La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par le groupe UMP.
La parole est à M. Benoist Apparu.
Monsieur le ministre, la France a fondé l’ensemble des valeurs de son école sur l’égalité des chances et le mérite. Selon les enquêtes régulières dont nous disposons, notamment PISA, cette promesse républicaine est de moins en moins tenue en France et nous n’arrivons plus, notamment, à assurer l’égalité des chances et, plus précisément encore, l’égalité territoriale.
Le constat, nous le connaissons les uns et les autres et, pour remédier à la situation, droite et gauche confondues, nous avons imaginé depuis une trentaine d’années des politiques discriminantes, dirais-je, autour notamment des zones d’éducation prioritaire et des réseaux d’éducation prioritaire. Elles sont guidées par quelques principes : essayer de maintenir une stabilité de l’équipe pédagogique, essayer d’affecter dans les établissements les plus difficiles des professeurs plus expérimentés, et, comme nous l’avons fait les uns et les autres, donner un peu plus de moyens à un nombre limité d’établissements.
Vous venez d’annoncer un nouveau plan, doté, je crois, de 300 millions d’euros, qui, avec des différences, il est vrai, est fondé sur la même philosophie. De telles pratiques ne sont-elles pas en décalage profond avec les résultats que nous observons ? Ces discriminations à dose homéopathique sont-elles suffisantes pour rétablir l’égalité des chances, qui est notre promesse républicaine ? Ne faudrait-il pas changer radicalement de point de vue, aller peut-être vers une plus grande autonomie des établissements scolaires en leur accordant de fortes dotations horaires globales annualisées pour essayer de traiter vraiment différemment des élèves dont la sociologie est très différente ?
Vous avez raison, monsieur le député, toutes les études montrent que, si nous voulons obtenir des résultats que nous n’avons pas obtenus, nous devons sans doute franchir un seuil dans la mobilisation des moyens pour ces établissements qui connaissent des difficultés sociales et scolaires particulières. Les pays qui ont réussi dans le traitement de ces territoires souvent abandonnés leur ont donné des moyens massifs, de l’ordre de 50 % de plus que dans les autres établissements. En réalité, comme l’a souligné la Cour des comptes, nous n’avons jamais mis les moyens suffisants dans nos politiques d’éducation prioritaire, et c’est une très grande difficulté.
Le pari que nous avons fait est double.
Nous multiplions d’abord par trois les moyens accordés dans ces zones. L’effort porte sur les ressources humaines, les indemnités, mais aussi les dotations puisque la plupart des postes prévus dans la loi de programmation y sont affectés prioritairement, que ce soit pour l’accueil des petits ou pour le dispositif « plus de maîtres que de classes ».
Nous avons fait par ailleurs un pari pédagogique extrêmement important parce qu’il faut stabiliser les équipes. Vous avez indiqué que l’on y avait engagé les professeurs les plus expérimentés. Malheureusement, ce n’est pas exact. Par contre, nous avons prévu des moyens de formation continue pour accompagner les équipes, ce qui n’était pas le cas auparavant. Que ce soit pour la concertation, les décharges accordées aux professeurs ou la formation continue, un professeur des écoles disposera de plus de douze journées pleines par an, en dehors des indemnités qui lui seront accordées.
Nous mettons donc davantage de moyens pour l’accompagnement, la formation continue et les équipes de soutien, les centres de ressources, et nous menons en même temps un travail pédagogique.
Monsieur le ministre, ma question porte sur la scolarisation des enfants dès deux ans.
La circulaire de décembre 2012 relance la scolarisation dès deux ans et elle a commencé à être appliquée à la rentrée 2013. Pouvez-vous dresser un premier bilan de l’application des dix principes de référence contenus dans la circulaire pour la mise en place de dispositifs d’accueil et de scolarisation des enfants de moins de trois ans ?
Certains parents relèvent une contradiction entre cette volonté de scolarisation dès deux ans et le fait qu’il leur est impossible de scolariser des enfants de trois ans, qui se retrouvent sur liste d’attente. Ils perdent alors un certain nombre d’avantages, les enfants étant censés être à l’école maternelle à trois ans.
Enfin, les ressources humaines sont très diverses à l’école maternelle. Les personnels qui interviennent sont nombreux et variés. À côté des enseignants, se trouvent différents intervenants et des ATSEM. Lorsque les enfants sont petits, l’équipe pédagogique prend tout son sens. Quels moyens pensez-vous mettre à disposition pour une meilleure professionnalisation de tous les acteurs de l’école maternelle ?
Même s’il y a encore quelques débats, l’accueil des enfants de moins de trois ans, en tout cas ceux qui sont le plus en difficulté, est considéré comme utile pour leurs apprentissages futurs et leur socialisation.
Cette année, 400 classes ont pu être ouvertes pour accueillir les enfants de moins de trois ans, 400 postes y ont donc été consacrés, dont 90 % dans les territoires en difficulté, ce qui a permis de faire remonter le niveau moyen d’accueil dans ces zones de 17 à 20 %. Il s’était fortement dégradé les années précédentes.
Cela s’accompagne de recommandations, comme nous avons dû en faire pour accompagner la réforme du temps scolaire, car de mauvaises pratiques s’étaient mises en place, et de la réintroduction d’une formation spécifique pour les maternelles, qui avait disparu de la formation des enseignants. En effet l’école maternelle est une école à part entière avec ses exigences propres.
Nous allons poursuivre dans cette direction car c’est une très belle tradition chez nous que celle de l’école maternelle et essayer de donner aux équipes, qui sont fortement mobilisées, tous les moyens de réussir cet accueil ; cela fait partie du plan que nous évoquions à l’instant. Je souhaite vraiment qu’une priorité soit accordée pour l’ouverture de classes pour les moins de trois ans aux zones dans lesquelles il y a le plus de difficultés, pour essayer de corriger certaines inégalités. Je cite souvent ces chiffres, qui illustrent bien la situation : moins de 1 % des enfants de moins de trois ans sont accueillis en Seine-Saint-Denis, département mériterait d’être fortement accompagné, près de 49 % en Lozère. Nous avons donc aussi un travail de rééquilibrage à effectuer.
Monsieur le ministre, votre réforme de l’éducation prioritaire a tout notre soutien. Je pense à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, au dispositif « plus de maîtres que de classes », ou encore aux dispositions propices à la stabilisation des équipes et aux dynamiques d’équipe, dont on sait combien elles sont essentielles pour la réussite des dispositifs d’éducation prioritaire.
Je salue aussi le changement d’approche à l’oeuvre à travers cette réforme de justice sociale. Le temps dédié au dialogue avec les familles et au travail collectif ou encore les activités en petits groupes, voilà autant d’exemples qui permettront de travailler autrement : couplée à la stabilisation des équipes, c’est en effet la transformation des pratiques professionnelles qui permettra d’oeuvrer en faveur de la réussite pour tous.
S’il est nécessaire d’aller encore plus loin en matière d’innovation, il faut également s’assurer de la mise en oeuvre de ces mesures.
Ainsi, en matière de formation, qu’est-il prévu pour accompagner sur place les équipes pédagogiques, et qu’en est-il du vivier des formateurs mis à mal ces dernières années ? De façon globale, où en sont les réflexions, en lien avec la politique de la ville, sur les moyens de lutter contre la ghettoïsation des établissements et d’assurer une véritable mixité ?
Permettez-moi aussi de vous poser la question des moyens. Pourriez-vous nous rassurer quant à la réalité de leur mise en place à la rentrée prochaine ?
Enfin, les recrutements annoncés, d’assistants d’éducation par exemple, seront-ils pérennes ? L’année dernière, dans la Somme, la disparition de postes d’assistants pédagogiques a laissé un souvenir d’autant plus amer qu’ils effectuaient un travail remarquable allant dans le sens de votre réforme ?
Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’instant, la réforme de l’éducation prioritaire mobilise des moyens, mais dans ce domaine l’approche doit être différente et se fonder sur la pédagogie. J’accorde une grande importance, même s’il est moins commenté, au référentiel pédagogique qui accompagnera les réseaux. C’est sans doute l’un des meilleurs textes que l’éducation nationale a pu produire. Je vous invite tous à le lire avec attention car, au fond, ce qui existe pour l’éducation prioritaire peut bénéficier à d’autres types d’éducation.
Nous avons prévu des moyens exceptionnels pour la formation continue, que je viens d’évoquer. Nous avons prévu du temps de concertation et nous avons même créé, après des discussions avec les organisations syndicales sur la refondation du métier d’enseignant, une nouvelle fonction de professeur formateur dans le second degré.
Ces moyens sont mobilisés d’abord sur l’éducation prioritaire, notamment à travers les plans académiques de formation. Il y aura des équipes de professeurs formateurs mais aussi des équipes d’encadrement dédiées à l’accompagnement des professeurs d’éducation prioritaire.
