Je crains que mes réponses ne soient partielles car beaucoup de sujets échappent largement à notre compétence. Sans doute convient-il de ne pas se focaliser sur les prix du moment. Ainsi, la courbe des prix de l'électricité en Allemagne, en Suisse et en France sur le marché du jour au lendemain depuis juin 2000 fait apparaître d'importantes variations, et ces variations seraient encore plus importantes si l'on tenait compte des prix horaires maximum et minimum. Pourtant, les prix actuels – 43 euros par MWh en France, 37 euros en Allemagne, 44 euros en Suisse – ne sont pas très différents de ceux de 2009. On ne saurait donc parler de baisse tendancielle, même si nous sommes sur un plateau de prix plus bas que celui que nous avons connu en 2008-2009 ou que celui qui a suivi l'accident de Fukushima et l'arrêt de sept centrales nucléaire nucléaires en Allemagne. Comme dans tout dispositif de marché, les amplitudes de prix sont importantes. Sans que ce soit extrêmement marqué, la tendance de période actuelle est plutôt baissière et les causes en sont connues : premièrement la conjoncture économique, mais aussi – et c'est heureux – des dispositifs d'économies qui font que la demande est moins forte ; deuxièmement l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, qui fait de ce pays un exportateur de charbon et entraîne une baisse des prix mondiaux du charbon ; troisièmement les prix des quotas d'émission de CO2, qui ont atteint des niveaux tellement dérisoires que, contre toute attente, les centrales à charbon sont devenues très rentables, tandis que d'autres centrales sont mises sous cocon par leurs exploitants ; quatrièmement, les énergies renouvelables affluent sur les marchés, ce qui est une bonne nouvelle, mais à n'importe quel prix puisqu'elle est subventionnée en amont. Il faut ajouter que l'Allemagne accorde à ces énergies la préséance sur toutes les autres : pour soutenir la production renouvelable et la transition énergétique, le législateur a souhaité qu'elle ait la priorité sur le marché quelle que soit la situation. Dans la mesure où ces sources représentent 30 % de l'électricité en Allemagne et où les marchés sont interconnectés, l'effet est évidemment baissier.
Cette conjonction de phénomènes est circonstancielle. Je ne pense pas qu'elle soit durable, même si je serais bien incapable de vous dire si les prix vont repartir à la hausse ou à la baisse – ce n'est d'ailleurs pas notre rôle et ceux qui se risquent à de telles prévisions se trompent une fois sur deux !
De même, il nous est très difficile de nous prononcer sur la rentabilité du nucléaire. À l'évidence, les producteurs ne voient pas d'un bon oeil les baisses de prix, qui réduisent leur marge bénéficiaire, et occasionnent même des déficits lorsque le prix passe sous le coût marginal de production. Pour notre part, nous en sommes plus préoccupés pour des raisons de sécurité du marché que pour des raisons de prix. Mais nous n'avons pas connu, jusqu'à présent, de périodes d'assèchement de l'approvisionnement. La production a plutôt tendant à être excédent en période de faible consommation. En hiver, néanmoins, il peut arriver que le prix de l'électricité atteigne 300 ou 400 euros par MWh.