flotte de commerce, qui bénéficie de l'action n° 03, porte également un enjeu stratégique de compétitivité. Il faut soutenir le pavillon français. À cet égard, tous auront noté la récente implication du fonds stratégique d'investissement dans la restructuration de l'armateur CMA-CGM basé à Marseille. Il reste beaucoup à faire et beaucoup d'orientations à prendre ; j'espère que le ministre pourra nous en dire plus dans les mois qui viennent.
Les actions nos 04 et 05 sur l'action interministérielle de la mer et sur le soutien au programme représentent des sommes de faible ampleur, de sorte que les pourcentages d'évolution ne sont guère significatifs. Nous sommes dans la continuité.
En ce qui concerne le programme 203, la part réservée au maritime se limite à 58 millions d'euros. Les treize ports qui relèvent de l'État se partagent cette dotation, qui demeure stable depuis 2010. Je suis tout de même frappé de constater que les projets stratégiques français sont dressés pour cinq ans, quand les autorités de Rotterdam s'engagent sur un horizon de trente ans. Une vision européenne – voire plus – sur le rapport de nos ports au commerce international et à la mondialisation ne peut se limiter à cinq ans : c'est un enjeu bien plus fort, qui exige une approche bien plus large. Est-ce que nos ports ont une vocation régionale, nationale, spécialisée ? Nous avons la chance de disposer d'infrastructures en Méditerranée, où le potentiel lié à la croissance asiatique est évident, et sur l'Atlantique, où Le Havre et Dunkerque souffrent de la concurrence d'Anvers et Rotterdam. Il faut construire une vision globale, et le rôle de l'Assemblée nationale est d'interpeller le Gouvernement en ce sens.
Ce budget s'inscrit dans la continuité du passé récent. La réforme portuaire de 2008 a été digérée ; il est temps de former un nouveau projet pour notre compétitivité maritime. Pour ma part, si je déplore l'absence de signes forts dans ce projet de loi de finances, je ne reprocherai pas à l'exécutif de prendre un peu de temps pour arrêter des décisions si lourdes. Je m'abstiendrai donc.