À l’occasion de la grande consultation que nous avons organisée dans le cadre de la modernisation de l’action publique, les acteurs de l’éducation prioritaire ont exprimé deux demandes principales : d’abord du temps pour travailler ensemble, se concerter, et nous avons mis en place des dispositifs impliquant les familles et les équipes pédagogiques ; ensuite une formation continue. Cela pourrait s’étendre à d’autres domaines car la formation continue est sans doute, comme la formation initiale, le ressort de la transformation de l’école.
Monsieur le ministre, l’éducation prioritaire est sous-tendue par un principe juste, que vous souhaitez renforcer : donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. Encore faut-il pouvoir déterminer ces besoins et les cartographier. Depuis 1981, la carte des ZEP s’est étendue et concerne aujourd’hui 20 % des collégiens. Vous avez redit votre volonté de ne pas réduire ce périmètre mais de délimiter un noyau dur regroupant les établissements qui connaissent le plus de difficultés. En milieu urbain, les signaux en sont très visibles. Mais l’échec scolaire et les fragilités sociales ne sont malheureusement pas l’apanage des grandes agglomérations : 16 % des collèges de l’éducation prioritaire sont implantés dans une commune rurale.
Si les problèmes de violence sont moins visibles en milieu rural, territoires qui ne bénéficient pas des dispositifs de la politique de la ville, les réseaux de réussite éducative jouent un rôle d’animateur essentiel du lien social. J’ai pu observer de près la richesse de la dynamique que porte ce réseau et la mobilisation de toute la communauté éducative dans la ville de montagne dont je suis maire, L’Argentière dans les Hautes-Alpes.
En montagne, dans un bassin d’emploi marqué par le travail saisonnier, il y a un parcours d’orientation complexe à construire avec les familles, qui craignent parfois de voir leurs enfants s’éloigner de kilomètres que l’on compte en heures. Il est d’ailleurs regrettable que les saisonniers, souvent plus précaires que les chômeurs, ne soient pas pris en compte dans les critères des ZEP.
En zone rurale, l’école, dès le plus jeune âge, doit jouer un rôle d’ouverture pour que les trajectoires ne soient pas définies par avance mais soient bien le résultat d’un cheminement, de découvertes et de choix. Avoir une politique éducative volontariste en milieu rural est une manière de maintenir des populations dans des territoires où la mixité sociale est une chance pour tous, c’est avoir une vision de l’aménagement du territoire à long terme.
Aussi, je m’étonne et m’inquiète des projections qui viennent d’être annoncées pour la rentrée prochaine pour le collège de ma ville. Pour un nombre d’élèves sensiblement identique, trois postes d’enseignants sont menacés, les activités liées au projet d’établissement de la ZEP fortement fragilisées. Les classes de cinquième compteront toujours plus de vingt-huit élèves, ce qui est difficilement acceptable dans un réseau d’éducation prioritaire.
Comment comptez-vous prendre en compte les spécificités de l’éducation prioritaire en milieu rural dans le cadre de cette réforme ? Des écoles et des collèges implantés en milieu rural et en montagne seront-ils bien inclus dans l’expérimentation annoncée pour la rentrée 2014 ?
Monsieur le député, le critère que nous avons retenu, vous le savez, est un indicateur social, qui montrera, comme pour la politique de la ville, d’ailleurs, qu’à la fois des territoires urbains et des territoires ruraux sont concernés, et resteront concernés, par les politiques d’éducation prioritaire.
Cela me permet d’ailleurs de compléter ma réponse à Mme Pompili, en soulignant que nous avons travaillé étroitement avec François Lamy et le ministère de la ville. La carte des zones couvertes par ces deux politiques est la même à 90 ou 95 %, mais nous avons aussi des conventions qui permettent d’engager les dispositifs de réussite éducative autour de nos réseaux d’éducation prioritaire. Il n’y a donc pas de raison de considérer que l’éducation prioritaire ne concerne que les territoires urbains.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué cet après-midi lors des questions au gouvernement, après la première convention passée entre le département du Cantal et l’éducation nationale, je suis très attentif à ce que les conditions particulières des territoires ruraux, et en particulier des territoires de montagne, soient prises en considération, à ce que nous ne nous contentions pas de calculs arithmétiques mais que nous fassions appel à des logiques de territoires, car ceux-ci ont leurs contraintes propres.
Comme vous, j’observe que, malgré ces moyens et cet état d’esprit, dans certains endroits, c’est vrai en zone urbaine – je regarde actuellement ce qui se passe dans les Hauts-de-Seine –, cela peut être vrai dans votre département, il semble qu’il y ait des baisses de moyens à la rentrée prochaine. Je regarderai cela de près, mais ces baisses peuvent aussi être justifiées, dans certains cas, par l’indicateur social que nous utilisons.
Monsieur le ministre, le constat est frappant, les chiffres impressionnants : nombre d’élèves de primaire entrant en sixième ne maîtrisent pas le français. Ces 100 000 enfants de CM2 pour qui l’arrivée au collège est une marche presque infranchissable sont tous issus, ou presque, des zones d’éducation prioritaire, dans lesquelles, en fin de troisième, 42 % des élèves seulement maîtrisent les compétences de base, alors qu’ils sont 79 % hors de ces zones.
Monsieur le ministre, vous prenez le problème à bras-le-corps, et je me réjouis de l’annonce, il y a quelques jours, de votre plan pour refonder l’éducation prioritaire. Pour remédier aux inégalités, vous comptez sur des dispositifs comme l’accueil des moins de trois ans ou le « plus de maîtres que de classes ». Les élèves de sixième seront, quant à eux, accueillis au collège jusqu’à seize heures trente. Ils bénéficieront d’une aide aux devoirs et d’un tutorat pendant les temps libres entre les cours. Les enseignants auront moins d’heures de cours à effectuer – une heure et demi par semaine en moins au collège, neuf jours par an en primaire – pour travailler en équipe et suivre les élèves. Ce sont d’excellentes mesures, pour lesquelles 350 millions d’euros seront investis.
Au même moment un autre débat resurgit, sur la méthode d’apprentissage du français. Méthode syllabique contre méthode mixte : je n’entrerai pas dans ce débat, parce que je pense que chaque enfant est différent et que les personnes les mieux placées pour savoir ce qui est bon pour lui sont ses enseignants et sa famille. Les professeurs des écoles doivent avoir le choix des méthodes car rien ne remplace l’expérience de dix ou vingt ans d’enseignement.
Reste que les chiffres alarmants que j’ai cités sont la conséquence logique de l’effondrement de l’enseignement de la lecture. Il y a quarante ans, l’élève de CP bénéficiait de quinze heures de français, contre neuf heures en 2006. En moyenne, un bachelier d’aujourd’hui aura reçu dans son parcours scolaire 800 heures d’enseignement du français en moins que ses parents.
Alors, monsieur le ministre, votre réforme de l’école de la République portera-t-elle, pour pallier les grandes lacunes des jeunes Français en grammaire et en orthographe, sur le nombre d’heures d’apprentissage ?
Monsieur le député, l’objectif premier de la refondation de l’école, c’est évidemment de garantir aux enfants de France la maîtrise des apprentissages fondamentaux, en particulier de cet apprentissage essentiel qui est celui de la langue. Ce n’est pas l’objet d’une mesure particulière, l’ensemble de la loi que le Parlement a votée y vise. Cela commence par l’accueil des plus petits, qui est un élément indispensable, et le travail en maternelle ; il y a déjà eu quelques progrès. Cela se poursuit par la capacité d’évaluer, par les moyens que nous mettons dans le primaire, par le « plus de maîtres que de classes », par la refonte des programmes. J’ai demandé au Conseil supérieur des programmes et à son président, le recteur Alain Boissinot, de bien vouloir mettre plus l’accent dans les programmes sur la maîtrise des apprentissages fondamentaux.
C’est aussi la reconquête du temps scolaire, du temps le matin, qui doit permettre de mieux lire, écrire et compter.
C’est, enfin, la formation des maîtres. C’est un métier extrêmement difficile que d’apprendre à des enfants à lire, écrire et compter, et on l’avait un peu perdu de vue. Nous sommes d’ailleurs encore obligés de nous battre, dans la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, pour faire comprendre à certains que ce moment du primaire, moment des fondements, est essentiel.
Tout le temps nécessaire doit être consacré à ces apprentissages. Nous devons aussi procéder en permanence à des évaluations. J’ai mis en place ce matin le Conseil national de l’évaluation, qui mesurera en permanence et de façon indépendante les progrès accomplis.
C’est donc toute notre politique qui est axée sur ces apprentissages fondamentaux, qui sont pour nous l’essentiel car, lorsque l’on a ce bagage, tous les autres bagages sont à portée de main.
Monsieur le ministre, vous venez de présenter un plan pour refonder l’éducation prioritaire, dont les mesures vont dans le sens des revendications de la communauté éducative de mon département. Les trois axes autour desquels s’articulent ces mesures méritent des moyens importants. Cette exigence peut-elle se conjuguer avec une politique de réduction des dépenses publiques telle qu’elle a été réaffirmée ?
