Monsieur le ministre, l’éducation prioritaire est sous-tendue par un principe juste, que vous souhaitez renforcer : donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Encore faut-il pouvoir déterminer ces besoins et les cartographier. Depuis 1981, la carte des ZEP s’est étendue et concerne aujourd’hui 20 % des collégiens. Vous avez redit votre volonté de ne pas réduire ce périmètre mais de délimiter un noyau dur regroupant les établissements qui connaissent le plus de difficultés. En milieu urbain, les signaux en sont très visibles. Mais l’échec scolaire et les fragilités sociales ne sont malheureusement pas l’apanage des grandes agglomérations : 16 % des collèges de l’éducation prioritaire sont implantés dans une commune rurale.
Si les problèmes de violence sont moins visibles en milieu rural, territoires qui ne bénéficient pas des dispositifs de la politique de la ville, les réseaux de réussite éducative jouent un rôle d’animateur essentiel du lien social. J’ai pu observer de près la richesse de la dynamique que porte ce réseau et la mobilisation de toute la communauté éducative dans la ville de montagne dont je suis maire, L’Argentière dans les Hautes-Alpes.
En montagne, dans un bassin d’emploi marqué par le travail saisonnier, il y a un parcours d’orientation complexe à construire avec les familles, qui craignent parfois de voir leurs enfants s’éloigner de kilomètres que l’on compte en heures. Il est d’ailleurs regrettable que les saisonniers, souvent plus précaires que les chômeurs, ne soient pas pris en compte dans les critères des ZEP.
En zone rurale, l’école, dès le plus jeune âge, doit jouer un rôle d’ouverture pour que les trajectoires ne soient pas définies par avance mais soient bien le résultat d’un cheminement, de découvertes et de choix. Avoir une politique éducative volontariste en milieu rural est une manière de maintenir des populations dans des territoires où la mixité sociale est une chance pour tous, c’est avoir une vision de l’aménagement du territoire à long terme.
Aussi, je m’étonne et m’inquiète des projections qui viennent d’être annoncées pour la rentrée prochaine pour le collège de ma ville. Pour un nombre d’élèves sensiblement identique, trois postes d’enseignants sont menacés, les activités liées au projet d’établissement de la ZEP fortement fragilisées. Les classes de cinquième compteront toujours plus de vingt-huit élèves, ce qui est difficilement acceptable dans un réseau d’éducation prioritaire.
Comment comptez-vous prendre en compte les spécificités de l’éducation prioritaire en milieu rural dans le cadre de cette réforme ? Des écoles et des collèges implantés en milieu rural et en montagne seront-ils bien inclus dans l’expérimentation annoncée pour la rentrée 2014 ?