Je suis l’élue d’un département, la Seine-Saint-Denis, où la réussite scolaire des enfants est malheureusement inférieure à celle des autres départements. La communauté éducative, avec les syndicats enseignants, se mobilise de façon exceptionnelle et permanente pour la réussite des élèves. Elle demande un plan de rattrapage incluant notamment des moyens supplémentaires pour faire vivre les dispositifs que vous préconisez : favoriser le travail en équipe, assurer les remplacements, relancer la formation continue, développer la scolarisation des moins de trois ans, multiplier les maîtres supplémentaires, doter les écoles d’un infirmier scolaire supplémentaire dans les réseaux les plus difficiles…
L’égalité républicaine exige de l’État des mesures inégalitaires en faveur de celles et ceux qui ont été jusqu’ici lésés. En 2012, 150 postes ont été créés pour 2 160 enfants supplémentaires, 147 pour 2 370 enfants supplémentaires en 2013 en Seine-Saint-Denis.
Monsieur le ministre, votre plan a soulevé des espoirs. Pouvez-vous m’indiquer ce qu’il signifie pour ce département, combien de réseaux y seront créés, quel sera l’avenir des RASED dans ce cadre, et quelles seront les conséquences sur les effectifs par classe ?
Madame la députée, j’ai reçu, l’an dernier, vous vous en souvenez, l’ensemble des élus, des partenaires, des associations et des syndicats de Seine-Saint-Denis, qui défendaient à juste titre la nécessité d’un effort particulier pour un département qui, en réalité, n’a pas bénéficié des investissements éducatifs qu’il aurait dû recevoir. Nous sommes convenus, les uns et les autres, de sortir d’une politique de l’annonce, d’une politique-spectacle qui ne rime à rien. Ce plan de rattrapage est un plan de rattrapage continu ; je m’y suis engagé.
Vous savez que la principale difficulté, étant donné les moyens que nous sommes prêts à consacrer à ce rattrapage, est de trouver, pour les postes que nous créons, les personnels qui veulent bien les occuper. C’est pourquoi nous avons, tout au long de l’année, travaillé à cette gestion prévisionnelle et fait en sorte que, malgré certaines limites que nous constatons, les 400 postes supplémentaires, à deux reprises, soient pourvus, sans dégradation du niveau des concours, ce qui est un autre sujet de préoccupation légitime pour la Seine-Saint-Denis. On a le droit, en Seine-Saint-Denis, à des enseignants bien formés et de qualité.
Nous sommes obligés d’inscrire ce plan de rattrapage dans la durée. Je l’ai évoqué il y a quelques instants pour les moins de trois ans ; c’est vrai pour l’ensemble des postes. Telle est notre détermination, et je répète que je travaille dans l’idée d’un plan de rattrapage continu. C’est, au fond, une politique de justice et de rééquilibrage entre les territoires.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Dans le rapport ministériel concernant la lutte contre le décrochage scolaire, un chiffre m’a une nouvelle fois interpellée : 56 % des décrocheurs sont issus des lycées professionnels. Il est donc temps de prendre à bras-le-corps ce problème.
J’ai pris connaissance avec intérêt des axes d’action que vous avancez. Pour ma part, je veux insister sur un élément : l’action contre la ségrégation territoriale et sociale en matière d’orientation. Cela demande des moyens au niveau pour le service public d’orientation car, d’un côté, les jeunes concernés doivent pouvoir disposer d’un suivi individuel valorisant leurs capacités et, de l’autre, les acteurs de l’orientation doivent être en mesure de mieux valoriser les filières professionnelles et les métiers y correspondant.
Il nous faut travailler à faire des filières professionnelles des filières d’excellence, et non plus celles du dernier choix, en offrant des débouchés professionnels dans des métiers d’avenir ; je pense par exemple à l’aéronautique dans un département comme la Seine-Saint-Denis.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit votre attachement au développement de l’enseignement professionnel dans le débat sur la loi de refondation de l’école, et vous avez récemment réaffirmé votre volonté de lutter contre le décrochage. Toutefois, l’enseignement professionnel est aujourd’hui le parent pauvre de notre système scolaire. Je vous avais interpellé sur le fait qu’il manquait plusieurs centaines d’heures dans les lycées professionnels de l’académie de Créteil pour les bacs pro. C’est pourquoi je souhaiterais connaître vos intentions sur une prochaine réforme de l’enseignement professionnel et les moyens mis en oeuvre pour l’accomplir.
Madame la députée, le sujet que vous évoquez est très important pour l’ensemble du pays. Là encore, ce n’est pas une mesure mais tout un ensemble de mesures qui doivent permettre d’améliorer la situation.
Tout d’abord, je crois que la communauté nationale n’a pas encore pris conscience de l’importance du parcours d’orientation et d’information sur les métiers, qui s’inscrira dans la scolarité obligatoire à partir de la sixième. C’est un changement radical dans le rapport à la professionnalisation, à l’accompagnement des élèves, à la lutte contre les stéréotypes, et à la possibilité d’éviter les orientations subies qui représentent un préjudice pour un certain nombre d’élèves.
C’est, ensuite, la mise en place d’un système nouveau d’orientation, y compris avec l’expérimentation que nous menons sur le dernier mot aux parents. L’intérêt du service public territorialisé de l’orientation doit être de permettre que les élèves soient mieux accompagnés dans ce qui n’a pas été considéré jusqu’ici et que je considère pour ma part comme un moment essentiel de l’acte pédagogique. L’orientation, c’est la responsabilité de toute la communauté éducative.
Enfin, c’est le travail que nous conduisons sur la rénovation des diplômes. C’est la mise en place des campus des métiers et des qualifications. C’est la mobilité européenne que nous ouvrons aux élèves de ces lycées. C’est aussi le travail conduit avec Mme Fioraso pour permettre un accès plus important des bacheliers professionnels aux IUT et à ces différentes filières. Ces campus des métiers donnent d’ores et déjà des résultats, ces filières sont en train de progresser. Je travaille avec la communauté éducative pour apporter des ajustements aux contrôles en cours de formation, qui posent problème à beaucoup de formateurs dans ces lycées, et nous réfléchissons aussi à la possibilité de passerelles lors des premières semaines en classe de seconde, pour les élèves qui n’ont pas encore fait leur choix ou ne se trouvent pas dans les spécialités qu’ils avaient choisies.
C’est cet ensemble qui doit faire que, demain, les lycées professionnels, qui sont excellents en France, soient reconnus comme tels par tous.
Monsieur le ministre, dans le cadre de votre réforme sur les rythmes scolaires, vous préconisez que les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale ayant la compétence en matière scolaire organisent trois heures de temps d’activités périscolaires.
Aujourd’hui, l’aménagement des rythmes scolaires repose avant tout sur la responsabilité et l’engagement des maires, des présidents d’intercommunalité et des assemblées délibérantes, à qui il revient de rechercher des créneaux horaires disponibles, des locaux et des salles de classe à mettre à disposition en dehors des heures de cours, ou encore du personnel qualifié. Ces activités visent à soutenir le bien-être de l’enfant, en allégeant les journées et en variant les activités.
Monsieur le ministre, certaines communes ou établissements de coopération intercommunale n’ont pas les moyens humains, financiers ou immobiliers adéquats pour mettre en place les temps d’activités périscolaires recommandés.
Lorsque ce n’est pas l’absence de locaux appropriés, c’est le manque de personnel qualifié ou disponible qui devient un obstacle. Sans oublier que la première des contraintes est financière. Nombreuses sont les communes et intercommunalités qui ne disposent pas des fonds suffisants à moins d’augmenter leurs impôts.
Dès lors, monsieur le ministre, pourriez-vous – c’est ma première question – me confirmer que l’organisation des trois heures d’activités périscolaires est facultative ?
Seconde question : quelle sera l’attitude de votre ministère si des communes ou intercommunalités n’organisent pas de temps d’activités périscolaires ou si elles ne mettent en place qu’une ou deux heures de ce temps ?
Monsieur le député, vous avez parfaitement raison, il faut bien distinguer le temps scolaire, qui relève de la responsabilité de l’éducation nationale, et le temps après l’école, qui relève aujourd’hui, comme hier, de la libre administration des collectivités.
D’après les études dont nous disposons, l’accueil périscolaire diffère beaucoup d’une commune à l’autre. Certaines – souvent celles qui sont le plus en difficulté – en ont très peu, pour ne pas dire pas du tout, quand d’autres ont déjà des plans éducatifs locaux, des accueils du matin, du midi et du soir, voire des accueils du mercredi matin. D’après les statistiques de l’État, les disparités vont de un à dix. En revanche, il n’y a aucune injonction de l’État à l’égard des collectivités : c’est leur libre choix.
La réforme du temps scolaire que nous conduisons n’enlève pas une heure de cours à l’école de l’État, puisque nous récupérons trois heures le mercredi matin. C’est donc le même nombre d’heures que précédemment qui sont assurées par l’État : certains on cherché à susciter une querelle sur un transfert de compétences ; celui-ci n’existe pas. Les collectivités locales qui ne souhaiteront pas organiser un accueil après le temps scolaire ne seront absolument pas plus contraintes de le faire en appliquant la réforme qu’elles ne le sont actuellement. Pour la première fois dans notre histoire – et vous êtes, monsieur de Courson, un excellent connaisseur des questions de finances –, il y a une modification des dotations de l’État afin de favoriser cet accompagnement après l’école. Il n’existait pas de fonds d’État pour financer ces activités ; un fonds a été créé. De plus, nous avons fait modifier la convention d’objectifs de la caisse nationale d’allocations familiales de sorte qu’elle puisse financer ces activités, quand bien même elles seraient gratuites. Mais encore une fois, la liberté des communes d’en organiser ou pas reste entière.
Enfin, je voudrais finir sur une note optimiste. Je suis conscient que cette réforme est une réforme difficile et importante, qui suppose un travail de la part de chacun et avec chacun. Les chiffres dont je dispose pour le passage à l’année 2014 ne sont, une fois de plus, pas du tout ceux que l’on entend. La très grande majorité des communes de France sont en train de passer le cap – il fallait du temps pour s’organiser – et ce n’est que de façon résiduelle que nous rencontrerons quelques problèmes.
Les maires en difficulté doivent savoir qu’ils peuvent compter sur nous.
En application de la loi du 8 juillet 2013 refondant l’école de la République, de premiers changements ont eu lieu lors de la dernière rentrée scolaire, notamment dans les écoles maternelles et primaires. Comme nous n’avons cessé de le rappeler au cours des débats, le parcours scolaire d’un enfant se joue pour beaucoup dès les premières années. C’est à l’école maternelle, espace des pré-apprentissages, puis à l’école primaire, espace des apprentissages fondamentaux, que peuvent apparaître les premières difficultés et, partant, qu’on peut immédiatement y porter remède.
Réaffirmant le rôle déterminant de l’école maternelle, vous avez, monsieur le ministre, créé quatre cents postes pour développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans. J’ai pu mesurer dans mon territoire les premiers bienfaits de ces ouvertures de classes pour les tout petits, notamment dans les secteurs ruraux les plus isolés. Ainsi, j’ai retrouvé de jeunes parents que j’avais connus adolescents, complètement fâchés avec l’école, qui venaient accompagner tous les jours leur petit à l’école maternelle.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels sont les premiers effets de cette scolarisation des moins de trois ans au niveau national ? Comme nous avons beaucoup parlé de la maternelle, permettez-moi une seconde question : plus de mille postes destinés au déploiement du dispositif « plus de maîtres que de classes » ont été créés, permettant de nouveaux modes de fonctionnement dans les écoles et la mise en place de pratiques pédagogiques innovantes pour prévenir les difficultés scolaires ou y remédier. Quelle évaluation peut-on faire de ce dispositif, cinq mois après sa mise en oeuvre ?
Les dispositifs se sont mis en place rapidement, de façon perceptible sur le terrain dès la dernière rentrée scolaire, comme vous l’indiquez. On a très souvent laissé une grande liberté d’appréciation aux rectorats et aux inspecteurs d’académie dans l’affectation des postes, qui s’est faite aux bons endroits.
S’agissant de l’évaluation, qui est une question essentielle, je voudrais dire deux choses. On peut déjà apprécier subjectivement, lorsqu’on se rend dans des écoles, le confort qu’il y a à disposer d’emplois d’avenir professeur, de davantage de personnel pour accompagner les directeurs, et à bénéficier du dispositif « plus de maîtres que de classes » et des mesures concernant l’accueil des moins de trois ans. Toutefois, je ne crois pas au grand soir pédagogique. Des consensus sont possibles. Nous devons évaluer et accompagner la mise en oeuvre du dispositif « plus de maîtres que de classes » de même que celui destiné à l’accueil des moins de trois ans. Ces efforts seront conduits dans la durée, car il ne s’agit pas là d’effets d’annonce ou d’une simple volonté de rompre avec la politique précédente, mais bien de la mise en oeuvre d’un projet dont les effets se feront sentir à terme. Par exemple, s’agissant du « plus de maîtres que de classes », en Savoie, une expérimentation est en cours avec des laboratoires de recherche – car un débat existe – qui suivent et examinent la mise en place de ces processus afin qu’ils soient le plus efficaces possible.
Je veux que cette évaluation soit conduite de façon totalement indépendante, mais évidemment sous le regard des assemblées, dans toutes leurs composantes. C’est pourquoi nous avons procédé ce matin à l’installation du conseil national de l’évaluation. Celle-ci ne peut pas être le fait du prescripteur qu’est le ministre ; c’est une évaluation indépendante, qui implique les chercheurs, la représentation nationale et la société, par le biais du Conseil économique et social que je souhaite voir travailler sur ce dispositif. Et s’il n’apporterait pas les résultats que nous attendons, nous le modifierons.
La refondation de l’école de la République demeure une priorité. Cette réforme indispensable vise à permettre la réussite de tous les élèves et la réduction des inégalités. La formation initiale, supprimée par la majorité précédente et que nous avons désormais confiée aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, doit permettre de recréer la confiance à l’égard des métiers de l’enseignement, pour celles et ceux qui souhaitent être les acteurs de la réussite scolaire. Monsieur le ministre, vous ouvrez la deuxième phase de la refondation et lancez plusieurs chantiers fondamentaux pour l’école de la République, parmi lesquels la redéfinition, dans la concertation, des métiers de l’éducation nationale. Comme vous l’avez rappelé, à l’occasion de vos voeux au personnel de l’éducation nationale, l’école doit se refonder par et pour ses enseignants.
Ma question concerne plus particulièrement la mission des conseillers pédagogiques qui constituent pour tous les enseignants une interface indispensable entre le savoir et le savoir-faire. Par leur expertise, les conseillers pédagogiques jouent un rôle de soutien sur le terrain et auprès des enseignants, notamment ceux du premier degré. Les nouveaux titulaires doivent pouvoir bénéficier de leurs conseils et de leur appui, tout comme les enseignants plus expérimentés à la recherche d’un accompagnement plus spécifique. Les conseillers pédagogiques assurent par leurs connaissances des métiers et des réalités sociales du territoire des missions de proximité, de conseil et d’animation des réseaux d’enseignants. Ils doivent donc disposer des moyens nécessaires pour transmettre leurs connaissances pratiques sur le terrain. Comment envisagez-vous l’évolution du statut des conseillers pédagogiques ? Quelles places et quelles missions nouvelles souhaitez-vous confier à celles et à ceux qui font de la formation initiale et continue un élément essentiel de la réussite des enseignants et, partant, de leurs élèves ?
Votre analyse est parfaitement juste. Nous avons la chance de bénéficier, au moins pour le primaire, d’un réseau dense et de qualité de maîtres formateurs et de conseillers pédagogiques. Ceux-ci sont absolument essentiels pour la formation initiale, la formation continue et l’animation des équipes pédagogiques sur le terrain, dans un aller-retour permanent qui permet de ne pas séparer la théorie et la pratique. Aussi, dans les discussions que nous avons menées sur les métiers, avons-nous pris en compte ces éléments. Tout d’abord, nous avons redéfini et clarifié les missions d’animation pédagogique des conseillers pédagogiques et veillé, avec le directeur général de l’enseignement scolaire et les services, à ce qu’ils soient présents dans les ESPE, comme je le recommande depuis le début. Deuxièmement, nous avons voulu manifester notre attention envers les conseillers pédagogiques, en prenant trois mesures : une augmentation de 60 % du régime indemnitaire, qui passe de 1 500 euros à 2 500 euros annuels ; une amélioration des perspectives de carrière, en favorisant leur accès aux grades d’avancement ; enfin, une rénovation de leur certification, pour mieux prendre en compte leurs compétences pédagogiques. Ces discussions ont pu se conclure par un accord général et j’en suis très heureux.
Nous revenons aux orateurs du groupe UMP. La parole est à M. Xavier Breton.
Monsieur le ministre, vous avez sans doute pris connaissance au début de ce mois des résultats du baromètre de la confiance politique réalisé par le CEVIPOF en collaboration avec Sciences Po Paris. Il mesure le niveau de confiance des Français dans leurs institutions. On a fait beaucoup de commentaires sur le climat de défiance qui s’instaure de plus en plus dans notre pays, mais bien peu sur les chiffres relatifs à notre école. Or ils permettent de tirer deux enseignements principaux. Tout d’abord, en 2012, l’école se situait en deuxième position sur douze institutions, en recueillant la confiance de 73 % des Français. Nous sommes donc bien loin du bilan catastrophique que vous dressez parfois de la politique d’éducation qui a été menée au cours de la dernière décennie. L’image de l’école, à l’issue des mandats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, loin de s’être dégradée, était restée bonne et même très bonne. Second enseignement : la cote de confiance des Français dans leur école s’est sérieusement dégradée en 2013, puisqu’elle a baissé de 6 %, en passant de 73 % à 67 %. Avec les syndicats, l’école est l’institution qui a le plus reculé dans ce baromètre de confiance. Alors qu’elle était encore deuxième en 2012, elle rétrograde à la quatrième place.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous ces résultats ? Est-ce l’effet de la déception causée par votre loi qui n’a de refondation que le nom ? Pensez-vous que ce soit le fruit de la réforme des rythmes scolaires, qui, mal conduite, a tourné au fiasco et a abouti à la création d’une école à deux vitesses ? Ou ce recul ne ferait-il que traduire l’inquiétude des parents face à un ministre de l’éducation nationale qui veut « arracher l’élève à tous les déterminismes », y compris au déterminisme familial ?
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que la confiance des Français dans leur école ait reculé de six points en 2013 ?
Monsieur le député Breton, je vois que vous cherchez la polémique.
Vous voudriez vous appuyer sur ce baromètre pour considérer que les Français ont grandement apprécié la politique scolaire menée pendant les dix années précédant l’arrivée de cette majorité. Je ne crois pas que votre jugement soit juste, mais l’attente à notre égard est grande, c’est un fait. À Grenoble hier, dans le cadre de la commémoration de la Shoah, je relisais un grand discours de Gambetta de 1872 – tous les discours prononcés à Grenoble n’ont pas été d’égale qualité.
Gambetta nous dit que la République peut s’instaurer à une condition : être capable de vaincre les peurs et tous ceux qui les alimentent en permanence. Le meilleur recours, c’est l’école, c’est la sagesse, la raison et l’éducation des consciences. Cette leçon reste vraie. Dans l’année qui s’est écoulée, les Français ont été inquiets, et un certain nombre de personnalités ont alimenté cette inquiétude, en contradiction d’ailleurs avec de précédentes déclarations. Elle a concerné en particulier le temps scolaire, je ne le minimise pas. Beaucoup, qui avaient pourtant recommandé eux-mêmes de revenir à un meilleur temps scolaire, se sont répandus en critiques pour expliquer aux parents que cette évidence qui veut que l’on apprenne mieux à lire, à écrire et à compter en cinq matinées par semaine n’était pas la bonne et qu’une entreprise de destruction de l’école était à l’oeuvre. Aujourd’hui encore, alors que nous souhaitons simplement instaurer une égalité entre les filles et les garçons et une éducation au respect, nous avons vu comment certains cherchent à agiter des peurs. Cette attitude n’est ni positive, ni juste à l’égard de notre action, mais il est bien évident que nous avons beaucoup de travail à accomplir pour réinstaurer une société de la confiance et pour prouver que notre seule volonté est de donner aux élèves des repères intellectuels et moraux. C’est bien cela que vise la refondation de l’école de la République.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur l’une de vos décisions, incompréhensibles et contraires à ce que préconisent tous les spécialistes sérieux de l’éducation. En effet, à l’école, un enfant doit comprendre que le travail est une valeur forte de notre société et qu’il ne peut porter ses fruits sans efforts. L’enquête PISA 2012 a montré une baisse du niveau de nos élèves de 15 ans, qui s’explique notamment par le fait que les élèves français sont les plus dissipés en classe. À cet égard, l’un des outils efficaces et pertinents mis en place par la loi d’orientation pour l’avenir de l’école de 2005, dite loi Fillon, est la note de vie scolaire. Celle-ci évalue le savoir-être de l’élève au sein de l’établissement. C’est un levier important pour inciter tous les élèves à acquérir les éléments du socle commun de connaissances et de compétences, notamment les compétences sociales et civiques, l’autonomie et l’initiative, le goût de l’effort et le respect de l’autorité.
Supprimer une telle mesure sans préciser comment pallier certaines dérives comportementales dans les établissements ne règle rien. C’est un très mauvais signal qui ne manquera pas d’encourager ceux de nos élèves qui se distinguent de manière négative. De plus, en l’absence de mesures transitoires dans votre décret du 14 janvier dernier, la suppression est d’application immédiate, c’est-à-dire que vous mettez au panier tout le travail réalisé, de façon très sérieuse, par les équipes éducatives au cours du premier trimestre de la présente année scolaire. Quel mépris de la part d’un ministre pour les équipes éducatives, les principaux de collège, les familles et les élèves !
En conclusion, pouvez-vous nous indiquer pour quelle raison – démagogique sans doute – vous avez procédé par décret et par arrêté en date du 14 janvier dernier à la suppression de la note de vie scolaire ? Une telle décision est totalement incompréhensible et montre une nouvelle fois, s’il en était besoin, que vous menez une politique de gribouille à la tête du ministère de l’éducation nationale !
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Je ne sais si on devrait instaurer une note de courtoisie, mais je constate la façon dont vous traitez ces sujets et le mépris que vous affichez à la fois à l’égard du ministre et de l’ensemble de la communauté éducative, monsieur le député. Vous auriez dû observer que j’ai pris cette décision après un avis unanime du Conseil supérieur des programmes,…
…y compris des députés qui y siègent, et elle fait consensus au sein de la communauté éducative et chez les associations de parents d’élèves.
Si instituer une notation de plus qui n’ajoute rien à ce qu’il y a déjà dans le socle de compétences pouvait régler les problèmes de comportement de certains élèves, cela se serait vu. La note de vie scolaire n’a fait qu’introduire de la confusion dans l’évaluation sans améliorer en rien ni les comportements ni, bien entendu, le climat scolaire.
Mais cette question est fondamentale et doit être traitée de façon beaucoup plus volontaire. On a évoqué tout à l’heure l’éducation prioritaire, et je rappelle que nous avons créé 500 postes d’auxiliaires de prévention et de sécurité supplémentaires car il faut un encadrement, des personnels adultes dans les établissements. Or quand on supprime 80 000 postes, on se retrouve avec des établissements où la présence d’adultes est insuffisante pour faire respecter la règle et l’ordre.
Il s’agit pour les élèves de s’imposer certains comportements ; je pense à cet égard à l’instruction morale et civique, à la charte de la laïcité, bref, à tout un ensemble de mesures qui doivent permettre d’améliorer les comportements de certains – ils sont positifs chez la grande majorité des élèves.
Sachez bien que la décision que vous évoquez a été prise en harmonie totale avec tout le monde, y compris avec des députés de sensibilité différente.
Nous en venons à la dernière question du groupe écologiste.
La parole est à M. Paul Molac.
Monsieur le ministre, pour les filières bilingues français et langue régionale, la répartition des frais de scolarité entre la commune de résidence de l’élève et celle où il est scolarisé est un souci que nous n’arrivons pas à régler. Ces classes bilingues sont considérées par l’éducation nationale comme pouvant accueillir des enfants de communes différentes selon la demande des parents. Jusqu’en 2003, l’inscription dans de telles conditions était considérée par le ministère comme un cas dérogatoire – bien qu’il n’est jamais été mentionné comme tel dans le code de l’éducation. La commune de résidence était alors obligée de participer aux frais de scolarité. En cas de refus de celle-ci, le préfet intervenait. Cette tolérance permettait à tous les parents concernés d’inscrire leurs enfants en classe bilingue, et aux communes d’accueil, qui avaient fait l’effort d’en créer une, de percevoir des frais de scolarité supplémentaires.
En 2003, cette interprétation fut modifiée : les maires des communes de résidence ne furent plus tenus de participer aux frais de scolarité. Certains parents se sont alors vus opposer un refus d’inscription sous le prétexte que la commune où ils habitaient refusait de participer aux frais de scolarité. La jurisprudence oblige pourtant les maires à inscrire les enfants des autres communes s’il reste des places disponibles dans leur école.
Une telle situation est source de nombreux problèmes : elle limite l’accès aux classes bilingues, provoque des procédures judiciaires, induit des tensions entre les familles et les mairies ainsi qu’entre certaines communes et, enfin, elle fragilise les écoles qui doivent leur survie uniquement au fait qu’elles proposent une classe bilingue, et donc le budget des petites communes concernées. Nous souhaitons que la demande des parents soit reconnue et l’accès aux classes bilingues publiques sécurisé. Je rappelle qu’une telle possibilité a été inscrite en annexe de la loi de refondation de l’école. Monsieur le ministre, je vous demande par conséquent comment vous envisagez concrètement d’avancer sur le sujet.
Monsieur le député Molac, la loi de refondation de l’école de la République a conforté la place des langues et des cultures régionales dans le système éducatif en soulignant la valeur de ces langues, en en reconnaissant le caractère bénéfique et en encourageant la fréquentation d’oeuvres et de ressources pédagogiques ainsi que des activités éducatives et culturelles complémentaires. Nous avons aussi introduit, au terme de longs débats auquel vous avez participé, des dispositions nouvelles pour favoriser leur apprentissage, précisant que l’enseignement des langues et des cultures régionales sera favorisé en priorité dans les régions où elles sont en usage. La possibilité de recourir ponctuellement aux langues et aux cultures régionales dans leur enseignement, jusque-là réservé aux professeurs du primaire, a été étendue aux enseignants du second degré. Vous vous souvenez comme moi de ces débats et avez été pour beaucoup dans de telles avancées. Nous avons prévu un certain nombre de moyens à consacrer à ces mesures.
S’agissant de la question que vous soulevez, il est en effet indiqué dans le rapport annexe de la loi que nous souhaitons favoriser l’accès aux écoles enseignant une langue régionale et qu’à cette fin, les élèves résidant dans une commune dont aucune école ne propose un tel enseignement doivent avoir la possibilité d’être inscrit dans l’école d’une autre commune. Cela ne fait toutefois pas partie des dérogations justifiant l’inscription de l’élève dans une autre école que celle de son lieu de résidence et qui sont accordées automatiquement à chaque demande – les obligations professionnelles des parents, l’état de santé de l’enfant, l’inscription d’un frère ou d’une soeur. Mais je renouvelle le souhait que les mairies qui proposent un enseignement bilingue accueillent les enfants des communes qui n’en dispensent pas. Je ne peux en cette matière qu’inciter, mais je ne cesse de le faire.
Beaucoup s’expriment, dans cet hémicycle, pour demander qu’on accorde davantage de libertés aux collectivités locales, et je l’ai fait, en particulier à travers le décret qui concerne l’aménagement du temps scolaire ; mais quand il s’agit d’exercer ces libertés, curieusement on se heurte à certaines limites. Je demande aux uns et aux autres de bien vouloir prendre en compte l’esprit de la loi, précisé dans le rapport annexe : que vos communes accueillent en classe bilingue les enfants qui le souhaitent lorsqu’elles ont des places disponibles.
Nous en revenons au groupe socialiste, républicain et citoyen. La parole est à M. Michel Liebgott,
En tant que député lorrain, je tiens tout d’abord à me féliciter du ralentissement très net des suppressions de postes d’enseignant dans mon département. Ces dix dernières années, il avait connu un effondrement massif des effectifs. Nous en sommes aujourd’hui à une stabilisation, ce qui rend les choses beaucoup plus faciles dans les bassins industriels touchées par la crise – je ne pense pas seulement à Gandrange, à Hayange et à Florange, mais aussi à ma propre commune, classée en zone de sécurité prioritaire et dorénavant également en quartier prioritaire selon la nouvelle classification de la politique de la ville. Les déterminismes sociaux sont importants et il faut que l’école puisse apporter des correctifs.
Je veux aussi indiquer que la réforme des rythmes scolaires est un véritable succès dans ma commune. Il faut le dire car certains, ne l’ayant pas encore mise en oeuvre, pourraient douter de son efficacité. On constate que les enfants des quartiers populaires sont inscrits pour les activités périscolaires en aussi grand nombre que ceux des quartiers plus résidentiels et plus aisés. Cette mesure va donc profiter à l’ensemble des enfants, sans distinction.
Mais tout reste extrêmement fragile et il faut maintenir la pression, c’est-à-dire la politique en cours, et surtout mettre en cause toute initiative susceptible de déstabiliser les parents. Je veux parler de cette rumeur qui s’est propagée dans l’ensemble des réseaux sociaux, à savoir la prétendue mise en oeuvre de la théorie du genre, rumeur que vous avez évoquée cet après-midi, monsieur le ministre. Dans ces communes en difficulté des bassins industriels, particulièrement concernées par la politique de la ville, beaucoup d’enfants n’ont pas été à l’école lundi dernier. Il était donc important que vous remettiez ici à nouveau les choses à leur place. Il faut que nous soyons vigilants devant toutes les difficultés susceptibles d’être rencontrées, je pense par exemple aux remplacements de professeurs, qui doivent s’effectuer extrêmement rapidement. Rien ne peut être laissé au hasard lorsqu’il s’agit de l’éducation des enfants.
Monsieur le député Liebgott, il y a un paradoxe, vous l’avez noté, à souhaiter que l’école permette de meilleurs apprentissages tout en voulant y soustraire son enfant. On voit bien les intentions qui se cachent là derrière. Ce serait l’honneur de toute la représentation nationale, lorsque mon ministère a affaire à des attaques aussi dures, que de rappeler que l’école est obligatoire en France et que cette obligation s’impose aux parents. Devant les extrémistes qui sont à la manoeuvre, il faut s’unir pour affirmer que ces procédés sont inacceptables. Je n’ai pas eu l’occasion de préciser les choses à la séance des questions au Gouvernement, vous me la donnez. Je rends acte au président du groupe UMP d’avoir lui-même, dans l’après-midi, condamné ces comportements, mettant ainsi fin à l’interprétation qui avait été faite de ses propos ce matin, dans Le Parisien. Mais, dans le même temps, il demande à l’éducation nationale une clarification. Je vais donc la faire de nouveau.
À l’école de la République, on lutte contre toutes les inégalités, dont l’inégalité entre les filles et les garçons. Elle existe dans la société, mais aussi dans nos formations et dans les choix des filières. Jamais aucun professeur n’a pu imaginer nier cette différence alors même qu’il enseigne précisément le respect des différences, y compris cette différence fondamentale qu’est la distinction entre les filles et les garçons. Un certain nombre d’attaques à ce sujet, ces derniers jours, ont été d’autant plus blessantes pour les professeurs, et je les assure de ma totale solidarité. Si l’on enseigne l’égalité entre les filles et les garçons, c’est bien parce qu’ils ne sont pas identiques. Dans un État de droit, égalité ne signifie pas similitude ou homogénéité, mais justement égalité entre ceux qui sont différents, que ce soit par leurs opinions, leur histoire, leurs origines et bien entendu par leur sexe. L’égalité et le respect vont ensemble. C’est pourquoi l’enseignement sur un tel sujet est important. Mais il y a dans ce pays des gens qui sont contre l’égalité, contre l’émancipation des femmes et contre le respect. Tous les républicains doivent s’unir sur cette question car il ne faut pas sous-estimer ce qui s’est produit ces derniers jours et ce que certains cherchent à faire en associant, dans le même refus de nos valeurs républicaines, des gens dont les combats, s’ils étaient positifs, seraient pourtant très différents.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, l’éducation nationale est redevenue la première priorité politique de la nation, et nous nous en réjouissons. Après la loi sur la refondation de l’école et la réforme des rythmes scolaires, c’est aujourd’hui la rénovation de la politique d’éducation prioritaire qui est engagée, poursuivant ainsi l’objectif d’offrir partout sur le territoire la même chance de réussite à tous les enfants.
Il est un territoire dans lequel cette politique est très nécessaire et pourtant, il en a si longtemps été maintenu à l’écart ! À Mayotte, en 2012, seulement 65 % des enfants de trois ans sont scolarisés tandis qu’il n’est pas encore question d’en scolariser avant cet âge ; par ailleurs, 5,5 % des enfants entrent en CP sans préscolarisation. Au-delà des lacunes dans la maîtrise du français et de l’importance de l’illettrisme parmi la population, les évaluations spécifiques du niveau des élèves en CM2 ont montré, en 2011, des acquis insuffisants pour 57 % d’entre eux en français et 54 % en mathématiques, alors que les pourcentages sont respectivement de 7 % et de 10 % au niveau national. À Mayotte, 87 % d’une tranche d’âge accèdent au collège et seulement 49 % accèdent au baccalauréat.
Ces quelques indicateurs, que l’on pourrait multiplier, montrent à l’évidence que l’extension de la nouvelle politique d’éducation prioritaire dans ce département est la bienvenue.
Mais elle ne pourra être déployée sans mettre fin au déficit en ressources humaines à tous les niveaux dans le système éducatif du département et au déficit en salles de classe dans le primaire qui entrave aussi bien la scolarisation des enfants, notamment dans le pré-élémentaire, que le déploiement de la réforme des rythmes scolaires.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, comment peut-on améliorer la situation actuelle ?
Monsieur le député Aboubacar, la situation à Mayotte est pour nous un sujet de préoccupation aiguë. À ma demande, George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative, s’y rendra à la mi-février pour observer la mise en oeuvre de nos politiques.
Il s’agit de rendre Mayotte éligible aux dispositifs d’éducation prioritaire. Dès la rentrée 2014, dans le cadre de la préfiguration, le réseau de Dembeni deviendra ce que nous appelons maintenant REP plus, le plus doté des réseaux d’éducation prioritaire. Il s’agit ensuite d’avoir les ambitions et les exigences qui se rattachent à ces moyens. Dès 2015, nous allons étendre cette politique.
Trois chantiers essentiels ont été lancés depuis notre arrivée et vous les avez évoqués dans vos propos.
D’abord, la scolarisation en maternelle touche seulement 65 % des enfants et est liée à une insuffisance des locaux. Entre 2008 et 2012, seulement trente classes ont été ouvertes, un résultat très éloigné des programmes annoncés et des financements prévus par l’État. Une prise de conscience des autorités locales est nécessaire pour accompagner ces créations. Nous sommes et nous serons présents.
Ensuite, les rythmes scolaires doivent être normalisés très vite car les élèves qui subissent déjà nombre de difficultés sont privés de 40 % de temps d’apprentissage par rapport aux petits métropolitains du même âge.
Enfin, la formation des maîtres est la grande affaire, en dehors d’un plan général destiné à rendre la profession plus attractive. Elle a pris, je l’espère, une tout autre dimension depuis dix-huit mois et elle doit être poursuivie de façon intense avec l’école supérieure du professorat et de l’éducation de La Réunion.
Sachez, monsieur le député, que nous sommes totalement engagés à vos côtés. Nous veillerons à ce que cet effort se traduise sur le terrain et qu’il soit soutenu dans la durée.
Nous en revenons aux questions du groupe UMP. La parole est à M. Martial Saddier.
Monsieur le ministre, l’occasion m’est donnée de vous interroger sur le calendrier des vacances scolaires.
Je vais être courtois et commencer par vous remercier des avancées obtenues en ce qui concerne les vacances de Noël : elles ne commenceront pas en milieu de semaine comme initialement annoncé. C’était une demande du Conseil national de la montagne unanime dont le président Joël Giraud est ici présent. Lors de la dernière réunion, à laquelle j’avais participé, nous avions insisté sur ce point, tout comme l’Association nationale des élus de la montagne.
Malheureusement, l’arrêté du 21 janvier dernier entérine le calendrier des vacances scolaires jusqu’en 2017 alors qu’il a été rejeté en bloc par le Conseil supérieur de l’éducation. A priori, ce nouveau calendrier ne répond donc pas au bien-être des enfants.
Il n’est pas non plus favorable à l’économie des territoires de montagne et du littoral dont les principales ressources sont, il ne faut pas l’oublier, issues du tourisme. Ce secteur représente tout de même 7 % du PIB et fait de la France la première destination touristique au monde.
Contrairement à ce que vous nous avez soutenu, monsieur le ministre, la prise en compte de ces deux intérêts n’est absolument pas inconciliable.
Notons que les syndicats d’enseignants et fédérations des parents d’élèves jugent toujours que certaines périodes sont totalement déséquilibrées pour les élèves, loin de l’alternance de sept semaines de cours suivies de deux semaines de vacances.
Précisons aussi qu’au sein même du Conseil supérieur de l’éducation, certains syndicats d’enseignants ont clairement souligné les risques qui pèsent sur l’emploi dans les territoires de montagne pour justifier leur refus des calendriers proposés.
Vous le savez, monsieur le ministre, les professionnels du secteur du tourisme sont confrontés à une stagnation du marché, certaines petites stations enregistrant même une baisse de fréquentation. C’est donc tout un pan de l’économie qui est mis en danger et je ne reviens pas sur les arguments développés par certains de mes collègues à propos de la spécificité des zones d’activités saisonnières.
Au-delà de l’impact sur l’économie des territoires de montagne, ce nouveau calendrier entraîne des conséquences non négligeables pour les professionnels du littoral pour lesquels la saison débute début avril.
Monsieur le ministre, lorsque j’étais président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, les échanges avec le ministère étaient permanents.
Malgré les avancées récentes, que je salue une nouvelle fois, une nouvelle concertation est absolument indispensable. Est-il envisageable de rouvrir le débat sur les vacances de printemps ?
Vous avez annoncé une remise à plat de l’ensemble du dispositif. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le calendrier de nos futurs travaux ?
Monsieur le député, nous avons fait deux choses : nous avons modifié, à la demande de tous, cette bizarrerie que constituaient des vacances de Noël commençant au milieu de la semaine ; nous avons avancé d’une semaine le retour des vacances de printemps qui s’étendaient jusqu’au 15 mai dans une zone.
Nous devions concilier des exigences contradictoires. Ces calendriers de vacances allant jusqu’au 10 mai ont été établis par mon prédécesseur afin de répondre aux exigences de ceux qui considèrent que, dans cette affaire, ce sont les rythmes de l’enfant qui doivent prévaloir.
Les ministres de l’éducation nationale ont l’habitude de cheminer entre des intérêts contradictoires qu’ils ne peuvent concilier et de voir le Conseil supérieur de l’éducation voter à l’unanimité contre tous les calendriers scolaires proposés.
Cependant, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. Ce n’est pas possible pour les raisons économiques que vous donnez et qui méritent d’être respectées. Nous céderions à des lobbys, selon certains. Non, car il n’y a pas de raison de considérer que nous ne devons pas prendre en compte la spécificité de certains territoires et activités économiques. Il n’y a rien d’illégitime à le faire.
En même temps, nous devons répondre à notre préoccupation de mieux organiser le temps scolaire.
Nous débattons ce soir de façon apaisée mais j’entends souvent certains adopter un ton polémique dans cet hémicycle pour dire que nous aurions dû réformer l’année scolaire. Au début de la concertation sur la réforme du temps scolaire, je l’avais évidemment proposé mais tout le monde s’était immédiatement défilé.
Cela étant, quand nous aurons fait le constat que nous sommes déjà capables de changer le rythme de la journée et de la semaine, je crois qu’il faudra rouvrir le débat sur le calendrier annuel.
Avec la demi-journée, nous avons déjà gagné quarante jours sur l’année par rapport au modèle européen : nous passons de 144 à 185 jours de classe. Cependant le rythme – sept semaines de classe suivies de deux semaines de vacances – et l’organisation générale ne conviennent pas.
Il faut mener une réflexion approfondie sur la possibilité d’introduire un zonage moins traditionnel, qui concernerait d’autres vacances. Comme je l’ai dit aux uns et aux autres, je suis prêt à ouvrir ce débat dès 2015.
C’est une contrainte de fixer les calendriers pour trois ans mais, si nous trouvons un accord, nous pouvons les modifier immédiatement par une simple décision. Il s’agit vraiment de mener une concertation au fond et d’accorder ensuite les discours et les actes. Pour ma part, j’y suis favorable.
Monsieur le ministre, j’aurais pu revenir sur la réforme des rythmes scolaires qui n’en finit pas de poser des problèmes aux collectivités locales : organisation des temps d’activités péri-éducatives, lutte contre la fatigue, financement, application aux établissements de l’enseignement privé. Autant de questions qui font l’objet d’un débat animé dans notre pays et suscitent souvent le dépit des maires de France.
Pour ma part, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes liés à l’enseignement de l’histoire dans nos écoles.
Depuis de nombreuses années, la place de cette matière dans le cursus scolaire diminue. Mais le problème ne tient pas seulement au nombre d’heures de cours, l’orientation des programmes est aussi en cause.
L’histoire scolaire, de Jules Ferry jusqu’aux années 1960, était dominée par le roman national républicain qui racontait une histoire de la France et de ses grands personnages, de Vercingétorix à Clemenceau. Ce récit conserve toute sa validité historique. Il met en lumière les continuités qui caractérisent la France, communauté réunie autour d’un État monarchique puis républicain.
Les programmes scolaires actuels font place au matérialisme historique, aux thèmes transversaux comme « la condition ouvrière au XIXe siècle » et minimisent le rôle des grands personnages de notre histoire.
La disparition de dates et de périodes capitales aboutit également à une histoire lacunaire qui rend beaucoup plus difficile l’assimilation par les élèves de la chronologie.
C’est en apprenant d’abord l’histoire de France que l’on accède à l’histoire des autres. François Mitterrand n’affirmait-il pas en 1982 : « Un peuple qui n’enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité » ?
Monsieur le ministre, une immense majorité de Français, au-delà des clivages droite-gauche, aime l’histoire et particulièrement celle de notre pays.
L’école doit d’abord être le lieu de formation des futurs citoyens français, quelles que soient leurs origines, dans une vision commune de la France. Elle est une garantie d’intégration car elle est un moyen d’accéder aux modes de compréhension de notre société.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quel type d’enseignement de l’histoire comptez-vous promouvoir ?
Dans ce beau roman national que vous évoquez, l’histoire et les historiens ont joué un rôle essentiel, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à votre collègue Lionnel Luca lors d’une séance de questions au gouvernement. Nous partageons cette vision.
Ce roman national nous impose une exigence intellectuelle, au premier chef sur ce point très important : ce n’est pas le ministre de l’éducation nationale qui doit écrire les programmes d’histoire.
Sinon, je concevrais parfaitement que M. Breton, vous-même ou d’autres, Mme Buffet peut-être, se lèvent pour me reprocher d’orienter l’histoire et d’en donner une vision socialiste. Vous auriez raison.
Il m’a semblé qu’il fallait créer une instance indépendante, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays, un Conseil supérieur des programmes. Y siègent des parlementaires de la majorité et de l’opposition, des membres du Conseil économique, social et environnemental qui représentent la société car c’est bien de la nation dont il s’agit, des universitaires et des personnalités indépendantes. On y débat de ces questions avec les groupes d’experts.
J’ai donc saisi Alain Boissinot, le recteur qui le préside, de la nécessité de revoir l’ensemble de nos programmes de telle sorte qu’ils soient les meilleurs possible pour les élèves et surtout pour les soustraire à toutes ces polémiques qui n’aident pas l’école à avancer.
Je l’ai encore vu hier. Pendant qu’à l’extérieur des gens totalement ignorants de ce qui se fait dans l’école de la République se plaignaient que l’on n’y enseigne pas ceci ou cela, je constatais partout, et souvent avec l’appui des collectivités locales, un formidable travail de mémoire.
Il s’effectue bien entendu à partir des événements tragiques de la Shoah mais aussi des grands exemples que vous souhaitez, tels que l’historien Marc Bloch et des Français qui, quelles qu’aient été leurs opinions politiques ou religieuses, ont été capables de protéger des enfants juifs et de résister face à la barbarie nazie.
Cela s’enseigne dans toutes les écoles de France et, à ce moment-là, nous sommes très loin de vilaines polémiques que certains adultes veulent continuer d’entretenir.
C’est donc bien notre idée. Le Conseil supérieur des programmes est saisi. Je souhaite que, cette fois, nous soyons capables de transmettre aux enfants une histoire apaisée et valorisante.
Nous en revenons aux questions du groupe SRC. La parole est à M. Christophe Léonard.
Monsieur le ministre, le Président de la République a fait de la jeunesse la priorité de son mandat.
De fait, après cinq ans d’une politique idéologique et systématique de dégradation du service public de l’éducation, symbolisée par l’effondrement de la France entre 2003 et 2012 dans le classement du programme international pour le suivi des acquis des élèves – dit PISA – conduit par l’OCDE, il était urgent de reconstruire.
Indiscutablement, avec la création de 60 000 postes sur la durée du quinquennat, le recrutement d’emplois d’avenir dans l’éducation, la mise en place d’outils de lutte contre le décrochage, la réforme des rythmes scolaires ou encore la refondation de l’éducation prioritaire, le changement de cap est perceptible.
Cependant, élu du territoire de la pointe des Ardennes pour lequel l’école est le dernier rempart face à la crise économique, je constate paradoxalement que mes concitoyens ont une perception floue de votre politique ministérielle ambitieuse.
Pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand les communes ignorent comment elles paieront les activités périscolaires sur le long terme sans l’accompagnement financier pérenne de l’État ? Quand cinq établissements scolaires victimes d’un détournement de 500 000 euros par une fonctionnaire comptable sont laissés au bord de l’asphyxie ? Quand les acteurs locaux, y compris les entreprises, porteurs depuis plus de seize mois d’un projet partagé d’offres de formation, se heurtent au mur du silence ? Quand la rationalisation budgétaire entre établissements tient lieu de boussole éducative, quand, enfin, la création d’un pôle langues territorial, pourtant validée au plus haut niveau, fait figure d’épouvantail ?
C’est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles sont les mesures concrètes d’évaluation dont vous envisagez la mise en oeuvre pour vous assurer de la parfaite application de vos directives sur l’ensemble du territoire national.
Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que des changements importants se sont produits dans votre académie. À la rentrée 2011, 131 postes ont été supprimés, à la rentrée 2012, 153 l’ont été. En 2013, il y a eu dix créations de postes et trois sont prévues en 2014, alors que les effectifs scolarisés continuent de baisser. Comme vous le voyez, la rationalisation budgétaire ne nous tient pas lieu de boussole éducative.
Nous avons aussi la volonté d’accompagner – vous l’avez entendu cet après-midi, c’est une réalité – les territoires ruraux qui subissent des baisses démographiques ou des situations particulières. Mais il faut être capable, alors, d’entrer dans des logiques contractuelles qui marquent aussi des évolutions. Les cartes scolaires doivent pouvoir être modifiées et l’éducation nationale peut assurer le maintien des postes, même quand il y a baisse démographique – dans votre cas, il y a même création de postes –, à condition que des objectifs pédagogiques de réussite des élèves soient poursuivis par les uns et par les autres.
Cette condition est tout à fait déterminante. Il ne s’agit pas, en effet, d’entrer simplement dans une logique de moyens, de considérer qu’il en faut toujours plus et que cela réglera tous les problèmes.
L’ensemble de nos services est mobilisé. Vous avez eu l’occasion de participer à une séance de travail avec mon cabinet. Les inspections générales doivent rendre un rapport sur la situation dans votre département, et l’objectif de l’administration de l’éducation nationale est de mener le dialogue avec les élus et de permettre la réussite de tous les élèves.
Je voudrais conclure en évoquant les inquiétudes des communes à l’égard de la réforme des rythmes scolaires. Pour la première fois dans notre histoire, les communes sont accompagnées pour financer le péri-éducatif. C’est une grande mesure de gauche.
Le député Liebgott l’a rappelé, cela permet de multiplier par quatre le nombre d’enfants qui pourront, dans notre pays, bénéficier d’activités périscolaires. C’est une oeuvre d’éducation, mais aussi de justice.
Nous en revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, dernier orateur inscrit.
Monsieur le ministre, je voudrais aborder deux sujets différents.
Élu d’un territoire rural, la Mayenne, je tiens à souligner l’importance du rôle des Maisons familiales rurales. Ces maisons accueillent un nombre important d’élèves en formation scolaire par alternance, formations de qualité qui leur assurent un débouché presque certain : elles correspondent en effet aux besoins d’emploi locaux et consistent en une formation concrète qui répond à l’attente de beaucoup de jeunes.
Monsieur le ministre, je souhaite que l’éducation nationale fasse mieux connaître cet enseignement agricole et que l’orientation scolaire lui consacre la place qui devrait lui revenir.
Mon second sujet de préoccupation est l’éducation que vous réservez à nos enfants.
Avec votre collègue ministre des droits des femmes, vous avez lancé un programme « ABCD de l’égalité », qui sera expérimenté à compter de la rentrée prochaine dans cinq académies, puis généralisé à la rentrée 2014. Or sous couvert d’égalité, que faites-vous entrer dans nos écoles primaires ? Ni plus ni moins que la théorie du genre. Cette intention est officielle, car il est clairement dit qu’il faut faire prendre conscience de la force des stéréotypes liés au genre.
Que l’on agisse pour que les formations et les métiers soient choisis par les deux sexes, d’accord. Mais vous allez beaucoup plus loin. Vous voulez gommer les différences qui font un homme et une femme.
Vous voulez marteler à nos enfants qu’ils sont tous égaux. Mais la nature est là, vous ne pouvez la nier.
Il faut donc apprendre à nos enfants la tolérance et le respect de la différence, au lieu de la nier. Le formatage que vous voulez leur imposer nous interpelle. Beaucoup de parents s’inquiètent de l’avenir que vous réservez à leurs enfants.
Monsieur le député, vous avez posé deux questions. La première porte sur l’une sur les Maisons familiales rurales, qui dépendent du ministère de l’agriculture, lequel bénéficie lui-même d’un nombre de postes supplémentaires. Tout le monde convient qu’elles font un travail important et intéressant, et tous ceux qui ont été élus d’une circonscription rurale – cela a été mon cas autrefois – le connaissent et l’apprécient.
Le salon de l’agriculture, sera justement consacré cette année à l’éducation dans le monde agricole ; j’y serai avec le Président de la République et le ministre de l’agriculture. Les maisons familiales rurales offrent un modèle dont nous pouvons nous inspirer, et cela me permet de rendre hommage à Michel Rocard, qui nous a laissé une grande loi sur l’enseignement agricole.
Quant au second propos que vous avez tenu, je vous en laisse la responsabilité. J’ai évoqué tout à l’heure ceux qui prospèrent en entretenant la confusion et la peur. Ce n’est pas l’objet des ABCD de l’égalité. Si nous reconnaissons la différence biologique, nous voulons tout de même qu’il y ait égalité entre les femmes et les hommes au sein de la société, en particulier dans le choix des métiers, comme vous l’avez dit, et dans la compréhension d’un certain nombre d’attitudes sociales.
C’est la marque d’un grand progrès historique. On peut mesurer le progrès des sociétés à leur capacité de considérer qu’il y a égalité entre les hommes et les femmes : égalité politique, civile, intellectuelle, éducative. Nous continuons d’avancer sur ce sujet. Je ne crois pas que cela doive faire l’objet d’une polémique. S’agissant de la théorie du genre, sa portée est bien plus étroite et je condamne les théoriciens extrémistes qui vont jusqu’à nier ces différences biologiques.
Nous ne laisserons pas la théorie du genre entrer dans l’éducation nationale, mais nous continuerons à lutter contre les inégalités et contre les stéréotypes.
Chers collègues, je vous remercie, ainsi que M. le ministre, pour la concision de vos questions et de vos réponses.
La séance de questions à un ministre est terminée.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Débat sur l’évaluation de la loi du 14 juin 2013 et ses effets sur la sécurisation de l’emploi, en salle Lamartine.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron